Cour d'appel de Colmar, 9 juin 2016, n° 14/05944

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 857/16

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 09 Juin 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A 14/05944

Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2014 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

SARL X, prise en la personne de son représentant légal,

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Me MAURIES remplaçant Me Philippe WITTNER, avocats au barreau de STRASBOURG

INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE :

Madame Z Y

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Me Michel REINHARDT, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme HAEGEL, Président de chambre,

Madame GROSCLAUDE-HARTMANN, Conseiller,

Mme LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HAEGEL, Président de chambre,

— signé par Mme HAEGEL, Président de chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRETENTIONS

Madame Z Y a été engagée par la Sàrl X, selon un contrat à durée indéterminée en date du 6 avril 2001, en qualité d’Ingénieur Etudes et Qualité.

Par acte introductif d’instance, elle a, en date du 29 mai 2013, saisi le Conseil de Prud’hommes de STRASBOURG en paiement d’arriérés de salaires et a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Par jugement en date du 4 novembre 2014, le Conseil de Prud’hommes de Strasbourg a essentiellement condamné l’employeur à payer à Madame Y une somme de 45000,06€ d’arriérés de salaires au titre des minimas conventionnels résultant de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie et 4500,06€ au titre de l’indemnité de congé payés y afférents avec les intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience de conciliation et a débouté Madame Y de sa demande de résiliation judiciaire et ses conséquences financières.

Par courrier recommandé expédié en date du 3 décembre 2014, la Sàrl X, a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée en date du 6 novembre 2014.

Par courrier en date du 11 février 2015, Madame Y a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par des écritures parvenues à la Cour en date du 7 avril 2015,oralement reprises à l’audience, l’appelante a conclu à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux prétentions de Madame Y et a demandé à la Cour statuant à nouveau de :

— DIRE et JUGER que les griefs invoqués par Madame Y à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa prise d’acte sont dénués de tout fondement,

— DIRE ET JUGER que la prise d’acte de Madame Y de la rupture de son contrat de travail en date du 11 février 2015 produit les effets d’une démission,

en tout état de cause :

— CONDAMNER Madame Y à payer à la Sàrl X un montant de 5734,95€ bruts au titre du solde d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et 1500€ pour la procédure d’appel.

Au soutien de son appel, elle fait valoir :

— que par application de la prescription quinquennale applicable pour les rappels de salaire, Madame Y n’est recevable à réclamer d’éventuels arriérés qu’à compter du 29 mai 2008 et non à compter du 2 avril 2008 comme retenu par erreur par les premiers juges ;

— que sur le fond si elle admet ne pas avoir fait évoluer le coefficient de la salariée par période de trois ans après trois ans d’ancienneté comme prévu par la convention collective applicable, elle soutient que l’intimée a toujours perçu des salaires supérieurs aux minimas conventionnels selon le tableau versé au dossier ;

— qu’en l’absence de durée du travail prévue au contrat c’est la durée légale du travail de 35 heures qui s’applique et qu’il ne saurait y avoir application d’un forfait annuel en heures en l’absence de convention individuelle de forfait ;

— que les salaires minimas retenus par les premiers juges l’ont été de façon erronée sur ceux applicables au salarié soumis à un forfait annuel en heures à hauteur de 39 heures ;

— que l’intimée ne peut se prévaloir du forfait sans référence horaire faute d’être cadre dirigeant ;

— qu’en considération de la prise d’acte de Madame Y intervenue après sa demande de résiliation judiciaire, il n’y plus lieu de statuer sur celle-ci ;

— que la demande de prise d’acte en raison de l’absence de revalorisation à hauteur des minimas conventionnels pour les salaires postérieurs au jugement du 4 novembre 2014 n’est pas fondée ;

— que celle-ci doit produire les effets d’une démission et que Madame Y est redevable d’un préavis conventionnel de 3 mois et non de 15 jours par application du droit local.

