Conseil constitutionnel, décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social

  • Gouvernement·
  • Constitution·
  • Transfert·
  • Entreprise·
  • Secteur public·
  • Secteur privé·
  • Sénateur·
  • Député·
  • Habilitation·
  • Auteur

Commentaires sur cette affaire

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. En savoir plus

Sur la décision

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, d’une part, le 3 juin 1986, par MM Pierre Joxe, Dominique Strauss-Kahn, Guy Malandain, Jacques Fleury, Joseph Gourmelon, André Labarrère, Jean-Claude Portheault, Michel Rocard, Mme Georgina Dufoix, MM Paul Quilès, Emile Zuccarelli, André Laignel, Mme Paulette Nevoux, MM Laurent Cathala, Mme Ghislaine Toutain, MM Michel Pezet, Jacques Guyard, Noël Ravassard, Roger-Gérard Schwartzenberg, Christian Laurissergues, Jean-Claude Chupin, Roland Dumas, Jacques Badet, Jean-Claude Dessein, Jean-Pierre Fourré, Jean Lacombe, Michel Charzat, André Billardon, Marcel Wacheux, Mme Yvette Roudy, MM Michel Margnes, Bernard Derosier, Pierre Bérégovoy, Henri Fiszbin, Jean-Jacques Leonetti, Maurice Janetti, Charles Josselin, Jacques Siffre, Jean-Pierre Pénicaut, Jean Le Garrec, Louis Le Pensec, Jean-Michel Boucheron (Ille-et-Vilaine), Gérard Collomb, Jean-Pierre Worms, François Patriat, Jean-Michel Boucheron (Charente), Jean-Pierre Chevènement, Martin Malvy, Philippe Puaud, Mme Marie Jacq, MM Jean-Pierre Sueur, Henri Prat, Bernard Bardin, Philippe Bassinet, Michel Cartelet, Olivier Stirn, René Drouin, Jean Proveux, André Ledran, Roland Carraz, Claude Germon, Paul Dhaille, Gérard Bapt, Mme Véronique Neiertz, MM Guy Vadepied, Alex Raymond, Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Cassaing, Pierre Métais, Alain Vivien, Alain Barrau, Henri Nallet, Jean Auroux, Robert Le Foll, Michel Delebarre, Jacques Mahéas, Alain Brune, Jack Lang, Mme Martine Frachon, MM Louis Mermaz, Georges Sarre, Jean Giovannelli, Georges Le Baill, Jean Beaufils, Mmes Gisèle Stiévenard, Odile Sicard, MM André Lejeune, Bernard Schreiner, Michel Coffineau, Jean Laurain, Gilbert Bonnemaison, Jean-Pierre Destrade, députés,
et, d’autre part, le 4 juin 1986, par MM André Méric, Fernand Tardy, Roland Courteau, Félix Ciccolini, William Chervy, Bernard Desbrière, Pierre Bastié, André Rouvière, Gérard Delfau, Marcel Vidal, Philippe Madrelle, Jean-Pierre Masseret, Georges Dagonia, Marcel Costes, Franck Sérusclat, François Autain, Pierre Matraja, Roland Grimaldi, Jacques Bialski, Bastien Leccia, Jules Faigt, Robert Pontillon, Mme Irma Rapuzzi, MM Robert Guillaume, Henri Duffaut, Jacques Durand, Jean-Pierre Bayle, André Delelis, Louis Longequeue, Michel Darras, Jean Geoffroy, Mme Geneviève Le Bellegou-Béguin, MM Charles Bonifay, Guy Allouche, Michel Charasse, Michel Moreigne, Gérard Roujas, Germain Authié, Robert Laucournet, Tony Larue, Louis Perrein, Bernard Parmantier, Lucien Delmas, Marc Boeuf, Jacques Carat, Albert Ramassamy, Noël Berrier, Gérard Gaud, Roger Rinchet, Philippe Labeyrie, Michel Dreyfus-Schmidt, Marcel Debarge, Marcel Bony, Robert Schwint, Mme Cécile Goldet, MM Pierre Régnault, Jean Peyrafitte, Léon Eeckhoutte, Claude Fuzier, Edouard Soldani, Maurice Pic, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social.

