Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 10 janvier 2012, n° 09/12133

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 17e ch., 10 janv. 2012, n° 09/12133
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 09/12133
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grasse, 14 juin 2009, N° 07/01248

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2012

N°2012/

MV/FP-D

Rôle N° 09/12133

SARL COSMOSPACE

C/

V A

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-Jérôme MONDOLONI, avocat au barreau de NICE

Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de O en date du 15 Juin 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1248.

APPELANTE

SARL COSMOSPACE à l’enseigne 'COSMOS', demeurant XXX – XXX – XXX

représentée par Me Jean-Jérôme MONDOLONI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame V A, XXX

représentée par Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2012

Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame AA A a été engagée par la SARL COSMOSPACE le 20 mars 2006 en qualité de Voyante Conseillère en relations humaines dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 17 h 33 mensuelles moyennant la rémunération mensuelle brute moyenne en dernier lieu de 566 €.

Mme A était également engagée depuis le 13 janvier 2006 en qualité de Téléconsultante à temps complet par la SARL TÉLÉMAQUE ayant le même siège social que la SARL COSMOSPACE.

Le 31 août 2007 elle était mise à pied et convoquée à un entretien préalable fixé au 11 septembre 2007 et le 24 septembre 2007 elle était licenciée pour faute grave aux motifs suivants :

« vous avez été engagée par la société COSMOSPACE le 20 mars 2006 en qualité de Conseillère en Relations Humaines.

Dans le cadre de vos fonctions, vous recevez les appels téléphoniques de nos clients qui vous sollicitent pour des consultations privées et des conseils concernant leur situation personnelle ou professionnelle .

Vous êtes tenue à une éthique et à des obligations d’exécution loyale de votre prestation professionnelle qui vous imposent un comportement particulièrement prudent, compte tenu de la fragilité de vos interlocuteurs qui font appel à notre entreprise pour obtenir, outre une consultation de voyance, un soutien et une réponse à leurs difficultés.

Or nous avons reçu des plaintes relatives à un comportement professionnel indécent de votre part.

Une première cliente, Madame Y, cliente de consultations privées de notre société, a porté à notre connaissance que vous lui avez communiqué courant août un numéro de téléphone externe à la société (d’une dame se prénommant FABIENNE), dans le but de poursuivre la consultation et qui plus est dans un cadre plus que douteux, dans la mesure où vous avez annoncé à cette cliente que son ami était « envoûté » (ce qui implique magie,travaux occultes … ).

Cela va à l’encontre de notre éthique professionnelle et de la charte de déontologie pour lesquelles nous nous battons quotidiennement.

Une seconde cliente, Madame K, nous a également fait part de propos similaires, avec les mêmes propositions commerciales en dehors de la société, puis une troisième cliente, Madame B.

Vos collègues de travail attestent également avoir été sollicitées par vous afin d’exercer les mêmes pratiques auprès des clients qui leur sont confiés.

Cette attitude est inadmissible et nous place, vis-à-vis de notre clientèle qui vient rechercher une écoute réconfortante, dans une situation extrêmement inconfortable et préjudiciable.

Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits… »

Contestant son licenciement Mme A a le 20 novembre 2007 saisi le Conseil de Prud’hommes de O, lequel, par jugement du 22 septembre 2008 a désigné des Conseillers Rapporteurs lesquels ont déposé leur rapport au Greffe du Conseil de Prud’hommes le 2 décembre 2008.

Par jugement du 15 juin 2009 le Conseil de Prud’hommes de O a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et présentant un caractère abusif, a condamné la SARL COSMOSPACE à verser à Mme A les sommes de :

453 € au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire,

45,30 € au titre des congés payés y afférents,

566 € au titre du préavis,

56,60 € au titre des congés payés y afférents,

1700 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu’à lui délivrer les documents sociaux et le dernier bulletin de salaire rectifiés conformément au jugement et ce sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter du 31e jour suivant la notification, astreinte limitée à 60 jours dont le conseil se réservait expressément la liquidation,

a ordonné l’exécution provisoire,

a dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire était de 566 € bruts,

a débouté Mme A du surplus de ses demandes et débouté la SARL COSMOSPACE de sa demande reconventionnelle.

