Cour d'appel de Lyon, 11 mars 2014, n° 13/00447

  • Tribunal arbitral·
  • Arbitre·
  • Sociétés·
  • Cabinet·
  • Sentence·
  • Impartialité·
  • Commande·
  • Professeur·
  • Conventions d'arbitrage·
  • Recours en annulation

Commentaires4

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.bignonlebray.com · 30 janvier 2017

Publications Lemondedudroit.fr : « Quand un monde 2.0 s'écroule » par Elise Dufour Dans un article publié sur lemondedudroit.fr, Elise Dufour, Of Counsel, s'exprime au sujet d'un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 5 janvier 2017 relatif à l'authenticité des liens d'amitié entre des personnes qui acceptent de rentrer en contact sur les réseaux sociaux. Elise Dufour, Of Counsel chez Bignon Lebray, apporte des précisions sur l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 5 janvier 2017 qui confirme la décision de la cour d'appel de …

 

bacaly.univ-lyon3.fr

Cour d'appel Lyon Chambre civile 1, section B, 11 mars 2014, n° 13/00447 Obs. par Cédric MONTFORT, CAYSE-Avocats, associé, Docteur en droit, Chargé d'enseignements à l'Université LYON 2 L'arbitrage suscite actuellement des passions procédurales qu'il est pourtant censé éviter. Au cas particulier, un plaideur malheureux qui n'était pas satisfait d'une sentence rendue en 2009, a saisi la Cour d'appel de Paris pour en demander l'annulation. Le motif allégué (sur lequel portent ces quelques lignes) est fondé sur l'ancien article 1484, 2° du Code de procédure civile (cas …

 

bacaly.univ-lyon3.fr

Cour d'appel Lyon Chambre civile 1, section B, 11 mars 2014, n° 13/00447 Obs. par Cédric MONTFORT, CAYSE-Avocats, associé, Docteur en droit, Chargé d'enseignements à l'Université LYON 2 L'arbitrage suscite actuellement des passions procédurales qu'il est pourtant censé éviter. Au cas particulier, un plaideur malheureux qui n'était pas satisfait d'une sentence rendue en 2009, a saisi la Cour d'appel de Paris pour en demander l'annulation. Le motif allégué (sur lequel portent ces quelques lignes) est fondé sur l'ancien article 1484, 2° du Code de procédure civile (cas …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 11 mars 2014, n° 13/00447
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/00447

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 13/00447

décision du

Tribunal arbitral de PARIS

Au fond

du 04 juin 2009

RG :

XXX

EURL TECSO

C/

XXX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile B

ARRÊT DU 11 Mars 2014

APPELANTE :

EURL TECSO

XXX

XXX

Représentée par Me Roger TUDELA de la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

XXX Société par actions simplifiée,prise en la personne de son représentant légal domicilié encette qualité au siège social sis

XXX

XXX

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me D E, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 23 Août 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Janvier 2014

Date de mise à disposition : 11 Mars 2014

Audience tenue par F-Jacques BAIZET, président et H I, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l’audience, H I a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— F-Jacques BAIZET, président

— Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

— H I, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par F-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Selon contrat du 29 décembre 2006, la société Courant Energies, devenue société NeoElectra Group, a passé commande d’un ensemble de tuyauteries auprès de la société Tecso, spécialisée en techniques de soudures de précision, pour un montant forfaitaire de 635 000 € HT.

Il a été inséré à l’acte une clause aux termes de laquelle les éventuelles contestations qui viendront à naître à propos de la validité, de l’interprétation et de l’exécution du contrat seront résolues par voie d’arbitrage, en amiable composition.

Selon avenant du 23 février 2007, les prestations de la société Tecso ont été augmentées et le prix du marché à forfait a été porté à 840 270 € HT.

Trois autres commandes distinctes ont été passées par la société NeoElectra Group à la société Tecso pour des travaux de réhabilitation réalisés sur le bâtiment devant recevoir l’installation , à savoir le bâtiment TMP situé sur le site des papeteries Otor à XXX, pour un montant global de 92 600 €.