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social ;
Vu l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, soumise à l’examen du Conseil constitutionnel tend, en ce qui concerne la plupart de ses dispositions, à permettre au Gouvernement de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ; qu’elle fait référence à l’article 38 de la Constitution ;
2. Considérant que l’article 38 de la Constitution dispose : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre, par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.- Les ordonnances sont prises en Conseil des Ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation.- A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. » ;
3. Considérant que la Constitution ne soumet le recours à cette procédure à aucune autre condition que celles énoncées à l’article 38 précité et à l’article 13 aux termes duquel « le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des Ministres » ;
4. Considérant que les députés et les sénateurs auteurs de l’une et l’autre saisines contestent la conformité à la Constitution de la loi qu’ils défèrent au Conseil constitutionnel ; que leur contestation porte à la fois sur la procédure selon laquelle la loi a été votée et sur le fond des dispositions qu’elle porte ;
- SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :
. En ce qui concerne l’absence de consultation du Conseil économique et social :
5. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel constitue une loi de programme à caractère économique et social ; qu’il s’ensuit que son adoption par le Parlement aurait dû être précédée, par application de l’article 70 de la Constitution, de la consultation du Conseil économique et social ;
6. Considérant qu’en vertu de l’article 70 de la Constitution « Tout plan ou tout projet de loi de programme à caractère économique ou social » est soumis pour avis au Conseil économique et social ; que l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social précise, dans son deuxième alinéa, que ce Conseil « est obligatoirement saisi pour avis des projets de loi de programme ou de plans à caractère économique ou social, à l’exception des lois de finances » et, dans son quatrième alinéa, qu’il peut « être consulté sur tout problème de caractère économique ou social intéressant la République » ; qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution « Des lois de programme déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État » ; que le dernier alinéa de l’article premier de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose que : « Les plans approuvés par le Parlement, définissant des objectifs à long terme, ne peuvent donner lieu à des engagements de l’État que dans les limites déterminées par des autorisations de programme votées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. Les autorisations de programme peuvent être groupées dans des lois dites »lois de programme"" ;
7. Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour l’application de l’article 70 de la Constitution, on doit entendre par « loi de programme à caractère économique ou social », une loi qui, non seulement définit des objectifs à moyen ou long terme en matière économique et sociale, mais comporte, en outre, des prévisions de dépenses chiffrées pour la réalisation de ces objectifs ;
8. Considérant que, si la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel se réfère à certains objectifs de caractère économique et social proposés par le Gouvernement, elle ne comporte aucune prévision de dépenses chiffrées ; qu’ainsi le vote de ladite loi ne devait pas être obligatoirement précédé de la consultation du Conseil économique et social, même s’il eût été loisible au Gouvernement, en application du quatrième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1360, de procéder à la consultation de cet organisme ;
. En ce qui concerne les conditions dans lesquelles la loi a été examinée par l’Assemblée nationale et par le Sénat :
9. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine, soutiennent que la procédure législative ayant abouti au vote de la loi présentement examinée n’a respecté ni la lettre ni l’esprit des articles 41 à 45 de la Constitution et particulièrement de l’alinéa premier de l’article 45 aux termes duquel : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique » ;
10. Considérant qu’au soutien de ce grief les sénateurs font valoir que, en fait, la loi a été examinée simultanément par les deux assemblées ; qu’en effet, il résulte des travaux préparatoires de la loi et notamment des déclarations du Gouvernement que, dès le dépôt du projet de loi et alors que celui-ci était encore en cours de première lecture devant l’Assemblée nationale, les commissions intéressées du Sénat avaient déjà désigné « officieusement » leurs rapporteurs ; que, dans le même temps, les diverses commissions intéressées ont tenu des séances consacrées à l’examen du projet de loi et ont entendu divers membres du Gouvernement ; que l’objet de ces réunions et de ces auditions était d’obtenir par avance du Gouvernement au cours même de la discussion devant l’Assemblée nationale des amendements au projet de loi conformes aux voeux de la majorité des sénateurs, de telle sorte que le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale puisse être voté tel quel par le Sénat et que soit évitée une navette entre les assemblées ;
11. Considérant qu’indépendamment des discussions ou consultations auxquelles le projet de loi a donné lieu avant sa transmission au Sénat, il ressort de l’examen de la procédure législative que le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture a été transmis au Sénat puis a été débattu par celui-ci au cours de huit séances ; que plusieurs centaines d’amendements ont été déposés et discutés ; qu’ainsi, les prescriptions des articles 41 à 45 de la Constitution n’ont pas été méconnues ;
. En ce qui concerne l’ensemble de la procédure législative :
12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel n’a pas été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution ;
- SUR LE FOND :
13. Considérant que, s’il est spécifié à l’alinéa 1er de l’article 38 de la Constitution précité que c’est pour l’exécution de son programme que le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement l’autorisation de prendre, par voie d’ordonnances pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement quelle est la finalité des mesures qu’il se propose de prendre et leurs domaines d’intervention ;
14. Considérant que les dispositions d’une loi d’habilitation ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l’article 38 de la Constitution, du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle ;
15. Considérant qu’il appartient au Conseil constitutionnel, d’une part, de vérifier que la loi d’habilitation ne comporte aucune disposition qui permettrait de méconnaître ces règles et principes, d’autre part, de n’admettre la conformité à la Constitution de la loi d’habilitation que sous l’expresse condition qu’elle soit interprétée et appliquée dans le strict respect de la Constitution ;
16. Considérant que les auteurs de l’une et de l’autre saisine élèvent des griefs d’inconstitutionnalité à l’encontre de chacun des articles 1 à 7 de la loi ;
. En ce qui concerne l’article 1er de la loi :
17. Considérant que l’article 1er de la loi est ainsi conçu : « Pour assurer aux entreprises une plus grande liberté de gestion et définir un nouveau droit de la concurrence, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi et dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à modifier ou abroger certaines dispositions de la législation économique relatives aux prix et à la concurrence, notamment celles des ordonnances n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix et n° 45-1484 du 30 juin 1945 relative à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique.- Dans la définition du nouveau droit de la concurrence, il assortit de garanties au profit des agents économiques l’exercice des compétences dont dispose l’autorité publique et assure le caractère contradictoire des procédures » ;
18. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir, en premier lieu, au soutien du grief d’inconstitutionnalité invoqué contre ces dispositions que la finalité des mesures que le Gouvernement se propose de prendre est définie de manière manifestement imprécise ; qu’il n’est même pas établi que le Gouvernement la connaisse lui-même comme en témoigne le fait qu’au cours de la discussion parlementaire il a déclaré qu’un haut fonctionnaire serait chargé d’élaborer des propositions tendant à définir un nouveau droit de la concurrence ;
19. Considérant qu’en second lieu les députés auteurs de la première saisine font valoir que l’abrogation, annoncée par le Gouvernement dans la discussion parlementaire, des ordonnances du 30 juin 1945 aurait pour effet, en cas de crise économique ou financière, de priver le Gouvernement de tout moyen d’action immédiat sur les prix ; qu’ainsi la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel permet la suppression d’une garantie correspondant au respect d’exigences constitutionnelles telles que l’égalité et la solidarité des Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ou la continuité de la vie nationale ;
20. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine formulent en substance des critiques analogues en insistant sur le caractère imprécis des termes prétendant définir les finalités de l’habilitation et le domaine ainsi ouvert aux ordonnances ;
. Quant au grief tiré du défaut de précision des termes de l’habilitation :
21. Considérant que, si le Gouvernement doit définir avec précision les finalités de l’habilitation qu’il demande en vue de la réalisation de son programme, il n’est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu’il prendra en vertu de cette habilitation et qu’il ne lui est pas interdit de faire dépendre cette teneur des résultats de travaux et d’études dont il ne connaîtra que plus tard les conclusions ;
22. Considérant que, si l’article 1er de la loi assigne comme finalité aux ordonnances qu’il autorise le Gouvernement à prendre la définition d’un nouveau droit de la concurrence et la recherche d’une plus grande liberté de gestion aux entreprises, il n’autorise pas pour autant le Gouvernement à modifier ou à abroger l’ensemble des règles de droit civil, commercial, pénal, administratif ou social intéressant la vie économique ; qu’il résulte de ses termes, éclairés par les travaux préparatoires et, notamment, par les déclarations du Gouvernement devant le Parlement, que l’habilitation demandée vise la modification ou l’abrogation des dispositions spécifiques de la législation économique relatives au contrôle des concentrations, à la concurrence et aux prix ainsi qu’à la répression des infractions économiques contenues dans les ordonnances du 30 juin 1945, dans la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 et dans les dispositions législatives particulières sur les prix ; que dans ces limites, l’habilitation accordée par l’article 1er n’est pas contraire aux termes de l’article 38 de la Constitution
23. Considérant que la précision apportée par l’alinéa 2 de l’article 1er sur les garanties au profit des agents économiques et sur le caractère contradictoire des procédures ne saurait être entendue comme excluant les autres garanties résultant des principes et règles de valeur constitutionnelle et en particulier celles relatives au contrôle juridictionnel et aux droits de la défense ; qu’elle ne saurait davantage être comprise comme excluant des garanties les personnes physiques ou morales n’ayant pas la qualité d’agents économiques ;
24. Considérant de même que les ordonnances ne sauraient être contraires, en méconnaissance de l’article 55 de la Constitution, aux obligations internationales de la France ;
. Quant à la constitutionnalité de l’abrogation éventuelle des ordonnances du 30 juin 1945 relatives aux prix :
25. Considérant qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’exige que le législateur édicte des textes de portée permanente conférant au Gouvernement des pouvoirs particuliers en cas de circonstances éventuelles ; que, d’ailleurs, l’article 1er de la loi, s’il autorise la modification ou l’abrogation des ordonnances du 30 juin 1945 relatives aux prix, ne permet pas que soient modifiés ou abrogés les règles ou les principes actuellement en vigueur donnant compétence au Gouvernement ou aux agents de l’autorité publique en cas de crise, de circonstances exceptionnelles ou de calamité nationale ;
. Quant à l’ensemble de l’article 1er :
26. Considérant que, dans les limites et sous la réserve de l’interprétation qui viennent d’être énoncées, l’article 1er de la loi n’est pas contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne l’article 2 de la loi :
27. Considérant que l’article 2 de la loi dispose : "Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans les conditions indiquées à l’article 1er de la présente loi, les mesures nécessaires au développement de l’emploi. A cet effet, le Gouvernement peut : – 1° Prendre toutes dispositions, notamment d’exonération de charges sociales, confortant l’emploi des jeunes de seize à vingt-cinq ans et favorisant leur embauche, en utilisant les dispositifs de formations professionnelles en alternance et tout autre dispositif existant ou à créer en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes. Les exonérations de charges sociales constituant une mesure d’incitation générale à l’embauche pourront concerner les embauches intervenues à compter du 1er mai 1986.- La limite d’âge prévue à l’alinéa précédent est augmentée d’un an par enfant né vivant avant que leur mère ait atteint l’âge de vingt-cinq ans.- 2° Apporter aux dispositions des titres Ier et IIIe du livre IIIe du code du travail les modifications propres à améliorer le placement des demandeurs d’emploi ; – 3° Apporter aux dispositions du code du travail les modifications permettant, d’une part, de lever certains obstacles au recours au contrat de travail à durée déterminée et au travail temporaire et, d’autre part, de favoriser l’exercice du travail à temps partiel ; – 4° Apporter aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et à l’aménagement du temps de travail les modifications permettant, compte tenu des négociations entre les partenaires sociaux, d’adapter les conditions de fonctionnement des entreprises aux variations de leur niveau d’activité et aux conditions économiques générales ;- 5° En vue d’inciter à la création d’emplois, consentir, pour une période limitée, aux entreprises situées dans certaines zones où la situation de l’emploi est particulièrement grave, des exonérations ou des réductions d’impôts d’État ou de cotisations sociales, ou encore, modifier, pour une période limitée, les règles d’assiette des impôts d’État auxquels ces entreprises sont assujetties." ;
. Quant au grief tiré du défaut de précision de l’habilitation :
28. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que la généralité et l’imprécision des dispositions précitées sont de nature à faire douter de leur conformité aux exigences de l’article 38 de la Constitution ; que les sénateurs auteurs de l’autre saisine relèvent le caractère indéterminé qui s’attache à nombre de termes du texte tels que « modifications propres à améliorer le placement des demandeurs d’emploi », « certains obstacles », « certaines zones », « période limitée » ;
29. Considérant que ces critiques ne sauraient être accueillies ; qu’en effet, la finalité de l’autorisation accordée au Gouvernement par l’article 2 et le domaine dans lequel les ordonnances pourront intervenir sont définis avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 38 de la Constitution ;
. Quant au grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité: :
30. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent divers chefs de violation du principe d’égalité, notamment en ce que l’article 2 avantage, selon un critère tiré de l’âge, certains travailleurs par rapport aux autres, certaines entreprises employant de jeunes travailleurs par rapport à celles employant des travailleurs plus âgés ; que l’égalité est également méconnue du fait de la discrimination entre les diverses zones d’emploi ;
31. Considérant qu’aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ; que le législateur pouvait donc, en vue d’améliorer l’emploi des jeunes, autoriser des mesures propres à cette catégorie de travailleurs ; que les différences de traitement qui peuvent résulter de ces mesures entre catégories de travailleurs ou catégories d’entreprises répondent à une fin d’intérêt général qu’il appartenait au législateur d’apprécier et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution ;
32. Considérant que, d’ailleurs, les dispositions de l’article 2 n’autorisent ni la méconnaissance du droit au travail ni celle des obligations internationales de la France ;
33. Considérant que, pareillement, les sénateurs auteurs de la seconde saisine critiquent les dispositions du dernier alinéa du 1° de l’article 2 de la loi ; qu’en effet, selon eux, en réservant le bénéfice du report de limite d’âge aux mères d’enfants nés vivants, ces dispositions frapperaient d’une discrimination injustifiée les mères d’enfants morts-nés ;
34. Considérant qu’en réservant le bénéfice du report de la limite d’âge aux mères d’enfants nés vivants, le législateur ne s’est pas fondé sur une appréciation discriminatoire de la situation des mères intéressées mais sur la nécessité de définir de façon claire et objective le critère auquel est attaché le report de la limite d’âge ; qu’ainsi le principe d’égalité n’a pas été méconnu ;
. Quant au grief tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité :
35. Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 qu’en matière répressive ; que, dès lors, les dispositions du 1° de l’article 2, qui permettent d’attacher une portée rétroactive aux exonérations de charges sociales autorisées par la loi, ne sont pas contraires à la Constitution ;
. Quant au grief tiré de la violation de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances :
36. Considérant qu’il est fait grief à l’article 2 de la loi d’avoir méconnu les dispositions du quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-2 aux termes duquel « lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n’ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance » ; qu’en effet, les charges qui découleront nécessairement de l’application de la loi n’ont fait l’objet, avant le vote de celle-ci, d’aucune prévision, évaluation ou autorisation ;
37. Considérant que la prohibition portée par le quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-2 est limitée aux mesures législatives ou réglementaires qui, lors de leur application, auraient pour conséquence de compromettre l’équilibre financier par des charges nouvelles dont l’incidence n’aurait pu, au préalable, être appréciée et prise en compte dans une loi de finances ;
38. Considérant que les charges financières éventuelles que pourront entraîner les mesures prises en vertu de l’article 2 de la loi ne naîtront de ces mesures que lorsqu’elles seront appliquées ; qu’il y aura certes lieu, avant qu’elles n’entrent en vigueur, de faire application de la règle susmentionnée posée par le quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-2, mais qu’en revanche la loi d’habilitation elle-même peut autoriser le Gouvernement à prendre de telles mesures sans que les charges qui, éventuellement, découleront de celles-ci soient dès maintenant prévues, évaluées et autorisées ;
. Quant à l’ensemble de l’article 2 :
39. Considérant qu’ainsi les dispositions de l’article 2 ne sont pas contraires à la Constitution ;
. En ce qui concerne l’article 3 :
40. Considérant que l’article 3 de la loi dispose : "Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans les conditions indiquées à l’article 1er de la présente loi, les mesures nécessaires au développement de la participation des salariés à l’entreprise.- A cet effet, le Gouvernement peut :- 1° Modifier les dispositions du code du travail et du code général des impôts relatives à l’intéressement, à la participation et à l’actionnariat des salariés en vue de favoriser la participation de ceux-ci au capital et aux résultats de l’entreprise ;- 2° Modifier la législation sur les sociétés commerciales afin d’offrir aux sociétés anonymes la faculté d’introduire dans leurs statuts des dispositions prévoyant que des représentants du personnel salarié siégeront avec voix délibérative au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance" ;
. Quant au grief tiré du défaut de précision de l’habilitation :
41. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que la généralité et l’imprécision des dispositions précitées sont de nature à faire douter de leur conformité aux exigences de l’article 38 de la Constitution ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine formulent une critique analogue en relevant en particulier l’impropriété des termes : « la participation des salariés à l’entreprise »
42. Considérant que ces critiques ne sauraient être accueillies ; qu’en effet, la finalité de l’autorisation accordée au Gouvernement par l’article 3 de la loi et le domaine dans lequel les ordonnances pourront intervenir sont définis avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 38 de la Constitution ;
