Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 19 janvier 2021, n° 18/00348

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 19 janv. 2021, n° 18/00348
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/00348
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 9 janvier 2018, N° 14/05556
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 19 JANVIER 2021

(Rédacteur : Béatrice PATRIE, présidente)

N° RG 18/00348 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KHOD

SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS

SARL BOULANGERIE DU GRAND PARC

c/

Société d'[…]

SA AXA FRANCE IARD

Nature de la décision : AU FOND

JONCTION AVEC DOSSIER RG 18/00803

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 14/05556) suivant deux déclarations d’appel du 22 janvier 2018 (RG 18/00348) et du 13 février 2018 (RG 18/00803)

APPELANTE selon déclaration d’appel du 13 février 2018 :

SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS, ès-qualité d’assureur de la SARL BOULANGERIE DU GRAND PARC, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

Représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

et assistée de Maître Eric MANDIN de la SARL MANDIN-ANGRAND ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE selon déclaration d’appel du 22 janvier 2018 et intimée :

SARL BOULANGERIE DU GRAND PARC, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […] et […]

Représentée par Maître Stéphane MESURON de la SELARL CAPLAW, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Société d'[…], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

Représentée par Maître VIVENT-TOUTON substituant Maître Caroline SALVIAT de la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

Représentée par Maître VIEUVILLE substituant Maître Annie BERLAND de la SELARL RACINE, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 novembre 2020 en audience publique, devant la cour composée de :

Béatrice PATRIE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

La société d’économie mixte IN CITE Bordeaux La Cub (ci-après la société IN CITE) est propriétaire d’un ensemble immobilier à usage commercial dénommé 'Centre commercial Europe’ situé […].

Selon bail commercial du 16 avril 2003 à effet au 7 mai 2003, la société IN CITE a donné à bail à la SARL Boulangerie du Grand Parc (ci-après la Boulangerie du Grand Parc) le local désigné en lot n° 4 et lot n° 36 composé de deux locaux commerciaux et de deux réserves d’une surface totale de 212,50 m2 et un appartement à l’étage d’une surface de 102,59 m2, pour un loyer mensuel de 1.395 euros indexé.

La société IN CITE a souscrit un contrat d’assurance auprès de la SA AXA France (ci-après

AXA), et la société Boulangerie du Grand Parc est assurée auprès de la SA Y (ci-après Swiss Life).

Le 3 août 2007, un incendie s’est déclaré dans le centre commercial et une partie du local donné à bail à la Boulangerie du Grand Parc a été détruit.

Saisi par la société IN CITE, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux a, par ordonnance de référé du 15 octobre 2007, désigné M. Z X en qualité d’expert pour déterminer les causes et les circonstances de l’incendie et fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre la juridiction de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer les préjudices subis.

Par ordonnance du 14 décembre 2009, le juge des référés a dit que les travaux de remise en état des lieux pouvaient être entrepris avec l’accord des experts.

M. X a déposé son rapport le 21 décembre 2010.

Par actes d’huissier des 12 et 13 mai 2014, la société Boulangerie du Grand Parc a fait assigner la société IN CITE et son assureur la SA AXA devant le tribunal de grande instance de Bordeaux sur le fondement de l’article 1719 du code civil, aux fins d’obtenir la réparation du trouble de jouissance subi du fait de l’incendie, soit la somme de 179.699 euros outre une indemnité de procédure.

La compagnie Swiss Life est intervenue volontairement à l’instance par conclusions déposées le 17 avril 2015.

Par jugement du 10 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— constaté l’intervention volontaire de la SA Swiss Life,

— débouté la Boulangerie du Grand Parc de l’ensemble de ses demandes,

— déclaré irrecevables la SA Swiss Life en ses demandes,

— condamné solidairement la Boulangerie du Grand Parc et la SA Swiss Life à payer à la société IN CITE et à AXA chacune la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné solidairement la Boulangerie du Grand Parc et la SA Swiss Life aux dépens de l’instance.

