Tribunal administratif de Toulouse, 8 novembre 2014, n° 1405344

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Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 8 nov. 2014, n° 1405344
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 1405344

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULOUSE

N° 1405344

M. C Y

M. Z X


Ordonnance du 8 novembre 2014


54-035-03

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés

Vu la requête, enregistrée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2014 à 0 h 18, sous le n° 1405344, présentée conjointement pour M. C Y, demeurant XXX à XXX, et M. Z X, demeurant 56 rue C d’Aragon à XXX, par Me Julien Brel, avocat ;

MM. Y et X demandent au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

— de constater qu’il existe une urgence ;

— de constater que l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 7 novembre 2014 porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de manifester ;

— de suspendre les effets de cet arrêté ;

— d’ordonner au préfet de la Haute-Garonne de mettre en œuvre toutes diligences de nature à assurer le respect de l’ordre public dans le cadre de la manifestation du 8 novembre 2014, cela sans délai et en application des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative ;

— de condamner l’Etat au paiement des entiers dépens du procès, ainsi qu’à une somme de 1 500 euros, sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Les requérants soutiennent l’existence d’un intérêt à agir, d’une urgence à suspendre l’arrêté en date du 7 novembre 2014 du préfet de la Haute-Garonne et d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

Vu le code de la sécurité intérieure ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 17 septembre 2014 par laquelle le président du Tribunal a désigné M. E F, pour statuer comme juge des référés administratifs ;

Sur les conclusions principales :

1. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » ; qu’aux termes de l’article L.522-3 du même code : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1. » ;

2. Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions combinées du 2° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et des articles L. 2214-4 et L. 2215-1 du même code que, notamment, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique, incombe à l’Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage ; que, dans ces mêmes communes, l’Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d’hommes ;

3. Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d’une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 211-2 du même code : « La déclaration est faite (…) trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation (…). Elle est faite au représentant de l’Etat dans le département en ce qui concerne les communes où est instituée la police d’Etat. / La déclaration fait connaître les noms, prénoms et domiciles des organisateurs et est signée par trois d’entre eux faisant élection de domicile dans le département ; elle indique le but de la manifestation, le lieu, la date et l’heure du rassemblement des groupements invités à y prendre part et, s’il y a lieu, l’itinéraire projeté (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 211-4 de ce code : « Si l’autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, elle l’interdit par un arrêté qu’elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu (…). » ;

4. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que le respect de la liberté de manifestation doit être concilié avec le maintien de l’ordre public et qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police, lorsqu’elle est saisie de la déclaration préalable prévue à l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure, d’apprécier le risque de troubles à l’ordre public et, sous le contrôle du juge administratif, de prendre les mesures de nature à prévenir lesdits troubles, dont, le cas échéant, l’interdiction de la manifestation si une telle mesure est seule de nature à préserver l’ordre public ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que MM. Y et X ont présenté une demande, reçue en préfecture de la Haute-Garonne le 7 novembre 2014, tendant à l’organisation, le 8 novembre 2014 à Toulouse, d’une manifestation sur la voie publique, organisée notamment au nom du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), en faveur de l’annulation définitive du projet de barrage de Sivens (Tarn) et de la restauration écologique du site, contre les violences policières et la militarisation par l’Etat de l’espace public ; que, par la décision contestée du 7 novembre 2014, le préfet de la Haute-Garonne a notamment interdit la manifestation ainsi projetée ;

6. Considérant que le préfet de la Haute-Garonne relève au soutien de son arrêté du 7 novembre 2014, et sans être sérieusement contesté, d’une part, qu’une manifestation comparable ayant le même objet s’est déroulée le 1er novembre 2014 à Toulouse où elle rassembla plusieurs centaines de personnes et s’accompagna d’affrontements violents entre des manifestants et les forces de l’ordre, ainsi que de dégradations commises sur des biens publics et privés par des groupes de casseurs dont certains étaient armés ; que, d’autre part, au cours d’une assemblée générale tenue, le 6 novembre 2014, à l’Université I-J de Toulouse, des tracts furent distribués invitant les étudiants à venir à la manifestation du 8 novembre 2014 et à « prendre la rue en se passant de la République et de la police » ; que, par ailleurs, en dépit des renforts de forces de l’ordre, le très fort risque de troubles graves à l’ordre public ne peut être prévenu raisonnablement, compte tenu de l’amplitude du trajet emprunté par le cortège sur une grande partie du centre-ville toulousain, de surcroît à une heure de forte fréquentation, ainsi que du caractère déterminé des manifestants à faire usage de la violence ; qu’enfin, eu égard au caractère tardif de la déclaration, il n’a pas été possible d’envisager un itinéraire alternatif permettant un encadrement plus sécurisé par les forces de l’ordre ;

7. Considérant qu’il est constant que la manifestation déclarée par MM. Y X ne l’a pas été dans le délai de trois jours prescrit à l’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure ; que les requérants ne contestent pas sérieusement les motifs retenus par le préfet de la Haute-Garonne pour justifier la mesure d’interdiction en litige ; que les intéressés n’établissent ni même n’allèguent avoir présenté des garanties suffisantes quant à l’organisation de la manifestation, la mise en place d’un service d’ordre adéquat et l’absence de troubles à l’ordre public ; que, dans ces conditions, et dans le climat actuel de très vive tension procédant des événements tragiques qui se sont produits récemment sur le site du projet de barrage de Sivens (Tarn), compte tenu des risques de troubles sérieux à l’ordre public susceptibles d’être suscités par la manifestation projetée le samedi 8 novembre 2014, le préfet de la Haute-Garonne, instruit par les violences et dégradations perpétrées une semaine plus tôt à Toulouse, n’a pas, en prononçant, par son arrêté du 7 novembre 2014, en application de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, l’interdiction de la manifestation prévue le lendemain, à défaut de pouvoir préserver l’ordre public par d’autres mesures, porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions de MM. Y et X tendant à ce que soient suspendus les effets de l’arrêté du préfet de police en date du 7 novembre 2014 et à ce qu’il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de mettre en œuvre toutes diligences de nature à assurer le respect de l’ordre public dans le cadre de la manifestation du 8 novembre 2014 ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur la demande de frais de procès :

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que MM. Y et X demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de MM. Y et X est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C Y, à Z M. X et au préfet de la Haute-Garonne.

Fait à Toulouse, le 8 novembre 2014.

Le juge des référés,

E GUEVEL

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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