. Quant au grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité :
43. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font valoir qu’en autorisant que des avantages soient accordés aux salariés de certaines entreprises sans être accordés aux salariés de toutes les entreprises, l’article 3 de la loi méconnaît le principe d’égalité ; que ce principe est également méconnu du fait que les avantages des mesures favorisant la participation des salariés aux résultats des entreprises seront inégaux et variables d’entreprise à entreprise ;
44. Considérant que, d’une part, si le 2° de l’article 3 de la loi prévoit que la législation sur les sociétés anonymes pourra être modifiée en vue de permettre éventuellement à des représentants des salariés de siéger avec voix délibérative au sein du conseil d’administration ou au sein du conseil de surveillance et si des dispositions analogues ne sont pas prévues pour les sociétés d’une autre forme ou pour les entreprises individuelles, cette différence de traitement qui se justifie par les différences de régime juridique des entreprises n’est pas contraire au principe d’égalité ;
45. Considérant, d’autre part, que, s’il est exact que la participation des salariés aux résultats de l’entreprise peut entraîner des avantages inégaux ou variables, cette circonstance qui ne résulte pas d’une discrimination arbitraire et qui est la conséquence nécessaire de tout système de participation ne saurait être regardée comme correspondant à une violation du principe d’égalité ;
. Quant à l’ensemble de l’article 3 :
46. Considérant dès lors que l’article 3 de la loi n’est pas contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne les articles 4 et 5 de la loi et la liste annexée à la loi :
47. Considérant que l’article 4 de la loi est ainsi conçu : « Sera transférée du secteur public au secteur privé, au plus tard le 1er mars 1991, la propriété des participations majoritaires détenues directement ou indirectement par l’État dans les entreprises figurant sur la liste annexée à la présente loi.- Ces transferts seront effectués par le Gouvernement conformément aux règles définies par les ordonnances mentionnées à l’article 5. » ;
48. Considérant que l’article 5 de la loi dispose : "Le Gouvernement est habilité, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi et dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution :- 1° A fixer, pour le transfert des entreprises figurant sur la liste mentionnée à l’article 4 et pour la délivrance de l’autorisation administrative relative aux opérations mentionnées au second alinéa du paragraphe II de l’article 7 : – les règles d’évaluation des entreprises et de détermination des prix d’offre ; – les modalités juridiques et financières de transfert ou de cession et les conditions de paiement ; – les modifications des dispositions restreignant l’acquisition ou la cessibilité des droits tenus sur les entreprises concernées ; – les conditions de la protection des intérêts nationaux ; – les conditions de développement d’un actionnariat populaire et d’acquisition par le personnel de chaque société et de ses filiales d’une fraction du capital ; – le régime fiscal applicable à ces transferts et cessions ;- 2° A définir, pour les autres cas visés à l’article 7, les conditions de délivrance de l’autorisation administrative ;- 3° A définir les conditions de régularisation des opérations intervenues préalablement à l’entrée en vigueur de la présente loi." ;
49. Considérant que, sur la liste annexée à la loi et mentionnée à l’article 4 de celle-ci figurent soixante-cinq entreprises relevant du secteur public ;
. Quant au principe des transferts du secteur public au secteur privé :
50. Considérant que l’article 34 de la Constitution place dans le domaine de la loi « les règles concernant… les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé » ;
51. Considérant que, si cette disposition laisse au législateur l’appréciation de l’opportunité des transferts du secteur public au secteur privé et la détermination des biens ou des entreprises sur lesquels ces transferts doivent porter, elle ne saurait le dispenser, dans l’exercice de sa compétence, du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle qui s’imposent à tous les organes de l’État ;
. Quant à la détermination des entreprises visées par l’article 4 et figurant sur la liste annexée à la loi :
52. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que les dispositions de l’article 4 et les énonciations de la liste d’entreprises annexée à la loi méconnaîtraient les dispositions du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » ; qu’il suit de là que serait contraire à la Constitution le transfert du secteur public au secteur privé de certaines entreprises figurant sur la liste annexée à la loi et dont l’exploitation revêt les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait ;
53. Considérant que, si la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon les cas ; qu’il suit de là que le fait qu’une activité ait été érigée en service public par le législateur sans que la Constitution l’ait exigé ne fait pas obstacle à ce que cette activité fasse, comme l’entreprise qui en est chargée, l’objet d’un transfert au secteur privé ;
54. Considérant qu’aucune des entreprises qui figurent sur la liste mentionnée à l’article 4 de la loi ne peut être regardée comme exploitant un service public dont l’existence et le fonctionnement seraient exigés par la Constitution ; qu’en particulier, à supposer que le législateur ait, comme le font valoir les députés auteurs de la première saisine, entendu créer par la nationalisation de l’ensemble des banques, un service public du crédit, cette création qui ne procédait d’aucune exigence constitutionnelle n’a pu mettre obstacle à ce que certaines activités de crédit et les banques qui s’y livrent fassent, en vertu d’une nouvelle législation, retour au secteur privé ;
55. Considérant que la notion de monopole de fait visée dans le neuvième alinéa précité du Préambule de la Constitution de 1946 doit s’entendre compte tenu de l’ensemble du marché à l’intérieur duquel s’exercent les activités des entreprises ainsi que de la concurrence qu’elles affrontent dans ce marché de la part de l’ensemble des autres entreprises ; qu’on ne saurait prendre en compte les positions privilégiées que telle ou telle entreprise détient momentanément ou à l’égard d’une production qui ne représente qu’une partie de ses activités ; que, compte tenu de ces considérations, il n’est pas établi, en l’état, que ce soit par une erreur manifeste d’appréciation que les entreprises figurant sur la liste annexée à la loi ainsi que leurs filiales aient été regardées comme ne constituant pas des monopoles de fait ;
56. Considérant, dès lors, que la détermination des entreprises auxquelles s’appliquent les dispositions de l’article 4 de la loi conformément à la liste annexée à cette loi n’est pas contraire à la Constitution ;
. Quant aux conditions et au prix auxquels seront transférées au secteur privé les entreprises visées à l’article 4 de la loi :
57. Considérant que les députés auteurs de la saisine font valoir qu’il serait inadmissible que les entreprises du secteur public devant être transférées au secteur privé fussent cédées à un prix inférieur à leur valeur réelle ; que la cession à un tel prix méconnaîtrait fondamentalement le principe d’égalité en procurant aux acquéreurs de ces entreprises un avantage injustifié au détriment de l’ensemble des citoyens ; que, cependant, aucune des dispositions de la loi d’habilitation n’apporte de garanties contre la cession à des prix insuffisants des entreprises visées par l’article 4 de la loi ; qu’en outre l’obligation inconditionnelle faite au Gouvernement de procéder au transfert de la totalité des participations majoritaires de l’État dans ces entreprises avant le 1er mars 1991 peut, si cet apport massif excède comme on peut le penser la capacité du marché, avoir pour effet la cession à vil prix de portions importantes du patrimoine national sans exclure la possibilité de transferts à des mains étrangères préjudiciables à l’indépendance nationale ;
58. Considérant que la Constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur ; que cette règle découle du principe d’égalité invoqué par les députés auteurs de la saisine ; qu’elle ne trouve pas moins un fondement dans les dispositions de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 relatives au droit de propriété et à la protection qui lui est due ; que cette protection ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à un titre égal, la propriété de l’État et des autres personnes publiques ;
59. Mais considérant que l’article 4 de la loi prévoit, dans son deuxième alinéa, que les transferts seront effectués par le Gouvernement conformément aux règles définies par les ordonnances mentionnées à l’article 5 ; que l’article 5 de la loi prévoit que, par voie d’ordonnance, seront fixées les règles d’évaluation des entreprises et la détermination des prix d’offre, ce qui interdit de transférer les entreprises visées à l’article 4 de la loi lorsque le prix auquel elles pourraient être cédées serait inférieur à leur valeur réelle ; qu’il résulte des travaux préparatoires que le Gouvernement s’est engagé à faire procéder à des évaluations par des experts indépendants et à ne pas céder les entreprises visées à l’article 4 de la loi à un prix inférieur à leur valeur ; que les garanties qui doivent préserver l’indépendance nationale résulteront également des ordonnances prévues par l’article 5 de la loi ;
60. Considérant qu’il ressort de ce qui précède que l’article 4 de la loi doit se comprendre comme ne prévoyant la date limite du 1er mars 1991 que pour la réalisation des transferts à un prix conforme aux intérêts patrimoniaux de l’État, et dans le respect de l’indépendance nationale, étant entendu que les transferts qui, à cette date, n’auraient pas été engagés ou terminés ne pourraient avoir lieu ou s’achever qu’en vertu d’une nouvelle disposition législative ; que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ;
61. Considérant, de même, que les dispositions de l’article 5 auxquelles renvoie le deuxième alinéa de l’article 4 doivent se comprendre comme imposant au Gouvernement de prendre par voie d’ordonnance des dispositions selon lesquelles l’évaluation de la valeur des entreprises à transférer sera faite par des experts compétents totalement indépendants des acquéreurs éventuels ; qu’elle sera conduite selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d’actifs de sociétés en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l’existence des filiales et des perspectives d’avenir ; que, de même, l’ordonnance devra interdire le transfert dans le cas où le prix proposé par les acquéreurs ne serait pas supérieur ou au moins égal à cette évaluation ; que le choix des acquéreurs ne devra procéder d’aucun privilège ; que l’indépendance nationale devra être préservée ; que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ;
. Quant au grief tiré de ce que les transferts visés à l’article 4 pourraient être opérés sans que soient intervenues les ordonnances qui devront être prises en vertu de l’article 5 :
62. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font valoir que, dans le cas où, pour une raison quelconque, les ordonnances qui doivent être prises en vertu de l’article 5 n’interviendraient pas en temps utile, les transferts visés à l’article 4 ne devraient pas moins intervenir en raison du caractère impératif de la date limite du 1er mars 1991 ; que cette situation dans laquelle les transferts seraient opérés sans qu’aucune règle préside à leur réalisation, notamment en ce qui concerne l’évaluation de la valeur des entreprises, serait contraire à la Constitution ;
63. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 4 de la loi « Ces transferts seront effectués par le Gouvernement conformément aux règles définies par les ordonnances mentionnées à l’article 5 » ; qu’il suit de ces dispositions que le Gouvernement ne peut opérer aucun des transferts visés à l’article 4 sans que les ordonnances visées au 1° de l’article 5 aient été prises ; qu’ainsi le moyen manque en fait ;
. Quant au grief tiré de ce que la combinaison des articles 5 et 7 de la loi permettrait au Gouvernement de s’affranchir de la règle constitutionnelle selon laquelle les transferts du secteur public au secteur privé ne peuvent résulter que de la loi :
64. Considérant que ce grief formulé par les députés auteurs de la première saisine doit être réservé pour être joint à ceux concernant l’article 7 ;
. En ce qui concerne l’article 6 :
65. Considérant que l’article 6 de la loi dispose : « Dans les entreprises mentionnées à l’article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public et figurant sur la liste mentionnée à l’article 4 de la présente loi, il sera procédé à la désignation par décret en conseil des ministres, du président du conseil d’administration ou du président-directeur général, selon le cas. Dès cette nomination, le mandat des membres des conseils d’administration désignés, le cas échéant, en application du 2° de l’article 5 de ladite loi et actuellement en fonction prendra fin. » ;
66. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font valoir à l’encontre des dispositions précitées que la décision de mettre fin, dans les conditions qu’elles prévoient et pour les entreprises qu’elles visent, au mandat du président du conseil d’administration ou du président-directeur général selon le cas, ainsi qu’à ceux des membres désignés des conseils d’administration procèderait de la volonté d’évincer, en raison de leurs opinions, les personnes ainsi visées ; que, dès lors, l’article 6, contraire tout à la fois à l’article 6 de la Déclaration de 1789 et au cinquième alinéa du Préambule de 1946, ne saurait être regardé comme conforme à la Constitution ;
67. Considérant que, s’agissant d’entreprises dont l’activité ne touche pas à l’exercice des libertés publiques, il était loisible au législateur, en vue de l’application de la loi présentement examinée, d’ouvrir la possibilité de changements dans l’administration de ces entreprises, sans pour autant méconnaître un principe ou une règle de valeur constitutionnelle ;
68. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font également valoir que les dispositions de l’article 6 seraient difficiles à harmoniser voire inconciliables avec celles d’autres textes législatifs concernant la gestion des entreprises publiques et particulièrement avec la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ; que ce grief, même s’il était fondé, ne serait pas de nature à faire regarder l’article 6 de la loi comme contraire à la Constitution ;
69. Considérant qu’ainsi l’article 6 doit être déclaré non contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne l’article 7 de la loi :
70. Considérant que l’article 7 de la loi présentement examinée dispose : "I.- Sont approuvés par la loi les transferts au secteur privé de la propriété : – des entreprises dont l’État détient directement plus de la moitié du capital social ; – des entreprises qui sont entrées dans le secteur public en application d’une disposition législative.- II.- Les opérations ayant pour effet de réaliser un transfert du secteur public au secteur privé de propriété d’entreprises autres que celles mentionnées au paragraphe I ci-dessus, sont soumises à l’approbation de l’autorité administrative, dans les conditions fixées par les ordonnances mentionnées à l’article 5.- Nonobstant toute disposition législative contraire, toute prise de participation du secteur privé au capital social d’une entreprise dont l’État détient directement plus de la moitié du capital social et qui n’a pas pour effet de transférer sa propriété au secteur privé, est soumise aux conditions d’approbation mentionnées à l’alinéa précédent." ;
71. Considérant que les auteurs de l’une et de l’autre saisines font grief à l’article précité de méconnaître sous des formes diverses les dispositions de l’article 34 de la Constitution qui placent dans le domaine de la loi les règles concernant les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé ;
72. Considérant que l’article 34 de la Constitution n’impose pas que toute opération impliquant un transfert du secteur public au secteur privé soit directement décidée par le législateur ; qu’il appartient à celui-ci de poser des règles dont l’application incombera aux autorités ou aux organes désignés par lui ; qu’il ne lui est cependant pas loisible d’attribuer aux seuls organes des entreprises concernées un pouvoir discrétionnaire d’appréciation et de décision soustrait à tout contrôle et d’une étendue excessive ;
73. Considérant que les sénateurs auteurs de l’une des saisines font grief au législateur de n’avoir pas englobé dans le critère des transferts devant être déterminés cas par cas par la loi les participations indirectes de l’État et celles des personnes publiques autres que l’État ;
74. Considérant que ce grief ne saurait être retenu ; qu’en effet, s’il n’est pas permis au législateur d’exclure de telles participations dans la détermination des entreprises appartenant au secteur public au sens de l’article 34 de la Constitution, aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne lui impose de prévoir des modalités de transfert identiques entre les entreprises dans lesquelles l’État détient directement une partie du capital social et les autres entreprises y compris celles où la majorité des participations directes et indirectes appartient à l’État ou aux personnes publiques ;
75. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dispositions de l’article 7 laissent le Gouvernement et même les entreprises maîtres de déterminer si le transfert de celles-ci au secteur privé relève ou non de la loi ; qu’à cet égard les entreprises dans lesquelles l’État détient la majorité du capital social et qui, à ce titre, ne pourraient être transférées que par l’effet d’une loi les visant individuellement comme le veut le paragraphe I de l’article 7, pourraient sans difficulté échapper à cette contrainte en cédant à d’autres personnes publiques un nombre suffisant de parts pour que l’État ne détienne plus directement la majorité du capital social, ce qui aurait pour effet de placer ces entreprises sous le régime du paragraphe II de l’article 7 et d’en permettre le transfert sous la seule condition d’une autorisation administrative ;
76. Considérant que l’éventualité d’un détournement de procédure ou d’un abus dans l’application d’une loi ne saurait la faire regarder comme contraire à la Constitution ; que d’ailleurs, il appartiendrait aux juridictions compétentes de paralyser et, le cas échéant, de réprimer de telles pratiques ;
77. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir qu’en ne prenant pas le soin de déterminer lui-même la nature de l’autorité administrative devant approuver les opérations de transfert visées au paragraphe II de l’article 7, le législateur a opéré une subdélégation non permise par la Constitution ;
78. Considérant que ce grief ne saurait davantage être retenu ; qu’en effet, une loi d’habilitation a pour objet normal de confier à une ou plusieurs ordonnances le soin de poser des règles de compétence, de procédure ou de fond en vue de la réalisation des finalités qu’elle énonce ; que tel est précisément l’objet du 2° de l’article 5 de la loi qui prévoit que seront définies par voie d’ordonnance les conditions juridiques des transferts visés par le paragraphe II de l’article 7, ce qui implique nécessairement la détermination des autorités compétentes ;
79. Considérant qu’ainsi, les dispositions de l’article 7 de la loi présentement examinée ne sont pas contraires à la Constitution ; que, cependant, pour être conforme aux exigences de l’article 34 de la Constitution telles qu’elles ont été rappelées plus haut, l’ordonnance prévoyant les conditions de délivrance de l’autorisation administrative visée au paragraphe II de l’article 7 devra, non seulement respecter les prescriptions précédemment énoncées relatives aux conditions de transfert mais également comporter des dispositions qui, d’une part, tiendront compte de l’incidence sur le prix du transfert, des charges qui demeureront pour le secteur public après la cession et, d’autre part, seront de nature à garantir un contrôle effectif de la régularité et de la finalité des transferts selon des procédures et par des autorités appropriées ; qu’en outre, pour les transferts qui concernent des entreprises dans lesquelles des collectivités territoriales ont des intérêts, les dispositions dont il s’agit devront respecter le principe de libre administration de ces collectivités posé par l’article 72 de la Constitution ; qu’enfin, devront être respectées les dispositions du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la nationalisation des entreprises dont l’exploitation présente les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait ;
- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI SOUMISE A L’EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
80. Considérant que les autres dispositions de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Sous les strictes réserves d’interprétation énoncées plus haut, la loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social n’est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