Par des écrits reçus à la Cour en date du 8 décembre 2015, oralement soutenus à l’audience, l’intimée a conclu à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’appelante au paiement d’arriérés de salaires et a formé appel incident quant au surplus en demandant à la Cour statuant à nouveau de :

— DIRE et JUGER que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence ;

— CONDAMNER la société X Sàrl à lui payer les sommes suivantes :

—  51912,10€ au titre d’arriérés de salaires et 5191,21€ au titre des congés payés avec les intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience de conciliation ;

—  41382,96€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter de la décision à intervenir ;

—  23150,65€ au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement avec les intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience de conciliation ;

-10345,74€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1034,57€ au titre des congés payés y afférents avec les intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience de conciliation ;

—  3000€ par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle réplique :

— que la position hiérarchique figurant sur le contrat de travail était erronée et a été rectifiée sur les fiches de paye ;

— que le contrat de travail ne précise ni la durée ni les horaires de travail ;

— qu’il résulte de l’examen des fiches de paye qu’elle effectuait 39 heures de travail par semaine et qu’il ne saurait être soutenu que la durée de 35 heures est applicable ;

— que la rémunération forfaitaire brute annuelle prévue au contrat lui permettait de penser qu’elle était sur un forfait de 39 heures par semaine ;

— que dès lors il ne peut être prétendu que la rémunération appliquée pour une durée hebdomadaire de 35 heures était supérieure aux minimas conventionnels ;

— que l’employeur n’a jamais régularisé le coefficient qui lui est applicable depuis le 1er juin 2013 et qui est de 125 et qui aurait dû évoluer depuis 2004, ce qui justifiait la demande de résiliation ;

— qu’elle chiffre en conséquence les arriérés dus en fonction des différents coefficients applicables jusqu’au 11 février 2015 date de la prise d’acte de rupture ;

— qu’à l’appui de sa prise d’acte il y a lieu de prendre en compte les manquements invoqués à l’appui de la résiliation judiciaire ;

— que les manquements sont caractérisés dès lors qu’il a y eu retard dans le paiement du salaire ou non-respect des obligations résultant de la convention collective applicable ;

— qu’en l’espèce l’employeur n’a pas respecté son évolution hiérarchique conventionnelle ni le taux de rémunération conventionnel ni les termes du jugement querellé.

SUR CE, LA COUR,

SUR LES ARRIERES DE SALAIRE

Sur la période concernée

Il résulte de l’article L3245-1 du code du travail que l’action en paiement des salaires se prescrit par cinq ans et qu’en application des articles 2240 et 2241 du code civil la prescription est interrompue par une reconnaissance de dettes ou une citation en justice par huissier ou par une demande introductive d’instance.

Il est justifié que Madame Y a saisi le Conseil de Prud’hommes de Colmar en date du 29 mai 2013 et qu’elle n’est donc fondée à réclamer des arriérés de salaire qu’à compter du 29 mai 2008.

Sur le fond

Il résulte du contrat de travail liant les parties daté du 6 avril 2001, que celui-ci ne précise ni la durée du travail ni les horaires journaliers et qu’il est fait référence à une rémunération forfaitaire brute annuelle sur 13 mois majorée à l’issue de la période d’essai.

L’absence de référence horaire et la mention d’une rémunération forfaitaire n’autorisaient cependant Madame Y à penser qu’elle était liée avec son employeur par une convention de forfait ni qu’elle pouvait revendiquer les dispositions de la convention collective des Ingénieurs et Cadres de la métallurgie applicables aux salariés soumis à un forfait en heures.

L’article L3121-40 du code du travail prévoit en effet, que la mise en place d’une convention de forfait annuel en heures est subordonnée au fait que cette possibilité soit prévue par un accord collectif mais aussi à la conclusion d’une convention individuelle de forfait par écrit avec chaque salarié concerné.

Dès lors en l’absence d’une telle convention individuelle de forfait, il y a lieu de considérer que Madame Y dans le silence du contrat était soumise à la durée légale du travail de 35 heures nonobstant la mention sur les premières fiches de paye une durée mensuelle de travail de 169 heures.

En effet, il résulte des fiches de paye de la période litigieuse, soit à partir de 2008, que l’horaire mentionné sur les fiches de paye était de 151 heures majoré le cas échéant d’heures supplémentaires avant de passer à 135,2 heures par mois lorsque l’intéressée est passée à temps partiel.

Il ne peut être contesté pour être complet que l’intéressée ne pouvait prétendre au statut de cadre dirigeant faute de démontrer son autonomie et se prévaloir de l’article 15 de la convention collective applicable prévoyant un dispositif de forfait sans référence horaire.

