Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 11, 8 février 2019, n° 16/06164

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Chronologie de l’affaire

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Emmanuel Dieny · L'ESSENTIEL Droit de la distribution et de la concurrence · 1er avril 2019
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 11, 8 févr. 2019, n° 16/06164
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/06164
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 28 février 2016, N° 2014020373
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2019

(n° , 21 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/06164 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BYKHZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Février 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2014020373

APPELANTES

APPELANTES

SASU FIBRE EXCELLENCE TARASCON

prise en la personne de ses représentants légaux

Boulevard du Président Saragat

31800 SAINT GAUDENS

N° SIRET : 399 318 088 (Toulouse)

représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de Me Christian LAHAMI, avocat plaidant du barreau de PARIS

SAS BIOENERG

prise en la personne de ses représentants légaux

Boulevard du Président Saragat

31800 SAINT GAUDENS

N° SIRET : 501 921 233 (Saint Gaudens)

représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de Me Christian LAHAMI, avocat plaidant du barreau de PARIS

INTIMEE

SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE - ERDF nouvellement dénommée Enedis

prise en la personne de ses représentants légaux

Tour ERDF – 34 place des Corolles

92079 Paris La Défense cedex

N° SIRET : 444 608 442 (Nanterre)

assistée de Me Michel GUÉNAIRE de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de la chambre

Madame Françoise BEL, Présidente de chambre

Madame Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame F G.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente et par Madame F G, Greffière présent lors de la mise à disposition.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Afin de promouvoir le développement de la production d’D à partir de sources d’énergie renouvelables, un dispositif d’obligation d’achat de l’D a été créé au bénéfice des producteurs concernés, objet de l’article 8 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’D, codifié aux articles L. 311-10 et suivants du code de l’énergie.

Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, le ministre en charge de l’énergie peut recourir à une procédure d’appel d’offres en vue de désigner les producteurs susceptibles de répondre aux objectifs visés.

La Commission de régulation de l’énergie (la « CRE ») intervient en organisant la procédure d’appel d’offres, en sélectionnant les offres et en classant les producteurs en fonction de leurs mérites, conformément aux termes décret n°2002-1434 du 4 décembre 2002 relatif à la procédure d’appel d’offres pour les installations de production d’D.

D de France (« EDF ») est tenue d’acquérir l’D produite par les industriels sélectionnés lorsque ceux-ci lui en font la demande. Les conditions d’acquisition de cette D sont déterminées par un contrat d’achat conclu entre EDF et le producteur.

B (ex X, et auparavant ERD), en sa qualité de gestionnaire du E public de distribution d’D, instruit les demandes de raccordement en vue d’élaborer une offre de raccordement qu’elle adresse ensuite au producteur.

****

La société H I J (ci-après Z) est une société spécialisée en fabrication de pâte à papier, cellulose et dérivés entrant dans la composition du papier.

Z, au cours de son processus de fabrication de pâte à papier, génère un excédent de vapeur rejeté dans l’atmosphère. Elle a réalisé deux premières installations de production d’D (dites TA1 et A) raccordées au E public.

La société C, est une société active dans le domaine de la mise en 'uvre de projets en matière environnementale incluant la production d’D, créée en 2008.

Le ministre chargé de l’énergie a lancé le 17 décembre 2003 un appel d’offres portant sur la réalisation d’installations de production d’D à partir de biomasse et de biogaz.

Z a été sélectionnée le 11 janvier 2005, pour réaliser une troisième installation de production d’D à J (dite Y) à base de boues papetières. Y a nécessité 12 millions d’euros d’investissements spécifiques permettant de transformer la vapeur en D.

Le 11 janvier 2005, le ministre délégué à l’industrie a retenu l’offre présentée par la société Tembec ( devenue H I J ) et a autorisé cette société, par un arrêté du même jour, à exploiter une nouvelle installation de production électrique Y à partir d’une turbine à vapeur d’une puissance électrique de 12 MW utilisant comme combustible de la liqueur noire, des boues papetières, des sciures et d’autres déchets.

Le 14 mars 2005, la société D de France E de Distribution Méditerranée, aux droits de laquelle vient la société X devenue B, a communiqué à la société Tembec J une étude de faisabilité pour le raccordement de la nouvelle installation de production au E public de distribution par une liaison souterraine à 20 kV dédiée, d’environ 8 km, entre le poste source « Olivettes» et le poste de livraison du client. Cette étude évalue, à titre indicatif, le montant des travaux de raccordement à 1.011.568,25€ HT et prévoit une durée de 24 mois pour leur réalisation.

Le 13 décembre 2005, la société Tembec J a signé avec la société D de France E de Distribution Méditerranée, un contrat d’accès au E public de distribution d’D HTA pour le site industriel de la société Tembec J qui est entré en vigueur le 1er janvier 2006.

Le 13 mai 2008, l’autorisation d’exploiter délivrée à la société Tembec a été transférée par arrêté ministériel à la société C.

Au mois de juillet 2008, la société Tembec J a communiqué à la société X un dossier en vue de l’instruction d’une proposition technique et financière pour l’adjonction de l’installation de production Y.

Le 15 décembre 2008, la société X a transmis à la société Tembec J une proposition technique et financière permettant, en lieu et place de la solution initiale, l’adjonction de la nouvelle

installation de production Y sur le E interne de ladite société, avec une puissance d’injection limitée à 8,6 MW sur le E public de distribution, ainsi que le comptage de l’énergie injectée par Y. Cette proposition évalue le montant des travaux dans le poste source « Cellulose » à 57.922,82 € HT et prévoit une durée de 9 mois pour leur réalisation.

Le 27 mars 2009, lors d’une réunion tenue avec la société Tembec J et la société ELEA ENERG pour le compte de la société C, la société X a été informée du transfert de l’autorisation d’exploiter à la société C et a indiqué que ce transfert faisait obstacle à ce que la société X fournisse une prestation de comptage à un producteur non directement raccordé au E public de distribution, sauf à ce que la « société Tembec J [reprenne] à son nom l’autorisation d’exploiter et l’intégralité des contrats avec X et l’Acheteur Responsable d’Equilibre » ou que la « société C demande à X un raccordement direct au RPD pour l’injection de la totalité de l’énergie produite par la nouvelle unité Biomasse ».

La société Tembec J a souligné lors de cette réunion et par courrier du 27 avril 2009 « l’illégalité de la position de X et le préjudice qu’elle lui causait en retardant la mise en service de l’installation et en rendant impossible l’exécution d’un contrat d’achat entre C et EDF ».

Le 4 mai 2009, la société X a confirmé sa position à la société Tembec J.

Considérant que le gestionnaire du E public de distribution X n’avait pas accédé à leurs demandes, les sociétés Tembec J et C ont saisi, le 21 juillet 2009, le Comité de règlement des différends et des sanctions (Cordis) d’un différend au fond, accompagné d’une demande de mesures à titre conservatoire, laquelle a été rejetée par une décision en date du 30 juillet 2009.

Par décision du 2 octobre 2009 le Cordis a décidé qu’X a l’obligation d’effectuer le « comptage en décompte » tant à l’égard de C concernant l’exécution de son contrat d’achat qu’à l’égard de Z sur le même fondement et dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de Bioénarg tendant au raccordement directe de l’installation Y au point de raccordement 'cellulose'.