Monsieur le président, Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, nous avons l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social tel qu’il a été définitivement adopté par le Parlement.

La loi n’a pas été adoptée « dans le respect des règles de valeur constitutionnelle relatives à la procédure législative ».

Dans votre décision n° 75-57 DC du 23 juillet 1975, vous avez considéré qu’il est de votre mission de statuer sur le point de savoir si, au cours de l’élaboration de la loi, il a été fait « une application conforme à la lettre et à l’esprit » des dispositions de valeur constitutionnelle relatives à la procédure législative.

Depuis, plus particulièrement votre décision n° 81-181 DC des 10 et 11 octobre 1984, votre contrôle s’est exercé sur les travaux des commissions et de leurs rapporteurs.

Les sénateurs soussignés estiment que la loi a été élaborée selon une procédure méconnaissant la lettre et l’esprit des articles 42, 43, 44, alinéa 1er, et 45, alinéa 1er, de la Constitution et concluent qu’il plaise au conseil de déclarer cette procédure non conforme à la Constitution.

A : En droit.

A 1 : La loi n’a pas été examinée successivement dans les deux assemblées

Les travaux des commissions ne sauraient être écartés de l’obligation d’examen successif posée à l’article 45, alinéa 1er, de la Constitution. Au terme de cet article, tout projet de loi doit être « examiné successivement dans les deux assemblées en vue de l’adoption d’un texte identique ». L’article 45 ne se contente donc pas de votes successifs dans les deux assemblées, la préposition « dans » étendant à l’évidence le champ d’action de la règle aux organes des deux assemblées et notamment aux organes constitutionnels que sont les commissions. Comment pourrait-il en être autrement dès lors que l’article 43 de la Constitution rend obligatoire « l’examen » en commissions spéciales et, à défaut, permanentes ? Cet examen en commissions doit obligatoirement porter sur le texte dont a été préalablement saisie l’assemblée à laquelle elles appartiennent. C’est, en effet, selon l’article 43 de la Constitution, seulement à compter de cette saisine qu’une commission est à tour saisie. Or, aux termes de l’article 42 de la Constitution, celle des assemblées qui délibère en second n’est elle-même saisie qu’à compter de la transmission du texte voté par l’autre assemblée puisque c’est sur ce texte et aucun autre que doit porter l’examen.

Une commission qui ferait porter ses travaux sur un texte encore en délibération devant l’autre assemblée méconnaîtrait donc ces règles constitutionnelles.

Or : 1 Les commissions du Sénat ont commencé à examiner le projet de loi bien avant qu’il ne soit considéré comme adopté par l’Assemblée nationale et transmis à la Haute Assemblée ;

2 Elles se sont saisies pour avis (commission des lois, commission des affaires sociales, commission des affaires économiques et du Plan), la commission des finances s’étant saisie au fond.

Aussitôt ces commissions ont désigné très officiellement des rapporteurs qualifiés d'« officieux ».

A 2 : Cet examen simultané de la loi dans les deux assemblées a porté atteinte au droit d’amendement des membres du Sénat.

Si, aux termes de l’article 44, alinéa 1er, de la Constitution, « les membres du Parlement ont le droit d’amendement », il appartient à ceux-ci, conformément à la Constitution, de l’exercer pleinement au sein de l’Assemblée dont ils sont membres.

Or, les mêmes rapporteurs, ès qualités, se sont rapprochés de l’Assemblée nationale et du Gouvernement pour élaborer la loi en première lecture dans le but avoué par eux de proposer d’entrée de jeu au Sénat un vote conforme, de manière à éviter toute navette et toute commission mixte paritaire.

Cette violation des dispositions constitutionnelles relatives à la procédure législative résulte, à l’évidence, de l’analyse des travaux des commissions et des débats parlementaires.

B : En fait

B 1 : Dans les commissions du Sénat

Le Sénat a été saisi du texte le 16 mai 1986, jour même où la motion de censure ayant été rejetée par l’Assemblée nationale, le projet a pu être « considéré comme ayant été adopté par elle ».

Or, l’examen des procès-verbaux des commissions certainement, et en tout cas la simple lecture du « Bulletin » des commissions du Sénat démontre que : Le 16 avril 1986

La commission des affaires sociales (Bulletin n° 21, p 882) a désigné M Jean Chérioux comme rapporteur officieux, a décidé d’entendre le ministre des affaires sociales et de l’emploi sur le texte le 29 avril à 10 heures et a fixé (id p 884) au 7 mai le rapport pour avis de M Chérioux et « l’audition éventuelle des partenaires sociaux ».

La commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et de l’administration générale (id p 889) a demandé de se saisir pour avis (« sous réserve de l’adoption du projet par l’Assemblée nationale et de sa transmission ») et a « désigné M Etienne Dailly comme rapporteur officieux ».

Le 17 avril 1986

La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation (id p 885) procédait sur le projet de loi en cause à l’audition de M Balladur, ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de la privatisation et M Cabana, ministre délégué chargé de la privatisation, en présence et avec la participation de (id pp 887 et 888) « M Etienne Dailly, rapporteur pour avis de la commission des lois » (sic) et (id p 888) « M Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales » (re-sic).

Le 23 avril 1986

La commission des affaires économiques et du Plan (Bulletin des commissions n° 22, p 903) se saisit du projet pour avis (« sous réserve de son adoption par l’Assemblée nationale ») et désigne « à titre officieux M Michel Chauty comme rapporteur pour avis ».

Devant la commission des affaires sociales (id p 914) M Jean Chérioux « fait pour ses collègues un résumé de l’audition de M Edouard Balladur () devant la commission des finances du Sénat, audition à laquelle il avait assisté en qualité de rapporteur du projet de loi n° 7 (AN) autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social » (sic).

Le 29 avril 1986

La commission des affaires sociales (Bulletin des commissions n° 23, p 937 à 944) entend sur le même texte trois ministres (le matin, MM Jean Arthuis et Adrien Zeller, et l’après-midi, M Philippe Séguin) et ses membres ont avec eux une longue discussion.

La commission des finances (id p 951) désigne « à titre officieux, M Maurice Blin, rapporteur général, en qualité de rapporteur du projet de loi AN n° 7 () ».

Le 14 mai 1986

La commission des affaires sociales (Bulletin des commissions n° 25, p 1001) entend, et discute « les premières conclusions auxquelles » est parvenu sur le projet le « rapporteur pour avis officieux (sic) M Jean Chérioux ».

Le 15 mai 1986

Décommandée deux fois, la dernière fois par télégramme, le 14 mai au soir, la commission des finances finalement reconvoquée le 15 mai même au matin, toujours par télégramme, se réunit à 10 heures.

Aux rares présents, il est remis un tableau comparatif entre le texte d’origine et le projet « considéré comme adopté par l’Assemblée nationale » (sic).

A ceux qui dénonçaient le principe de la réunion consacrée à une communication de M Maurice Blin, rapporteur général, sur le texte en cause (Bulletin des commissions n° 25, p 1005) « M Edouard Bonnefous, président, a donné connaissance à la commission des décisions prises par M le président du Sénat en accord avec les présidents de groupe de la majorité : il a indiqué que les commissions saisies pour avis avaient finalement décidé de se réunir à l’instar de la commission des finances et a souligné que la réunion de ce jour était consacrée à un échange de vues et serait suivie d’une autre réunion consacrée à l’examen du texte et à l’adoption du rapport ».

« Puis », après une discussion, « le rapporteur général a examiné (sic) les différents volets du projet de loi () » (id p 1007).

() « Abordant ensuite le volet du projet de loi consacré à la privatisation du secteur public, le rapporteur général a souligné d’emblée la part prise par les rapporteurs du Sénat aux modifications apportées au texte sur amendements du Gouvernement à l’Assemblée nationale (id p 1008) ».

De même, il soulignait (id) que l’article 6 « avait été clarifié et simplifié par le Gouvernement, grâce notamment aux réflexions émises par les rapporteurs du Sénat » (re-sic).

La commission des lois, au même moment, décidait après discussion et « malgré l’opposition de M Félix Ciccolini », (id page 1012) « de commencer l’examen du pré-rapport de M Etienne Dailly sur le projet », dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale () son exposé étant suivi d’un « échange de vues » (id page 1015).

M Dailly a indiqué « que la commission se devait de se saisir pour avis du projet ».

Il devait ensuite (p 1014) indiquer avoir transmis, le 14 avril, une note au Gouvernement qui avait amené celui-ci « à déposer à l’Assemblée nationale sept amendements n° 1 à 7. Puis, après avoir été désigné comme rapporteur pour avis officieux le 16 avril, il avait entrepris une étude de la conformité à la Constitution de l’ensemble des articles du projet ». Cela l’avait conduit à constater des motifs d’inconstitutionnalité dans la rédaction de quatre articles du projet : « () en accord avec le président de la commission », il transmet donc « au Gouvernement deux nouvelles notes sur le projet de loi qui ont conduit le Gouvernement à déposer à l’Assemblée nationale une nouvelle série de sept amendements qui portent les numéros 441 et 444 à 449 et qui sont inclus dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité à l’Assemblée nationale le 13 mai ».

Le 20 mai 1986

La commission des affaires économiques et du Plan (Bulletin des commissions n° 26, p 1033) a confirmé officiellement la nomination de M Michel Chauty comme rapporteur pour avis « dont elle a aussitôt examiné le rapport ».

A la commission des finances (id 1046) le rapporteur général, rappelait « les modifications apportées () par le Gouvernement à son texte initial sur la proposition des rapporteurs des commissions du Sénat » et (id page 1049) soulignait « l’importance des améliorations apportées par le Gouvernement à l’Assemblée nationale à la demande des rapporteurs des commissions du Sénat ».

La commission des lois (id page 1055) nommait M Dailly rapporteur pour avis et l’entendait aussitôt rappeler « brièvement la teneur du pré-rapport qu’il avait présenté à titre officieux devant la commission le jeudi 15 mai 1986. Son président, M Jacques Larché soulignait »que c’était en plein accord avec lui que le rapporteur pour avis était intervenu auprès du Gouvernement pour faire modifier le texte à l’Assemblée nationale".

Le 21 mai 1986

La commission des affaires sociales (id page 1041) « a procédé à la nomination officielle de M Jean Chérioux comme rapporteur pour avis », lequel a aussitôt « rappelé la présentation qu’il avait donnée lors de la précédente réunion de la commission, des principales dispositions du projet de loi » avant d’en approuver les termes et de juger « inutile d’y rapporter des amendements ».

B 2 : A la tribune du Sénat

Cette participation concertée des commissions du Sénat à l’élaboration de la loi devant l’Assemblée nationale a été expressément confirmée devant le Sénat par MM Balladur, Séguin et Dailly.

M Balladur (Journal officiel, Sénat, séance du 21 mai, p 746) a indiqué que le Gouvernement "a eu à coeur de s’entourer des avis les plus éclairés et des compétences les mieux reconnues.

Il a tenu le plus grand compte des observations formulées à l’occasion de l’examen devant l’Assemblée nationale, que ces observations aient été faites lors du débat ou présentées à l’occasion de ce dernier par les autorités les plus avisées. Que tous ceux qui, avec le Gouvernement, ont de la sorte contribué à améliorer le texte qui vous est soumis soient remerciés".

M Philippe Séguin (id p 746) a été moins énigmatique : il a tenu à joindre ses « propres remerciements et compliments à ceux que M le ministre d’Etat a déjà adressés à MM les rapporteurs. S’il était encore nécessaire de rechercher des illustrations du caractère irremplaçable de la contribution du Sénat dans le processus d’élaboration de la loi, on les trouverait dans la qualité du travail d’analyse et de réflexion qu’ont conduit MM Maurice Blin, Etienne Dailly, Michel Chauty et, me concernant plus particulièrement, M Jean Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales ».