Parallèlement un marché à forfait a été passé directement entre la société Otor-papeterie de Rouen et la société Tecso pour l’installation d’une ligne vapeur reliant le bâtiment TMP à la machine n°5 de la papeterie moyennant un prix de 196 500 €.

Le 25 avril 2007, la société Tecso a adressé à la société NeoElectra Group une proposition de travaux supplémentaires pour un montant total de 662 931 € HT.

Refusant cette demande et excipant de la mauvaise exécution des travaux et du non respect des délais, la société NeoElectra Group, par un courrier du 4 mai 2007, a mis fin au contrat de marché et a invité la société Tecso à quitter le chantier.

La société Tecso a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Rouen d’une demande d’expertise aux fins d’établir le compte entre les parties.

Ensuite du dépôt du rapport de M. A désigné en qualité d’expert, la société Tecso a assigné la société NeoElectra Group à jour fixe devant le tribunal de commerce de Rouen, lequel par jugement du 17 mars 2008 a fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par la société NeoElectra Group au profit de la juridiction arbitrale.

La procédure d’arbitrage ayant été mise en oeuvre, le tribunal arbitral a été constitué de :

— M. F G, docteur en Droit, Président honoraire du Tribunal de Commerce de Rouen, Ancien Président de la Conférence des Juges Consulaires de France, désigné par la société Tecso,

— M. L Z, Professeur à l’Université de Panthéon-Assas

XXX à la Cour, désigné par la société NeoElectra Group,

— de M. J X, Avocat à la Cour Associé Eversheds LLP désigné par les deux co-arbitres en qualité de président.

Par sentence rendue à Paris le 4 juin 2009, le tribunal arbitral a, statuant en amiable composition et en dernier ressort :

— jugé que les modifications apportées au marché ont emporté un bouleversement de l’économie du contrat qui lui a fait perdre son caractère de marché à forfait,

— jugé que le comportement et les manquements de la société Tecso ne revêtaient pas une gravité telle qu’ils permettaient la résiliation unilatérale immédiate et sans contrepartie du contrat par la société NeoElectra Group,

en conséquence,

— dit que le préjudice subi par la société Tecso consécutivement à cette rupture doit être indemnisé,

— condamné la société NeoElectra Group à payer à la société Tecso la somme de 215 092,77 € au titre du solde restant dû au titre des fournitures et travaux exécutés,

— condamné la société NeoElectra Group à payer à la société Tecso la somme de 37 329,14 € correspondant à la perte de marge brute sur les travaux dont la société Tecso s’est vue interdire l’exécution,

— débouté la société Tecso de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice commercial,

— mis à la charge de la société NeoElectra Group les frais de l’expertise diligentée par M. A,

— condamné la société NeoElectra Group à payer 35 000 € à la société Tecso au titre des frais de l’arbitrage,

— laissé à la charge de chaque partie les frais exposés pour sa défense,

— ordonné l’exécution provisoire.

Par acte du 22 juillet 2009, la société Tecso a saisi la cour d’appel de Paris d’un recours en annulation contre cette sentence, faisant valoir que le tribunal arbitral :

— a statué sans convention d’arbitrage (article 1484 1° du code de procédure civile)

— a été irrégulièrement composé (article 1484 2° du code de procédure civile)

— a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée (article 1484 3° du code de procédure civile)

— n’a pas respecté le principe de la contradiction (article 1484 4° du code de procédure civile).

Sur la composition irrégulière du tribunal, la société Tecso a soutenu en particulier :

— qu’il ressortait d’un procès-verbal de constat du 12 janvier 2011, que M. Z, arbitre, avait fait partie du cabinet d’avocats Y, comme Me E, conseil de la société NeoElectra Group,

— que l’attestation de M. Z versée aux débats par la société NeoElectra Group confirmait que celui-ci avait exercé au sein du cabinet Y et qu’il était resté consultant pour ce cabinet après son départ,

— qu’il y avait d’ailleurs organisé un colloque le 3 avril 2008 quatre jours avant sa désignation et qu’il y disposait toujours d’une adresse électronique,

— que de tels liens remettaient en cause la confiance que pouvait lui accorder la société Tecso et avait crée un doute raisonnable sur son impartialité,

— que par ailleurs, M. X, président du tribunal arbitral était « ami sur Facebook » du conseil de la société NeoElectra Group.

