Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 3 avril 2018, n° 17/00705

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

LM/CM

COUR D’APPEL DE BESANÇON

— […]

ARRÊT DU 03 AVRIL 2018

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 03 avril 2018

N° de rôle : 17/00705

S/appel d’une décision

du TRIBUNAL D’INSTANCE DE BESANCON

en date du 31 janvier 2017 [RG N° 1116000361]

Code affaire : 51A

Demande en paiement des loyers et des charges et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation pour défaut de paiement ou défaut d’assurance et ordonner l’expulsion

E B C/ X G, H G

PARTIES EN CAUSE :

Madame E B

née le […] à Belfort

de nationalité française, demeurant […]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/000993 du 23/03/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BESANCON)

APPELANTE

Représentée par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON

ET :

Mademoiselle X G

née le […] à BESANCON

[…]

Madame H G

née le […] à BESANCON

[…]

INTIMÉES

Représentées par Me Bernard VANHOUTTE, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame B. N-O et Monsieur L. J (magistrat rapporteur), Conseillers.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Madame B. N-O et Monsieur L. J, Conseillers.

L’affaire, plaidée à l’audience du 03 avril 2018 a été mise en délibéré au 25 septembre 2018. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Suivant contrat passé sous seing privé le 10 juillet 2010, Mme H G a donné à bail à Mme E B un logement situé […] à compter du 10 juillet 2010 moyennant paiement mensuel d’un loyer de 530 € outre une provision sur charges de 30 €.

Par acte notarié en date du 20 novembre 2012 Mme H G a vendu cet immeuble à sa fille Mme X G.

Par courrier du 21 septembre 2014 Mme E B a donné congé à compter du 21 octobre 2014.

Après avoir fait délivrer à la locataire, le 24 septembre 2014, un commandement de payer des loyers visant la clause résolutoire, Mme X G a obtenu le 23 février 2016 du juge du tribunal d’instance de Besançon une ordonnance enjoignant celle-ci de lui payer un arriéré locatif de 4.904,06 € outre les frais.

A la suite de la signification qui lui en a été faite le 16 mars 2016, Mme E B a, par courrier réceptionné le 15 avril 2016, formé opposition à cette ordonnance et Mme H G est intervenue volontairement à l’instance

Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2017 le tribunal d’instance de Besançon a :

— condamné Mme E B à payer à Mme X G venant aux droits de Mme H G les sommes de :

* 3848,95 € à titre d’arriéré locatif pour la période de juin 2011 au 21 octobre 2014,

* 349,13 € au titre des charges pour la même période,

* 508 € au titre des réparations locatives,

* ordonné la compensation de ces créances avec celle détenue par la locataire au titre du dépôt de garantie,

* dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme E B aux dépens.

Par déclaration parvenue au greffe de la cour le 24 mars 2017 Mme E B a relevé appel de ce jugement et, danses dernières écritures transmises le 28 janvier 2018 elle en poursuit l’infirmation sauf en sa disposition relative au dépôt de garantie, et demande à la cour de :

* à titre principal,

— réduire l’arriéré locatif à la somme de 1783,80 €,

— débouter Mme X G de ses demandes faites au titre des charges locatives et des réparations locatives,

— condamner Mme H G et Mme X G à lui verser la somme de 19.052,64 € ainsi que celle de 210,13 € au titre du coût du procès-verbal d’huissier de justice dressé le 20 octobre 2014,

* à titre subsidiaire, limiter l’indemnisation à 100 € l’indemnisation au titre des réparations locatives et à titre très subsidiaire, à 348 €,

* en tout état de cause,

— ordonner la compensation des créances réciproques,

— lui accorder les plus larges délais de paiement pour les sommes restant dues,

— condamner Mme X G ou toute partie succombante aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, avec droit pour Me Chesneau, avocat, de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 décembre 2017, Mmes H et X G réclament la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de l’appelante à leur payer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2018.

