Cour d'appel de Reims, 12 juin 2015, n° 14/01930

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 12 juin 2015, n° 14/01930
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 14/01930
Décision précédente : Tribunal d'instance de Troyes, 25 mai 2014, N° 11-13-000894

Texte intégral

R.G. : 14/01930

ARRÊT N°

du : 12 juin 2015

A. L.

Association Lévriers sans Frontières

C/

Monsieur A Y

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

1re CHAMBRE CIVILE – SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 12 JUIN 2015

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 26 mai 2014 par le tribunal d’instance de Troyes

(RG 11-13-000894)

Association Lévriers sans Frontières

prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit au siège social

XXX

XXX

Comparant, concluant par Maître Emmanuel Ludot, avocat postulant au barreau de Reims et par Maître Isabelle Terrin, avocat au barreau de Marseille

INTIMÉ :

Monsieur A Y

XXX

XXX

Comparant, concluant par la SCP Delvincourt Caulier Richard, avocats postulant au barreau de Reims et par Maître Sandrine Ostan, avocat au barreau de Nice

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Lafay, présidente de chambre

Madame Lefèvre, conseiller

Madame Magnard, conseiller

GREFFIER D’AUDIENCE :

Monsieur Jolly, greffier lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 avril 2015, le rapport entendu, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2015,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Lafay, présidente de chambre, et par Monsieur Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. A Y a conclu le 2 février 2013 auprès de l’association Lévriers sans frontières, qui recherche des adoptants pour les lévriers galgos martyrs, un contrat d’adoption d’un lévrier femelle dénommé Saskia, pour un prix de 400 euros. Le lévrier s’est enfui du domicile de M. Y peu après son acquisition et a été recueilli par l’association Lévriers sans frontières, qui refuse de le lui rendre.

Le 1er août 2013, M. Y a fait assigner l’association Lévriers sans frontières devant le tribunal d’instance de Troyes en restitution sous astreinte du lévrier et en condamnation au paiement d’une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement du 26 mai 2014 condamne l’association Lévriers sans frontières à restituer le lévrier Saskia sous astreinte de 20 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois passé un délai de 15 jours suivant la signification du jugement, déboute l’association Lévriers sans frontières et M. Y de leurs demandes en dommages et intérêts, condamne l’association Lévriers sans frontières aux dépens et au paiement d’une somme de 200 euros à M. Y sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, toutes autres demandes étant rejetées.

L’association Lévriers sans frontières a fait appel de cette décision.

Par arrêt du 5 décembre 2014, la cour a rejeté sa demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

Aux termes de conclusions du 5 janvier 2015, l’association Lévriers sans frontières demande à la cour d’infirmer le jugement du 26 mai 2014 afin de :

— dire que la chienne Saskia n’a pas fait l’objet d’un contrat de vente mais d’un contrat d’adoption aux conditions synallagmatiques,

— dire que M. Y n’a pas respecté ses engagements de sécurisation de son logement et que cette faute a permis à la chienne de s’échapper,

— dire qu’il s’est mis volontairement en situation de ne pas récupérer sa chienne en refusant une visite de la SPA, qui pouvait vérifier si les conditions de sécurité pour l’accueil du lévrier étaient assurées,

— dire qu’il n’a pas respecté les conditions du contrat et que l’association Lévriers sans frontières est en droit de récupérer le chien,

— dire que l’association Lévriers sans frontières a été animée uniquement par le souci du bien-être du chien, qui est un être sensible,

— rejeter en conséquence toutes les demandes de M. Y,

— le condamner à payer à l’association Lévriers sans frontières une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

Selon écritures du 11 mars 2015, M. Y poursuit la confirmation du jugement entrepris et conclut au rejet des prétentions adverses et à la condamnation de l’appelante à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 mars 2015.

Sur ce, la cour :

Sur la nature du contrat du 2 février 2013 :

L’article 1582 du code civil définit la vente comme une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. L’article 894 du code civil précise que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte.

Aux termes de la convention intitulée 'contrat d’adoption’ signée le 2 février 2013, la représentante de l’association Lévriers sans frontières 'certifie que le chien Saskia a été adopté par M. Y', lui remet divers documents et renseignements relatifs au chien, s’engage à faire le transfert auprès du Fichier national de la carte d’identification par puce électronique, sous six mois, à réception d’un certificat vétérinaire attestant de la bonne santé du chien adopté. Cette formalité correspond à l’obligation imposée par le code rural de procéder à la mutation de la carte d’identification au nom de l’adoptant. Cependant l’attente de l’envoi d’un certificat vétérinaire de bonne santé pour y procéder signifie que l’association se réserve le droit de vérifier si l’animal est bien traité avant d’entériner le transfert de propriété.

M. Y est tenu pour sa part de verser une somme de 250 euros pour participer aux frais vétérinaires et aux frais de transport, versement qualifié de don. L’acte du 2 février 2013 ne fait état d’aucun prix réclamé à l’adoptant en échange du chien. Par ailleurs M. Y s’engage, notamment, à ne pas infliger au chien adopté de mauvais traitements et à lui fournir l’attention et les soins nécessaires à sa santé et à son bien-être.

