Tribunal administratif de Guadeloupe, 28 octobre 2010, n° 1000614

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Chronologie de l’affaire

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1Grève : quelles sont les marges de manœuvre des pouvoirs publics ? [VIDEO et article]
blog.landot-avocats.net · 13 septembre 2023

Nouvelle diffusion Pas moins de 6 pistes de travail existent, en droit, pour les pouvoirs publics en cas de grève. Mais aucune de ces voies n'est commode, le pouvoir de réquisition étant en ce domaine un outil puissant, certes, mais très difficile à calibrer, au cas par cas, en droit. Abordons ceci sous la forme d'une vidéo et d'un article. I. VIDEO En 8 mn 50, voici un point vidéo sur ce sujet explosif. https://youtu.be/rWggm0zHLQA II. ARTICLE (avec des sujets traités un peu différemment que dans la vidéo) Sur ce second point, citons l'article L. 2215-1 du code …

 

2Réquisitions dans les raffineries : NON la censure, ce jour, par le TA de Rouen n’est pas un revirement de jurisprudence, mais un changement de circonstances
blog.landot-avocats.net · 6 avril 2023

Grève et réquisitions dans les raffineries : oui parfois le juge varie (un peu)… mais surtout ce sont les circonstances qui varient (beaucoup), expliquant que le juge des référés du TA de Rouen vient de suspendre un arrêté de réquisition après avoir refusé d'en censurer deux autres précédemment. Voyons ceci en détail Sur ce second point, citons l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales (attention ce texte n'est pas en soi directement applicable en Alsace Moselle qui a son propre régime ; cf. art. L. 2542-1 dudit CGCT et 11 du décret du 29 avril …

 

3Grève : quelles sont les marges de manœuvre des pouvoirs publics ? [VIDEO et article]
blog.landot-avocats.net · 10 février 2023

Nouvelle diffusion Pas moins de 6 pistes de travail existent, en droit, pour les pouvoirs publics en cas de grève. Mais aucune de ces voies n'est commode, le pouvoir de réquisition étant en ce domaine un outil puissant, certes, mais très difficile à calibrer, au cas par cas, en droit. Abordons ceci sous la forme d'une vidéo et d'un article. I. VIDEO En 8 mn 50, voici un point vidéo sur ce sujet explosif. https://youtu.be/rWggm0zHLQA II. ARTICLE (avec des sujets traités un peu différemment que dans la vidéo) Sur ce second point, citons l'article L. 2215-1 du code …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Guadeloupe, 28 oct. 2010, n° 1000614
Juridiction : Tribunal administratif de Guadeloupe
Numéro : 1000614
Sur renvoi de : Conseil d'État, 8 décembre 2003

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE BASSE-TERRE

N°1000614

___________

M. A Z

___________

Ordonnance du 28 octobre 2010

__________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Basse-Terre,

La présidente, juge des référés,

Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2010, présentée pour M. A Z, demeurant 37 lot French Prise d’Eau Petit-Bourg (97170), par la SCP Ezelin-Dione ; M. Z demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté du 21 octobre 2010 par lequel le préfet de la Guadeloupe l’a réquisitionné les 27, 28, 31 octobre 2010 et 4, 5, 8, 9, 12 et 13 novembre 2010 pour assurer son service habituel à l’aéroport de Pointe-à-Pitre – Le Raizet ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1.000 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

M. Z soutient que : par un arrêt du 9 décembre 2003, Mme X, le Conseil d’Etat a jugé qu’une entrave au droit de grève portée par un ordre de réquisition constituait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; il y a urgence absolue dès lors que la grève est prévue à partir du 26 octobre et que l’atteinte risque d’être irréversible ; l’ordre de réquisition a été adressé indistinctement à tous les collègues du requérant et a manifestement pour but de faire échec au droit de grève ; la réquisition vise à faire assurer un service normal ; l’ordre de réquisition débute le 25 octobre alors que la grève n’est prévue que le 26 ; le préfet n’a pas attendu de voir l’impact de la grève sur la continuité du service public et a agi de façon préventive ; il s’agit d’une atteinte directe au droit de grève ;

