Tribunal administratif de Toulon, 4ème chambre, 8 août 2022, n° 2001851

  • Administration·
  • Impôt·
  • Pénalité·
  • Résidence principale·
  • Dépense·
  • Cession·
  • Prélèvement social·
  • Justice administrative·
  • Immeuble·
  • Vente

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Rivière Avocats Associés · 7 octobre 2022

Le tribunal administratif de Toulon juge, dans un arrêt en date du 8 août 2022, que la cession par un époux de son ancienne résidence principale, sept ans après sa séparation de fait et son changement de résidence principale ne bénéficie pas de l'exonération de l'article 150 U du code général des impôts. Est sans influence la circonstance que l'époux n'était pas encore divorcé à la date de la cession et que le bien constituait l'habitation principale de son épouse, avec laquelle il se trouvait séparé de fait. Rappelons qu'un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du seul …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TA Toulon, 4e ch., 8 août 2022, n° 2001851
Juridiction : Tribunal administratif de Toulon
Numéro : 2001851
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 juillet 2020 et 4 juin 2021, M. B et Mme A C, représentés par Me Peltier, demandent au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2014, en droits et pénalités ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— M. C n’a pas reçu la proposition de rectification du 7 décembre 2017 avant le 31 décembre 2017, mais seulement le 13 février 2018 ; dès lors, la prescription n’a pas été interrompue ;

— un délai de moins de 30 jours s’est écoulé entre l’envoi des dernières conséquences financières mentionnant des pénalités, par un courrier du 26 août 2019 réceptionné le 4 septembre suivant, et l’émission de l’avis de mise en recouvrement, le 16 septembre 2019, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l’administration et des instructions référencées BOI-CF-INF-30-20 et BOI-CF-IOR-10-50 ;

— le logement cédé constituait la résidence principale de M. C et de son épouse à la date de la vente, avec laquelle il était séparé de fait mais non divorcé ; dès lors, ce logement constitue aussi, par « capillarité », sa résidence principale ; en conséquence, il doit bénéficier de l’exonération prévue par le 1° du II de l’article 150 U du code général des impôts, tel qu’interprété par l’instruction 8 M-207 n° du 24 juillet 2007 et par le paragraphe n° 280 du bulletin officiel des impôts référencé BOI-RFPI-PVI-10-40-10 du 12 août 2015 ;

— en application du 4° du II de l’article 150 VB du code général des impôts, le prix d’acquisition de l’immeuble cédé pouvait être majoré des dépenses de construction ; en estimant que ces dépenses ne pouvaient venir en majoration du prix d’acquisition qu’à la condition de fournir des pièces justifiant que les travaux avaient été payés, l’administration ajoute au texte une condition qu’il ne prévoit pas ;

— le montant de 686 020 euros (4 500 000 francs) versé à la société Windward Islands Contractors en application d’un protocole transactionnel en date du 28 janvier 1992 constitue une dépense de construction, qui correspond à la facture du 31 décembre 1991 d’un montant de 5 283 000 francs ;

— le paiement des factures dont la déduction a été admise par l’administration n’était pas davantage justifié que le paiement de celle dont la déduction a été refusée ;

— le calcul de la majoration de 10 % est erroné.

Par des mémoires en défense enregistrés le 18 janvier 2021 et le 29 décembre 2021, le directeur départemental des finances publiques du Var conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d’instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

— il a été fait droit au moyen relatif au calcul de la majoration de 10 % ; en conséquence, un dégrèvement d’un montant de 2 560 euros a été prononcé en cours d’instance ;

— pour le surplus, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. D,

— les conclusions de M. Silvy, rapporteur public,

— et les observations de Me Peltier-Feat, pour M. et Mme C.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C ont fait l’objet d’un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2014 et 2015. Par une proposition de rectification en date du

7 décembre 2017, ils ont notamment été assujettis à des contributions sociales portant sur la quote-part imputée à M. C de la plus-value résultant de la vente, par un acte du

6 janvier 2014, au prix de 2 700 000 euros, d’une maison située sur l’île de Saint-Martin. Par la présente requête, M. et Mme C demandent au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre de l’année 2014, pour un montant total de 38 831 euros en droits et pénalités.