Le 19 novembre 2009 X et C ont signé le contrat de service en décompte à effet au 1er décembre 2009.

Par arrêt du 7 avril 2011, cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de Cassation du 12 juin 2012, la cour d’appel de Paris a rejeté le recours formé par X.

Par arrêt en date du 12 décembre 2013, la cour d’appel de Paris a rejeté le recours d’X.

****

Sollicitant la condamnation d’X à l’indemniser du préjudice subi entre le 20 mai 2009 et le 1er décembre 2009, les sociétés Z et C ont fait délivrer assignation le 27 mars 2014 à la société X devant le tribunal de commerce de Paris , sur le fondement d’un abus de position dominante et des articles 1382 et 1383 du code civil, et demandé à cette juridiction :

— de condamner X à payer à C la somme de 3.973.353, 46 euros augmentée des intérêts au taux légal courus à compter du 1 er juin 2009 assortie de la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil,

— de condamner X à payer à Z, la somme de 2.893.515,20 euros augmentée des intérêts au taux légal courus à compter du 1 er juin 2009, assortie de la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil,

consulter, en tant que besoin, l’Autorité de la Concurrence, conformément à l’article L 462-3 du code de commerce sur la commission par X de pratiques anticoncurrentielles définies à l’article L420-2 du même code

et condamner X à verser à chacune des demanderesses la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire en date du 11 mars 2016, le tribunal de commerce a débouté Z et C de l’ensemble de leurs demandes, a condamné Z et C à verser la somme 10.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté X de l’ensemble de ses demandes et condamné les sociétés Z C, chacune pour moitié aux dépens.

Le tribunal a retenu que :

Le montage financier réalisé par Z qui lui a permis de financer Y en capitaux propres de l’ordre de 500.000 euros pour investissement total d’environ 12 millions d’euros, soit avec un effet de levier de 24 par rapport à un investissement qui aurait sinon, comme pour TA1 et A était réalisé, représente un élément substantiel dans l’économie de Y que Z ne pouvait ignorer dès l’origine de son projet.

Au moment où Z a décidé ce projet de structure autonome, nécessitant de raccorder Y derrière TA1 et A, le raccordement indirect pour un producteur d’D n’était pas autorisé par la réglementation, ce qui était parfaitement connu des demanderesses, et ne souffrait aucune exception à la date 4 mai 2009.

Le transfert de Y de Z à C pour des raisons qui leur sont propres est de la seule responsabilité de ces dernières auxquelles il appartenait d’entreprendre les démarches auprès de la CRE et du Cordis dès le 13 mai 2008 , date du transfert autorisé par le Ministre de l’Energie, pour obtenir un raccordement indirect afin que le montage financier puisse être compatible avec la réglementation de raccordement existante au moment du démarrage de Y.

En mai 2008, la date de démarrage prévisionnel de Y étant prévue vers mai 2009, cela laissait tout le temps à Z et C de faire valoir leurs droits auprès de la CRE et du Cordis sans mettre en péril le raccordement au E de leur installation et en conséquence sans mettre en péril le montage financier qui était un élément clé de la rentabilité du projet Y.

Le tribunal a jugé qu’X n’a pas commis de faute en refusant le 4 mai 2009 de proposer à C une prestation de comptage en décompte.

Le préjudice financier résultant de la perte effective de 6 mois de vente de l’D, pourtant injectée sur le E, est entièrement de la responsabilité des sociétés Z et C et qu’il ne saurait donner lieu à indemnisation de la part d’X.

Les sociétés Z et C ont relevé appel le 11 mars 2016.

Vu les conclusions notifiées et déposées le 6 octobre 2017 par les sociétés H I J et C aux fins de voir la Cour :

— en tant que de besoin, consulter l’Autorité de la Concurrence conformément à l’article L.462-3 du code de commerce, sur la commission par B des pratiques définies aux articles L.420- 1 et L. 420-2 du même code ;

— juger le jugement attaqué a violé les articles L.420-6 du code de commerce et l’article 1382 du code civil en tant qu’il reproche aux concluantes d’avoir saisi le Cordis trop tard, la victime n’ayant

l’obligation ni de prévenir ni de limiter son préjudice dans l’intérêt de l’auteur du dommage ;

— dire que le jugement attaqué est entaché d’un excès de pouvoir en tant qu’en méconnaissance du principe dispositif posé par les articles 4, 5 et 7 du code de procédure civile, de l’article 38 de la loi du 10 février 2000 alors applicable et de l’article L. 134-19 du code de l’énergie ensuite applicable, il statue de nouveau sur la licéité du raccordement indirect sollicité auprès d’B par les concluantes et donc sur le différend né entre B et les concluantes sur ce point, le tribunal excédant alors ses compétences et empiétant sur les attributions du Cordis ;

— juger que le jugement attaqué a violé l’article 38 de la loi du 10 février 2000 alors applicable en tant qu’il a reproché aux concluantes de ne pas avoir saisi le Cordis dès le 13 mai 2008, alors que le Cordis ne peut être saisi que d’un différend lequel est né en l’espèce le 4 mai 2009, B ayant en tout état de cause déclaré ne pas avoir été informée de l’existence de C avant le 27 mars 2009 de sorte que le différend n’a pu naître avant cette date ;

— juger que le jugement attaqué est en tout état de cause entaché d’une contradiction de motifs en tant qu’il relève que le différend entre les concluantes et B est né le 4 mai 2009 mais leur reproche de ne pas avoir saisi le Cordis dès le 13 mai 2008 ;

— juger qu’en statuant par des considérations générales sur « la réglementation » ou « la réglementation du raccordement », sans désigner précisément la réglementation à laquelle il attribue la prétendue interdiction du raccordement indirect, le jugement attaqué ne satisfait pas aux exigences de motivation posées par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que par l’article 455 du code de procédure civile ;

— juger subsidiairement que le jugement attaqué a violé les articles 34 et 37 de la Constitution ainsi que l’article 38 de la loi du 10 février 2000 alors applicable en tant qu’il a reproché aux concluantes de ne pas avoir saisi la CRE dès le 13 mai 2008 pour obtenir une modification de l’article 18 de la loi du 10 février 2000 et du décret n°2008-386 du 23 avril 2008 puisque ce sont les textes auxquels B attribuait l’interdiction du raccordement indirect, ou la modification de toute autre disposition législative ou réglementaire, alors que la CRE ne dispose pas du pouvoir de modifier une loi ou un décret ;

— juger que le jugement attaqué a méconnu les articles 34 et 37 de la Constitution ainsi que l’article 38 de la loi du 10 février 2000, en tant qu’il a reproché aux concluantes de ne pas avoir saisi le Cordis pour obtenir une modification de ces mêmes réglementations, dès lors que le Cordis , organe de règlement des différends, ne dispose d’aucun pouvoir législatif ou réglementaire à l’effet de modifier une loi ou un décret ;

— dire que le jugement attaqué a méconnu la force obligatoire de la décision définitive du Cordis en date du 2 octobre 2009 ainsi que l’autorité de la chose jugée par la Cour de cassation le 12 juin 2012 et par la cour de céans le 12 décembre 2013, en tant qu’il découle qu’à la date du refus d’B d’y procéder, aucun obstacle juridique ne s’opposait au raccordement indirect, que son refus du comptage en décompte n’était justifié par aucun motif légitime et que la société B avait au contraire l’obligation d’adresser un contrat de comptage en décompte à Z et un même contrat à C ;