La société NeoElectra Group a conclu au rejet des prétentions adverses et a sollicité une somme de 30.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 10 mars 2011, la cour d’appel de Paris a :

— annulé la sentence arbitrale rendue entre les parties le 4 juin 2009,

— rejeté les demandes de la société NeoElectra Group de dommages- intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Neo Electra Group à payer à la société Tecso 10.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Neo Electra Group aux dépens,

— renvoyé l’affaire à l’audience de mise état du 26 mai 2011 et invité les parties pour cette date, à peine de radiation, à conclure au fond dans la limite de la mission des arbitres statuant en amiable composition.

La cour d’appel de Paris a jugé :

— qu’il est de principe que l’arbitre doit révéler aux parties toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d’impartialité et d’indépendance qui sont l’essence même de la fonction arbitrale,

— que l’obligation d’information qui pèse sur l’arbitre afin de permettre aux parties d’exercer leur droit de récusation devait s’apprécier au regard de la notoriété de la situation critiquée et de son incidence sur le jugement de l’arbitre,

— que les rapports pouvant exister entre le conseil de la société NeoElectra Group et M. X, au demeurant postérieurs à la procédure d’arbitrage et tenant à l’organisation et la vie du barreau, n’étaient pas de nature a provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur les qualités d’impartialité et d’indépendance de M. X,

— qu’ en revanche, qu’il ressortait de l’attestation établie par M. Z au cours de la présente procédure qu’il a été « of counsel » du cabinet Y de février 1989 à octobre 2000 et que « Il est arrivé après 2000, que le cabinet Y m’ait consulté deux ou trois fois en tant que professeur pour émettre une opinion juridique portant, bien entendu, sur des points de droit précis »,

— qu’ainsi il existait des liens entre le cabinet Y et M. Z qui non seulement ne les a pas révélés lors de sa désignation pour permettre aux parties d’exercer leur droit de récusation mais, reconnaissant avoir été consulté « deux ou trois fois » par le cabinet Y, restait imprécis sur le courant d’affaires existant entre ce cabinet d’avocats et lui-même,

— que le conseil de la société NeoElectra Group, Me E, était au temps de l’arbitrage collaboratrice du cabinet Y,

— que même à admettre qu’elle représentait les intérêts de la société NeoElectra Group en son nom personnel et non comme collaboratrice du cabinet Y et qu’elle n’ait pas eu personnellement de liens avec M. Z, la circonstance que celui-ci ait ou ait eu des liens d’intérêt avec le cabinet d’avocats dont Me E est collaboratrice créait une obligation de révélation à laquelle il n’a pas été satisfait ce qui a privé la société Tecso de l’exercice de son droit de récusation et a été de nature à faire naître dans son esprit un doute raisonnable sur les qualités d’impartialité et d’indépendance de cet arbitre,

— qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les autres moyens.

Par arrêt du 10 octobre 2012, statuant sur le pourvoi formé par la société NeoElectra Group, la Cour de cassation a cassé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 10 mars 2011par la cour d’appel de Paris et remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Lyon.

La Cour de cassation, après avoir constaté que l’arrêt déféré avait retenu en premier lieu, que M. Z n’avait pas révélé qu’il avait été « of counsel » de février 1989 à octobre 2000 dans le cabinet d’avocats Y et, en second lieu, que depuis l’année 2000, il lui avait donné des consultations juridiques à deux ou trois reprises, a jugé qu’en se déterminant par ces seuls motifs sans expliquer en quoi ces éléments étaient de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité de M. Z et à son indépendance, la cour d’appel de Paris ne l’avait pas mise en mesure d’exercer son contrôle sur la décision, en violation de l’article 1484 2°, du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 13 janvier 2011.