Sur l’étendue du litige :

2. Par une décision du 22 décembre 2021, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques du Var a fait droit à la demande des requérants en tant qu’ils sollicitaient la modification du calcul de la majoration de 10 % appliquée aux cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux et a prononcé, en conséquence, un dégrèvement d’un montant total de 2 560 euros. Par suite, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur ces conclusions à concurrence du dégrèvement ainsi prononcé. En outre, le moyen correspondant est devenu sans objet.

Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

3. En premier lieu, M. C soutient qu’il n’a pas reçu la proposition de rectification du 7 décembre 2017 avant le 31 décembre 2017, mais seulement le 13 février 2018 et qu’ainsi, la prescription n’a pas été interrompue. Toutefois, il n’invoque à ce titre la méconnaissance d’aucune norme. Dès lors, ce moyen est dépourvu des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il résulte de l’instruction, et notamment de l’avis de notification de documents par huissier en date du 22 décembre 2017, qu’un huissier mandaté par l’administration s’est rendu à cette date au domicile de M. C, dernière adresse connue de l’administration fiscale, afin de lui remettre la proposition de rectification du

7 décembre 2017. Ce dernier étant absent mais son nom figurant sur l’interphone, un avis de passage a été laissé indiquant que la proposition de rectification était déposée en l’étude de cet huissier. M. C n’a pas retiré ce document qui lui a en conséquence été régulièrement notifié le 22 décembre 2017.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales que l’administration a l’obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de cet article, d’adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu’elle envisage de lui appliquer, et indiquant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour présenter ses observations. L’administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu’elle se propose d’appliquer au contribuable.

5. Par un courrier du 26 août 2019, l’administration s’est bornée à admettre de nouveaux travaux venant majorer le prix d’acquisition du bien immobilier, diminuant dans cette mesure le montant de la plus-value imposable et, en conséquence, les droits, puis les pénalités dus à ce titre. Dès lors, ce courrier, par lequel l’administration a communiqué aux requérants les nouvelles bases retenues pour le calcul de la plus-value réalisée et les droits en résultant, n’a pas modifié la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qui avaient déjà été motivées par la proposition de rectification du 7 décembre 2017. Par suite, M. et Mme C ne peuvent utilement soutenir que l’administration aurait dû motiver à nouveau ces pénalités par un courrier qui leur aurait été notifié au moins trente jours avant l’émission d’un avis de mise en recouvrement.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S’agissant de l’application de la loi fiscale :

6. En premier lieu, aux termes de l’article 150 U du code général des impôts : « () les plus-values réalisées par les personnes physiques () lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH () II.-Les dispositions du I ne s’appliquent pas aux immeubles, aux parties d’immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession () ». Pour l’application de ces dispositions, un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l’immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal. Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu.

7. Par un acte du 6 janvier 2014, M. et Mme C ont cédé, au prix de

2 700 000 euros, une maison qu’ils détenaient, sur l’île de Saint-Martin. Il résulte de l’instruction que M. C réside en France depuis l’année 2007 où il souscrit ses déclarations d’impôt. Il ne résulte pas de l’instruction que ce dernier aurait accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu. Ainsi, le bien cédé ne constituait pas la résidence principale de M. C. A ce titre, la circonstance qu’il n’était pas encore divorcé à la date de la cession et que ce bien constituait l’habitation principale de son épouse, avec laquelle il est séparé de fait, est sans influence sur le litige.