Pour statuer ainsi qu’il l’a fait, le tribunal a considéré que :

Sur les demandes de la Boulangerie du Grand Parc :

Sur le manquement du bailleur à son obligation de jouissance paisible :

— La société IN CITE estimait que les conditions de la force majeure étaient réunies. Au vu de l’expertise, l’incendie survenu dans les parties communes de l’immeuble, dont la société IN CITE est également propriétaire, présente le caractère d’extériorité, mais celle-ci ne rapporte pas la preuve des caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. A défaut de ces éléments, tribunal a considéré que le bailleur avait failli à son obligation de jouissance paisible à l’égard de son locataire contraint de cesser son activité commerciale.

— La Boulangerie du Grand Parc estimait que le manquement du bailleur pouvait lui être reproché jusqu’à la complète remise en état des lieux en 2010 et non uniquement jusqu’au 12 décembre 2007, date de réouverture partielle du local commercial. En effet, ainsi qu’indiqué par le cabinet Polyexpert mandaté par Swiss Life, le commerce demeurait après le 12 décembre 2007 'pénalisé par la présence de palissades qui condamnent l’une des portes d’entrées du magasin'. Ainsi, le tribunal a considéré que les diligences entreprises par le bailleur (réparations urgentes, non perception de certains loyers) sont indifférentes et ne l’exonèrent pas de son obligation de garantir à son locataire la jouissance paisible des locaux loués. Le tribunal a donc retenu l’existence d’un manquement du bailleur à son obligation d’assurer une jouissance paisible pour toute la durée considérée par la Boulangerie du Grand Parc, soit jusqu’à la remise en état fin 2010.

Sur le préjudice de la Boulangerie du Grand Parc :

— Le tribunal a considéré que la preuve du lien de causalité entre le manquement du bailleur à son obligation de jouissance et le préjudice commercial allégué n’est pas rapportée, à l’exception de la période de fermeture totale du local entre le 3 août et le 12 décembre 2007. Or, le propre assureur de la Boulangerie du Grand Parc a déjà indemnisé ce préjudice (du 3 août 2007 au 3 août 2008, selon les stipulations contractuelles). La demanderesse, qui sollicitait l’indemnisation de la perte de marge brute au-delà de la période indemnisée, faisant valoir qu’elle n’a retrouvé une activité équivalente à celle d’avant le sinistre qu’en 2011, a été déboutée de ses demandes.

Sur la recevabilité des demandes de Swiss Life :

— La compagnie Swiss Life se prévaut d’un délai de 7 ans pour agir contre la société IN CITE et AXA en ce qu’elle jouit de tous les droits et actions dont bénéficie son assuré la Boulangerie du Grand Parc. Or, la prolongation de la prescription quinquennale de deux années supplémentaires aux termes de l’article L.114-1 du code des assurances applicable à l’action de l’assuré contre l’assureur, suppose que l’action de l’assuré envers son assureur ne soit pas elle-même prescrite, ce qui n’est pas en l’espèce le cas. L’action de l’assureur ne peut être exercée avant le paiement subrogatoire, intervenu le 1er janvier 2010. Le point de départ de la prescription de l’action de Swiss Life se situe à cette date, tandis que son intervention volontaire résulte en l’espèce d’un dépôt de conclusions du 17 avril 2015, de sorte que le tribunal a déclaré cette action irrecevable car prescrite.

La Boulangerie du Grand Parc a relevé appel total de ce jugement par déclaration au greffe du 22 janvier 2018, enregistré sous le n° RG 18/00348.

La compagnie Swiss Life a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe du 13 février 2018, enregistré sous le n° RG 18/00803, en ce que le jugement a :

— déclaré irrecevable la SA Swiss Life en ses demandes,

— condamné solidairement la Boulangerie du Grand Parc et la SA Swiss Life à payer à la société IN CITE et à AXA chacune la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné solidairement la Boulangerie du Grand Parc et la SA Swiss Life aux dépens de l’instance.