Ayant le 25 juin 2009 régulièrement relevé appel de cette décision la SARL COSMOSPACE conclut à son infirmation aux fins de voir dire le licenciement parfaitement légitime, débouter Madame A de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle invoque le bien-fondé de la mise à pied conservatoire et l’engagement concomitant de la procédure de licenciement pour faute grave, la légitimité du licenciement, la précision des motifs de celui-ci, la gravité des fautes, le fait que Mme A a créé le 20 janvier 2009 une société concurrente des sociétés COSMOSPACE et TÉLÉMAQUE, les attestations des témoins qui confirment toutes les tentatives de détournement de clientèle opérées par Mme A afin de créer cette société concurrente, le fait que Mme A ne démontre pas le préjudice qu’elle invoque ni les menaces téléphoniques dont elle prétend avoir fait l’objet de la part de son employeur.

Mme A conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à voir porter à la somme de 3396 € représentant six mois de salaire le montant des dommages et intérêts alloués.

Elle sollicite en outre la condamnation de la SARL COSMOSPACE à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’il appartient à l’employeur de rapporter de manière précise la matérialité et la date de la faute reprochée ; que l’employeur fait état de plaintes de trois clientes sans en apporter la moindre preuve ni dater de manière précise les faits reprochés ; que suite à l’entretien préalable l’employeur l’a injuriée et menacée en précisant qu’il ferait fabriquer d’autres attestations, une T U au barreau de Nice ayant été présente lors dudit appel téléphonique ; que son licenciement est en réalité de pure opportunité, construit par l’employeur, après qu’elle ait osé mettre en cause les pratiques commerciales de ce dernier telles qu’elles résultent des trames audiotel et consultation privée élaborées par l’employeur et qui n’ont d’autre but que de garder les clients au téléphone le plus longtemps possible ; qu’elle conteste les faits reprochés.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud’hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

Sur ce,

Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, l’employeur ayant l’obligation d’établir la matérialité des faits invoqués au soutien du licenciement pour faute grave ;

Attendu tout d’abord que le courrier de licenciement vise des « plaintes » de clientes et il apparaît qu’aucune plainte au sens strict du terme n’est produite ;

Attendu que le courrier de licenciement cite ensuite une cliente, Mme Y, qui aurait porté à la connaissance de la société le fait que Mme A lui aurait communiqué courant août le numéro de téléphone d’une certaine FABIENNE, identifiée par la suite comme étant Mme I, dans le but de poursuivre une consultation privée douteuse et il apparaît d’une part que ce témoin ne s’est pas présenté devant les Conseillers Rapporteurs tandis que la SARL COSMOSPACE produit aux débats un courrier de cette personne, non daté, non accompagné de pièce d’identité et donc dépourvu de toute valeur probante et de surcroît adressé à « Romane » dont on ignore de qui il s’agit, et ne citant pas moins de quatre autres prénoms rendant l’ensemble totalement incompréhensible :

« À l’attention de Romane.

Madame, Monsieur,

Je vous informe que lors d’un entretien avec Magda courant août [Magda étant le surnom de Mme A], cette dame m’a dit qu’un ami à moi était envoûté, alors pour l’aider elle m’a donné le numéro de téléphone d’une dame qui se prénomme Fabienne en me demandant de ne rien dire. Dès lors j’ai donc appelé Fabienne, celle-ci me demandant une somme de 3000 €… Cependant lors d’une consultation antérieure avec Élisabeth, celle-ci a eu un« flash » en me demandant de retenir le prénom de Fabienne. En me rappelant de ceux-ci je ne sais plus quoi faire alors j’en ai parlé à Élisabeth pour qu’elle me conseille en lui demandant de ne rien dire. C’est à ce moment qu’elle m’informa de ne pas rentrer dans ce système. Puis peu de temps après elle me rappela en me demandant si elle pouvait en parler à Rachelle. Je leur ai donné mon autorisation » ;