— juger en tout état de cause, que le jugement attaqué a méconnu l’article 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ensemble l’article 6 du code civil et la loi du 10 février 2000 en tant qu’il a retenu que le raccordement indirect était interdit sans exception, alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune stipulation contractuelle ne l’interdisait ;

— infirmer en conséquence le jugement attaqué rendu par le tribunal de commerce de Paris le 29 février 2016 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté B de ses « demandes autres,

plus amples ou contraires » ;

— statuant de nouveau et en application des articles L. 420-1, L. 420-2 et L.442-6 du code de commerce dans leur rédaction en vigueur à la date du litige ainsi qu’aux articles 1382 et 1383 du code civil ;

— constater que le Cordis dans sa décision du 2 octobre 2009 qui est définitive, la Cour de cassation dans son arrêt du 12 juin 2012 et la cour de céans dans son arrêt du 12 décembre 2013, ont dit qu’il n’existait aucun obstacle juridique au raccordement indirect, que le refus par B de proposer les contrats de comptage sollicités par les concluants était sans motif légitime et discriminatoire et qu’B avait l’obligation de proposer lesdits contrats ;

— juger qu’en conséquence, la cour de céans ne saurait de nouveau statuer, ces points étant définitivement acquis, sur la licéité au 4 mai 2009 du raccordement indirect sollicité par les concluantes ainsi que sur l’absence de motif légitime tant à l’opposition d’B au raccordement indirect qu’à ses refus de proposer des contrats de comptage, mais ne peut statuer que sur la responsabilité qui en découle pour B ainsi que sur son obligation d’indemniser les préjudices subis ;

— à titre subsidiaire, juger que le refus par B, le 4 mai 2009, du raccordement indirect et d’adresser aux concluantes un contrat de comptage en décompte n’était justifié par aucun motif légitime ;

— juger qu’il ressort du document X-NOI-PC-08E qu’en refusant les contrats de comptage sollicités par les concluantes, sans faire état d’aucun motif légitime et alors qu’elle était en position dominante sur le marché du comptage en décompte, B a agi dans le but de préserver sa position dominante sur les marchés du raccordement, de l’accès au E de distribution et de la distribution électrique avec pour effet notamment de limiter le progrès technique et de limiter l’accès au marché de gros de l’D par C et par suite a commis un abus de position dominante constitutif d’une faute engageant sa responsabilité envers H I J et C ;

— juger qu’en refusant à la société C, sans motif légitime, le raccordement indirect et le contrat de comptage que cette société sollicitait, alors qu’elle ne pouvait vendre son D à EDF, son seul client possible, sans utiliser le E de distribution d’D d’B et le comptage en décompte dont B avait le monopole, B a commis un abus de dépendance économique envers C et qu’il s’agit d’une faute engageant la responsabilité d’B envers les concluantes, H I J ayant également subi un préjudice indemnisable en raison de cette faute ;

— juger qu’en refusant sans motif légitime le raccordement indirect à son E et les contrats de comptage sollicités par les concluantes, B a en tout état de cause méconnu le droit d’accès des concluantes à son E tel que l’article 23 de la loi du 10 février 2000 alors en vigueur, droit qu’elle devait au contraire garantir, qu’elle a violé le III de l’article 19 de la loi du 10 février 2000 alors applicable, qu’elle a également méconnu la décision tarifaire du 2 août 2009 qui confirmait la licéité du raccordement indirect et qu’elle a opéré une discrimination illicite entre consommateurs et producteurs en décompte, tous actes qui constituent des fautes engageant également sa responsabilité envers les concluantes conformément à l’article 1382 du code civil ;

— juger qu’en tout état de cause, B alléguant d’un doute sur le droit applicable, a alors fait preuve d’une négligence fautive en s’abstenant de saisir la CRE pour avis en temps utile et d’une imprudence fautive en refusant d’accepter la proposition qui lui était faite par Z et C de signer des contrats de comptage provisoire dans l’attente de la décision du Cordis sur le fond ;

— juger qu’il ressort notamment (i) du III de l’article 19 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 qui

imposait le comptage à et par B, (ii) de l’article 4 du décret n°2001-410 du 10 mai 2001 qui imposait la vente de l’D de C à EDF seule (iii) d’un courrier d’EDF en date du 27 juillet 2009 ainsi que (iv) des conclusions déposées par EDF devant le tribunal administratif de Lyon que les refus fautifs d’B de proposer les contrats de comptageen décompte sont seuls à l’origine du retard dans la signature et l’exécution du contrat d’achat d’D entre EDF et C, et donc du préjudice qui en a découlé pour les concluantes;

— condamner en conséquence la société B à payer à la société C à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 899 840 euros augmentée des intérêts au taux légal courus à compter du 1 er juin 2009, date à laquelle le dommage a commencé à se manifester ou subsidiairement à compter du 27 mars 2014 date de la saisine du tribunal de commerce de Paris, les intérêts étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts dès lors qu’ils sont dus pour une année à compter de cette date conformément à l’article 1154 du code civil ;

— condamner la société B à payer à la société Z, à titre de dommages-intérêts, la somme de 2 873 513,20 euros augmentée des intérêts au taux légal courus à compter du 1 er juin 2009, date à laquelle le dommage a commencé à se manifester ou subsidiairement à compter du 27 mars 2014 date de la saisine du tribunal de commerce de Paris, les intérêts étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts dès lors qu’ils sont dus pour une année à compter de cette date conformément à l’article 1154 du code civil ;

— condamner la société B à verser à chacune des demanderesses, la somme de 25 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Les sociétés appelantes critiquent le jugement entrepris, pour :

erreur dans l’examen des faits, ignorance délibérée des preuves produites au dossier, excès de pouvoir, violation par fausse application de l’article 38 de la loi du 10 février 2000, défaut de motivation et le défaut de réponse à conclusions, contradiction de motif, violation des articles 34 et 37 de la constitution et de l’article 38 de la loi du 10 février 2000, violation de l’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, de l’article 6 du code civil et de la loi du 10 février 2000, méconnaissance de l’autorité de chose jugée, méconnaissance de la décision du Cordis du 2 octobre 2009, violation de la loi du 10 février 2000 et du décret n° 2008-386 du 23 avril 2008, en ce que les points du litige qui ont été définitivement tranchés par le Cordis, par la Cour de cassation et par la Cour de céans et ne sont plus dans le débat.

Elles soutiennent en substance qu’ B a commis des pratiques anticoncurrentielles fautives: l’exploitation abusive par conditions de vente discriminatoires et par vente liée, d’une position dominante sur le marché et l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique.

Les pratiques d’X sont institutionnalisées : dans son document X NOI PC 08 E, X refuse de proposer le service de comptage aux « utilisateurs en décompte » constituant des pratiques anticoncurrentielles. Cette disposition ferme le marché d’accès à toute concurrence et renforce sa position dominante. Le caractère abusif de cette disposition a été reconnu par la décision du Cordis en date du 2 octobre 2009.

Les sociétés appelantes soutiennent qu’il existe un marché du comptage en décompte de l’énergie injectée ou soutirée au point de raccordement au E public.

L’obligation pour C de se raccorder en direct pour obtenir un contrat de décompte est un abus de position dominante par ventes liées imposées.