Les deux instances ont été jointes sous le n° RG 18/00348.

Par conclusions d’appelante transmises par RPVA le 6 avril 2018, la Boulangerie du Grand

Parc demande à la cour de :

— déclarer la société Boulangerie du Grand Parc recevable et bien fondée en son appel,

— infirmer le jugement du Tribunal de Grande instance de Bordeaux du 10 janvier 2018, en ce qu’il a débouté la société Boulangerie du Grand Parc de toutes ses demandes, fins et prétentions,

Statuant à nouveau :

— juger que la SEM IN CITE Bordeaux LA CUB a manqué à son obligation d’assurer au preneur la jouissance paisible des lieux loués en violation de l’article 1719 du Code civil, – juger que la SEM INCITE Bordeaux LA CUB ne rapporte pas la preuve d’un cas de force majeure de nature à l’exonérer de son obligation de garantie,

— juger en conséquence que la société SEM INCITE Bordeaux LA CUB est tenue à la réparation de l’entier préjudice subi par la société Boulangerie du Grand Parc,

— juger que la société Boulangerie du Grand Parc justifie d’un préjudice de jouissance directement imputable à l’incendie survenu dans les locaux litigieux et à ses conséquences,

— juger que le préjudice de jouissance au titre des pertes d’exploitation subie par la société Boulangerie du Grand Parc s’élève à la somme de 179.699 euros,

— juger que la Compagnie AXA se trouve tenue de garantir son assuré, la société SEM INCITE BORDEAUX LA CUB,

— condamner en conséquence solidairement la société SEM INCITE Bordeaux LA CUB et la Compagnie AXA au paiement de la somme de 179.699 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance imputable à l’incendie,

— condamner solidairement la Compagnie AXA et la société SEM INCITE Bordeaux LA CUB au paiement d’une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives n°2 transmises par RPVA le 2 décembre 2019, la compagnie Swiss Life assurances de biens demande à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par Y à l’encontre du jugement rendu par la 6 ème Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux sur le fond le 10 janvier 2018,

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

* déclaré irrecevable la SA Y en ses demandes,

* condamné solidairement la SARL la Boulangerie du Grand Parc et la SA Y à payer à la Société IN CITE et à la SA AXA, chacune, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

* condamné solidairement la SARL la Boulangerie du Grand Parc et la SA Y aux dépens de l’instance.

Et statuant à nouveau,

— relever qu’il y a lieu de faire application des dispositions du Code Civil dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016 131 du 10 février 2016,

— A défaut il y aurait lieu de statuer en application des articles 1103, 1231-1, 1355 du Code Civil dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016 131 du 10 février 2016.

Vu l’article L 121-12 du Code des Assurances,

Vu la police d’assurance souscrite par la Société Boulangerie du Grand Parc auprès de Y Assurances de biens en vigueur lors de la survenance du sinistre incendie du 3 août 2007,

Vu ensemble les articles 1134, 1147, 1719 et 1721 du Code Civil,

Vu la loi n° 2008 561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, et notamment l’article 2239 du Code Civil,

Vu le contrat de bail conclu entre la Société IN CITE et la SARL la Boulangerie du Grand Parc le 16 avril 2003,

Vu ensemble les articles L 124-3, L 114-1 et R 112-1 du Code des Assurances,

— juger que l’action de la victime ou de la personne subrogée par paiement dans ses droits et actions contre l’assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre les responsables et ne peut être exercée contre l’assureur, au delà de ce délai, que tant que celui ci reste exposé au recours de son assuré.