Motifs de la décision

— Sur la demande formée par la bailleresse au titre d’un arriéré locatif,

Attendu que sauf clause contraire dans l’acte de vente, l’ancien propriétaire a seul le droit de réclamer au locataire paiement des arriérés locatifs antérieurs au transfert de propriété, l’acquéreur ne pouvant le poursuivre que pour des impayés postérieurs (Cass. 3e Civ, 24 avril 2007 n° 06-16.286) ;

Attendu qu’en l’espèce Mme H G a, le 20 novembre 2012, vendu l’immeuble donné à bail à Mme E B à Mme X G ; que cette dernière sollicite le paiement par son ex-locataire d’un arriéré locatif portant sur la période du 11 juin 2011 au 21 octobre 2014, et ce, sans même alléguer l’existence dans l’acte de vente d’une clause subrogatoire stipulée à son profit ; qu’il s’ensuit que Mme X G n’est en droit de réclamer le paiement que des seuls loyers restants dus postérieurement à la vente, étant ajouté que Mme H G ne réclame le règlement d’aucune somme à son bénéfice ;

Attendu que Mme E B ne conteste pas être redevable de loyers impayés mais reproche à son ex-bailleresse de ne pas avoir imputé tous les versements effectués par la caisse d’allocations familiales au titre de l’allocation logement ; que pour asseoir cet argument elle produit aux débats un relevé complet établi par la CAF du Doubs ;

Attendu que d’après le décompte confectionné par ses soins, Mme X G resterait créancière au titre des loyers impayés postérieurement à la vente de la somme de 2.138,51 € ; qu’il résulte de la comparaison de ce décompte avec le relevé de la CAF que des versements réalisés par la caisse n’ont pas été imputés par la bailleresse, étant précisé qu’il est avéré que depuis le mois de janvier 2013 l’allocation logement a été versée directement à celle-ci ; qu’il convient de dire, après déduction des sommes considérées, que l’arriéré locatif n’excède pas en réalité la somme de 1.783,80 € ;

— Sur la demande formée par la bailleresse au titre des charges locatives,

Attendu qu’il résulte des relevés annuels établis par la SA Sogeprimm, société chargée de la gestion de l’immeuble abritant le logement donné en location, que la quote-part de Mme X G à l’entretien de la copropriété s’est élevée aux sommes de :

—  685,43 € pour l’exercice 2012 dont celle de 433,01 € récupérable sur la locataire,

—  690,07 € pour l’exercice 2013 dont celle de 464,49 € récupérable sur la locataire,

—  692,89 € pour l’exercice 2014 dont celle de 433,01 € récupérable sur la locataire ;

Attendu que Mme E B conteste pour partie les sommes réclamées à ce titre et en particulier le caractère effectif des dépenses engagées (la présence d’extincteurs dans l’immeuble, l’entretien de certaines parties de l’immeuble) ; qu’elle ne verse toutefois à son dossier aucun élément venant étayer ses allégations ;

Attendu qu’eu égard aux provisions mensuelles versées par la locataire, il échet d’arrêter la somme due au titre des charges de copropriété récupérables pour la période du 20 novembre 2012 au 23 octobre 2014 à la somme de 153,62 € ; qu’il y a lieu d’ajouter à ladite somme le coût de l’entretien de la chaudière effectué en 2014, soit la somme de 94,50 € ; qu’il s’ensuit que Mme E B sera condamnée, sur le fondement de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, à payer à Mme X G la somme de 248,12 € au titre des charges locatives ;

— Sur la demande formée par la bailleresse au titre des réparations locatives,

Attendu qu’il s’évince de la confrontation des constats d’état des lieux établis à l’entrée et à la sortie de la locataire que dans l’une des deux chambres du logement, les murs étaient recouverts d’une fresque ; que Mme E B ne conteste pas ce fait mais estime que la somme allouée à la bailleresse pour la remise en état est excessive ;

Attendu que la facture produite par Mme X G, en date du 24 mars 2015, fait mention, pour les murs de la pièce concernée, de la fourniture et de la pose de peinture pour un montant de 348 € ; que les autres postes de travaux (pose de placo et de toile de verre) ne peuvent être retenus dès lors qu’ils ne sont manifestement pas en lien avec la dégradation dont est responsable Mme E B ; qu’en conclusion cette dernière sera condamnée, en application des articles 1732 du code civil et 7C de la loi du 6 juillet 1989, à payer à son ex-bailleresse la somme de 348 € ;