Si l’employeur reconnaît toutefois ne pas avoir pratiqué la réévaluation du coefficient résultant de la convention collective, applicable après trois ans d’ancienneté et par période de trois ans, il ressort toutefois du décompte produit aux débats non utilement contesté dans son chiffrage, que la société justifie avoir toujours versé à Madame Y un salaire supérieur au minimum conventionnel même rectifié, de sorte que celle-ci ne peut valablement prétendre à un rappel de salaire.

Les premiers juges seront infirmés sur ce point.

SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Il est constant que Madame Y a initialement saisi le Conseil de Prud’hommes de Strasbourg d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et a ensuite pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en date du 11 février 2015.

La prise d’acte intervenant postérieurement à la demande de résiliation judiciaire, a entraîné la cessation immédiate du contrat de travail, il n’y a pas plus lieu de statuer sur la résiliation.

Pour apprécier la prise d’acte le juge est néanmoins tenu d’évaluer les manquements invoquées par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet, que ceux cités à l’appui de la prise d’acte.

Si les griefs invoqués sont justifiés et suffisamment graves, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à défaut ceux d’une démission.

A l’appui de sa demande de résiliation judiciaire Madame Y reprochait à son employeur le non-paiement du salaire.

Il a été vu plus haut qu’en réalité Madame Y ne pouvait prétendre à un rappel de salaire de sorte que ce grief doit être considéré comme non fondé tout comme celui de l’application erronée du coefficient conventionnel en l’absence de préjudice établi pour Madame Y.

A l’appui de sa prise d’acte Madame Y faisait en outre valoir le non-respect des termes du jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes contre lequel il avait toutefois été interjeté appel et qui a été réformé pour partie.

Ce grief ne pouvant pas plus être retenu, sa prise d’acte doit par conséquent être

analysée comme une démission.

En application de la convention collective des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie le préavis en cas de démission était fixé à trois mois.

Dans sa lettre de prise d’acte, Madame Y a indiqué respecter un préavis de droit local de 15 jours.

'En vertu en effet, du droit local applicable en Alsace-Moselle, repris par les articles L 1234-15 , L 1234-16 et L 1234-17 du code du travail, le préavis en cas de démission est limité à un jour pour les salariés payés à la journée, à une semaine pour les salariés payés à la semaine, à quinze jours pour les salariés payés au mois et à six semaines pour les salariés chargés de manière permanente de la direction, de la surveillance d’une activité, ou à qui sont confiés des services techniques nécessitant une certaine qualification.

Ainsi la durée du préavis s’agissant d’une démission d’un contrat à durée indéterminée est de quinze jours pour un salarié émargeant dans une classification d’ouvrier ou d’employé et de six semaines pour un technicien ou agent de maîtrise, peu importe que la convention collective mentionne des périodes plus longues. Les durées de préavis du droit local s’imposent dans la mesure où celles-ci sont plus favorables aux salariés que celles émanant de la loi, des conventions collectives ou des usages.

En matière de démission, la durée la plus courte est considérée comme la plus favorable pour le salarié.

En l’espèce ,le droit local plus favorable que la convention collective applicable a dès lors vocation à s’appliquer.

Néanmoins,Madame Y qui a été embauchée en qualité d’ingénieur doit être assimilée pour l’application de ce texte à un agent de maîtrise dont le préavis était de 6 semaines'.

Madame Y est par conséquent redevable d’un solde d’indemnité compensatrice de 4 semaines de salaire soit un montant de 2293,98€. Le jugement sera réformé sur ce point.

SUR LE SURPLUS

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’intimée qui succombe supportera les frais et dépens de la procédure d’instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevables l’appel principal de la Sàrl X et l’appel incident de Madame Z C épouse Y, lesdits appels étant interjetés contre le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Strasbourg en date du 4 novembre 2014 ;

INFIRME ledit jugement et statuant à nouveau :

DEBOUTE Madame Z C épouse Y de sa demande de rappel de salaires ;

JUGE que la prise d’acte de Madame Z C épouse Y en date du 11 février 2015 produit les effets d’une démission ;

CONDAMNE Madame Z C épouse Y à payer à la Sàrl X un montant de 2293,98€ bruts (deux mille deux cent quatre vingt treize euros et quatre vingt dix huit centimes) à titre de solde de l’indemnité compensatrice de préavis ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame Z C épouse Y aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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