Vu l’article 2224 du Code Civil,

— juger que le point de départ de la prescription de l’action de Y se situe à la date du dépôt du rapport d’expertise de M. Z X, soit le 21 décembre 2010, qui, conformément à la mission qui lui était confiée, explique l’origine du sinistre incendie,

— juger que l’assureur de chose ne peut être subrogé avant le paiement de l’indemnité d’assurance dans les droits et actions de son assuré ; cependant le point de départ effectif de l’action directe à l’encontre de l’assureur du responsable et de l’action à l’encontre du responsable et doit être fixé à la date de la révélation des faits permettant d’exercer ces actions, soit en l’occurrence le 21 décembre 2010,

— juger qu’en toute hypothèse, l’action directe peut être exercée par Y à l’encontre d’AXA au delà du délai de 7 ans puisqu’AXA ne peut opposer, faute d’avoir respecté les dispositions de l’article R 112-1 du Code des Assurances, à son assurée la prescription biennale de l’article L 114-1 du Code des Assurances,

— juger qu’à la date de son intervention volontaire dans le cadre de la présente instance, Y était parfaitement recevable en ses prétentions,

— juger que la recevabilité de l’action directe de l’article L 124 3 du Codes des Assurances n’est pas subordonnée à l’appel en la cause de l’assuré par la victime,

— juger en conséquence que l’action directe est autonome par rapport à l’action engagée à

l’encontre de l’assuré, si bien que la recevabilité de l’action à l’encontre de l’assuré ne saurait avoir une quelconque incidence sur le bien fondé de l’action directe,

— rejeter en conséquence le moyen tiré de la prétendue prescription de l’action directe,

Vu ensemble les articles 1351 du Code Civil devenu 1355, 5 du Code Civil et 4 du code de procédure civile,

— juger que la Société IN CITE Bordeaux LA CUB ne saurait opposer à Y des décisions auxquelles elle n’a pas été partie, ni d’ailleurs son assurée,

— juger que les décisions versées aux débats ne sauraient être transposées aux faits de l’espèce, la pratique des jugements de règlement étant interdite par l’article 5 du Code Civil,

— juger que la Société IN CITE Bordeaux LA CUB engage sa responsabilité pour tous les dommages, qu’il s’agisse des dommages matériels ou immatériels subis par sa locataire la Sarl Boulangerie du Grand Parc à la suite du sinistre incendie survenu le 3 août 2007,

Vu les articles L 112-4 et L 113-1 du Code des Assurances,

Vu l’avenant n° 4 à effet au 1 er janvier 2007 communiqué par AXA,

— juger que cet avenant, qui a pour but d’étendre la garantie du contrat à la responsabilité civile encourue par l’assuré du fait des immeubles constituant son patrimoine, rend caduque la clause d’exclusion précédemment insérée dans la police d’assurance faisant sortir du champ de la garantie la dette de responsabilité de l’assuré en sa qualité de propriétaire locataire ou occupant en raison des sinistres incendie,

— juger que cette exclusion viderait de son contenu l’extension de garantie apportée par AXA à son assurée à compter du 1 er janvier 2007,

— juger que le document intitulé 'Tableau Récapitulatif des Garanties’ mis en avant par AXA au titre des plafonds de garantie et franchises ne peut s’appliquer puisque non signé de la part de l’assurée et non identifié par l’avenant n°4,

— juger qu’au titre de la police n° 2049760504, AXA garantit la responsabilité civile quelle qu’en soit la cause et quels qu’en soient les dommages de la Société IN CITE Bordeaux LA CUB,

— juger qu’au titre de la police n° 1757029004, AXA couvre tout autant les dommages corporels matériels et immatériels consécutifs à hauteur de 990.919 euros,

— juger par suite mal fondée AXA à opposer une quelconque limitation de garantie du fait du sinistre incendie survenu le 3 août 2007 au préjudice de la SARL la Boulangerie du Grand Parc et à son assureur Y,

— condamner en conséquence in solidum ou l’une à défaut de l’autre la Société IN CITE Bordeaux LA CUB et AXA à régler à Y la somme de 290.237,76 euros correspondant aux indemnités réglées en exécution de la police d’assurance au titre de la garantie incendie et perte d’exploitation avec intérêts au taux légal à compter de la signification des conclusions d’intervention volontaire et capitalisation en application de l’article 1154 du Code Civil,