Concernant l’exploitation abusive d’une dépendance économique le producteur d’énergie sous le régime de l’obligation d’achat est dans une situation de dépendance économique à l’égard d’X.

La société C n’a pu vendre son D à EDF tant qu’X lui refusait le comptage en décompte.

Les sociétés appelantes indiquent qu’X a fait preuve d’un traitement discriminatoire dans la délivrance de la prestation de comptage puisque X est tenue de fournir ses prestations dans des conditions non- discriminatoires.

B a manqué à diverses obligations.

Les sociétés appelantes précisent le caractère grave et intentionnel des fautes commises et les fautes de négligence et d’imprudence par l’intimée. X, gestionnaire d’un service public, prend en compte ses seuls intérêts et non l’intérêt général.

Il existe un lien de causalité direct entre d’une part, le refus injustifié d’B de signer le contrat de comptage en décompte et d’autre part, le refus d’EDF de signer le contrat d’achat d’D.

Vu les conclusions notifiées et déposées le 2 août 2016 par la société B aux fins de voir la Cour :

Vu l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les articles L. 420-2 et suivants du code de commerce,

Vu les articles 1382 et 1383 du code civil,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement rendu le 29 février 2016 par le tribunal de commerce de Paris, rejeter l’ensemble des demandes Z et C et condamner les sociétés Z et C à payer à la société B la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société intimée fait valoir en réplique, après avoir répondu sur les divers moyens d’infirmation soutenus par les appelantes, que le comportement d’B ne peut être qualifié de pratique abusive au sens des textes précités.

Elle n’est à l’origine d’aucun abus de position dominante susceptible de constituer une faute, dès lors qu’aucune décision de l’Autorité de la concurrence ne détermine de marchés pertinents sur lesquels B exerce son activité.

Elle précise que le refus d’B de faire droit à la demande de Z et C d’avoir accès à un raccordement indirect et à une convention de prestation de comptage en décompte de l’énergie produite par Y ne saurait être qualifié de pratique abusive dès lors qu’un tel refus était objectivement justifié et qu’une volonté d’éviction de la part d’B ne peut être établie, B n’ayant fait qu’appliquer les textes en vigueur conformément à son interprétation de la réglementation alors applicable.

Elle a exécuté la décision du Cordis dès que celle-ci est intervenue.

Jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation en date du 12 juin 2012, les conditions juridiques de raccordement de Y n’étaient pas définitivement connues. C n’a su qu’après cette décision qu’elle devait respecter les normes de sécurité visées dans le décret en date du 23 avril 2008.

En défendant l’état du droit existant, X n’a pas pu avoir un comportement abusif.

La défense des droits d’B ne peut être critiquée sur le fondement des règles du droit de la concurrence car B n’a fait qu’appliquer les textes en vigueur conformément à son interprétation de la réglementation alors applicable.

Le refus d’B de faire droit à la demande de Z et C d’avoir accès à un raccordement indirect et à une convention de prestation de comptage en décompte de l’énergie produite par Y ne saurait être qualifié de pratique abusive dès lors qu’un tel refus était objectivement justifié et qu’une volonté d’éviction de la part d’B ne peut être établie.

La société intimée fait valoir que Z et C n’établissent aucun lien de causalité entre la faute supposée d’B et le dommage dont elles se prévalent, puisqu’B est étrangère au préjudice allégué.

Une nouvelle demande de raccordement aurait dû être adressée à B après transfert de l’autorisation d’exploiter. Les sociétés ont attendu le 21 juillet 2009 pour saisir le Cordis et ont ainsi retardé le raccordement de leur installation.

La société intimée soutient que les préjudices invoquées par Z et C ne sont pas démontrés. Les montants demandés sont entièrement différents de ceux réclamés en première instance.

Les notes en délibéré, non-autorisées, sont écartées des débats.

MOTIFS

La Cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

I. Sur les moyens de réformation :

Aux termes de l’article 561 du Code de procédure civile en vigueur à la date de l’appel, 'l’appel remet en question la chose jugée devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit'.

La cour est saisie de l’entière connaissance du litige portant en l’espèce sur la demande d’indemnisation d’un préjudice dont les sociétés appelantes soutiennent avoir été victimes, de sorte que la cour examine l’ensemble des moyens et faits qui lui sont soumis.

II. Au fond :

Les appelantes font grief à B de s’être rendu l’auteur, sur le fondement de l’article 102 du TFUE et de l’ article L420-2 du Code de commerce, sanctionné par l’article L420-6 du Code de commerce:

— de l’exploitation abusive par conditions de vente discriminatoires et par vente liée, d’une position dominante sur le marché du comptage ;

— de l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique ;

L’intimée B réplique que le refus de procéder à une prestation de comptage en décompte n’est pas à l’origine d’un abus susceptible de constituer une faute dès lors que au jour de la naissance du litige entre les appelantes et B, le raccordement indirect d’installations de production d’D n’était pas autorisé ; et qu’ en défendant l’état du droit existant, B n’a pas pu avoir un comportement abusif; elle ajoute que son comportement ne peut être qualifié de pratique abusive au sens des textes susvisés.

Sur l’exploitation abusive par conditions de vente discriminatoires et par vente liée, d’une position dominante sur le marché du comptage :

1. Sur le raccordement indirect d’installation :

Il résulte des productions d’appelante que :

Par décision en date du 2 octobre 2009 le Cordis a décidé :

« La société D E Distribution France a l’obligation d’effectuer le comptage en décompte et adressera, à cet effet, à la société C, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, une convention pour la mise en place d’une prestation de comptage en décompte permettant l’exécution de son contrat d’obligation d’achat.

[']

La société D E Distribution France adressera à la société Tembec J, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une convention pour la mise en place d’une prestation de comptage permettant l’exécution de son contrat d’obligation d’achat.

Il n’y a pas lieu à statuer sur le demande de la société C tendant au raccordement direct de l’installation de production Y au point de raccordement 'cellulose'... ».

Pour prendre cette décision, le Cordis a retenu qu’ 'aucune disposition de la loi du 10 février 2000, ni aucun texte pris pour son application , ne subordonne le rachat de l’D produite dans le cadre du régime légal de l’ obligation d’achat à un raccordement direct des installations de production à un E public de distribution; au surplus en application des articles 1er et 2 de la loi du 10 février 2000, le service public dont la société X a la charge pour les réseaux publics de distribution d’D concédée doit être assuré 'dans les meilleures conditions de sécurité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique'.

Le Cordis ajoute qu’en l’espèce, 'le raccordement direct n’est nullement un préalable technique nécessaire , il est économiquement désavantageux pour le demandeur; rien n’exige, tant sur le plan technique que de la sécurité que l’installation de la production soit directement raccordée au E public de distribution.'.

X a formé recours devant la cour d’appel de Paris à l’encontre de la décision du Cordis.

Dans son arrêt du 12 juin 2012 cassant en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 avril 2011 , la Cour de Cassation avait rappelé que la possibilité d’un raccordement indirect est confirmée par l’article 4.11 de l’annexe de la décision du ministre chargé de l’énergie du 7 août 2009, fixant la date d’entrée en vigueur des tarifs des prestations annexes réalisées sous le monopole des gestionnaires de réseaux publics d’D, qui reconnaît l’existence d’installations indirectement raccordées au E public de distribution par l’intermédiaire des installations électriques privatives appartenant à un tiers.