— Sur la demande de dommages intérêts formée par la locataire,

Attendu que Mme E B demande la condamnation in solidum de Mmes H et X G à lui payer la somme de 19.052,64 € à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices résultant de la délivrance d’un appartement ne présentant pas les caractéristiques d’un logement décent en formulant les critiques suivantes : vétusté du local, défaut d’isolation thermique, chauffage inadapté, dangerosité de la chaudière, absence d’aération, ventilation non-conforme et absence de régulation du chauffage ;

Attendu que selon le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, pris dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du bail, 'le local décent ne doit pas laisser apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé’ ; que pour répondre à cet objectif, le logement doit satisfaire aux conditions suivantes :

— le gros-'uvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau, les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation,

— les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage,

— la nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires,

— les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par la loi et les règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement,

— le logement doit comporter « une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement »,

— « le réseau électrique doit permettre l’éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne »,

— les dispositifs d’ouverture et de ventilation du logement permettent un renouvellement de l’air,

— les pièces principales bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre ;

Attendu qu’il est avéré par un constat d’huissier de justice dressé le 20 octobre 2014 que le logement litigieux, situé en centre ville, est vétuste, les parquets étant usagés et certaines peintures écaillées ; que les toilettes se trouvant sous une verrière sont dépourvues de revêtement de sol, d’isolation et de chauffage et que les deux VMC placées dans la salle de bain et la cuisine ne fonctionnent pas ;

Attendu qu’il s’évince ensuite du constat d’état des lieux d’entrée que l’appartement litigieux a été donné en location alors que deux carreaux étaient à changer et qu’aucune des fenêtres n’était équipée d’un double vitrage ; que plusieurs témoins (Mme Y, Mme Z, Mme A, M. B, Mme C, M. D…) racontent qu’en raison de la défaillance de la chaudière il faisait froid dans l’appartement au point que les visiteurs étaient contraints de garder leur manteau et que le jeune enfant de la locataire refusait de faire sa toilette dans la salle de bains ;

Attendu qu’il échet de constater que sur deux points – l’absence de chauffage normal et de ventilation dans la salle de bains et la cuisine – le logement donné en location à Mme E B ne correspondait pas aux exigences d’un logement décent tel que défini par le décret sus-cité ; que les préjudices découlant de ce manquement à l’obligation de délivrer un logement décent sera réparé par l’allocation de dommages intérêts au bénéfice de le locataire à hauteur de 1.850 € ;

— Sur la restitution du dépôt de garantie,

Attendu qu’il échet d’ordonner la restitution par Mme X G à Mme E B de la somme de 530 € versée par celle-ci au titre du dépôt de garantie ;

— Sur la compensation des créances réciproques,

Attendu qu’il convient d’ordonner la compensation des créances réciproques telles que consacrées par le présent arrêt au bénéfice de Mme X G et de Mme E B ;

— Sur les mesures accessoires,

Attendu que le jugement critiqué sera confirmé dans sa disposition relative aux frais irrépétibles mais infirmé s’agissant des dépens ; qu’à hauteur de cour les parties seront déboutées de leurs demandes respectives faites au titre de l’article 700 du code de procédure civile, notamment au titre des frais de constats d’huissier de justice et seront condamnées à supporter les dépens qu’elles ont exposés tant en première instance qu’en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 31 janvier 2017 par le tribunal d’instance de Besançon sauf dans ses dispositions relatives à la restitution du dépôt de garantie et aux frais irrépétibles.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Mme E B à payer à Mme X G les sommes de :

— mille sept cent quatre vingt trois euros et quatre vingts centimes (1.783,80 € ) au titre de l’arriéré locatif dû pour la période du 20 novembre 2012 au 23 octobre 2014,

— deux cent quarante huit euros et douze centimes (248,12 € ) au titre des charges locatives dues pour la période du 20 novembre 2012 au 23 octobre 2014,

— trois cent quarante huit euros (348 €) au titre des dégradations locatives.

Condamne in solidum Mme H G et Mme X G à payer à Mme E B la somme de mille huit cent cinquante euros (1.850 €) à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices résultant du manquement des bailleresses à leur obligation de délivrer un logement décent.

Ordonne la compensation des créances réciproques des parties telles que consacrées par le présent arrêt ayant confirmé le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la restitution du dépôt de garantie.

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.

Le Greffier, le Président de chambre

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