— juger qu’AXA n’est pas fondée à opposer une limitation de garantie au titre des dommages

immatériels non consécutifs alors même que la demande présentée concerne des dommages matériels et immatériels consécutifs,

— rejeter toutes les prétentions de la Société IN CITE Bordeaux LA CUB et de son assureur AXA,

En tout état de cause,

— condamner in Solidum ou l’une à défaut de l’autre la Société IN CITE Bordeaux LA CUB et AXA à verser à Y une indemnité de 8.000 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions d’intimé transmises par RPVA le 5 juillet 2018, la SEM IN CITE Bordeaux LA CUB demande à la cour de :

Vu le jugement du 10 janvier 2018,

— confirmer en tous points le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux le 10 janvier 2018,

En conséquence,

— débouter la SARL Boulangerie du Grand Parc de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la Société IN CITE Bordeaux LA CUB.

— déclarer irrecevable la SA SWISS LIFE assurance de biens en ses demandes,

— confirmer toutes les condamnations prononcées.

Subsidiairement, si par impossible la Cour faisait droit à l’appel interjeté par la SARL Boulangerie du Grand Parc et la Compagnie d’assurance SWISS LIFE et réformait le jugement attaqué,

Vu l’article 1148 ancien du Code Civil,

Vu le contrat de bail,

— juger que l’incendie est constitutif d’un cas fortuit présentant au surplus les caractéristiques de la force majeure exonérant la société bailleresse de sa responsabilité,

En conséquence,

— débouter la SARL Boulangerie du Grand Parc de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la Société IN CITE Bordeaux LA CUB,

Vu l’article L 121-12 du code des assurances,

— juger que l’action subrogatoire de la SA SWISS LIFE est mal fondée, la société IN CITE n’étant pas la responsable de l’incendie,

En conséquence,

— débouter la SA SWISS LIFE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la Société IN CITE Bordeaux LA CUB,

En toutes hypothèses,

— condamner la compagnie AXA à relever indemne son assurée, la société IN CITE de l’ensemble des condamnations prononcées en principal, frais et accessoires au profit de la Sarl Boulangerie du Grand Parc et la SA SWISS LIFE,

— condamner la SARL Boulangerie du Grand Parc, la SA SWISS LIFE, la compagnie d’assurance AXA, ou tout succombant, conjointement ou solidairement, à verser à la société IN CITE la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner également aux entiers dépens.

Par conclusions d’intimée récapitulatives transmises par RPVA le 3 décembre 2019, la compagnie AXA France IARD demande à la cour de :

Vu les articles 1719 et suivants, 2224 du Code civil,

Vu l’article L112-6 du Code des assurances,

Vu l’article 122 du Code de procédure civile,

— à titre liminaire, ordonner le rabat de l’Ordonnance de clôture du 3 décembre 2019 au jour des plaidoiries, soit au 17 décembre 2019,

— juger que la S.A Y et la SARL Boulangerie du Grand Parc sont irrecevables et mal fondées en leurs prétentions,

Par conséquent,

— confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 10 janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en ce qu’il a :

* Constaté l’intervention volontaire de la S.A Y,

* Débouté la SARL Boulangerie du Grand Parc de l’ensemble de ses demandes,

* Déclaré irrecevable la S.A Y en ses demandes,

— condamné solidairement la SARL Boulangerie du Grand Parc et la SA Y à payer à la société IN CITE et à la SA AXA chacune la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance,

— déclarer l’appel formé respectivement par les S.A Y et SARL Boulangerie du Grand Parc mal fondé,

— débouter par conséquent la S.A Y et la SARL Boulangerie du Grand Parc de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement, si par impossible la Cour venait à réformer tout ou partie du Jugement dont appel et considérait que les sociétés Boulangerie du Grand Parc et Y seraient recevables et fondées en leur action,