Attendu en conséquence que ce courrier est insusceptible de rapporter une quelconque preuve d’un fait fautif ;

Attendu que le courrier de licenciement cite ensuite une seconde cliente, Mme K et une troisième cliente Madame M qui auraient fait part à la société de « propos similaires avec les mêmes propositions commerciales en dehors de la société » et il apparaît que ces deux personnes n’ont pas comparu devant les Conseillers Rapporteurs et n’ont rédigé aucune attestation, la SARL COSMOSPACE se contentant de produire concernant Mme M une fiche client comportant une annotation manuscrite :

« Magda a envoyé cette cliente chez Mme I Fabienne pour des travaux occultes. Elle a adressé un ['] acompte de 500 € par virement bancaire sur une boîte postale… au nom de SAHNON ZORHA . La cliente ne souhaite pas témoigner elle a peur de son R »

dont le gérant de la société, M. R a indiqué aux Conseillers Rapporteurs qu’elle était de sa main, de sorte que nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même il apparaît que les griefs concernant les clientes en question ne sont nullement établis et ce d’autant qu’aucune explication cohérente n’est fournie concernant la mention du nom de « SAHNON ZORHA » ;

Attendu que la lettre de licenciement précise enfin que des collègues de travail de Mme A attestent également avoir été sollicités par cette dernière afin « d’exercer les mêmes pratiques auprès des clients qui leur sont confiés » et il apparaît que pour étayer ce grief la société COSMOSPACE produit l’attestation manuscrite d’une de ses salariés Madame AC AD AE ainsi que la sommation interpellative faite à cette dernière le 4 décembre 2007, l’intéressée ayant également été entendue par les Conseillers Rapporteurs, pièces d’une telle confusion qu’elles ne permettent nullement de prouver une quelconque faute ;

Attendu en effet que Madame AC AD AE expose tout à la fois :

« avoir donné les coordonnées de Mme I Fabienne à Magda après forte insistance de sa part. En effet avant d’intégrer la société COSMOSPACE je travaillais chez la fille de Mme I où cette dernière me faisait part qu’elle recherchait une collaboratrice. Ainsi, un jour discutant avec une voyante où son bureau communique avec celui de Magda, je lui raconte que Mme I cherche une collaboratrice et c’est là que Magda m’a demandé avec insistance ses coordonnées pour voir ce qu’elle propose. Je ne lui ai communiqué son numéro de téléphone qu’après m’avoir affirmé qu’elle-même avait sa clientèle en dehors du cabinet COSMOSPACE. Par ailleurs, au retour de la fille de Mme I, j’ai appris que Magda donnait le numéro de Fabienne I aux clients de la société et qu’elle se partageait de l’argent en deux. Cela s’est produit plus d’une fois car il est question de nombreux clients de la société et il est vrai que cette dernière changeait de comportement à savoir fermait sa porte à chaque consultation privée. La fille de Mme I m’a confirmé que cette collaboration continuait encore à ce jour »