Par déclaration faite le 16 janvier 2013, la société Tecso a saisi la cour d’appel de Lyon en qualité de cour de renvoi.

La société Tecso demande à la cour d’annuler la sentence entreprise et de statuer au fond.

Elle soutient :

1) sur la composition irrégulière du tribunal arbitral :

— que M. Z a été of counsel de 1989 à octobre 2000 au sein du Cabinet Y auquel appartenait le conseil de la société NeoElectra Group, Me E,

— qu’il a poursuivi ses relations avec ce cabinet :

* par des consultations juridiques,

* par sa participation constante au jury du concours Y dont les lauréats sont notamment récompensés par un contrat de collaboration ou un stage rémunéré au sein du cabinet, participant ainsi à la sélection et au recrutement de jeunes professionnels au bénéfice de ce cabinet,

*par l’organisation d’un colloque dans les locaux du cabinet Y le 3 avril 2008 alors que sa désignation en qualité d’arbitre date du 7 avril 2008,

— que les liens entre M. Z et l’avocat de NeoElectra Group ne sont donc manifestement pas des relations de simple connaissance entre un professeur de droit et un cabinet d’avocat, mais des liaisons où se rejoignent des intérêts et des services rendus, après une longue période de collaboration professionnelle,

— que par ailleurs, en ce qui concerne l’arbitre M. X, le lien d’amitié notoire puisque visible par toute personne se rendant sur «Facebook» entre ce dernier et Me E crée également un doute raisonnable sur l’impartialité de M. X,

2) sur la violation du principe du contradictoire :

— que le tribunal arbitral a violé le principe du contradictoire en ne permettant pas aux parties de réagir directement aux propos de l’expert, M. A entendu lors de l’audience de plaidoiries du 30 mars 2009 au matin,

— que cela est d’autant plus fâcheux que le tribunal arbitral a mal interprété les déclarations de ce dernier, voire a déformé ses propos, et a ainsi fondé sa conviction sur des bases erronées,

— que les arbitres ne pouvaient accéder à la demande de la société NeoElectra Group visant à déduire des sommes qu’elles devaient au titre de la commande litigieuse, le montant des commandes n°CE-12-007, 11°CE-12-034 et n°CE-12-049, sans rouvrir les débats et recueillir les observations de la société Tecso,

— qu’en se bornant à adopter purement et simplement le mode de calcul avancé par la société NeoElectra Group, les arbitres ont manqué tant à leur obligation de motivation, qu’à celle qui leur incombe au titre de l’article 16 du code de procédure civile,

3) sur l’absence de convention d’arbitrage :

— que la mission confiée au tribunal arbitral était exclusivement limitée au litige afférent à la commande n°CE-12-023-206 et à son avenant,

— qu’en se prononçant sur le paiement des commandes 11°CE-12-007, n°CE-12-034 et CE-12- 049 et en prenant en compte la commande «Otor» du 12 février 2007, lesdites commandes ne prévoyant aucune clause compromissoire, le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage (article 1484 1°),

4) sur la méconnaissance de la mission :

— que le fait d’avoir connu des commandes n°CE-12-007, n°CE-12-034 et n°CE-12-049 et de la commande «otor» précitée constitue une méconnaissance par les arbitres des termes de leur mission (article 1484 3°).

La société NeoElectra Group demande à la cour à titre principal, de débouter la société Tecso de sa demande d’annulation de la sentence arbitrale, de la condamner à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 100.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient :

— que par son arrêt, la Cour de cassation a posé le principe de son contrôle sur les motifs retenus par les juridictions du fond qui doivent désormais exiger de la partie recourante qu’elle apporte la preuve de ce que les éléments non révélés ont réellement été de nature à provoquer chez elle un doute raisonnable quant à l’impartialité et l’indépendance de l’arbitre,