— débouter la S.A Y et la SARL Boulangerie du Grand Parc de l’ensemble de leurs demandes en ce qu’elles sont injustifiées dans leur principe et quantum,

— rejeter de facto toute demande formée à l’encontre de la S.A AXA, en ce compris par son assuré IN CITE,

A titre infiniment subsidiaire, si la garantie de la S.A AXA était jugée mobilisable,

— juger que la garantie n° 2049760504 n’a pas vocation à s’appliquer et rejeter toute demande à ce titre,

— juger que la garantie police n° 1757029004 souscrite auprès de la Compagnie AXA est exclue au titre des dommages matériels, et limitée au titre des dommages immatériels,

— faire application, au titre des dommages immatériels consécutifs à un dommage non garanti ou non consécutif, du plafond de garantie d’un montant de 152.144 euros et le juger opposable aux tiers, de sorte que la S.A AXA ne peut être tenue à garantie au delà de ce plafond contractuel,

— rejeter par conséquent l’ensemble des demandes injustifiées formées à l’encontre de la S.A AXA par les sociétés Boulangerie du Grand Parc, Y et IN CITE,

— faire application de la franchise contractuelle telle que prévue dans les conditions particulières de la police souscrite par la SEM IN CITE auprès de la S.A AXA et la déclarer opposable aux tiers,

Y ajoutant et en toute hypothèse,

— condamner in solidum la S.A Y et la SARL Boulangerie Du Grand Parc à payer à la S.A AXA une somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, au visa de l’article 700 du Code de procédure civile,

— les condamner in solidum aux entiers dépens de l’instance d’appel.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 24 novembre 2020.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 10 novembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de la Boulangerie du Grand Parc

Les dispositions de l’article 1719 du code civil commandent au bailleur d’assurer la jouissance paisible des lieux loués pendant la durée du bail.

L’article 1148 du code civil dispose : « Il n’y a lieu à aucun dommage et intérêt lorsque, par suite d’une force majeure, le débiteur a été empêché de donner ou de faire donner ce à quoi il était obligé ». Ces dispositions sont par ailleurs reprises par le contrat de bail qui prévoit que le preneur n’est tenu à aucune indemnité ni diminution de loyer pour cas fortuit, ou de force majeure.

La SEM IN CITE conteste le jugement en ce qu’il écarte la circonstance de force majeure, et fait valoir que s’il est incontestable que la boulangerie du Grand Parc a subi un préjudice de jouissance suite à l’incendie qui s’est déclaré le 3 août 2017 au sein du centre commercial

Europe du Grand Parc, cet évènement a été tout à la fois imprévisible, irrésistible et extérieur.

Au cas d’espèce, ainsi qu’il a été justement relevé par le tribunal, le caractère d’extériorité est établi dès lors que l’expert commis a identifié l’origine de l’incendie dans une défaillance de l’alimentation électrique d’un luminaire placé dans les coursives du centre commercial, le fait que le bailleur ait été propriétaire des parties communes apparaissant indifférent au regard du critère légal d’imprévisibilité.

En revanche, la SEM IN CITE, à qui incombe la charge de prouver la force majeure, se borne à procéder par affirmation et ne caractérise pas plus en appel qu’en première instance, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité de cette défaillance électrique, de nature à fonder la force majeure.

A défaut, il ne peut qu’être constaté, ainsi que l’a fait le tribunal, que le bailleur a manqué à l’obligation de jouissance à laquelle il se trouvait tenu indépendant de toute faute de sa part.

