Cour d'appel de Paris, Pôle 1, 30 mai 2013, n° 2012/09084

  • Action pour atteinte au nom commercial·
  • Action pour atteinte au nom de domaine·
  • Compétence pour autoriser un constat·
  • Tribunal de grande instance de paris·
  • Action en concurrence déloyale·
  • Action en contrefaçon·
  • Compétence matérielle·
  • Compétence exclusive·
  • Constat d'huissier·
  • Demande connexe

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 30 MAI 2013

Pôle 1 – Chambre 2 (n°362 , 5 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 12/09084

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Mai 2012 -Président du TGI de Bobigny – RG n° 12/00591

APPELANTE SARL SHOWROOMPRIVE.COM […], ZAC de la Mont Joie 93212 LA PLAINE SAINT DENIS Assistée de Me Frédéric S de la AARPI TEISSONNIERE – S – CHEVE AARPI (avocat au barreau de PARIS, toque : B1111) Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD (avocat au barreau de PARIS, toque : C2477)

INTIMEE SAS VENTE PRIVEE. COM agissant poursuites et diligences de son Président, y domicilié en cette qualité 249 avenue du Président Wilson 93210 SAINT DENIS Représentée par la SCP GALLAND
- VIGNES (Me Marie-Catherine VIGNES avocat au barreau de PARIS, toque : L0010) Assistée de Me Cyril F de la SELARL OFFICE JURIDIQUE FRANCAIS ET INTERNATIONAL – ALIST ER (avocat au barreau de PARIS, toque : K0037)

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 17 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Evelyne LOUYS, Présidente de chambre Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère Mme Maryse LESAULT, Conseillère qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Evelyne LOUYS, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

La société Vente-privée.com édite et exploite sous la dénomination sociale, le nom commercial, le nom de domaine et la marque Vente- privée.com un site internet accessible à l’adresse www.vente- privée.com depuis lequel elle propose sur invitation à un cercle de membres inscrits la vente de produits de marques de prestige à des prix attractifs.

La Sarl Showroomprive.com édite et exploite sous le nom commercial Showroomprive.com un site internet accessible à l’adresse url www.showroomprive.com proposant des ventes événementielles sur internet de produits de marques de prestige à des prix attractifs accessibles sur invitation à un cercle de membres inscrits.

Ayant constaté l’affichage sur le moteur de recherche Google lors de la saisie des requêtes de recherche «'vente-privee.com'» ou «'vente- privee'» de plusieurs liens hypertextespublicitaires AdWords pointant à destination du site internet www.showroomprive.com et considérant que ces agissements étaient de nature à porter atteinte à ses droits, la société Vente-privee.com après avoir vainement adressé plusieurs lettres de mise en demeure, a obtenu le 22 février 2012 une ordonnance sur requête sur le fondement des articles 145, 495 et 812 du code de procédure civile désignant maître S, huissier, lequel a dressé un procès-verbal de constat le 29 février 2012 de ses opérations menées sur le compte AdWords de la société Showroomprive.com.

Par assignation en référé d’heure à heure du 28 mars 2012, sur autorisation du même jour, la société Showroomprive.com a saisi le président du tribunal de grande instance de Bobigny d’une demande de rétractation totale de l’ordonnance sur requête du 22 février 2012.

Par ordonnance du 11 mai 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a':

— rejeté l’exception d’incompétence matérielle soulevée par la société Showroomprive.com,

— débouté cette dernière de l’ensemble de ses demandes et donc de sa demande de rétractation totale de l’ordonnance rendue le 22 février 2012 par le juge du tribunal de grande instance de Bobigny,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Showroomprive.com aux entiers dépens.

La société Showroomprive.com a relevé appel de cette décision.

Par conclusions n° 3 signifiées le 8 avril 2013 aux quelles il convient de se reporter, elle demande à la cour de':

A titre liminaire,

— dire que le président du tribunal de grande instance de Bobigny n’était pas compétent pour connaître de la requête présentée par la société Vente-privée.com et aurait dû se déclarer incompétent au profit du président du tribunal de grande instance de Paris ou subsidiairement du président du tribunal de commerce de Bobigny,

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée,

— ordonner la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 22 février 2012 par le président du tribunal de grande instance de Bobigny avec toutes ses conséquences de droit,

Sur la recevabilité de ses demandes,

— la déclarer recevable en sa demande de voir reconnaître l’absence de motif légitime fondant l’ordonnance du 22 février 2012,

— déclarer nul le procès-verbal de constat réalisé par maître S le 29 février 2012,

Sur le fond,

— infirmer l’ordonnance du 11 mai 2012,

— ordonner la rétractation de l’ordonnance du 22 février 2012,

— ordonner la restitution des copies de fichiers, dossiers, correspondances et plus généralement de tous documents effectuée par maître S, huissier, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 48 H à compter du prononcé de l’arrêt,

En tout état de cause,

— condamner la société Vente-privee.com à lui verser la somme de 50 000 euros pour procédure abusive, celle de 40 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 2 avril 2013, auxquelles il convient de se reporter, la société Vente-privée.com demande à la cour de':

— déclarer irrecevables les demandes nouvelles de la société Showroomprive.com tendant à voir reconnaître la nullité du constat de l’huissier instrumentaire, que les circonstances justifiaient tout au

plus l’autorisation d’une mesure d’instruction au sein de la société Google et l’absence de motif légitime fondant l’ordonnance présidentielle,

— confirmer l’ordonnance entreprise,

— condamner la société Showroomprive.com à lui verser la somme de 40 000 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2013.