précisant dans le cadre de la sommation interpellative en réponse aux questions qui lui étaient posées que Mme A lui avait demandé les coordonnées de Mme I, qu’elle les lui avait données « à cause de son harcèlement quotidien… précisant qu’elle ferait tout pour l’obtenir » que Mme A lui aurait dit avoir des clients extérieurs, qu’elle aurait appris auprès de sa responsable Rachel que Mme A donnait le numéro de téléphone de Mme I aux clients de la société, qu’elle avait entendu parler de l’arrangement financier existant entre Mme A et Mme I, que c’était « une amie qui ne veut pas que son identité soit dévoilée qui m’a alertée quand Mme A a été mise à pied », qu’elle avait eu « connaissance de cette affaire en juillet 2007 », que Mme A « aurait commencé son détournement au printemps 2007 » et qu’elle « pensait qu’une quarantaine de clients ont ainsi été détournés », reconnaissant enfin devant les Conseillers Rapporteurs « que tout ce qu’elle sait c’est par L », de sorte que ce témoin tient ses informations de la fille de Mme I (« L »), elle-même non entendue et n’a donc pas constaté elle-même les faits dont elle fait état , précision faite qu’il n’est pas interdit à Mme A de solliciter le numéro de téléphone de quelqu’un, en l’espèce de Mme I dont la société COSMOSPACE en dehors de ses affirmations faites aux conseillers rapporteurs ne démontre pas davantage qu’il s’agirait d’une « voyante notoirement connue sur la région qui a été condamnée il y a une dizaine d’années pour escroquerie à la carte bleue et qui ne peut plus avoir d’activité mais avoir des numéros de téléphone pour détourner la clientèle » , de sorte que les déclarations de Madame AC AD AE qui s’apparente plus à du commérage qu’à des constatations objectives sont insusceptibles d’établir une quelconque faute à l’encontre de Mme A ;

Attendu que la société COSMOSPACE produit également trois autres attestations dont l’une non accompagnée de pièce d’identité et deux accompagnées de pièces d’identité illisibles et en conséquence dépourvues de toute valeur probante et ce d’autant que la première, Mlle S n’a pas comparu devant les Conseillers Rapporteurs, que la seconde Mme H, Déléguée du personnel au sein de l’autre société employant Mme A, a indiqué aux Conseillers Rapporteurs que pendant sa mise à pied Mme A lui avait demandé le nom d’un client qui appelait de la Réunion et ce afin de lui envoyer une « publicité » car elle comptait poursuivre son activité de voyance, affirmation contestée par Mme A qui a fait valoir sans être sérieusement contestée qu’elle n’avait pas à demander de nom à Mme H car elle les avait sur ses fiches et que la troisième, Mme F a indiqué aux Conseillers Rapporteurs qu’au cours de l’été 2007 Mme A suite à la perte de ses caisses dans le déménagement lui avait demandé les siennes pour avoir le nom des clients ajoutant que suite au licenciement elle avait été menacée par Mme A, affirmation également contestée par Mme A qui a indiqué avoir toutes ses caisses, de sorte qu’indépendamment du fait que la demande formulée par Mme A d’avoir des «caisses pour avoir les noms des clients » n’est pas visée au courrier de licenciement et ne peut donc justifier celui-ci, il apparaît en toute hypothèse que ce grief concernant des faits remontant à l’été 2007 serait largement prescrit faute pour la société COSMOSPACE de démontrer qu’elle n’en aurait eu connaissance que dans les deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement ;

Attendu que Mme A produit en revanche de son côté l’attestation de Mme E, T U, également entendue par les Conseillers Rapporteurs , décrivant avec grande précision et objectivité l’appel téléphonique que Mme A a reçu en sa présence le 18 septembre 2007 :