Quant à M Dailly, il a précisé que l’un des amendements déposés par le Gouvernement (id p 751) a été « rédigé () en plein accord avec M Jean-Pierre Fourcade et la commission qui y tenait beaucoup » et concluait : « Voilà, par conséquent, les circonstances à la suite desquelles le texte qui nous parvient est parfaitement conforme à la Constitution. Voilà les raisons pour lesquelles la commission des lois m’a chargé de le dire ici et de déclarer fermement qu’elle vous demande de l’adopter sans modification. Elle vous demande aussi de lui donner acte que, fort de la décision prise par le Sénat le 15 avril et à une très forte majorité de décider de soutenir l’action du Gouvernement, son rapporteur pour avis, en plein accord avec M le rapporteur général et les autres rapporteurs pour avis, a été au devant des aspirations du Sénat en faisant en sorte que toutes vos commissions puissent aujourd’hui demander au Sénat d’approuver conforme ce projet de loi et de ne pas avoir à le renvoyer pour une seconde lecture à l’Assemblée nationale alors qu’on nous a dit, et c’est vrai, que le Gouvernement en a besoin d’urgence ».

En d’autres termes, la majorité du Sénat, par ses représentants les plus qualifiés, a fait l’impossible pour empêcher le vote de quelque amendement que ce soit par le Sénat.

Cela explique que la commission des finances (après une première séance consacrée à l’examen de la plupart des amendements à l’article 2 du projet) a pris prétexte du vote bloqué demandé par le Gouvernement pour « rejeter globalement », c’est-à-dire sans examen, les autres amendements sur l’article 2 et ceux déposés sur l’article 3, négligeant totalement de statuer sur le sort des autres afférents aux articles 1er, 4, 5, 6, 8 et 9 dont la plupart n’avaient pas été examinés à l’Assemblée nationale. Ainsi, c’est le droit d’amendement lui-même qui a finalement été mis en échec par une telle décision.

La commission renonçait à examiner quelque amendement que ce soit : elle était déterminée à n’en adopter aucun, quel que puisse en être le bien-fondé ! Comme l’a dit M Séguin, le Sénat doit « apporter sa contribution irremplaçable dans le processus d’élaboration de la loi » mais il ne peut constitutionnellement le faire qu’en examinant les seuls textes qui lui sont valablement transmis et sans renoncer à les amender lui-même. C’est pourquoi les sénateurs soussignés vous demandent de déclarer non conforme à la Constitution la procédure d’élaboration de la loi qui est soumise à votre contrôle.

En ce qui concerne l’article 1er

S’agissant en premier lieu de la finalité des ordonnances

Les précisions données pour justifier les finalités des ordonnances ne répondent pas aux exigences posées par la décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, par laquelle le Conseil constitutionnel a indiqué que l’article 38 « doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d’un projet de loi d’habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu’il se propose de prendre ».

La plupart des objectifs sont en réalité mal définis.

L’article énonce que « pour assurer aux entreprises une plus grande liberté de gestion et définir un nouveau droit de la concurrence, le Gouvernement est autorisé ». Que signifie le terme « gestion » ? Ce mot avait soulevé des difficultés dans la législation des sociétés antérieures à 1966 pour ce qui était des pouvoirs du conseil d’administration. C’est pourquoi la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales abandonna le terme « gestion » pour confier au conseil d’administration des sociétés anonymes, non plus des « pouvoirs de gestion », mais « les pouvoirs les plus étendus ». En outre, les entreprises jouissent en France de la « liberté de gestion » la plus totale, de telle sorte qu’il est impossible de leur en assurer une plus grande. Et si chaque formalité administrative devait être considérée comme une entrave à leur liberté de gestion, c’est un champ pratiquement illimité et en tous cas nullement limité qui serait ouvert aux ordonnances.

De même, définir un « nouveau droit de la concurrence » n’est aucunement précis à défaut d’indiquer en quoi il devrait être nouveau et quels effets en seraient attendus. Si le Gouvernement peut être autorisé éventuellement à abroger telle ou telle disposition législative et à modifier telle ou telle autre, il ne peut être autorisé « à modifier ou abroger » des dispositions législatives sans que la finalité de sa décision soit strictement précisée par la loi d’habilitation. En outre, les dispositions qui seront modifiées ou abrogées ne sont pas indiquées de manière exhaustive et ne sont pas précisées puisqu’il s’agirait de « certaines dispositions de la législation économiques relatives aux prix et à la concurrence ». Et les ordonnances de 1945 ne sont visées qu’à titre d’exemples à travers l’adverbe « notamment ».

En réalité, le Gouvernement ne sait pas ce qu’il fera et n’a donc pas été en mesure de le préciser au Parlement ; en effet, il est réduit à attendre les conclusions d’une commission ad hoc qu’il a mise en place avant le vote de la loi d’habilitation, commission d’étude chargée de lui faire des propositions.

Quant au rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, il pense qu’un « nombre important de matières supposent une réforme ». (Journal officiel, Débats du Sénat, n° 25, p 752). Mais qu’elles sont ces matières ? Le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale écrit dans son rapport n° 378 (Sénat, p 25) qu'« en ce qui concerne plus spécifiquement la concurrence, l’habilitation permettra, votre commission tient à le souligner, la refonte quasi totale du droit de la concurrence. Ainsi l’article 1er, sous une allure somme toute anodine, représente-t-il le point de départ de modifications considérables de notre législation. Votre commission tient donc à souligner l’ampleur de l’habilitation donnée » Il n’y a donc plus de limites au champ de l’habilitation. Au demeurant, cette refonte n’est commandée ni par des « circonstances imprévues » ni par une « situation requérant des mesures d’urgence », d’autant plus que tous les gouvernements ont utilisé, sans y être en rien obligé, cette législation ! S’agissant en second lieu des prix, les sénateurs soussignés souscrivent à l’argumentation développée par les députés signataires du recours au Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’habilitation. Il en est d’ailleurs de même pour leurs autres moyens.

En ce qui concerne l’article 2

S’agissant en premier lieu des principes généraux du droit, l’article méconnaît le principe d’égalité devant la loi et l’impôt.

1° Le Gouvernement peut prendre « toutes dispositions, notamment d’exonération de charges sociales, confortant l’emploi des jeunes de seize à vingt-cinq ans et favorisant leur embauche ».

Ces mesures sont peut-être de nature à « développer » leur emploi, mais elles vont dans le même temps réduire celui des autres salariés si bien qu’il n’y aura pas pour autant « développement de l’emploi ». En outre, la situation devant le chômage peut être rigoureusement identique pour des citoyennes comme pour des citoyens, qu’ils aient atteint l’âge de vingt-cinq ans ou non. Enfin, les entreprises et donc les chefs d’entreprise se trouveront dans une situation d’inégalité et le jeu éternel de la concurrence sera donc faussé.

Le projet de loi prévoit aussi que la limite d’âge ouvrant droit aux exonérations de charges sociales « est augmentée d’un an par enfant né vivant ». Qu’un enfant soit « né vivant » ou non, ne saurait en aucun cas être un critère permettant de reculer une éventuelle limite d’âge sans qu’on sache si ce serait seulement pour la mère ou aussi pour le père : le principe d’égalité devant la loi impose un traitement identique en matière d’emploi pour celle ou celui dont l’enfant est mort-né et celle ou celui dont l’enfant survivrait quelques instants.

2° Le Gouvernement peut « consentir () aux entreprises situées dans certaines zones () des exonérations ou des réductions d’impôts d’Etat ou de cotisations sociales ». Ces éventuelles mesures d’exonération et réduction d’impôts ou de cotisations sociales à des entreprises existantes (et pouvant au surplus être par hypothèse particulièrement performantes) en raison de leur implantation géographique seront prises au détriment d’entreprises concurrentes situées ailleurs, à proximité ou non sur le territoire français.

S’agissant en second lieu de l’ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.

Les exonérations ou réductions d’impôts ou de cotisations sociales ainsi que la modification des règles d’assiette des impôts d’Etat sont contraires aux dispositions de l’article 1er, alinéa 4 de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.

L’ordonnance stipule en effet que « lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n’ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance ».

Et seule une loi de finances ou une loi de finances rectificative soumise au vote du Parlement prévoit et évalue les charges qui incombent à la nation. En conséquence, le Gouvernement devait faire voter par le Parlement la loi de finances rectificative (actuellement soumise à l’examen des deux assemblées) avant le vote du projet de la loi d’habilitation.

S’agissant en troisième lieu de l’imprécision du projet de loi d’habilitation, l’article est effectivement imprécis et ouvre donc au Gouvernement un champ illimité d’interventions tout en portant atteinte aux prérogatives du Parlement lorsqu’il l’autorise à :t atteinte aux prérogatives du Parlement lorsqu’il l’autorise à a) « apporter » à deux titres d’un chapitre du code du travail « les modifications propres à améliorer le placement des demandeurs d’emploi » ;

b) « lever certains obstacles (sans énumérer lesquels ou au moins en indiquer la nature) au recours au contrat de travail à durée déterminée et au travail temporaire » ;

c) consentir à exonérer ou réduire les impôts ou cotisations sociales « dans certaines zones où la situation de l’emploi est particulièrement grave ». Pourquoi pas toutes ces zones ? Quels sont les critères permettant de déterminer que telle région plutôt que telle autre est particulièrement touchée par le chômage ? L’imprécision, c’est encore l’utilisation (à deux reprises) des mots « pour une période limitée » au paragraphe 5 de l’article : « période limitée » pour exonérer ou réduire les impôts ou cotisations sociales dans certaines zones ;

« période limitée » pour modifier les règles d’assiette des impôts.

Quels sont les critères permettant de limiter ces mesures dans le temps ? Et quelle est la limite de ces limites ? A l’évidence, le paragraphe 5 élargit par trop le champ des mesures envisagées.

S’agissant en quatrième lieu de la date d’application éventuelle (à compter du 1er mai 1986) les dispositions d’exonération de charges sociales pour l’emploi des jeunes, on peut considérer que de telles dispositions ne sauraient être rétroactives et ce d’autant moins que leur champ n’est nullement délimité puisque le paragraphe 1er de l’article fait référence à « toutes dispositions » que le Gouvernement serait autorisé à prendre.

En ce qui concerne l’article 3

S’agissant en premier lieu de l’imprécision du texte

Ce n’est certainement pas une finalité précise que de prétendre développer « la participation des salariés à l’entreprise ».

On peut participer aux profits, au capital ou à la gestion d’une entreprise mais non à une entreprise.

S’agissant en second lieu des principes généraux du droit, sont contraires au principe d’égalité devant la loi les dispositions qui visent : 1° A accorder des avantages aux salariés de certaines entreprises et non des autres ;

2° A leur accorder des avantages variables puisque variant avec les résultats de leur propre entreprise ;

3° A permettre que, dans certaines sociétés anonymes, les représentants des salariés soient appelés à siéger « avec voix délibérative au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance » tandis que ce même droit leur serait refusé dans les autres.

S’agissant en troisième lieu du bien-fondé de l’utilisation de l’article 38 de la Constitution, la relance des formules de participation au sein de l’entreprise n’est justifiée ni par « des circonstances imprévues » ni par « une situation requérant des mesures urgentes ».

En ce qui concerne les articles 4 et 5

L’exposé des motifs n’assigne aucune finalité précise concernant le transfert systématique et massif du secteur public au secteur privé, le secteur public participant au moins autant que le secteur privé à « une économie de marché, d’initiative et de responsabilité ». Prétendre qu’il faut dénationaliser car le « rôle de l’Etat est devenu très excessif » est une affirmation, comme telle subjective, qui ne constitue pas un exposé précis du but poursuivi et des effets recherchés. Du reste, peut-on là encore faire référence à « l’imprévu des circonstances » ou à « l’urgence à prendre des mesures compte tenu de la situation » ?

Les deux articles comportent d’autres motifs d’inconstitutionnalité

1° Au terme de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe () les règles concernant () les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé. » L’article 4 stipule que « sera transférée () la propriété des participations majoritaires ». Cette formule est ambiguë car elle peut signifier aussi bien l’ensemble des actions possédées par l’Etat que la part d’entre elles qui dépasse 50 p 100. En outre, la liste annexée au projet de loi d’habilitation ne vise pas seulement des entreprises mais aussi des groupes d’entreprises, des sociétés « holding » sans indication de leurs filiales. Enfin, la notion de « participations majoritaires » doit être à l’évidence considérée comme trop imprécise pour satisfaire aux exigences de précision posées par le Conseil constitutionnel dans ses diverses décisions, et notamment celle du 12 janvier 1977 (76-72 DC). De surcroît, elle n’est pas conforme au texte de l’article 34 de la Constitution qui mentionne non pas des transferts de « contrôle majoritaire » mais des transferts de « propriété d’entreprises ».

