Cour d'appel de Colmar, 25 novembre 2016, n° 15/01581
Chronologie de l’affaire
Commentaire • 1
Sur la décision
Référence : | CA Colmar, 25 nov. 2016, n° 15/01581 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Colmar |
Numéro(s) : | 15/01581 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Colmar, 11 février 2015 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties : ayant son siège social Service Régional de l' Archéologie
Texte intégral
PB
MINUTE N° 713/2016
Copies exécutoires à
La SELARL WEMAERE-LEVEN
— LAISSUE
Maîtres WELSCHINGER
& WIESEL
Le 25 novembre 2016
Le Greffier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRÊT DU 25 novembre 2016
Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 15/01581
Décision déférée à la Cour :
jugement du 12 février 2015 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR
APPELANT et défendeur :
Monsieur X Y
demeurant XXX
XXX
représenté par la SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE, avocats à COLMAR, avocats à
COLMAR
plaidant : Maître SCHRAEN, avocat à
COLMAR
INTIMÉS :
— demandeurs :
1 – Monsieur Z A
demeurant XXX
XXX
XXX
2 – Monsieur B C
demeurant XXX
XXX
représentés par Maîtres WELSCHINGER &
WIESEL, avocats à COLMAR
— appelée en déclaration de jugement commun :
3 – La DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES
D’ALSACE
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social Service Régional de l’Archéologie
XXX
XXX
assignée à personne morale le 24 juin 2015
n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du
Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 octobre 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK et Madame Pascale BLIND, Conseillers, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard POLLET, Président
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller
Madame Pascale BLIND, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Nathalie
NEFF
ARRÊT Réputé contradictoire
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de
Procédure Civile.
— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Le 6 avril 2010, lors de travaux de terrassement effectués sur le territoire de la commune
d’Epfig, un trésor constitué de plus de 110 kg de pièces antiques contenues dans des jarres a
été découvert.
Le conservateur régional de l’archéologie de la direction régionale des affaires culturelles
d’Alsace a établi un document dans lequel est indiqué que le trésor lui a été remis le 14 avril
2010 par M. X Y, désigné comme inventeur.
Selon un rapport d’expertise du 12 mars 2012, la valeur commerciale des monnaies
découvertes avoisine 100 000 euros.
M. Z A et M. B
C ont fait citer M. Y, en présence de la direction
régionale des affaires culturelles d’Alsace, aux fins de voir juger qu’ils sont les seuls
inventeurs du trésor découvert le 6 avril 2010.
Par jugement réputé contradictoire du 12 février 2015, le tribunal de grande instance de
Colmar a dit que M. A, M. D, et M. Y sont tous trois les inventeurs de ce
trésor et rejeté toutes autres prétentions, chacune des parties devant supporter ses propres
frais.
*
M. Y a interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 24 mars 2015.
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 juillet 2015, il demande à la cour d’infirmer la
décision entreprise, de dire qu’il est le seul inventeur du trésor et de condamner les intimés à
lui payer un montant de 2 500 euros pour chacune des procédures de première instance et
d’appel.
Au soutien de son appel, il explique qu’il travaille comme conducteur d’engins pour le
compte d’une entreprise de travaux publics et que, le 6 avril 2010, il a heurté avec sa pelle
mécanique une matière indéterminée, de laquelle s’écoulaient des objets qu’il a identifiés par
la suite, une fois descendu de l’engin, comme étant des pièces de monnaie contenues dans
une jarre que la pelleteuse avait cassée.
Il affirme ainsi que c’est lui qui a mis le trésor à jour, de sorte qu’il en est bien l’inventeur, en
application de l’article 716 du code civil, peu important que M. C, ou M. A, ait
participé ensuite à sa mise à nu.
Il précise qu’immédiatement après les faits, les pièces ont été récupérées par son père, qui les
a amenées à la mairie où une réunion était prévue avec la DRAC en vue de la remise du
trésor.
L’appelant avance également que M. A, retraité, ne travaillait pas sur le chantier. De
plus, ce dernier, présent à la réunion, n’aurait pas contesté sa qualité d’inventeur.
*
MM. A et C ont remis leurs conclusions le 14 août 2015, tendant à la
confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l’appelant à verser à chacun d’entre
eux un montant de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Ils considèrent que la mise à jour du trésor résulte de l’action collective des trois parties qui
travaillaient sur le chantier dans la mesure où, sans eux, M. Y n’aurait jamais détecté sa
présence.
Par ailleurs, M. A explique qu’il n’avait pas compris lors de la réunion à la mairie que M.
Y avait pour intention de revendiquer seul la qualité d’inventeur et précise que c’est bien
lui qui a effectué les démarches afin de contacter la DRAC.
*
La DRAC a été régulièrement citée le 24 juin 2015 en la personne de son secrétaire général,
habilité à recevoir l’acte. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.
*
Pour l’exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux
conclusions respectives susvisées.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2015.
MOTIFS
Aux termes de l’article 716 du code civil, la propriété d’un trésor appartient à celui qui le
trouve dans son propre fonds : si le trésor est trouvé dans le fond d’autrui, il appartient pour
moitié à celui qui l’a découvert et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds.