Il est par ailleurs établi que suite à l’incendie, la boulangerie du Grand Parc a été contrainte à la fermeture jusqu’au 12 décembre 2007, date à laquelle elle a pu partiellement réouvrir, non sans avoir à supporter la présence d’une palissade « masquant une partie de sa devanture et couvrant les deux locaux ravagés par l’incendie », ainsi que devait le relever le cabinet Polyexpert mandaté par la société Swiss Life assureur du preneur, qui constatait qu’au 28 avril 2008, contrairement aux affirmations de la SEM IN CITE, réitérées en cause d’appel, le commerce demeurait « pénalisé par la présence de palissades qui condamnent l’une des portes d’entrée du magasin » et « camoufle la façade du magasin dans les allées de circulation du centre commercial », alors que l’expert, dans sa note d’expertise n°1, avait indiqué que s’il souhaitait que « tout reste en l’état sur l’ensemble des magasins concernés et leur devanture », il ne s’opposait pas au lancement de travaux de réfection dans la boulangerie à compter du 11 décembre 2007, les parties extérieures, à savoir les échafaudages en bois cachant le sinistre faisant face notamment à la boulangerie pouvant être enlevés à compter de la même date. Or, force est de constater que nonobstant les travaux urgents réalisés par la SEM IN CITE, afin de permettre la réouverture rapide de la boulangerie, le trouble de jouissance a persisté au-delà de cette reprise partielle d’activité en raison du maintien de la palissade litigieuse.

Or, le cabinet d’expertise Vilatte, mandaté par la compagnie AXA, assureur de la SEM ION CITE a reconnu des bilans et comptes de résultat des exercices clos au 31 décembre 2005, 31 décembre 2006, 31 décembre 2007 et 31 décembre 2008, que la boulangerie du Grand Parc avait subi en 2007, année du sinistre, une diminution de son chiffre d’affaires de 432.004 euros, soit une perte de 34,72 %, indemnisée en totalité par l’assureur, puis en 2008, année de la réouverture une perte de 21,20% indemnisée en partie par l’assureur à hauteur de 7 mois sur 12, soit une perte de 5,27% non indemnisée par l’assureur, en 2009 une perte de 5,27% non indemnisée par l’assureur, et en 2010, une perte de 0,52% également non indemnisée par l’assureur.

A cet égard, si ces chiffres démontrent en effet, une lente remontée du chiffre d’affaires de la boulangerie, comme l’a relevé le tribunal, il n’en demeure pas moins qu’à défaut de tout autre élément objectif, la perte de marge brute de ce commerce ne saurait s’expliquer que par la persistance dans le temps d’une désaffection de la clientèle qui n’a retrouvé que progressivement la fréquentation de la boulangerie après quatre mois de fermeture totale, la dynamique de croissance de la boulangerie, à compter de 2006 ne s’étant démentie que postérieurement à la date de l’incendie.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a considéré comme non établi le lien de causalité entre le manquement du bailleur à son obligation de jouissance suite à l’incendie et

en dehors de tout cas de force majeure et le préjudice commercial allégué par l’appelante.

Ce préjudice commercial sera évalué sur la base du chiffre d’affaires de référence retenu par le cabinet Vilatte, expert mandaté par l’assureur du bailleur, qui a constaté que l’activité du fonds de commerce de la boulangerie du Grand Parc était, préalablement au sinistre en progression constante de 8%. En application de ce barème appliqué au chiffre d’affaires prévisible pour les années 2008 à 2010, la perte de chiffre d’affaires s’établit à la somme de 282.457 euros HT soit :

-82.973 euros HT pour l’année 2008 (5 mois sur 12 non indemnisés) ;

-115.475 euros HT pour l’année 2009 ;

-84.009 euros HT pour l’année 2010.

Il convient à ces chiffres un taux de marge brute que l’on fixera à 60 % conformément au chiffre retenu par le cabinet Vilatte, ce qui établit le préjudice la boulangerie du Grand Parc à la somme de 169.474, 20 euros.

[…] et son assureur, la compagnie AXA France IARD seront condamnées in solidum à payer à la SARL Boulangerie du Grand Parc la somme de 169.474,20 euros en indemnisation de son préjudice commercial.