Vu l’arrêté dont la suspension est demandée ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2010 présenté par le préfet de la Guadeloupe qui conclut au rejet de la requête ; le préfet de la Guadeloupe soutient que : aucune atteinte grave et manifestement illégale n’a été portée à l’exercice d’une liberté fondamentale ; les agents concernés appartiennent au service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA) et participent à une mission de service public ; ce service est placé sous le contrôle de l’Etat ; la jurisprudence du Conseil d’Etat autorise les mesures permettant de concilier exercice du droit de grève et nécessités du service public ; le niveau de protection SSLIA est strictement réglementé par l’arrêté du 18 janvier 2007 et impose 24 agents à l’aéroport de Pointe-à-Pitre – Le Raizet ; 24 agents sur 37 possédant leur agrément de pompiers d’aérodrome ont été réquisitionnés ; dans les faits, seules 20 réquisitions sont effectives, car 4 agents ont déposé un arrêt maladie après avoir reçu leur ordre de réquisition ; des niveaux de protection allant de 1 à 10 sont imposés par l’arrêté précité, correspondant à un effectif minimum d’agents devant être présents sur le site (5 agents de 6 heures à 13 heures et 7 agents de 13 heures à 24 heures, soit 12 agents par jour) ; il n’existe pas de solution palliative dans des délais compatibles avec le maintien de la continuité territoriale ; en effet, même des agents déjà formés à la mission de pompier d’aérodrome (3 semaines de formation initiale) doivent suivre une formation locale de deux semaines avant de pouvoir être agréés ; aucune solution concertée de mise en place d’un service minimum n’a pu être mis en place à ce jour compte tenu du climat social et aucun agent ne s’est annoncé comme étant non gréviste ; les solutions palliatives avaient été étudiées lors du conflit social de 2009, mais aucune n’a abouti ; aucun autre aéroport, dont notamment les aéroports de Paris, n’ont été en mesure de mettre à disposition l’effectif requis ; le climat social est très dur depuis 2009 et n’a pas permis d’organiser le service pendant la durée du préavis, qui est de 5 jours ; la réquisition était donc nécessaire et constituait la seule solution possible ; la notification des réquisitions se révèle très difficile ; elle ne peut en pratique être opérée que sur le lieu de travail, ce qui compte tenu de la présence des agents ne peut se faire qu’en trois jours, pour une durée cinq jours ; le préfet détenait ce pouvoir de réquisition en application de l’article L.2215-1-4° du code général des collectivités territoriales ; s’agissant de l’organisation du SSLIA, service complet et service minimum se confondent, faute de quoi le niveau réglementaire de protection n’est pas assuré ; la mesure préventive ainsi prise est. nécessaire et ne porte pas une atteinte excessive au droit de grève ;

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 28 octobre 2010, Mme Favier, présidente, en son rapport, Me Ezelin, représentant M. Z et Mme Y, représentant le préfet de la Guadeloupe, en leurs observations ;

:

Considérant que M. Z demande la suspension de l’arrêté du 21 octobre 2010 par lequel le préfet de la Guadeloupe l’a réquisitionné pour assurer son service habituel à l’aéroport de Pointe-à-Pitre – Le Raizet pour 9 jours à compter du 27 octobre 2010 et jusqu’au 13 novembre 2010 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » ;

Considérant qu’aux termes du 4° ajouté à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales par l’article 3 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure : « En cas d’urgence, lorsque l’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien et service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu 'à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin. (…) » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’en raison d’un préavis de grève illimitée déposé le 19 octobre 2010 par l’union locale des travailleurs des entreprises de l’aéroport à compter du 26 octobre 2010, le préfet de la Guadeloupe a décidé, en application des dispositions précitées du 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, de requérir les pompiers de l’aéroport de Pointe-à-Pitre Le Raizet afin d’assurer la continuité territoriale entre la métropole et la Guadeloupe et d’assurer la sécurité minimale nécessaire au bon fonctionnement de l’aéroport ;