— que Me D E était à l’époque du départ de M. Z du cabinet Freshfield en octobre 2000, toujours étudiante; que cette dernière n’a prêté serment en tant qu’avocate qu’en février 2003; qu’elle a rejoint le cabinet Y en qualité de collaboratrice en janvier 2005 et qu’elle représentait et représente toujours les intérêts de la société NeoElectra dans le litige qui l’oppose à la société Tecso, en son nom personnel et non en sa qualité de collaboratrice du cabinet Y qu’elle a du reste quitté au cours de l’année 2010,

— que M. Z a quitté les fonctions qu’il exerçait au sein du cabinet Y, en octobre 2000 soit près de dix ans avant qu’il ne lui soit proposé d’être arbitre dans l’affaire litigieuse et qu’il n’a par la suite été consulté par ce cabinet en sa qualité de professeur de droit particulièrement renommé que deux ou trois fois et qu’il n’avait aucun lien avec le conseil de NeoElectra,

— que M. Z a attesté :

«  Je n’ai aucun lien de parenté, d’alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec Mme D E que je n’avais jamais rencontrée avant qu’elle me proposât d’être arbitre dans une affaire dont elle avait été chargée par la société NeoElectraGroup dont je n’avais jamais entendu parler auparavant.

En tant que juriste, je suis parfaitement informé des dispositions de l’article 441-7 du Code pénal réprimant l’établissement d’attestations faisant état de faits inexacts."

— que le colloque hébergé dans les locaux du cabinet Y, évoqué par la société Tecso a été, en réalité, organisé par l’association du M2 (master 2) de droit privé général de l’Université Paris II en présence de MM. Crocq, Z, C, tous trois professeurs au sein dudit master 2 de droit privé général dirigé, à cette époque, par le professeur Z,

— que la participation du professeur Z au prix Y était loin d’être régulière puisque sa participation en 2006, soit deux ans avant l’introduction de la procédure d’arbitrage, a été la seule de ces 13 dernières années,

— que la participation d’arbitres à des travaux intellectuels n’impliquant aucune collaboration n’est pas de nature à avoir une incidence sur leur indépendance et leur impartialité,

— qu’à aucun moment il n’est établi de lien de quelque nature qu’ils soient entre l’arbitre désigné et le conseil de la société NeoElectra et encore moins de liens de nature à mettre en doute l’indépendance et l’impartialité du professeur Z,

— qu’en ce qui concerne M. J X, la thèse consistant à soutenir que le simple fait que deux personnes soient «amies» sur le réseau social Facebook est fantaisiste,

— qu’ en l’espèce, la connexion sur ce réseau entre le conseil de la société NeoElectra et Me J X, tous deux avocats, a été établie à la fin de l’année 2010, soit plus d’un an après que la sentence a été rendue, et l’a été dans le cadre de la campagne des élections du conseil de l’ordre du barreau de Paris menée par Me J X qui était candidat,

— que les parties ont eu le loisir d’interroger l’expert lors de son audition, et que le principe du contradictoire a été respecté,

— que c’est la société Tecso, elle-même, qui a introduit la question des commandes annexes dans l’arbitrage en y faisant référence pour l’essentiel de son argumentation et, notamment pour le calcul de son préjudice,

— que ce comportement est caractéristique d’un manquement aux principes de bonne foi, de loyauté et de cohérence procédurale, connu également sous le terme « d’estoppel » ou d’interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

MOTIFS:

Sur la demande d’annulation de la sentence rendue à Paris le 4 juin 2009 par le tribunal arbitral composé de M. J X, président, M. F G et M. L Z, arbitres

Aux termes de l’article 1484 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige, le recours en annulation à l’encontre d’une sentence arbitrale n’est ouvert que dans les cas suivants :

1° Si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou expirée;

2° Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;

3° Si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ;

4° Lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté ;

5° Dans tous les cas de nullité prévus à l’article 1480 ;

6° Si l’arbitre a violé une règle d’ordre public.

Sur la régularité de la constitution du tribunal arbitral

Il appartient à l’arbitre, avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à son l’impartialité et à son indépendance.