2° Il ne s’agit nullement de remettre en cause la possibilité prévue par le projet de loi de transférer la propriété du secteur public au secteur privé : l’article 34 de la Constitution le prévoit expressément. En revanche, aucun transfert ne peut être définitivement décidé sans qu’il y ait eu dans le même temps une définition de ses règles. En effet, l’article 4 a pour conséquence de décider d’un transfert avant que les règles en soient fixées puisque l’article 5 s’en remet aux ordonnances (que le Gouvernement est autorisé à prendre sans d’ailleurs y être obligé) dont certaines pourraient ne pas être signées par le Président de la République, ne fût-ce que parce qu’il est estimerait contraires à la Constitution.

On se trouverait alors dans cette situation anticonstitutionnelle que le Gouvernement serait dans l’obligation d’effectuer un transfert avant le 1er mars 1991 sans que les règles en aient jamais été fixées.

3° Concernant les règles d’évaluation, les sénateurs soussignés font leur argumentation présentée par les députés signataires du recours déposé devant vous. Ils appellent toutefois l’attention du Conseil constitutionnel sur le point suivant : comment fixer dans les six mois des règles applicables à des transferts ne devant intervenir que dans les cinq ans ? Dans la liste annexée au projet, figurent des groupes dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un monopole. Ainsi Pechiney pour l’aluminium, la Compagnie générale d’électricité, seul concepteur et constructeur de centraux téléphoniques, pour les télécommunications, Thomson, unique fournisseur de l’armée française pour les ensembles électroniques.

S’y retrouvent également les services publics nationaux des banques et assurances. Ainsi, ni les groupes industriels cités notamment, ni les banques, ni les assurances ne peuvent être privatisés, car s’ils l’étaient, ils devraient, au terme du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, « devenir la propriété de la collectivité ».

En ce qui concerne l’article 6

Au regard de cet article, les sénateurs soussignés se demandent en quoi ses dispositions répondent à des « circonstances imprévues » ou à une « situation requérant des mesures urgentes » ! S’agissant en premier lieu de la fin du mandat du président et des membres désignés du conseil d’administration, il ne peut y avoir d’autre raison de mettre fin subitement, globalement, sans motif réel et sérieux, à leur mandat que de les présumer de l’opinion du Gouvernement qui les a nommés et de les sanctionner de ce chef ! Les dispositions de l’article sont contraires d’une part au préambule de la Constitution de 1946 qui reconnaît que « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses opinions () » et d’autre part, à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énonce : à l’article VI : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux » (aux yeux de la loi), "sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité ; et sans autres distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents".

D’autre part : 1° Les conditions de désignation du président du conseil d’administration ou du président-directeur général comportent des incertitudes. La loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public précise trois éléments en son article 10 :  : le président est élu parmi ses membres ;

: le président est élu sur proposition du conseil d’administration ;

: le président est nommé par décret en conseil des ministres.

Seul le dernier élément est repris par le projet de loi d’habilitation et les deux autres ne font pas l’objet d’une abrogation explicite. Il en résulte un « flou juridique » sur la qualité de membre du conseil d’administration du président. Le rapport de la commission des lois du Sénat n’a jamais envisagé (page 62) un seul instant que le président pouvait être nommé à l’extérieur de ses membres puisque, à juste titre, le nombre des membres du conseil est fixé par la loi de démocratisation du secteur public de 1983. Mais telle n’est pas l’intention du Gouvernement qui, lors des débats au Sénat, le 2 juin 1986, déclarait que « le président pourra être nommé en dehors du conseil » (compte rendu analytique du Sénat, n° 33, p 30).

Si une loi peut défaire des dispositions législatives antérieures, encore faut-il que les dérogations y soient expressément mentionnées ; ce qui n’est pas le cas.

Il faut aussi que ces éventuelles dérogations soient cohérentes. Or le conseil d’administration aurait un nombre de membres supérieur au maximum autorisé par la loi susvisée de 1983. De plus, les sociétés visées à l’article 4 du projet de loi, étant toutes des sociétés anonymes, ne serait plus respecté l’article 110 de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales qui précise que « le conseil d’administration élit son président parmi ses membres ».

2° Si le mandat des personnalités qualifiées prend fin dès qu’un nouveau président est désigné, la composition tripartite du conseil d’administration ne sera plus respectée contrairement aux dispositions de la loi susvisée de 1983 à moins qu’il n’en soit nommé d’autres. Dans ce cas, le projet de loi ne précise pas quand et comment se feront les nominations et quelle sera la durée de ces nouveaux mandats alors que l’article 11 de la loi de 1983 stipule qu'« en cas de vacance pour quelque cause que ce soit du siège d’un membre du conseil d’administration ou de surveillance, sont remplaçant n’exerce ses fonctions que pour la durée restant à courir jusqu’au renouvellement de la totalité dudit conseil ».

3° Le Gouvernement s’interdit, ce qui est illégal, de nommer un président parmi les administrateurs désignés puisque dès sa nomination, il cesserait ipso facto de faire partie du conseil d’administration au sein duquel le président doit être choisi.

En ce qui concerne l’article 8

S’agissant de la notion d’entreprise publique, l’article 8 ne définit pas de manière satisfaisante ce qu’est une entreprise publique. Aucune loi ne l’a d’ailleurs jamais fait, le législateur se contentant à l’occasion, de procéder de façon énumérative. Tel fut le cas par exemple de la loi du 22 juin 1976 relative au contrôle de la Cour des comptes et de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. La seule référence constitutionnelle est celle de l’article 34 de la Constitution qui a utilisé la notion « d’entreprises du secteur public ».

L’article 8 du projet de loi, par sa formulation, ne vise qu’une partie des entreprises du secteur public lorsqu’il stipule, dans son deuxième alinéa, que sont approuvés par la loi les transferts d’entreprises « dont l’Etat détient directement plus de la moitié du capital social ». Or il ne suffit pas de détenir directement la majorité du capital social pour en avoir la propriété. Des actions à droit de vote double dont l’Etat peut disposer peuvent conférer en effet la majorité des voix dans les organes délibérants. Le projet de loi permettrait que soient privatisées administrativement des entreprises dans lesquelles l’Etat exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, c’est-à-dire tous les pouvoirs qu’attribue le droit des sociétés à la majorité des voix.

Enfin si l’Etat détient « indirectement » la majorité du capital social d’une entreprise, cette entreprise reste la propriété de l’Etat et son éventuelle « privatisation » doit également relever de la loi et non de l’autorisation administrative.

Ce critère est d’ailleurs retenu à l’article 4 du projet : il est contraire à la Constitution de l’exclure du deuxième alinéa de l’article 8.

C’est pour ces motifs et tous autres à déduire ou à suppléer que nous vous demandons de bien vouloir déclarer l’ensemble du projet dont s’agit et subsidiairement ses articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6 et 8 non conformes à la Constitution.

oi d’habilitation et les deux autres ne font pas l’objet d’une abrogation explicite. Il en résulte un « flou juridique » sur la qualité de membre du conseil d’administration du président. Le rapport de la commission des lois du Sénat n’a jamais envisagé (page 62) un seul instant que le président pouvait être nommé à l’extérieur de ses membres puisque, à juste titre, le nombre des membres du conseil est fixé par la loi de démocratisation du secteur public de 1983. Mais telle n’est pas l’intention du Gouvernement qui, lors des débats au Sénat, le 2 juin 1986, déclarait que « le président pourra être nommé en dehors du conseil » (compte rendu analytique du Sénat, n° 33, p 30).

Si une loi peut défaire des dispositions législatives antérieures, encore faut-il que les dérogations y soient expressément mentionnées ; ce qui n’est pas le cas.

Il faut aussi que ces éventuelles dérogations soient cohérentes. Or le conseil d’administration aurait un nombre de membres supérieur au maximum autorisé par la loi susvisée de 1983. De plus, les sociétés visées à l’article 4 du projet de loi, étant toutes des sociétés anonymes, ne serait plus respecté l’article 110 de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales qui précise que « le conseil d’administration élit son président parmi ses membres ».

2° Si le mandat des personnalités qualifiées prend fin dès qu’un nouveau président est désigné, la composition tripartite du conseil d’administration ne sera plus respectée contrairement aux dispositions de la loi susvisée de 1983 à moins qu’il n’en soit nommé d’autres. Dans ce cas, le projet de loi ne précise pas quand et comment se feront les nominations et quelle sera la durée de ces nouveaux mandats alors que l’article 11 de la loi de 1983 stipule qu'« en cas de vacance pour quelque cause que ce soit du siège d’un membre du conseil d’administration ou de surveillance, sont remplaçant n’exerce ses fonctions que pour la durée restant à courir jusqu’au renouvellement de la totalité dudit conseil ».

3° Le Gouvernement s’interdit, ce qui est illégal, de nommer un président parmi les administrateurs désignés puisque dès sa nomination, il cesserait ipso facto de faire partie du conseil d’administration au sein duquel le président doit être choisi.

En ce qui concerne l’article 8

S’agissant de la notion d’entreprise publique, l’article 8 ne définit pas de manière satisfaisante ce qu’est une entreprise publique. Aucune loi ne l’a d’ailleurs jamais fait, le législateur se contentant à l’occasion, de procéder de façon énumérative. Tel fut le cas par exemple de la loi du 22 juin 1976 relative au contrôle de la Cour des comptes et de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. La seule référence constitutionnelle est celle de l’article 34 de la Constitution qui a utilisé la notion « d’entreprises du secteur public ».

L’article 8 du projet de loi, par sa formulation, ne vise qu’une partie des entreprises du secteur public lorsqu’il stipule, dans son deuxième alinéa, que sont approuvés par la loi les transferts d’entreprises « dont l’Etat détient directement plus de la moitié du capital social ». Or il ne suffit pas de détenir directement la majorité du capital social pour en avoir la propriété. Des actions à droit de vote double dont l’Etat peut disposer peuvent conférer en effet la majorité des voix dans les organes délibérants. Le projet de loi permettrait que soient privatisées administrativement des entreprises dans lesquelles l’Etat exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, c’est-à-dire tous les pouvoirs qu’attribue le droit des sociétés à la majorité des voix.

Enfin si l’Etat détient « indirectement » la majorité du capital social d’une entreprise, cette entreprise reste la propriété de l’Etat et son éventuelle « privatisation » doit également relever de la loi et non de l’autorisation administrative.

Ce critère est d’ailleurs retenu à l’article 4 du projet : il est contraire à la Constitution de l’exclure du deuxième alinéa de l’article 8.

C’est pour ces motifs et tous autres à déduire ou à suppléer que nous vous demandons de bien vouloir déclarer l’ensemble du projet dont s’agit et subsidiairement ses articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6 et 8 non conformes à la Constitution.

Monsieur le président, Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, nous avons l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, tel qu’il a été définitivement adopté par le Parlement.

Sur l’ensemble de la loi

Dès la déclaration de politique générale sur laquelle il a été engagé la responsabilité de son Gouvernement le 9 avril 1986, Monsieur le Premier ministre a annoncé un certain nombre de projets de loi, au premier rang desquels figurait celui en cause. Il était le plus prioritaire des « projets de loi qui engageront le renouveau » et présenté comme nécessaire au Gouvernement pour mener à bien sa politique. Ce texte comporte en outre, et c’est même sa principale raison d’être, une habilitation donnée au Gouvernement d’agir par ordonnances conformément à l’article 38 de la Constitution, c’est-à-dire notamment « pour l’exécution de son programme ».

Dans ces conditions et dès lors, comme l’indique le titre même de la loi, que les objectifs qu’elle définit sont d’ordre économique et social, cette loi s’analyse comme une loi de programme au sens de l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution.

Que ces objectifs soient mal définis, cela ne fait aucun doute, comme on aura l’occasion de le démontrer. Mais que leur définition soit entrée dans les intentions du Gouvernement ne souffre pas non plus la discussion et les déclarations réitérées des ministres lors du débat suffiraient à le prouver.

Or, la loi en question constituant ainsi et sans conteste une loi de programme, elle devait, préalablement à son inscription à l’ordre du jour d’une des deux assemblées du Parlement, être obligatoirement soumise au Conseil économique et social, ainsi que l’exigent l’article 70 de la Constitution et le deuxième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

Cela est d’ailleurs si vrai que, compte tenu des caractéristiques de ce texte, il est de ceux pour l’examen desquels a justement été conçu le Conseil économique et social. Et on serait en droit de s’interroger sur l’utilité de cet organe, auquel la Constitution a consacré un titre entier, s’il pouvait être écarté de la procédure sur un projet susceptible de bouleverser des pans entiers du droit social et de la configuration économique de notre pays.

Ce que requiert le simple bon sens, l’article 70 de la Constitution et l’article 2 de l’ordonnance organique prise pour son application l’exigent également. Et pour avoir méconnu cette obligation, la loi déférée encourt manifestement la censure du Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne l’article 1er

S’agissant en premier lieu du droit de la concurrence, la délégation consentie excède à l’évidence les limites permises par l’article 38 de la Constitution. Dans sa décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, le Conseil constitutionnel a relevé l’obligation pesant sur le Gouvernement de faire connaître au Parlement avec précision, au moment de la présentation du projet de loi d’habilitation, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre. Il ne s’agit naturellement pas là d’un simple témoignage de courtoisie à l’égard du Parlement, pas plus que d’une obligation de caractère exclusivement politique, mais au contraire d’une condition à laquelle est subordonnée la constitutionnalité de l’habilitation.