SUR CE, LA COUR,

Sur la compétence

Considérant que la société Showroomprive.com soulève l’incompétence du président du tribunal de grande instance de Bobigny au profit du président du tribunal de grande instance de Paris et subsidiairement du président du tribunal de commerce de Bobigny'; qu’elle fait valoir que la requête de la société Vente- privee.com relève d’une action civile relative aux marques au sens de l’article L 716-3 du code de la propriété intellectuelle et en tant que telle de la compétence exclusive des tribunaux de grande instance déterminée par voie règlementaire’ à savoir le président du tribunal de grande instance de Paris et ce d’autant plus vrai qu’il est fait référence à la marque communautaire «'Venteprivée.com'»'; subsidiairement, que s’agissant d’une action relevant du domaine de la responsabilité civile délictuelle entre deux sociétés commerciales, le président du tribunal de commerce de Bobigny est compétent';

Considérant que la société Vente-privée.com oppose à l’appelante la compétence matérielle naturelle du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun pour ordonner la mesure d’instruction in futurum fondée sur l’article 145 du code de procédure civile'; que les faits, objet du litige, relèvent du domaine de la responsabilité civile délictuelle et non de la contrefaçon de marque’ et que la mesure devait être diligentée dans le ressort de compétence territoriale du tribunal de grande instance de Bobigny'; que la requête ne formule aucun grief de contrefaçon de marques et qu’il n’existe aucun lien de connexité des agissements de concurrence déloyale avec un quelconque grief de contrefaçon de marques'; que le tribunal de grande instance de Paris ne pouvait être territorialement compétent pour ordonner la mesure sollicitée et que la compétence matérielle du tribunal de commerce de Bobigny ne pouvait, au stade de la requête, être retenue du fait de l’implication potentielle d’une personne physique';

Considérant qu’il est constant que le juge compétent pour ordonner une mesure d’instruction in futurum est celui qui est compétent pour juger de l’affaire au fond'; qu’il importe dès lors de rechercher la

nature du litige au fond à savoir une action relative aux marques ou une action relevant du domaine de la responsabilité civile délictuelle';

Considérant que dans sa requête du 22 février 2012, sous le titre «'L’activité et les droits de propriété intellectuelle de la société Vente-privée.com'», cette dernière expose qu’elle est titulaire de la marque verbale française «'Vente-privée.com'» enregistrée le 16 janvier 2009 sous le n° 3.623.085 pour désigner les produits et services des classes 09, 16, 35, 41 et 42, de la marque communautaire semi-figurative «'Vente-privée.com'» enregistrée le 18 octobre 2004 sous le n° 4.079.554 pour désigner les produits et services des classes 35, 38 et 41 et de la marque semi-figurative française «'Vente-privée'» enregistrée le 23 novembre 2005 sous le n° 3.393.310 pour désigner les produits et services des classes 35, 38 et 41'; qu’elle se prévaut de la notoriété de sa marque «'Vente-privée.com'» consacrée par l’INPI et allègue clairement que «'les agissements de la société Showroomprive.com sont susceptibles d’être qualifiés d’atteinte au signe distinctif «'Vente-privée.com'» (') déposé à titre de marque';

Considérant encore que la requête vise également une «'atteinte au signe distinctif «'vente-privée.com'» (') déposé à titre de nom commercial et de nom de domaine'; qu’une telle atteinte relève de l’action en concurrence déloyale et plus généralement de la responsabilité civile délictuelle';

Considérant que l’article L 716-3 du code de la propriété intellectuelle dispose':

«'Les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance déterminés par voie règlementaire'»';

Considérant qu’il résulte de ce texte que ne sont pas visées les seules actions en contrefaçon stricto sensu mais toutes celles portant sur l’application des dispositions relevant du droit des marques';

Considérant que la société Vente-privée.com s’efforce vainement de convaincre de l’absence de connexité des agissements de concurrence déloyale avec un grief de contrefaçon de marques’ dès lors que sont expressément visées dans la requête les atteintes au signe distinctif «'Vente-privée.com'» déposé à titre de marque et les atteintes au signe distinctif «'Vente-privée.com'» déposé à titre de nom commercial et de nom de domaine relevant de la concurrence déloyale';

Considérant encore que la faute civile alléguée par la société Vente-privée.com implique l’examen des droits respectifs des parties

sur le signe distinctif en cause bénéficiant éventuellement d’une protection au titre du droit des marques ce qui suppose comme le soutient l’appelante, l’examen de l’existence de droits sur les marques enregistrées par la société Vente-privée.com et l’examen de la notoriété de la marque';

Considérant qu’il s’ensuit que pour toutes ces raisons outre le fait qu’il est revendiqué dans la requête par la société Vente-privée.com sa marque communautaire, seul le président du tribunal de grande instance de Paris est compétent pour connaître du litige opposant les parties conformément à l’article D 716-12 du code de la propriété intellectuelle';

Considérant que l’ordonnance entreprise doit être infirmée';

Considérant que la société Showroomprive.com sollicite le paiement d’une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile'; que toutefois, en l’absence d’intention de nuire démontrée tant en ce qui concerne une procédure pendante devant l’Autorité de la concurrence qu’à l’égard de ses actionnaires et investisseurs potentiels, la demande ne peut prospérer';

PAR CES MOTIFS

INFIRME l’ordonnance entreprise. Statuant à nouveau,

DÉCLARE le président du tribunal de grande instance de Bobigny incompétent au profit du président du tribunal de grande instance de Paris.

DIT que le dossier sera transmis à la juridiction compétente conformément aux dispositions de l’article 97 du code de procédure civile.

DÉBOUTE la société Showroomprive.com de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

CONDAMNE la société Vente-privée.com à verser à la société Showroomprivé.com la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société Vente-privée.com aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

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