Il est admis que l’inventeur d’un trésor s’entend de celui qui, par le seul effet du hasard, met le
trésor à découvert, serait-il au service d’une entreprise, dès lors que les travaux ayant amené
la découverte n’ont pas été effectués à cette fin.
En premier lieu, il ne saurait être sérieusement contesté que M. A participait aux travaux
de terrassement au cours desquels le trésor a été trouvé, puisque que, lors de la comparution
personnelle des parties devant le premier juge, M. Y a lui-même évoqué sa présence en
qualité de collègue, ce qui a été confirmé par M. C, et que M. A a justifié, par
un certificat délivré par son employeur en date du 24 décembre 2011, qu’il travaillait à la
période des faits.
Le 14 avril 2010, le conservateur régional de l’archéologie en la personne de M. E a
attesté avoir emprunté pour expertise et étude scientifique à M. X
Y, désigné
comme inventeur, 110 kg de monnaies antiques avec vase les contenant.
Il est constant que cette remise a eu lieu en mairie d’Epfig, en présence du maire de la
commune, de M. Y, des parents de ce dernier et de M. A.
Le maire de la commune a délivré une attestation au profit de M. Y indiquant que, lors
de la remise des pièces, M. A n’avait pas contesté les dires de l’appelant selon lesquelles
il avait vu le trésor en premier.
M. A produit quant à lui un écrit du dirigeant de la SARL Bijoux Bermo, dans lequel
celui-ci indique que l’intimé l’avait contacté, après la découverte du trésor, en vue de
connaître les démarches à effectuer, et que lui-même, habituellement en lien avec le musée
de Strasbourg, lui avait fait parvenir les coordonnées de M. E de la DRAC. Selon le
témoin, c’est donc par son intermédiaire et grâce à M. A que le trésor est parvenu à la
DRAC.
Il résulte en tout cas de cette initiative que M. A s’est lui-même comporté comme
inventeur du trésor. En outre, s’agissant des propos tenus à la mairie, il n’est pas impossible
que l’intimé se soit mépris sur la portée des déclarations de M. Y.
D’autre part, il résulte des indications de M. Y, données lors de sa comparution
personnelle en première instance, que le trésor a été chargé en premier lieu dans la
camionnette de M. C et amené au domicile de celui-ci, l’appelant ne l’ayant récupéré
que dans un deuxième temps.
Quant aux circonstances exactes dans lesquelles le trésor a été découvert, les versions des
parties divergent sensiblement : en effet, ainsi qu’il résulte des déclarations faites devant le
premier juge, M. Y a déclaré avoir appelé ses collègues qui se trouvaient un peu plus
loin, après être descendu de son engin et avoir identifié les objets découverts, tandis que
M. A et M. C ont affirmé de manière concordante que l’intéressé n’avait pas
constaté immédiatement la présence du trésor et que, sans leur intervention, il n’aurait pas été
mis en évidence.
M. A a ainsi précisé que, se trouvant au bord de la tranchée, il a vu en premier qu’il y
avait quelque chose au fond ; il a indiqué avoir ensuite demandé à M. Y d’arrêter son
engin et à M. C, qui travaillait dans la tranchée, d’aller voir ce qui s’y trouvait. Ce
dernier aurait alors délicatement creusé le sol et mis à nu des pièces sortant d’une
jarre cassée. M. C a donné la même version des faits, précisant que M. Y n’était
descendu de son engin qu’une fois qu’il avait commencé à gratter la terre.
Si l’appelant se prévaut d’une attestation d’un conducteur d’engins certifiant qu’il est interdit
de descendre dans une tranchée pendant les man’uvres et que le conducteur est le plus à
même de voir ce qui se passe au fond de cette tranchée, les intimés produisent à l’appui de
leur thèse une attestation d’un chef de chantier mentionnant qu’il est habituel qu’un ouvrier
descende dans la tranchée pour communiquer avec le pelleteur et l’informer le cas échéant
de l’existence de câbles ou conduites ; ce témoin précise que le pelleteur n’est pas toujours
capable de voir ce qui se passe derrière le godet, à moins d’avoir une caméra sur la flèche de
la machine, ce qui n’est pas allégué en l’espèce.
De l’ensemble de ces éléments, il résulte qu’il n’est pas établi que seul M. Y a mis le
trésor a découvert.
Ainsi que l’a retenu le premier juge, la découverte, survenue à l’occasion de travaux auxquels
ont participé les trois intéressés, procède d’une action collective et doit profiter à chacun
d’entre eux.
Le jugement déféré sera donc confirmé en son intégralité.
M. Y, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel, ce qui entraîne
nécessairement le rejet de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles
exposés par eux.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
REJETTE les demandes respectives des parties formées en cause d’appel sur le fondement
de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. X Y aux dépens d’appel ;
DECLARE le présent arrêt commun à la direction régionale des affaires culturelles d’Alsace.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE
CHAMBRE
Textes cités dans la décision