En l’espèce, la société Tecso soutient que les liens entre M. Z et l’avocat de NeoElectra Group ne sont manifestement pas des relations de simple connaissance entre un professeur de droit et un cabinet d’avocat, mais des liaisons où se rejoignent des intérêts et des services rendus, après une longue période de collaboration professionnelle.

Cependant, il résulte des pièces du dossier :

— que M. L Z a été «of counsel» de 1989 à octobre 2000 au sein du cabinet Y,

— que Me E, avocate personnelle de la société NeoElectra Group n’a rejoint ce cabinet en qualité de collaboratrice qu’en 2005,

— que les relations que M. Z a poursuivies avec le cabinet Y, après la cessation de ses fonctions d’of counsel et sur une période de 7 ans et demi ont consisté en :

— deux ou trois consultations juridiques,

— une unique participation au jury du concours Y en 2006, les précédentes participations étant antérieures à 2000,

— une participation dans les locaux du cabinet Y en 2008, à un colloque organisé par l’association du master de droit privé qu’il dirigeait à l’université Paris II.

Il résulte de ces éléments, qu’il n’est établi aucune relation d’intérêt entre l’avocate à titre personnel de la société NeoElectra et M. Z.

Le fait pour cette avocate d’avoir été de 2005 à 2010 collaboratrice du cabinet d’avocats Y dont M. Z a également été collaborateur de 1989 à 2000, ne peut faire naître un doute raisonnable sur l’impartialité et l’indépendance de M. Z , dès lors qu’il avait quitté ce cabinet 7 ans et demi avant sa désignation comme arbitre et qu’il n’a eu pendant ces années avec le cabinet Y que des relations épisodiques et anodines.

Par ailleurs, il n’est pas établi que le cabinet Y ait joué un rôle dans le choix de M. Z.

En ce qui concerne M. X, qui est avocat au barreau de Paris, le soutien que lui a apporté Me E, sur le réseau social «facebook» à l’occasion d’élections organisées au sein barreau de Paris, l’a été un an après l’arbitrage et de ce fait n’est pas susceptible de créer en tant que tel un doute raisonnable sur l’impartialité ou l’indépendance de cet arbitre à l’égard de la société Tecso.

En conséquence, M. Z et M. X n’étaient pas tenus de révéler ces situations de sorte que le moyen de nullité tiré de l’irrégularité de la composition du tribunal arbitral n’est pas fondé.

2) sur le respect du principe de la contradiction :

Par courrier du 18 février 2009, le tribunal arbitral a convoqué les parties pour le 30 mars 2009 à partir de 9 h 30 en indiquant que " lors de cette audience, le Tribunal entendra dans un premier temps M. A qui pourra être interrogé par les conseils des deux parties [et qu'] à l’issue de cette audition se tiendront les plaidoiries des conseils "

Il n’est pas contesté que l’expert a été entendu pendant toute la matinée du 30 mars 2009 en présence des parties qui ont pu lui poser des questions et réagir à ses explications.

Le tribunal arbitral n’était donc pas tenu de déférer à une demande de renvoi de l’affaire formulée par la société Tecso après le départ de l’expert, aux fins de nouvelle audition de ce dernier.

Par ailleurs, dans son mémoire en défense la société NeoElectra Group ( pièce 11), a explicitement indiqué :

— que ( selon elle) le nombre d’heures total indiqué par Tecso ainsi que les factures des fournisseurs de matériels ( page 15 et 16 de son rapport final) incluaient le matériel fourni et les heures passées aux travaux complémentaires (page 25),

— que ( selon elle) le montant estimé par l’expert était erroné ; qu’en effet l’estimation de l’expert tenait compte de la fourniture et du nombre d’heures passées pour réaliser les travaux de démontage et d’incendie ( ndlr : commandes annexes), mais ne prenait pas en compte les sommes payées par NeoElectra à ce titre.