« je connais Mme V A depuis plusieurs années. C’est une personne que j’apprécie beaucoup pour sa rigueur morale et son intégrité. Le 18 septembre 2007… nous étions en train de deviser calmement… quand le portable de mon amie a sonné…. Quelques instants plus tard j’ai constaté que mon amie avait raccroché les larmes aux yeux… Immédiatement après et sans qu’elle m’ait expliqué les raisons de son trouble, Mme A a rappelé son interlocuteur… Elle m’a donc indiqué ses intentions en ces termes :" je « le » rappelle car je n’en reviens pas. Je veux savoir ce qu’il me veut « . Là, je me suis rapprochée mais je n’entendais que mon amie. Celle-ci disait très exactement » si je comprends bien vous êtes en train de me menacer« …. a répété à plusieurs reprises une phrase similaire, manifestant une grande émotion… Je n’entendais pas ce que disait la personne qui était au bout du fil et j’avoue que j’étais intriguée…. Le téléphone a sonné à nouveau… Mme A m’a alors prié d’écouter et a mis cette fois l’amplificateur avant de décrocher. Son interlocuteur (dont j’ai su ultérieurement qu’il s’agissait de son employeur) l’interpellait très grossièrement en ces termes : » espèce de connasse, si tu bouges une oreille tu vas voir ce que je vais te faire. Je vais te traîner dans la boue tu ne pourras plus jamais te relever « . L’homme hurlait : » je ferai fabriquer d’autres attestations et je porterai plainte contre toi« . Terrorisée mais toujours calme car elle prenait sur elle, Mme A a répondu : » ne vous gênez pas, allez à la gendarmerie immédiatement et l’on s’y retrouvera ". Mon amie m’a dit que ce coup de fil très très menaçant émanait de son employeur, l’un des directeurs de la société Cosmo-Space »

et qui démontre que s’il n’existe effectivement aucune certitude quant à l’identité de l’auteur du coup de téléphone relaté, cet appel est de nature pour le moins à créer un doute sur la sincérité des attestations adverses, lequel doute, doit conformément aux dispositions de l’article L. 1135.1 deuxième alinéa du code du travail profiter au salarié ;

Attendu que les Conseillers Rapporteurs ont également entendu d’autres témoins, Mme Z, M. X, ex-salarié de la société COSMOSPACE et délégué ayant assisté Mme A lors de l’entretien préalable, Mme N, Mme J, M. G, M. P, M. C, M. Q, dont certains ont à un titre ou à un autre rencontré Mme A notamment lors de soirées au cours desquelles des magistrats aurait fait part à Mme A de la mauvaise réputation de la profession qu’elle exerçait et du risque encouru d’être poursuivie pour escroquerie même en tant que salariée d’une société et affirmant qu’à aucun moment l’intéressée ne leur a proposé de consultations privées et a même refusé d’en pratiquer, ce qui vient contredire les affirmations de la société COSMOSPACE sur le désir de Mme A de travailler pour son compte avec Mme I et conforte l’explication donnée par Mme A à son licenciement selon laquelle celui-ci ne serait qu’une réponse de circonstance aux remarques qu’elle aurait formulées quant aux pratiques commerciales de son employeur relatives aux appels surtaxés et aux consignes données consistant à faire durer au maximum les communications téléphoniques ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la société COSMOSPACE ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des griefs visés au courrier de licenciement, précision faite que la circonstance que Mme A ait à son tour créé le 12 janvier 2009 soit plus d’un an après son licenciement une société, la Main Blanche, ayant entre autres pour objet la sorcellerie, la voyance, la magie blanche, la magie noire et divers rituels, n’est pas de nature à démontrer, eu égard au temps séparant les deux événements, qu’à l’époque de son licenciement, le 24 septembre 2007, l’intéressée ait détourné de la clientèle au préjudice de son employeur ;

Attendu qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré qui a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ainsi que dans les montants alloués au titre du salaire pendant la mise à pied et des congés payés y afférents, du préavis et des congés payés y afférents et de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que dans ses dispositions relatives à la remise sous astreinte des documents sociaux et du dernier bulletin de salaire ;

Attendu qu’eu égard à la faible ancienneté de Mme A, un an et demi, et au fait qu’elle ne justifie en dehors de la perte de son emploi d’aucun préjudice particulier, il y a lieu de confirmer le jugement qui lui a alloué la somme de 1700 € à titre de dommages et intérêts représentant environ trois mois de salaire ;

Attendu qu’il y a lieu d’allouer à Mme A en cause d’appel la somme de 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne la société COSMOSPACE aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’ à payer à Madame A la somme de 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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