C’est cette exigence de précision sur les finalités qui fait d’ailleurs toute la différence entre une loi d’habilitation et une loi de pleins pouvoirs. La Constitution de la Ve République n’admet que la première et exclut la seconde.

Or cette condition n’est évidemment pas remplie en l’occurrence. Implicitement mais nécessairement, le texte de la loi reconnaît d’ailleurs non sans une certaine candeur. En effet, l’emploi du verbe « définir » suffit à démontrer l’impossibilité dans laquelle se trouve le Parlement de connaître, et d’apprécier, les finalités des mesures que le Gouvernement se propose de prendre en matière de droit de la concurrence.

C’est vainement que serait invoqué le second alinéa de l’article 1er. Celui-ci ne peut sérieusement être considéré comme apportant les précisions indispensables (et au demeurant antinomiques avec l’idée d’une définition à venir). Tout au plus s’agit-il d’un remplissage à caractère superfétatoire dans la mesure où les prescriptions qu’il énonce sont nécessaires en toute hypothèse, parce que résultant d’exigences constitutionnelles, et le fait de les viser dans la loi ne saurait rien ajouter à leur force contraignante, tout comme leur oubli ne lui aurait rien retiré.

Ainsi le Parlement, en ce qui concerne la définition d’un nouveau droit de la concurrence, n’a-t-il pas été en mesure de connaître avec précision les finalités des mesures que le Gouvernement se propose de prendre.

Mais il y a plus. On ne fera pas en effet au Gouvernement le procès d’avoir voulu dissimuler ses intentions. La réalité est autre, plus prosaïque et plus étonnante. Si le Gouvernement n’a pas indiqué ce qu’il compte faire de la délégation c’est tout simplement parce qu’il l’ignore lui-même. On ne veut pour preuve la mission qu’il a officiellement confiée à un haut fonctionnaire, M Donnedieu de Vabres, consistant à faire des propositions pour une nouvelle définition du droit de la concurrence (voir les déclarations de M le ministre d’Etat, chargé de l’économie, des finances et de la privatisation, Journal officiel, Débats parlementaires, AN, p 208).

Une nouvelle fois les exigences de la logique comme celles de la Constitution sont simultanément mises à mal. La logique, en effet, de même d’ailleurs que l’article 38 tel que l’a interprété le Conseil constitutionnel, eussent voulu que le Gouvernement confiât sa mission à M Donnedieu de Vabres, puis, au vu de ses résultats et si cela semblait utile, qu’il demandât au Parlement la délégation nécessaire à la mise en oeuvre de celles des propositions que le Gouvernement eût choisi de retenir et sur lesquelles alors, mais alors seulement, il eût pu apporter toutes les précisions requises.

Le Gouvernement a choisi de procéder à l’envers, attitude qui heurte le bon sens, ce qui est regrettable, mais surtout méconnaît les exigences constitutionnelles, ce qui est inacceptable. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel sera conduit à déclarer non conformes à la Constitution les dispositions autorisant le Gouvernement à définir par ordonnances « un nouveau droit de la concurrence ».

S’agissant en second lieu de « la liberté de gestion des entreprises », l’article 1er poursuit comme objectif l’abrogation de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix. Il ne s’agit pas là simplement d’une possibilité mais bien aussi d’une intention clairement affirmée, notamment par M le ministre d’Etat, chargé de l’économie, des finances et de la privatisation, déclarant à propos des textes existants : « Ces réglementations, nous venons de les démanteler en ce qui concerne le contrôle des changes. Il faut les abolir en matière de prix et mettre ainsi le droit en accord avec les réalités économiques » (Journal officiel, Débats parlementaires, AN, p 208). Ce faisant, le Gouvernement allait dans le sens souhaité par M le rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale qui affirmait au sujet de l’ordonnance de 1945 sur les prix : "L’existence d’une législation, d’une réglementation, porte en elle-même la tentation d’intervenir. Nous devons le reconnaître avec lucidité : de cette tentation, toute humaine, la majorité nouvelle n’est pas davantage préservée que la précédente.

Nous le savons si bien que nous nous sommes engagés à supprimer la source de la tentation en abrogeant les ordonnances de 1945" (Journal officiel, Débats parlementaires, AN, p 203).

Ainsi n’existe-t-il aucun doute quant à la volonté, affirmée de manière réitérée, d’abroger purement et simplement l’ordonnance de 1945 relative aux prix sans la remplacer par d’autres dispositions.

Or on est en droit de se demander s’il est constitutionnellement possible d’agir de la sorte.

En effet, l’abrogation de l’ordonnance de 1945 relative aux prix laisserait l’Etat complètement désarmé en cas de crise économique grave. Ne subsisteraient alors que les dispositions de l’article 46, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation en temps de guerre qui permettent effectivement à des décrets en conseil des ministres de « taxer » certaines ressources. Toutefois, ces pouvoirs ne sont utilisables qu’en période de guerre ou « de tension extérieure lorsque les circonstances l’exigent ». Il ressort de l’ensemble du texte de 1938 que, même s’il permet de prendre des mesures en temps de paix, celles-ci ne peuvent intervenir que dans la perspective, potentielle ou avérée, d’un conflit armé. Ce n’est d’ailleurs qu’en ce sens que peut être interprétée la notion de « tension extérieure ».

Or la caractéristique principale des économies modernes est la complexité, due à leur imbrication à l’échelle planétaire. De ce fait, comme l’histoire du XXe siècle l’a d’ailleurs abondamment et dramatiquement prouvé, une crise peut se déclencher à tout moment, en n’importe quel endroit du monde, et provoquer des dérèglements économiques brutaux, allant du simple renchérissement des matières premières jusqu’au tarissement de leur approvisionnement, allant d’une simple diminution du pouvoir d’achat des consommateurs jusqu’à l’émergence de tensions sociales déflagratoires. Et il est certain que cela peut survenir en dehors de toute situation de « tension extérieure » au sens de la loi de 1938 et donc ne pas permettre de recourir, sans risque d’annulation contentieuse, aux moyens que cette dernière pourrait procurer.

De la même manière, l’hypothèse évoquée ne semble pas entrer dans le champ de celles prévues par l’article 16 de la Constitution.

De ce fait, la France se trouverait alors être le seul pays développé à ne disposer d’aucune possibilité d’intervention immédiate sur les prix dans l’hypothèse d’une crise grave et subite. Il est en effet à noter que tous les pays modernes, quelque libérale que puisse être leur doctrine économique, ont doté leur Etat de la possibilité de réagir à tout moment (v Robert Savy, « Les Pouvoirs économiques exceptionnels », Pouvoirs n° 10, p 80 et suiv), ce qui ne signifie nullement une obligation mais seulement une mesure de prudence indispensable.

Certes, on pourrait objecter que l’ordonnance de 1945 relative au prix n’avait pas pour objet de répondre à des situations exceptionnelles. Une telle remarque serait exacte mais sans portée.

Dès lors que le Gouvernement pouvait intervenir sur les prix en période normale, à plus forte raison aurait-il été fondé à le faire en cas de crise et il n’y avait donc pas lieu d’inscrire spécifiquement cette hypothèse au nombre de celles justifiant l’ordonnance. Mais en permettant l’abrogation de cette dernière, la loi d’habilitation supprimerait d’un même mouvement les pouvoirs ordinaires, ce qui pourrait se concevoir, et ceux utilisables en temps de crise, ce qui n’est pas acceptable.

Car, et c’est cela en fin de compte qui motive le moyen invoqué, l’intervention de l’Etat, dans les hypothèses évoquées précédemment, n’est pas pour lui une simple faculté, mais représente au contraire une obligation de caractère constitutionnel. D’une part, le préambule de la Constitution de 1946, repris par celui de la Constitution de 1958, énonce que « la Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales », et ni la solidarité ni l’égalité ne peuvent être assurées si l’Etat n’est pas en mesure d’intervenir immédiatement. D’autre part, le principe constitutionnel de continuité de l’Etat n’a de sens qu’autant qu’est assurée la continuité de la vie nationale elle-même, et que, notamment, l’Etat peut en cas de besoin veiller à l’assurer.

Dans ces conditions, doter l’Etat des moyens d’intervenir sur les prix au moins en période de crise est une exigence de caractère constitutionnel, quitte à ce que le Gouvernement s’abstienne d’en faire usage, ce qui après tout dépendrait de sa seule volonté, quitte même à ce que ces dispositions soient formellement limitées aux circonstances exceptionnelles.

Il n’est pas excessif, à ce propos, d’évoquer la décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984 et de considérer, mutatis mutandis, que l’abrogation totale de l’ordonnance de 1945 relative aux prix, dont certaines dispositions donnent aux citoyens des garanties conformes aux exigences constitutionnelles qui ne seraient pas remplacées par des garanties équivalentes, n’est pas conforme à la Constitution.

Certes, on pourrait penser qu’une situation de crise autoriserait le Gouvernement à prendre des mesures qui lui sont normalement interdites, comme il est arrivé au Conseil d’Etat de l’admettre à travers sa jurisprudence sur les circonstances exceptionnelles. Mais l’argument serait sans portée dans la mesure où justement le Conseil d’Etat a toujours refusé de considérer la fixation de prix de vente comme ayant pour objet d’assurer la tranquillité publique (CE, 6 juillet 1923, Syndicat des laitiers, Rec p 548 ; 11 avril 1924, Goyer, Rec p 382), tandis qu’au contraire il n’acceptait d’intervention de l’autorité publique en matière de prix que lorsque cela avait été rendu expressément possible par une disposition de valeur législative (CE, 21 mai 1920, Tison, Rec p 521).

Ainsi est-il certain, si l’ordonnance de 1945 relative aux prix venait à être abrogée, qu’aucune mesure ne pourrait être prise, par un gouvernement confronté à une crise grave, sans intervention préalable du législateur avec les délais que cela supposerait. Pour avoir méconnu de la sorte les exigences de caractère constitutionnel qu’il appartient à l’Etat de satisfaire, cette disposition de la loi déférée ne pourra, à son tour, qu’être déclarée non conforme à la Constitution.

En ce qui concerne les articles 2 et 3

C’est à la lumière de l’exigence constitutionnelle de précision que doivent être appréciés les articles 2 et 3. Il convient de reconnaître que les amendements déposés et soutenus par les signataires de la présente saisine ont conduit le Gouvernement à préciser ses intentions et à clarifier la nature des mesures qu’il se propose de prendre. Il n’en demeure pas moins que la rédaction reste occasionnellement sibylline, que notamment les objectifs poursuivis sont énoncés en termes à ce point généraux que l’on voit mal comment il eût été possible de dire moins.

Aussi appartient-il au Conseil constitutionnel d’apprécier si les articles 2 et 3 de la loi satisfont à l’exigence de précision qu’impose l’article 38 de la Constitution.

En ce qui concerne les articles 4 à 7 Ces quatre articles concernent les transferts de propriété du secteur public au secteur privé. Quoique tous n’aient ni le même objet, ni la même fonction, que certains établissent des normes quand d’autres consentent des habilitations, il y a lieu de les envisager conjointement du point de vue de la constitutionnalité.

A cet égard, plusieurs remarques méritent d’être faites et plusieurs griefs invoqués.

S’agissant en premier lieu du principe même des transferts de propriété du secteur public au secteur privé, les députés soussignés n’entendent nullement en contester la possibilité dès lors qu’elle est expressément évoquée par l’article 34 de la Constitution.

Toutefois, la faculté ainsi offerte au législateur n’est pas illimitée, de même que la constitutionnalité de ses décisions est subordonnée au respect d’un certain nombre de conditions.

Pour ce qui est des limites aux possibilités de tels transferts, elles sont clairement énoncées par le préambule de la Constitution de 1946. Celui-ci affirme que "tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. A plus forte raison de tels biens ou de telles entreprises doivent-ils rester la propriété de la collectivité lorsqu’elle les a acquis.

Dans ces conditions, on est en droit de se demander si dans la liste annexée à la loi ne figurent par des entreprises ou groupes d’entreprises revêtant les caractères mentionnés par le préambule précité.