Selon l’ article 4. 11. 'Prestation annuelle de décompte

La prestation 'consiste, pour une installation raccordée indirectement au E public de distribution par l’intermédiaire des installations électriques privatives appartenant à un tiers, à effectuer le relevé, le contrôle et les calculs de décompte en vue de l’affectation des flux de soutirage et / ou d’injection au périmètre d’un responsable d’équilibre et de la publication des données de comptage.

Cette prestation est facturée, par point de comptage en décompte, selon les tarifs indiqués dans le tableau 20 ci-dessous augmentés des composantes annuelles de gestion et de comptage prévues, respectivement, aux sections 3 et 4 des règles tarifaires pour l’utilisation des réseaux publics d’D en vigueur. La composante annuelle de gestion applicable est celle prévue lorsque le contrat d’accès est conclu par l’utilisateur.'

En présence d’un texte clair, expressément rappelé par l’arrêt de la Cour de Cassation , l’intimée n’est pas valablement fondée à prétendre qu’au jour de la naissance du litige le raccordement indirect d’installations de production d’D n’était pas autorisé, que les conditions juridiques de raccordement du Y n’étaient pas connues, B persistant cependant dans son recours à l’encontre de la décision du Cordis, y compris postérieurement à la publication de la décision du 7 août 2009.

Cependant l’arrêt de la cour d’appel a été cassé pour n’avoir pas reconnu la responsabilité personnelle du producteur indirectement raccordé au respect des normes de sécurité.

Il a été établit qu’aucune disposition n’interdisait le raccordement indirect d’une installation de production d’D au E d’B, ce qu’était tenu de connaître B en situation monopolistique, dès lors que les modalités de facturation par comptage en décompte étaient expressément prévues à l’article 4.11 de l’annexe sus-visées.

Le raccordement indirect est expressément prévu par le cahier des charges fonctionnel sur le comptage électrique publié par l’Autorité de régulation dans sa communication du 29 janvier 2004 définissant’les principes généraux que doivent appliquer les gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution d’D pour la spécification des systèmes de comptage nécessaires à l’exercice de leurs missions et à l’établissement de relations équilibrées avec les utilisateurs de réseaux, en ce qui concerne la collecte et la communication des données de comptage…, précisant les engagements que doivent prendre les gestionnaires de réseaux publics en matière de comptage en particulier à l’égard des conditions d°accès des utilisateurs de réseaux à l’information et aux données qui les concernent et que fournissent les dispositifs de comptage.

Il est expressément mentionné que '… Les compteurs sont susceptibles d’être situés: … chez un acteur du marché disposant d’un accès indirectement raccordé à un E public de transport ou de distribution d’D par l’intermédiaire d’une installation privée;'.

Le gestionnaire du E avait l’obligation de respecter les énonciations du cahier des charges dans ses relations avec les utilisateurs de réseaux

Par arrêt en date du 12 décembre 2013, la présente cour a définitivement rejeté le recours de B à l’encontre de la décision du Cordis.

Dès lors, le tribunal ne pouvait, pour rejeter les demandes d’indemnisation formées par C et Z, retenir qu’à la date du 4 mai 2009, le raccordement indirect n’était toujours pas autorisé et qu’il appartenait aux sociétés Z et C d’entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir un raccordement direct afin que le montage financier puisse être compatible avec la réglementation de raccordement existante au moment du démarrage de Y.

Il s’ensuit que le jugement dont appel est infirmé en toutes ses dispositions.

2. Sur la demande en indemnisation :

Sur l’application du droit communautaire:

En vertu de l’article 3, 1er alinéa du règlement 1/2003 du 1er décembre 2003, il incombe au juge de

soulever d’office l’application du droit communautaire aux pratiques dont il est saisi sur le fondement du droit national de la concurrence.

Les pratiques ici dénoncées de refus du contrat de comptage en décompte pour avoir refusé le raccordement indirect d’ une entreprise dont le lieu de production est situé dans le Département des Bouches-du-Rhône, exercées sur le territoire couvert par le contrat de concession accordé par le Syndicat Mixte d’Energie du Département des Bouches-du-Rhône, et imputées à B sont de dimension régionale, bien que la société appelante soutienne que les pratiques d’B étaient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre les Etats membres, sans soutenir toutefois que des pratiques similaires seraient mises en 'uvre au niveau international.

Les appelantes ne versant aux débats aucun élément de nature à permettre à la cour de déterminer si ces pratiques sont de nature à affecter sensiblement le commerce intra-communautaire, il convient donc d’examiner ces pratiques au seul regard du droit national de la concurrence.

****

Aux termes de l’article L420-2 alinéa 1er du Code de commerce, « Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. »

S’agissant de la prétention à un abus de position dominante il appartient aux parties appelantes en premier lieu de définir le marché pertinent, en deuxième lieu de démontrer la position dominante de la société intimée sur ce marché et enfin, d’établir que les refus de délivrance qui lui ont été opposés sont constitutifs d’abus.

L’intimée réfute tout comportement pouvant être qualifié de pratique abusive au sens des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou de l’article L.420-2 du code de commerce, contestant l’existence d’un marché pertinent.

Elle conteste l’application à la cause de la décision de l’Autorité de la concurrence n°07-MC-03 du 7 juin 2003 visée et soutient que, en l’absence de définition précise de marché pertinent, aucun abus de position dominante d’B ne pourra être caractérisé. Sur le marché pertinent :

Aux termes de l’article 23 de la loi du 10 février 2000 en vigueur à la date des faits :

'Un droit d’accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour :

— assurer les missions de service public définies au III de l’article 2 ;

— assurer l’exécution des contrats prévus à l’article 22 ;

— permettre l’approvisionnement par un producteur de ses établissements, de ses filiales et de sa société mère, dans les limites de sa propre production ;

— assurer l’exécution des contrats d’exportation d’D conclus par un producteur ou par un fournisseur mentionné au IV de l’article 22 installés sur le territoire national.

A cet effet, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. (…). Ces contrats et protocoles sont transmis

à la Commission de régulation de l’énergie.

Les gestionnaires des réseaux publics de distribution concluent, avec toute entreprise vendant de l’D à des clients éligibles qui le souhaite, un contrat ( …).

Tout refus de conclure un contrat d’accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l’D. Les critères de refus sont objectifs, non discriminatoires et publiés et ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement.

Le gestionnaire du E est, par ailleurs, tenu de refuser l’accès au E :

— à un producteur qui ne peut justifier d’une autorisation ou d’un récépissé de déclaration délivré en application du II de l’article 6 ;

— à un fournisseur qui n’exerce pas l’activité d’achat pour revente conformément aux prescriptions du récépissé délivré en application du II ou du IV de l’article 22.

Dans les mêmes conditions, un droit d’accès aux réseaux publics de transport et de distribution est également garanti à toute collectivité territoriale pour satisfaire, à partir de ses installations de production et dans la limite de leur production, les besoins des services publics locaux dont elle assure la gestion directe. Le même droit est reconnu dans les mêmes conditions à tout établissement public de coopération intercommunale.

Un décret en Conseil d’Etat précise, en tant que de besoin, les modalités d’application de ces dispositions, et notamment les procédures d’établissement des contrats et protocoles visés par le présent article.'