Considérant, d’ une part, que le droit de grève présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de 1 'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que si le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient du 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, pouvait légalement requérir des agents grévistes dans le but de garantir la sécurité des transports aériens, il ne pouvait toutefois prendre que les mesures imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public ; que les arrêtés portant réquisition nominative des pompiers de l’aéroport ont directement pour effet de faire obstacle à l’exercice du droit de grève en contraignant les intéressés à assurer leur service et à reprendre immédiatement leur activité professionnelle ; qu’ils créent ainsi une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte des pièces du dossier que le préfet a requis pendant la période du 25 octobre au 30 novembre 2010, 24 agents du service ie sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs sur les aérodromes (SSLIA), chacun pour un nombre de jours variant entre 7 et 13 jours, afin d’assurer la présence de 12 agents par jour, soit 5 agents de 6 heures à 13 heures et 7 agents de 13 heures à 24 heures ; que ce nombre d’agents correspond au niveau de protection exigé en la matière par l’arrêté du 18 janvier 2007 relatif aux normes techniques applicables au SSLIA sur les aérodromes, en deçà duquel l’aérodrome ne peut fonctionner ; que le moyen tiré de ce que l’arrêté querellé concerne indistinctement tous les agents et qu’il vise à assurer un fonctionnement normal et non minimal du service doit donc être écarté ;

Considérant, ensuite, qu’il résulte également des pièces du dossier que le préfet de la Guadeloupe a, préalablement à l’édiction des arrêtés querellés, recherché si les besoins essentiels qui s’attachent au sauvetage et à la lutte contre l’incendie des aéronefs à l’aéroport international de Pointe-à-Pitre – Le Raizet ne pouvaient être autrement satisfaits qu’en procédant aux réquisitions contestées ; qu’il fait notamment valoir que lors du conflit social de 2009, aucun autre aéroport n’avait été en mesure de mettre à disposition des agents, et qu’une éventuelle mise à disposition de cette nature aurait dû donner lieu à une formation locale obligatoire d’une durée minimale de deux semaines, ne permettant pas d’assurer la continuité territoriale et la continuité du service public dont les agents requis ont la charge ; qu’en outre, la durée du préavis de grève de cinq jours ne permet pas de prendre d’autres mesures dans les délais requis ; qu’il fait également valoir que pendant le préavis, aucun service minimum n’a pu être mis en place de façon négociée ; qu’en conséquence, le moyen tiré de ce que ces réquisitions auraient pour seul objectif d’entraver le droit de grève doit également être écarté ;

Considérant, toutefois, qu’en réquisitionnant M. Z pendant 9 jours et jusqu’au 13 novembre 2010, sans tenir compte de l’effectivité et de la durée réelle de la grève, le préfet de la Guadeloupe a pris une mesure non strictement nécessaire au regard du risque encouru ; que, par suite, la décision de requérir M. Z pendant toute cette période est entachée d’une illégalité manifeste qui porte une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève ; que le préfet de la Guadeloupe affirme en défense que, compte tenu des difficultés à notifier les arrêtés de réquisition aux agents, cette opération ne pouvant, en pratique, être réalisée que sur le lieu de travail, et du rythme de présence des agents, un délai de cinq jours lui est nécessaire pour procéder à de nouvelles réquisitions ; qu’il y a donc lieu d’ordonner, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’arrêté du 21 octobre 2010 par lequel le préfet de la Guadeloupe a requis M. Z au delà du 2 novembre 2010 inclus ; que la présente décision ne fait pas obstacle à ce que le préfet puisse, le cas échéant, décider, si le conflit se prolonge, et au cas d’échec des négociations qui devront être mises en œuvre pour mettre un service minimum, de faire de nouveau usage des pouvoirs qu’il tient du 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales au delà de cette date et dans les limites précisées ci-dessus ;

Considérant, enfin, qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1.000 euros que demande M. Z au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E

Article 1er : L’arrêté du 21 octobre 2010 attaqué est suspendu en tant qu’il réquisitionne M. Z au delà du 2 novembre 2010. Cette suspension ne fait pas obstacle à ce que, si le conflit se prolonge, le préfet puisse décider de faire usage des pouvoirs qu’il tient du 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales dans les limites énoncées par les motifs de la présente décision.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Z et au préfet de la Guadeloupe. Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur, de l’outremer et des collectivités territoriales.

La présidente

S. Favier

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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