Or, il est certain qu’un grand nombre des entreprises concernées disposent, pour tout ou partie de leur production, directement ou à travers des filiales, de monopoles de fait incontestables. On se bornera ici à en citer quelques exemples : la CGE qui, par l’intermédiaire de sa filiale CIT-Alcatel, exerce un monopole en matière de conception et construction de centraux téléphoniques ; Rhône-Poulenc qui, par l’intermédiaire de l’Institut Mérieux, exerce un monopole sur un grand nombre de vaccins dont certains obligatoires ; Thomson qui, grâce à Thomson-CSF, est l’unique producteur français d’ensembles électroniques destinés aux armées ; Bull, qui construit les grands calculateurs à usage militaire ; Pechiney, qui a le monopole sur les matériaux composites nécessaires à la construction aéronautique ; Saint-Gobain, dont le monopole s’exerce sur le marché du verre ; Havas, dont une filiale détient le monopole sur les annuaires téléphoniques.

Cette liste est fort loin d’être exhaustive et sans doute le Conseil constitutionnel lui-même sera-t-il amené à la compléter.

Mais deux remarques doivent être faites. D’une part, ces monopoles sont indiscutables, et pour certains récents. D’autre part, ils concernent souvent des secteurs déterminant de l’indépendance nationale. Ces deux considérations avaient d’ailleurs été, parmi d’autres, de celles qui ont conduit aux nationalisations opérées en 1982. De la même manière, c’est également le souci de l’indépendance nationale qui avait conduit le général de Gaulle, refusant la subordination de la France à la technologie étrangère, à mettre en place, notamment dans le secteur informatique, des filières aujourd’hui confiées à certaines de ces entreprises publiques.

On est également en droit de se demander si la nationalisation progressive du système bancaire et financier français n’a pas donné naissance à un service public national du crédit dont la collectivité a entendu se doter pour maîtriser au mieux des intérêts de la nation cet outil essentiel de toute politique économique.

Aussi, sur ces deux sujets-là au moins, doit-on poser la question de savoir si a été respectée la limite posée par le préambule de 1946.

Quand cela serait le cas, il resterait que la constitutionnalité du transfert est subordonnée à d’autres conditions qui ne sont manifestement pas réunies en l’espèce.

S’agissant en deuxième lieu de l’évaluation des entreprises, il est certain que la cession ne peut s’opérer dans n’importe quelles conditions. Tout comme les nationalisations ne sont possibles que sous réserve d’une juste indemnité, les dénationalisations doivent répondre à une exigence symétrique. En effet, si les entreprises qui sont actuellement la propriété de la collectivité étaient cédées à un prix inférieur à leur valeur réelle, il s’ensuivrait nécessairement une rupture d’égalité entre les citoyens devant les charges publiques. Là où l’universalité des citoyens a supporté le coût des nationalisations, seuls les acquéreurs d’actions bénéficieraient d’un transfet qui ne se ferait pas au juste prix, et il y aurait donc un enrichissement dont on ne connaîtrait pas la cause, mais dont on connaîtrait fort bien les victimes : l’ensemble des contribuables.

Ainsi, par des voies différentes, nationalisations et dénationalisations doivent-elles répondre aux mêmes conditions.

Ce qu’exige la protection du droit de propriété dans un sens, le principe d’égalité l’exige dans l’autre : juste indemnisation des actionnaires là, et ici juste indemnisation de l’Etat.

Or, à cet égard, la loi déférée est loin d’apporter toutes les garanties nécessaires et d’ailleurs n’en apporte rigoureusement aucune. Certes, ce sera là la tâche de l’ordonnance. Mais on en revient alors à l’imprécision de la délégation, et il est pour le moins choquant que l’habilitation ne comporte aucune indication quant à cet impératif. En effet, le législateur de 1982, invité à le faire par le Conseil constitutionnel, a défini un mode d’évaluation de la valeur des entreprises qui reste parfaitement utilisable. Il était d’autant plus loisible à la loi de reprendre le même que le Conseil constitutionnel en avait approuvé le mécanisme. A tout le moins le Parlement pouvait-il indiquer, puisqu’ils les avaient à sa disposition, ceux des éléments de la méthode de calcul de 1982 qui lui semblaient devoir être repris. Il s’en est abstenu, ou plus précisément s’y est opposé en rejetant les initiatives en ce sens.

Il s’ensuit nécessairement que le Gouvernement, par ordonnances, pourra faire tout autre chose, sans que que personne ne puisse savoir quoi, sans que quiconque ne puisse exercer un contrôle efficace.

A cela, on objectera certes que le Conseil d’Etat pourra être saisi de l’ordonnance et, s’il y a lieu, l’annuler. Mais cette objection serait sans fondement pur une raison d’évidence. Dès lors que le juge administratif admet la ratification implicite susceptible d’entraîner le non-lieu à statuer, dès lors que l’adoption de la prochaine loi de finances comportera naturellement des dispositions conduisant à une telle ratification implicite, l’ordonnance prise sur le fondement de l’article 5 pourra entrer en vigueur sans que personne ait pu en vérifier la conformité à la Constitution.

Or, lorsque est en cause un élément aussi important que l’égalité des citoyens devant la loi et devant les charges publiques, il ne peut se présumer et le législateur avait donc l’obligation de définir avec beaucoup plus de précision les modalités d’évaluation des entreprises. Pour avoir omis de le faire, la délégation consentie ne l’a pas été conformément à la Constitution.

Mais il y a plus grave encore. Il ressort du texte même de l’article 4 que celui-ci n’a pas le caractère d’une habilitation.

Il prend une décision : celle de transférer au secteur privé un certain nombre d’entreprises : l’assortit d’un délai : au plus tard le 1er mars 1991 : et ce n’est que dans le second alinéa que sont renvoyées à l’article 5 les règles qui présideront au transfert.

Ce faisant, la loi semble se conformer en tous points aux exigences de l’article 34 de la Constitution telles que le Conseil constitutionnel l’a interprété en 1982 lorsqu’il estimait qu’il appartient au législateur non pas nécessairement d’opérer directement les transferts, mais de poser les règles dont l’application incombera aux organes ou autorités désignés par lui (décision n° 81-132 DC).

Ainsi donc la loi a-t-elle d’ores et déjà décidé la dénationalisation des entreprises concernées, à charge pour l’autorité que désignera l’ordonnance : probablement le Gouvernement – de la matérialiser dans le délai indiqué. Mais cette manière de procéder n’est acceptable à aucun titre.

En effet, comme il a été dit plus haut, le transfert de propriété doit, pour respecter les exigences constitutionnelles, se faire à un juste prix. Or, ce qui distingue fondamentalement la nationalisation de la dénationalisation, c’est que la première est une acte unilatéral, tandis que la seconde est bilatérale.

Sa mise en oeuvre a nécessairement un aspect contractuel, lequel suppose la rencontre entre le consentement de l’Etat qui vend et le consentement de ceux qui se proposent d’acheter. Le prix est évidemment un élément prioritaire qui conditionne ces consentements.

Or, avec le système retenu, l’Etat n’a pas la capacité de refuser le sien puisque aussi bien pèse sur lui l’obligation d’opérer le transfert dans un délai déterminé. Il y a bien deux parties, mais elles ne traiteront pas dans une situation d’égalité. Que se passera-t-il alors si, particulièrement à la veille de l’échéance du délai, aucune des propositions d’acquisition d’une entreprise, ou plusieurs, n’approche la valeur effective ? L’autorité compétente n’aura d’alternative qu’entre violer la loi en ne transférant pas au secteur privé, ou violer la Constitution en transférant à un prix notoirement inférieur à la valeur réelle.

Cela est d’autant plus sérieux que, compte tenu de la nature des entreprises en cause, le nombre des acquéreurs possibles d’un pourcentage sensible des participations est naturellement limité, qu’une entente entre eux leur permettrait aisément d’imposer leurs conditions à un Etat forcé de conclure la vente. L’offre d’actions étant de plus manifestement supérieure à la demande que peut absorber le marché financier français, l’obligation de dénationaliser aura inéluctablement l’un des trois effets suivants : impossibilité de trouver en France acquéreur à un prix normal, ou obligation de céder à un prix inférieur, ou encore cession désirable à des intérêts étrangers.

Certes, on pourrait objecter qu’il ne s’agit là que d’hypothèses, même si elles sont plus que probables. Il reste que la contradiction qui existe entre la certitude du transfert et l’aléa du prix offert est quelque chose d’avéré.

Il eût été loisible au législateur de l’éviter en prévoyant par exemple la détermination, pour chaque entreprise, d’un prix minimum en deçà duquel l’autorité compétente serait fondée à renoncer au transfert. Mais non seulement la loi n’a rien prévu de tel, mais elle l’a formellement exclu en décidant les cessions impératives avant le 1er mars 1991.

L’intention du législateur est d’ailleurs si ferme qu’il a modifié à ce sujet le texte initialement proposé. Là où le projet énonçait « le Gouvernement pourra transférer », la loi adoptée a écrit « sera transférée du secteur public au secteur privé ».

Il ressort donc clairement de ce qui précède qu’il n’y aura de certitude de respecter la Constitution, en ce qui concerne le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques, qu’à condition de pouvoir violer la loi. Il s’agit d’une innovation qui passionnera sans doute les juristes, mais il n’en demeure pas moins que ne saurait être jugée conforme à la Constitution la loi qui impose sa propre violation.

S’agissant en troisième lieu de la compétence pour décider des transferts, les articles 4 et 7 opèrent des distinctions selon les entreprises. C’est ainsi notamment que l’article 7 énonce que doivent être opérés par la loi "les transferts au secteur privé de la propriété : des entreprises dont l’Etat détient directement plus de la moitié du capital social ; des entreprises qui sont entrées dans le secteur public en application d’une disposition législative". Les autres transferts sont décidés par l’autorité administrative.

Cette disposition n’est manifestement pas conforme à la Constitution en ce qu’elle permet de dessaisir le législateur en méconnaissance des dispositions de l’article 34. Si cet article 7 venait à être promulgé, cela permettrait au Gouvernement dans la majeure partie des cas de choisir lui-même de recourir ou non à la loi. Outre les entreprises dont la nationalisation a résulté d’une loi, relèvent seules de la compétence au Parlement celles dont l’Etat détient directement plus de la moitié du capital social.

Or le caractère direct ou indirect de cette propriété dépend le plus souvent d’une simple décision gouvernementale. Ainsi suffirait-il au pouvoir exécutif d’opérer en deux temps. Dans un premier temps il attribuerait à un de ses établissements publics, par exemple, une partie du capital social d’une entreprise. Puis dans une second temps, constatant que grâce à cette cession l’Etat ne détient plus « directement » la majorité du capital social, l’établissement public ayant une personnalité juridique distincte, le Gouvernement serait en droit de faire l’économie du passage au Parlement. Ce mécanisme, au demeurant fort simple, substituerait donc la volonté du pouvoir exécutif à la compétence de la représentation nationale.

Et il est impossible de remédier à cette inconstitutionnalité par la simple suppression de l’adverbe « directement » dans la mesure où cela ne changerait rien aux conséquences juridiques. De même n’est-il pas possible de déclarer purement et simplement non conforme la phrase en cause dès lors que cela aurait pour effet paradoxal, dont le législateur n’a manifestement pas voulu, de diminuer les hypothèses de compétence législative. Aussi est-ce l’ensemble du paragraphe I de l’article 7 qui doit être déclaré non conforme. Or comme le paragraphe II n’a de sens qu’au vu du paragraphe Ier qu’il vise, c’est l’ensemble de l’article qui est ainsi condamné.

Cela est d’autant plus certain qu’il existe un autre grief d’inconstitutionnalité au sein du second paragraphe de l’article.

Il entend confier à l’autorité administrative le soin d’approuver les transferts autres que ceux pour lesquels une loi est requise.

Mais en ne définissant pas de quelle autorité administrative il s’agit, l’article 7 opère une subdélégation inconstitutionnelle.

Un directeur d’administration centrale, un ministre, le Premier ministre, sont autant d’autorités administratives. Laquelle sera compétente ? Un arrêté ministériel, un arrêté interministériel, un décret simple, un décret en Conseil d’Etat, un décret en conseil des ministres, quelle sera la forme de l’approbation ? Autant de questions auxquelles la loi n’apporte pas de réponse. Et cela est d’autant plus grave que la détermination de l’autorité compétente ne fait même pas partie de l’habilitation donnée à l’article 5, ne figurera même pas dans l’ordonnance à venir, dès lors que le choix de l’autorité compétente ne fait évidemment pas partie, ne peut pas faire partie, des « conditions de délivrance » mentionnées au 2° de l’article 5. Au demeurant, même si le Parlement avait habilité le Gouvernement à déterminer par ordonnance l’autorité compétente pour décider des transferts, cela n’aurait pas fait perdre à cette décision le caractère de subdélégation. Mais même cette précaution n’a pas été prise.

Ainsi l’article 7 ne peut-il qu’être déclaré non conforme à la Constitution pour les diverses raisons invoquées ci-dessus. De même et en conséquence doivent être supprimées toutes les références que l’article 5 fait à l’article 7.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l’honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de déclarer non conformes à celle-ci les dispositions contestées de la loi qui vous est déférée.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président, Messieurs les conseillers, l’assurance de notre haute considération.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil constitutionnel, décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social