Le marché est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services offerts. Une substituabilité parfaite s’observant rarement, l’Autorité considère comme substituables et par conséquence se situant sur un même marché, les produits et les services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme les moyens entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande.( 09-D-14, 07D-44)

— le marché pertinent géographique a été défini par la Décision n° 99-D-59 du Conseil de la concurrence du 12 octobre 1999 comme le territoire couvert par le contrat de concession.

En l’espèce, il est établi par la production du cahier des charges que la zone de desserte est celle couverte par le contrat de concession accordé par le Syndicat Mixte d’Energie du Département des Bouches-du-Rhône de sorte que le marché géographiquement pertinent en cause correspond à cette zone.

—  les services en cause : le raccordement, le comptage en décompte :

Aux termes de 2° du II de l’article 2 de la loi du 10 février 2000 en vigueur,

« La mission de développement et d’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’D consiste à assurer :

1° La desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution, dans le respect de l’environnement, et l’interconnexion avec les pays voisins;

2° Le raccordement et l’accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution. »

- le raccordement :

En application des articles 1er et 2 de la loi du 10 février 2000, la société X devenue B, exerce la mission de service public pour 'Le raccordement et l’accès, dans des conditions non- discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution.'

Le raccordement consiste à connecter une installation de production ou de consommation au E public.

L’article 23-1 I de la loi du 10 février 2000 dans sa rédaction issue de l’article 63 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005,disposait que :

« I. – Le raccordement d’un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d’ouvrages d’extension, d’ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants.

Les ouvrages de raccordement relèvent des réseaux publics de transport et de distribution. Un décret précise la consistance des ouvrages de branchement et d’extension.»

Le gestionnaire est en situation de monopole dans la zone de desserte exclusive, ce qui exclut que l’utilisateur puisse trouver une prestation de substitution présentant des caractéristiques proches, en terme de coûts des immobilisations et du délai de construction notamment, auprès d’une autre entreprise.

—  le comptage en décompte :

— du point de vue des producteurs-utilisateurs :

B fait valoir que la décision de l’Autorité de la concurrence ne détermine en rien les marchés pertinents sur lesquels B exerce son activité. Elle est relative aux pratiques de France Telecom sur «le marché de l’ingénierie, du conseil et du contrôle technique d’installations téléphoniques réalisées sur le domaine privé ».

La décision visée intéressant le marché de la téléphonie, cette décision ne s’applique pas aux services en cause.

En l’absence de décision de l’Autorité sur la définition d’un marché pertinent de comptage en décompte, il appartient au juge de rechercher s’il existe un tel marché pour ce service.

Le service concerné est selon les sociétés appelantes le marché du comptage en décompte, distinct du marché du comptage.

Il résulte des éléments produits, en l’espèce :

— la référence aux articles 15.IV et 19.III de la loi 2000-108 du 10 février 2000, disposant que: 'le gestionnaire du E public (de transport ou de distribution) procède aux comptages nécessaires à l’exercice de ses missions', aux termes desquels, il est confié aux gestionnaires de réseaux électriques des responsabilités particulières en matière de gestion des compteurs et de recueil des données relevées par ceux-ci,

— le cahier des charges fonctionnel sur le comptage électrique publié par l’Autorité de régulation

énonçant que, pour la spécification des systèmes de comptage nécessaires à l’exercice de leurs missions par le gestionnaire , les compteurs sont susceptibles d’être situés: … chez un acteur du marché disposant d’un accès indirectement raccordé à un E public de transport ou de distribution d’D… ,

— l’article 4.11 de l’annexe de la décision du ministre chargé de l’énergie du 7 août 2009, fixant la 'date d’entrée en vigueur des tarifs des prestations annexes réalisées sous le monopole des gestionnaires de réseaux publics d’D,' déjà mentionné, notamment pour la facturation par point de comptage en décompte, mise en oeuvre par le gestionnaire B,

qu’il existe une facturation par comptage en décompte au moyen de compteurs installés chez un acteur du marché disposant d’un accès indirectement raccordé à un E public de transport ou de distribution d’D pour la gestion des compteurs et de recueil des données relevées par ceux-ci.

Pour les producteurs utilisant un raccordement indirect au E public , le comptage en décompte est seul de nature à répondre aux besoins, pour la gestion des flux entrant et sortant, et pour l’identification des utilisateurs, et représente un marché distinct du simple comptage par compteur individuel pour un seul utilisateur.

—  du côté du gestionnaire :

Selon l’article 4 des règles tarifaires, B est en situation de monopole sur le marché du comptage en décompte, lequel est lié intrinsèquement au raccordement indirect au E public aux termes de l’article 19.III de la loi 2000-108 du 10 février 2000

La substituabilité de l’offre par raccordement direct , donnant lieu à la souscription d’une convention de décompte, n’est possible en l’espèce qu’au prix de la construction d’immobilisations corporelles évaluées par X à 1.011.568,25 euros HT et de l’écoulement de trois années pour la construction, alors que les coûts des travaux pour un raccordement indirect s’élèvent à 57.922,82 euros HT et sont d’une durée de 9 mois.

La société intimée n’apportant pas d’éléments de nature à démontrer la substituabilité du service de comptage en décompte et B étant seul gestionnaire pour le service de comptage en décompte , il est établit l’absence de substituabilité du service de comptage en décompte.

Il est démontré en conséquence que le marché pertinent sur lequel intervient la société B est le marché du comptage en décompte, pour le Département des Bouches-du-Rhône et dans le cadre du marché défini par l’appel d’offres.

Sur la position dominante de la société B :

La société B conteste avoir eu un comportement abusif dans le refus d’un accès à un raccordement indirect et à une convention de prestation de comptage en décompte dès lors qu’un tel refus était objectivement justifié et qu’une volonté d’éviction de la part d’B ne peut être établie.

L’existence d’une situation de monopole sur un marché pertinent est caractéristique d’une situation de position dominante sur le marché en cause à la date du refus par B de faire droit à la demande de raccordement indirect.

Sur l’abus de position dominante :

Les entreprises en position dominante ont la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par leur comportement, à une concurrence effective et non faussée. L’article L. 420-2 du code de commerce mentionne, au titre des pratiques d’abus de position dominante, les conditions de vente

discriminatoires.

La discrimination est le fait, pour une entreprise, de pratiquer ou d’obtenir, à l’égard d’un partenaire économique des prix, des délais de paiement, des conditions de vente, ou d’achat différents de ceux négociés avec des concurrents du partenaire, sans justification par des contreparties réelles, créant de ce fait un désavantage ou un avantage dans la concurrence pour ce dernier.

Généralement, les différenciations tarifaires (différences de prix selon les clients ou catégories de clients concernés) sont licites si elles constituent la contrepartie d’une différence de coûts et ne visent pas, en réalité, à restreindre ou éliminer la concurrence. En sens inverse, des différenciations tarifaires qui ont pour objet de désavantager, sans raison objective, une catégorie d’opérateurs peuvent s’avérer anticoncurrentielles.

Une entreprise, même en position dominante, est donc libre de choisir sa stratégie tarifaire, sous réserve de ne pas commettre d’abus.

B est en situation de monopole. Elle dispose de fait de la faculté d’évincer une entreprise, en l’espèce un producteur, du marché de la vente d’énergie, dès lors qu’il ne contracte pas aux conditions imposées.