8. En deuxième lieu, aux termes de l’article 150 VB du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : « () II.-Le prix d’acquisition est, sur justificatifs, majoré : () 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l’achèvement de l’immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu’elles n’ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu et qu’elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives () ». Aux termes de l’article 74 SI de l’annexe 2 à ce code : « Les pièces justifiant des frais ou charges mentionnés au III de l’article 150 VA et au II de l’article 150 VB du code général des impôts sont fournies par le contribuable sur demande de l’administration ».

9. Il résulte de ces dispositions que la prise en compte des charges est subordonnée à la justification de la réalité de ces dépenses ce qui inclut leur règlement effectif. Dans ces conditions, en subordonnant l’admission des dépenses à la justification de leur paiement, l’administration a fait une exacte application de la loi fiscale et n’a pas ajouté une condition non prévue par ces dispositions.

10. En troisième lieu, les requérants se prévalent de la circonstance que le montant de 686 020 euros (4 500 000 francs) versé à la société Windward Islands Contractors en application d’un protocole transactionnel en date du 28 janvier 1992 représente une dépense de construction, qui correspond à la facture du 31 décembre 1991 d’un montant de 5 283 000 francs. Toutefois, ils ne justifient pas du paiement effectif de cette facture ni de ce protocole transactionnel, qui ne concerne d’ailleurs pas seulement la facture du 31 décembre 1991. La circonstance que l’acte de vente du 6 janvier 2014 mentionnerait que « le vendeur déclare que la construction a été achevée à la fin de l’année 1991 » n’est pas de nature à justifier du paiement effectif de la facture ou du protocole dont se prévalent M. et Mme C. Dès lors, c’est à bon droit que l’administration a refusé de prendre en compte ces dépenses au titre du II de l’article 150 VB du code général des impôts précité.

11. En quatrième lieu, la circonstance que l’administration aurait admis de prendre en compte des travaux dont le paiement effectif n’était pas davantage justifié que celui de la facture du 31 décembre 1991 est sans influence sur le litige. Au demeurant, M. et Mme C ne se prévalent à ce titre de la méconnaissance ou du bénéfice d’aucune norme juridique.

S’agissant de l’interprétation administrative de la loi fiscale :

12. En premier lieu, les requérants se prévalent de l’instruction 8 M-2-07 n° du 24 juillet 2007 selon laquelle : « Il est toutefois admis, lorsque l’immeuble cédé ne constitue plus, à la date de la cession, la résidence principale du contribuable, que celui-ci puisse néanmoins bénéficier de l’exonération prévue au 1° du II de l’article 150 U du CGI dès lors que le logement a été occupé par son ex-conjoint jusqu’à sa mise en vente et que la cession intervient dans les délais normaux de vente () Il est par ailleurs précisé que, pour l’appréciation du caractère normal du délai de vente, il ne peut être fixé, a priori, aucun délai maximal. Toutefois, dans la majorité des cas, un délai d’une année doit constituer le délai maximal ».

13. Le bien en litige a été vendu près de 7 ans après que M. C ait changé de résidence principale. Dès lors, en tout état de cause, il ne résulte pas de l’instruction que la cession serait intervenue dans les délais normaux de vente.

14. En second lieu, les requérants se prévalent de l’instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10 du 12 août 2015. Toutefois, cette instruction, qui reprend au demeurant les dispositions dont il a déjà été fait application ci-dessus, est postérieure à l’année d’imposition en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cette instruction doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C ne sont pas fondés à demander la décharge du surplus des impositions en litige.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat quelque somme que ce soit au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à fin de décharge de la majoration appliquée aux cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux à hauteur de la somme totale de 2 560 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B et Mme A C et au directeur départemental des finances publiques du Var.

Délibéré après l’audience du 27 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Chenal-Peter, présidente,

Mme Duran-Gottschalk, première conseillère,

M. Sportelli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2022.

Le rapporteur,

Signé

T. D

La présidente,

Signé

A-L. CHENAL-PETER

La greffière,

Signé

E. PERROUDON

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Et par délégation,

La greffière.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Toulon, 4ème chambre, 8 août 2022, n° 2001851