La sentence arbitrale mentionne également :

«le tribunal arbitral juge qu’en effet, comme cela l’a d’ailleurs été confirmé par M. B lui-même [ndlr : gérant de la société Tecso] à l’audience du 30 mars 2009, les 7 870 heures avancées par la société Tecso auprès de l’expert représentaient l’intégralité des heures passées sur le chantier, y compris donc celles passées pour les travaux de démontage et d’incendie. Il convient en conséquence d’ajouter les 92 600 € payés et versés à la société Tecso pour le démontage et l’incendie aux 441 931 € d’ores et déjà admis par l’expert.»

Il résulte de ces éléments que la détermination des sommes restant dues à la société Tecso au titre des travaux exécutés par elle et non réglés par la société NeoElectra Group a été contradictoirement débattue.

Par ailleurs, la lecture de la sentence arbitrale montre que le tribunal arbitral ne s’est aucunement « borné à adopter purement et simplement le mode de calcul avancé par la société NeoElectra Group» comme le soutient la société Tecso.

Bien au contraire, le tribunal arbitral a rejeté les contestations de la société NeoElectra Group relativement aux «postes 1,2 et 3» et a évalué le temps passé par les employés de la société Tecso pour la réalisation des travaux effectués à 7 150 heures, et ce, à l’issue d’un raisonnement différent de celui de la société NeoElectra, laquelle soutenait que le temps passé devait être évalué à 4 589 heures.

En conséquence, le moyen tiré d’un défaut de respect du principe de la contradiction n’est pas fondé.

3) sur l’absence de convention d’arbitrage et sur la méconnaissance de la mission :

Contrairement à ce que soutient la société Tecso, le tribunal arbitral ne s’est pas saisi d’office des commandes annexes, puisque celles-ci n’ont été évoquées par le tribunal arbitral qu’ensuite des demandes formulées par la société Tecso qui comprenaient, selon le tribunal arbitral, en tout ou partie des demandes relatives à des prestations précédemment réglées au titre des commandes annexes.

En ajoutant aux sommes d’ores et déjà réglées la somme de 92 600 € correspondant aux commandes annexes, le tribunal a «compensé» la prise en compte du temps passé à ces commandes et s’est ainsi strictement conformé à la convention d’arbitrage, laquelle le saisissait des difficultés d’exécution de la commande principale du 29 décembre 2006 et de son avenant du 23 février 2007.

Il sera également relevé que la société Tecso , dans son mémoire en demande devant le tribunal arbitral, a calculé son préjudice afférent à la perte de marge brute non seulement sur la commande principale mais également sur la commande «Otor» dont elle a soutenu que « la résiliation a été consécutive à celle du marché principal».

Elle ne peut dès lors reprocher au tribunal arbitral d’avoir pris en compte cette commande, de surcroît à son avantage, qu’elle a elle-même soumise à son appréciation.

4) Conclusion :

Les moyens d’annulation soulevés par la société Tecso n’étant pas fondés, il convient de rejeter le recours en annulation formé par elle à l’encontre de la sentence arbitrale.

Sur la demande de dommages- intérêts pour abus du droit d’agir en justice

Toute faute dans l’exercice des voies de droit est susceptible d’engager la responsabilité de son auteur.

En l’espèce, il sera relevé que le recours en annulation de la société Tecso a été accueillie par la cour d’appel de Paris.

Il ne saurait lui être reproché d’avoir agi en justice avec légèreté ou de mauvaise foi.

La société NeoElectra sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

la cour,

— Rejette le recours en annulation formé par la société Tecso à l’encontre de la sentence rendue à Paris par le tribunal arbitral composé de M. J X, président, L Z, arbitre, F G arbitre, le 4 juin 2009, entre la société Tecso et la société NeoElectra Group,

— Déboute la société Tecso de ses prétentions,

— Déboute la société NeoElectra Group de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— Condamne la société Tecso à payer à la société Neo Electra Group la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société Tecso au entiers dépens de l’instance en annulation, distraits au profit de la société Aguiraud Nouvellet, avocat, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile, sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code pénal
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Lyon, 11 mars 2014, n° 13/00447