En l’espèce, les sociétés appelantes soutiennent que le refus opposé par B de branchement indirect et partant, de la souscription d’une convention de comptage en décompte, constitue des ventes discriminatoires et des ventes liées abusives, constitutives d’abus de position dominante.

B fait valoir qu’elle n’a fait que défendre ses droits, ce qui n’est pas constitutif d’une faute.

Le moyen tiré d’une défense en justice de ses intérêts par B doit être rejeté.

En effet, d’une part B a succombé dans son recours formé à l’encontre la décision du Cordis, l’arrêt de la Cour de Cassation du 12 juin 2012, cassant l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 avril 2011, aux motifs que la cour d’appel avait décidé que C serait unilatéralement créancière d’une prestation de comptage de la part de X, sans souscrire les conventions prévues par l’article 2 du décret susvisé ( décret 2008-386 du 23 avril 2008) et sans être tenue personnellement des normes de sécurité precrites par le décret.', et la cour d’appel de Paris rendant un nouvel arrêt le 12 décembre 2013 devenu irrevocable, rejetant le recours de B à l’encontre de la décision du Cordis du 2 octobre 2009, la licéité du branchement indirect étant reconnue ab initio.

D’autre part, il est établi par les appelantes que c’est de façon délibérée et pour des motifs qui lui sont propres, que B refuse de faire droit à la demande de raccordement indirect et de comptage en décompte.

Selon le document X-NOI-PC-08E, produit, B considère que « Certaines configurations d’alimentation en D font que des utilisateurs (consommateurs et/ou producteurs) ne sont pas directement raccordés au E public de distribution, mais sont alimentés par le E intérieur d’un utilisateur lui-même raccordé directement au E public de distribution géré par X.

X considère que ces situations ne sont pas conformes à l’exclusivité de desserte d’D confiée par la loi ['].

'] les « Utilisateurs en décompte » ne pourront conclure un contrat d’accès au E public ni bénéficier d’un contrat unique.

[']. La création de nouvelles situations de ce type ne peut en aucun cas être admise par X et ne donneront pas lieu à la proposition de service de comptage. ».

Dans le compte-rendu de réunion du 27 mars 2009, 'X explique 'le contexte réglementaire qui a conduit le Distributeur à se positionner vis-à-vis des réseaux privés ( position publiée le 8 avril 2008 sur le site internet du Distributeur) et notamment à ne pas contractualiser en injection qu’avec un utilisateur directement raccordé au E public de distribution et sous réserve d’être titulaire d’une autorisation d’exploiter… en conséquence X ne précédera à aucun comptage sur la nouvelle unité de production.'.

Or, il est établi que C était cessionnaire de l’autorisation d’exploiter par arrêté du 13 mai 2008 publié au JO du 22 mai 2008, information expressément portée à la connaissance d’B le 27 mars 2009, et remplissait les conditions d’accès, B ne souhaitant pas modifier les termes de son refus ainsi qu’il résulte du courrier du 4 mai 2009.

Il est également établi que le décret 2008-386 du 23 avril 2008 pris en application de la loi 2000-108 du 10 février 2000 s’applique à toute opération de raccordement, fût-elle indirecte, d’une installation de production d’énergie électrique à un E d’D, en vue de sa fourniture au client du producteur.

L’article 2 du décret impose à celui qui entend bénéficier d’un raccordement au E public de distribution, la conclusion d’une convention de raccordement et d’une convention d’exploitation et nécessite que le bénéficiaire s’engage personnellement à respecter les normes prescrites par le décret.

Ainsi la communication de la Commission de régulation de l’Energie du 22 mai 2003 dont fait état l’intimée pour justifier un doute légitime pour s’opposer aux demandes des sociétés productrices, n’était plus pertinente à la date du 4 mai 2009, date d’envoi du courrier dans lequel B indique que le transfert de l’autorisation d’exploiter à C fait obstacle à ce qu’elle fournisse la prestation de comptage; qu’en effet, l’installation Y, pour pouvoir bénéficier ' des dispositions contractuelles d’accès au E et notamment des données de comptage et de publication des données de comptage par X, devait être raccordée directement au E public de distribution, et non par l’intermédiaire des installations de la société Tembec J; qu’il était nécessaire soit que Tembec J reprenne à son nom l’autorisation d’exploiter; soit que C demande à X un raccordement direct au E public de distribution pour injection de la totalité de l’énergie produite par la nouvelle unité Biomasse'.

Les sociétés appelantes établissent en outre que la Commission de régulation de l’Energie ne maintenait plus la position adoptée dans la décision du 22 mai 2003, dès lors qu’il résulte d’une réponse aux candidats le 6 février 2009 publiée sur le site internet de cette commission : « une prestation de « décompte » consistant, pour une installation raccordée indirectement au E public de distribution par l’intermédiaire des installations électriques privatives appartenant à un tiers, à effectuer le relevé, le contrôle et les calculs de décompte en vue de l’affectation des flux de soutirage et/ou d’injection au périmètre d’un responsable d’équilibre et de la publication des données de comptage, peut être facturée par le gestionnaire de E à son client. »

Il est démontré que le refus opposé par B dès lors que le producteur n’acceptait pas de contractualiser par un raccordement direct l’exposant à des coûts particulièrement élevés et entraînant un délai avant la mise en production retardé de plusieurs années, ne présente pas un caractère raisonnable et légitime , et n’est pas justifié par des raisons objectives tenant au bon accomplissement des missions de service public, à des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, dont il n’est ni soutenu ni démontré un tel risque et à la qualité de leur fonctionnement.

Ce refus n’apparaît pas proportionné et vise au contraire à renforcer la position dominante de B.

Il convient de juger que le caractère discriminatoire de la pratique de ventes liées est rapporté et que ce comportement abusif est constitutif d’une faute civile.

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Sur l’exploitation abusive d’une dépendance économique :

Aux termes de alinéa 2 de l’article L420-2 du Code de commerce 'Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L442-6 en accords de gamme.'

L’état de dépendance économique se définit : « comme la situation d’une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d’approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables ».

La société Bienerg se trouvant dans le périmètre d’un contrat de concession détenu par B, ne dispose pas légalement de la possibilité de substituer un autre gestionnaire à B pour le raccordement et le comptage en décompte de l’D pour les installations raccordées à son E. Elle ne peut ainsi fournir à son acquéreur l’D produite sans décompte préalable.

Il en résulte que la preuve est rapportée de l’exploitation abusive d’une dépendance économique à l’égard de C.

Le comportement abusif est constitutif d’une faute civile.

La société Z ne peut plus produire de pâte à papier sans l’D produite à partir de la vapeur produite sur son site de J que C ne peut lui fournir de sorte que Z est victime du comportement fautif d 'B à l’encontre de C.

Le comportement abusif est constitutif d’une faute civile.

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Les fautes commises par les sociétés Z et C :

L’intimée sourient que les sociétés Z et C auraient dû saisir au plus tôt le Cordis pour obtenir une décision, sachant que le comité doit statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine, la saisine effectuée à la date du 21 juillet 2009 retardant ainsi le raccordement de l’ installation.

Le Cordis peut être saisi en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs de réseaux publics de transport ou de distribution d’D.. , portant sur l’accès aux réseaux, ouvrages, installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d’accès ou de désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution des contrats.

La saisine du comité est à l’initiative de l’une ou l’autre partie.