Sur l’action formée par la société Swiss Life

L’article L.121-12 du code des assurances dispose que « L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur. »

Il résulte des dispositions de l’article 121-3 que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. »

Au cas d’espèce, il résulte de ces dispositions que la compagnie Swiss Life, assureur de la boulangerie du Grand Parc, tiers lésé, se trouve subrogée dans le droit d’action de cette dernière à l’encontre de la SEM IN CITE et de la compagnie AXA France IARD, assureur de la SEM IN CITE, tiers responsable de son préjudice.

C’est à bon droit que les premiers juges ont rappelé que l’action fondée sur la subrogation exercée par la SA Swiss Life se trouve soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l’article 224 du code civil qui régit les actions mobilières, dont l’action de la victime envers le responsable de son dommage.

Par ailleurs, il est acquis que l’assureur, subrogé dans les droits de son assuré, ne saurait se prévaloir de d’avantage de droits que ce dernier, et que son action subrogatoire se trouve en conséquence prescrite en même temps que celle de l’assuré.

Au cas d’espèce, le point de départ du délai de prescription du droit d’action de la boulangerie du Grand Parc s’établit à la date de la déclaration de sinistre, soit dans les jours suivants le 3 août 2007, date de l’incendie, dans la mesure où il apparait incontestable que la boulangerie du Grand Parc a eu connaissance à cette date des faits lui permettant d’exercer son droit, et non, comme le soutient la société Swiss Life au 21 décembre 2010, date du dépôt du rapport d’expertise ayant notamment déterminé l’origine du sinistre.

Il est également acquis que l’action de l’assureur ne pouvait être exercée avant le paiement du dernier paiement subrogatoire, soit, en l’espèce, le 1er janvier 2010, date à laquelle il convient de constater que l’action directe de la boulangerie du Grand Parc n’était pas prescrite.

La société Swiss Life disposait elle-même d’un délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2010 pour exercer son action. Or, il est constant que l’intervention volontaire de la société Swiss Life résulte d’un dépôt de conclusions du 17 avril 2015, sans que cette dernière ne soit en mesure de démontrer qu’elle a accompli préalablement de quelconques actes interruptifs d’instance.

Par ailleurs, la société Swiss Life ne saurait encore se prévaloir de la prorogation de deux ans de la recevabilité de son action, l’action de la SEM IN CITE contre son assureur se trouvant à cette date elle-même prescrite.

L’action de la société Swiss Life se trouve prescrite en en conséquence irrecevable. Le jugement sera, sur ce point confirmé.

Il convient de rejeter toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande de condamner solidairement la société IN CITE BORDEAUX LA CUB et la compagnie AXA France IARD à payer à la Boulangerie du Grand Parc la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’équité commande également de condamner la SA Swiss Life à payer à la SA AXA France IARD la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société IN CITE BORDEAUX LA CUB, la compagnie AXA France IARD, et la SA Swiss Life seront condamnées solidairement aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement en ce qu’il a débouté la SARL Boulangerie du Grand Parc de l’ensemble de ses demandes ;

LE CONFIRME pour le surplus,

EN CONSEQUENCE,

CONDAMNE in solidum la SEM IN CITE BORDEAUX LA CUB et la compagnie AXA France IARD à payer à la SARL Boulangerie du Grand Parc la somme de 169.474,20 euros en indemnisation de son préjudice commercial ;

DECLARE irrecevable l’action formée par la SA Swiss Life ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE solidairement la société IN CITE BORDEAUX LA CUB et la compagnie AXA France IARD à payer à la Boulangerie du Grand Parc la somme de 2.500 euros par

application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement la SA Swiss Life à payer à la SA AXA France IARD la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement la société IN CITE BORDEAUX LA CUB, la compagnie AXA France IARD, et la SA Swiss Life aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Béatrice PATRIE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 19 janvier 2021, n° 18/00348