Il n’est pas démontré par B que la saisine du comité le 21 juillet 2009 à la suite d’un différend dont la date de manifestation peut être fixée au plus tôt le 27 mars 2009 et au plus tard le 4 mai 2009, date à laquelle la société X a confirmé sa position à la société Tembec J. est tardive, d’autant que B a toujours soutenu le caractère précipité de cette saisine, tant devant la commission que devant la cour d’appel statuant sur le recours formé à l’encontre de la décision de la commission.

L’intimée soutient également que Z et C n’ont pas formulé une nouvelle demande de raccordement à la suite du transfert de l’autorisation d’exploiter.

Or il résulte du compte-rendu de réunion du 27 mars 2009 qu’une telle demande a été formée au près d’X, que celle-ci tient pour valable puisqu’elle confirme s’en tenir à la position déjà formulée de raccordement direct de Bionerg.

Il en résulte qu’aucune faute ne peut être imputée aux sociétés concernées de ce chef.

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Le lien de causalité doit être direct et certain :

L’ obligation d’achat de l’D produite par EDF n’étant effective à qu’à partir du jour où le comptage en décompte est réalisé par B, le refus de contractualiser opposé par B à défaut d’un raccordement indirect a privé C de l’accès au marché de la vente d’D en gros détenu par EDF.

Ce refus a privé Z d’une possibilité d’exécution du contrat de vente de vapeur souscrit avec C dès lors que celle-ci ne pouvait utilement transformer la vapeur en D, faute de comptage en décompte.

Il est établit un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice subi par chacune des sociétés.

La faute d’B étant établie et le lien de causalité rapporté, le droit à indemnisation du préjudice est ouvert aux sociétés appelantes.

Le montant du préjudice :

L’intimée conteste tout à la fois le préjudice et les montants des préjudices dont réparation est demandée.

Les préjudices subis par C :

Il est constant que la mise en service de Y est intervenue le 20 mai 2009 ; dès lors il peut être jugé que le contrat de comptage en décompte et d’achat d’D pouvaient valablement être signés à l’issue de la rencontre du 27 mars 2009 pour une prise d’effet au 1er juin 2009.

En l’espèce il résulte des productions que le contrat de décompte a été signé le 19 novembre 2009 avec effet au 1er décembre 2009 et le contrat d’achat d’D a été signé le 11 décembre 2009, avec effet rétroactif au 1er décembre 2009.

La société C a subi une perte de chance de contracter à la date du 1er juin 2009 et de vendre à compter de cette date sa production d’D soit pendant une période de six mois.

Elle justifie de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable de sorte que la perte de chance est réparable.

C demande que le préjudice qu’elle a subi soit calculé par référence aux chiffres d’affaires réalisé les années 2010 et 2011et par application d’une marge brute résulte qu’elle évalue au montant résultant de la soustraction du coût d’achat de la vapeur au montant du chiffre d’affaires réalisé, en indiquant qu’il n’existe pas de coûts variables de production de la vapeur.

Or la conséquence de la perte de chance étant aléatoire, la victime ne peut récupérer l’intégralité de la conséquence favorable.

Il convient, pour le calcul de l’indemnité, de déterminer la valeur des gains manqués du fait de l’absence de survenance de l’événement favorable avant la survenance du fait générateur, de déterminer la probabilité de l’événement favorable avant la survenance du fait générateur puis de multiplier ensuite la valeur du gain manqué par la probabilité de son occurrence.

En l’espèce, C produit le montant des chiffres d’affaires réalisés en 2010 et 2011 correspondant à la situation normale réelle après contractualisation et constituant un élément de référence valable.

Elle justifie d’une marge brute de 599 840, 26 euros pour une durée de six mois. Aucun autre frais n’est justifié pour l’année 2009 Y.

L’occurrence d’une contractualisation à effet au 1er juin peut être fixée à 8/10 ce qui conduit à un montant de 479.872,21 euros.

Il convient de soustraire les montants des frais pour services techniques, administratifs et comptables dus à Z s’élevant à 200.000 euros l’an, soit 100.000 euros pour six mois aux termes du contrat d’achat de vapeur.

Il est alloué en conséquence alloué à Bionerg au titre de la perte de chance, la somme de 379.872,21 euros.

S’agissant des frais financiers supportés, si la souscription d’emprunts pour la réalisation des installations est avérée, en revanche il n’est pas démontré la réalité d’un préjudice de restructuration du financement sorte que la demande est rejetée de ce chef.

S’agissant du montant de 200.000 euros au titre de frais de conseils relatifs , ces frais sont indemnisables sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur la demande d’indemnisation d’un préjudice moral :

C allègue de l’atteinte à sa réputation et à son image auprès des banques et de la Caisse des dépôts résultant du comportement d’B faisant valoir que cette société avait mis en place un montant illégal et qu’elle avait obtenu des fonds qu’elle n’aurait jamais dû obtenir.

La défense de ses intérêts par B devant la Cordis ou devant les juridictions, par les moyens soutenus, ne peut en elle-même constituer un comportement fautif portant atteinte à la réputation et à l’ image de la société.

C ne produit aucun éléments économique sur l’incidence du comportement allégué.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments le rejet de la demande d’indemnisation.

En application de l’article 1231-7 alinéa 2 du Code civil , la condamnation prononcée est assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande soit à compter de l’assignation devant le tribunal de commerce délivrée à B le 27 mars 2014.

Conformément à l’article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, en application du présent arrêt.

Les dommages et préjudices subis par Z :

Z évalue à 2.073.513,20 euros la perte de recettes subie fondée sur la facturation produite.

Aux termes du contrat de vente souscrit avec C, elle dispose de personnel administratif et technique notamment pour l’installation de production de vapeur, engendrant nécessairement des charges diverses.

Faute de production de pièces comptables, la cour doit évaluer la marge perdue du fait du dommage correspondant à la perte de chance d’exécuter le contrat souscrit.

S’agissant de valorisation de déchets produits dans le cadre de son activité de production de pâte à papier, la cour évalue, au vu du dossier, la marge brute perdue à 75% du montant de la facturation, soit 1.555.134,90 euros arrondis à 1.555.135 euros.

Compte tenu de l’occurrence retenue de 8/10, il est en conséquence alloué à Z au titre de la perte de chance, la somme de 1.244.108 euros.

En application de l’article 1231-7 alinéa 2 du Code civil , la condamnation prononcée est assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande soit à compter de l’assignation devant le tribunal de commerce délivrée à B le 27 mars 2014.

Conformément à l’article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, en application du présent arrêt.

Z ne justifie pas d’une faute d’B mentionnant la commission d’une fraude, la mise en oeuvre d’un montage financier illégal, entraînant à son endroit un préjudice moral de sorte que la demande d’indemnisation formée de ce chef est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT que les notes en délibéré, non-autorisées, sont écartées des débats ;

INFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société B à payer à la société C la somme de 379.872,21 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2014 ;

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, en application du présent arrêt ;

CONDAMNE la société B à payer à la société H I J la somme de 1.244.108 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2014 ;

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, en application du présent arrêt ;

DÉBOUTE la société C et la société H I J de plus amples demandes indemnitaires;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société B à payer à la société C et à la société H I J chacune, la somme de 25 000 euros ;

REJETTE toute demande autre ou plus ample ;

CONDAMNE la société B aux entiers dépens.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 11, 8 février 2019, n° 16/06164