Est également produite aux débats la 'notice à l’intention des adoptants’ établie par l’association Lévriers sans frontières et adressée à toutes les personnes qui demandent l’adoption d’un chien. M. Y l’a lue, approuvée et signée. Cette notice rappelle la mission de l’association, à savoir le sauvetage des lévriers galgos martyrs, la fragilité de ces animaux, qui sont des rescapés, susceptibles d’avoir subi des traumatismes psychologiques et les risques de fugue très importants pendant les deux premiers mois d’accueil. La notice formule diverses recommandations et prévoit des obligations particulières pour les adoptants : 'vous serez dans l’obligation de nous donner des nouvelles de votre galgo et de nous envoyer des photos dès lors que Melle X vous le demandera. Sans réponse de votre part dans un délai de deux semaines, un délégué assermenté LSF procédera à une visite improvisée à votre domicile. En cas de manquement à l’article du code rural L214-1, nous entamerons des poursuites judiciaires à votre encontre afin de procéder au retrait de votre animal dans les plus brefs délais.'

L’engagement de M. Y de fournir à Saskia l’attention et les soins nécessaires à sa santé et à son bien-être se comprend au regard des obligations précisées par la notice et qu’il a également acceptées.

Il s’ensuit que le contrat du 2 février 2013 s’analyse non en une donation conditionnelle comme apprécié par le premier juge (qui tenait pour accomplie la condition suspensive de transfert de la carte d’identification), mais en une donation avec charges, M. Y s’étant engagé à assurer au chien toute l’attention et les soins nécessaires à son bon développement et à sa sécurité. En tout état de cause, il ne pourrait s’agir d’une adoption, mode de filiation réservé aux personnes.

Sur la révocation de la donation :

La donation ne peut être révoquée unilatéralement par le donateur que pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d’ingratitude, et pour cause de survenance d’enfants, selon l’article 953 du code civil.

Lors de la visite préalable à l’adoption, annoncée dans la notice à l’intention des adoptants et destinée à vérifier les conditions d’accueil, de sécurité et de disponibilité des adoptants, visite effectuée le 13 janvier 2013 par Mme Z, celle-ci a relevé que la disposition des lieux était dangereuse pour le chien, parce que l’épicerie de M. Y, qui donne sur la rue, jouxte sa maison et que la seule séparation, lorsque la porte n’est pas fermée, est une barrière amovible d’environ un mètre de haut, qu’un chien de grande taille et de nature peureuse comme Saskia peut aisément franchir. Le compte-rendu de visite (pièce n°3) a demandé le rehaussement de la barrière à 1,80 m ou la fermeture systématique de la porte de séparation et noté que M. Y s’engageait à effectuer lui-même les travaux de rehaussement de la barrière ou à tenir systématiquement fermée la porte séparant les parties privée et professionnelle de sa maison.

Le 27 février 2013, trois semaines après son accueil chez M. Y, Saskia s’est échappée, apeurée par un bruit, en sautant la barrière qui n’avait pas été rehaussée, alors que la porte de communication était ouverte. Elle n’a été retrouvée que le 7 mars 2013 par une habitante du quartier et l’association Lévriers sans frontières est allée la rechercher.

Inquiète pour la sécurité de l’animal, l’association a proposé par lettre recommandée à M. Y qu’un enquêteur SPA vienne réévaluer les conditions d’accueil et de sécurité de l’animal avant qu’il ne lui soit rendu. M. Y n’est pas allé chercher cette lettre. Dans un courriel du 17 mars 2013, lui-même et sa compagne déclarent : 'Nous aimons Stella (nom qu’ils ont donné au chien), notre seul but est de la retrouver DE SUITE, pas dans 15 jours après une visite d’inspecteurs totalement injustifiée, notre attitude n’ayant en rien mérité un comportement que nous jugeons répressif et irrespectueux de notre attachement à notre chienne’ (pièce n°4 de l’intimé).

Sans qu’il y ait besoin d’examiner ici toutes les attestations produites par M. Y sur sa bienveillance à l’égard des animaux, la cour ne peut que constater qu’il a manifesté une certaine légèreté en s’abstenant de sécuriser davantage son logement (en rehaussant la barrière ou en maintenant la porte de communication fermée) pour l’adapter aux besoins d’un chien aux caractéristiques particulières. De fait, cette négligence s’est révélée dangereuse et préjudiciable à la chienne accueillie. Eu égard à la spécificité de la démarche de l’association Lévriers sans frontières et aux garanties particulières qu’elle attend des 'adoptants’de lévriers galgos, le refus de M. Y de sécuriser son logement ou d’accepter l’intervention d’un tiers neutre pour réévaluer les conditions d’accueil offertes au chien caractérise une inexécution partielle des charges imposées au donataire, inexécution qui revêt une importance et une gravité suffisante pour prononcer la révocation de la donation. Cette révocation entraîne la restitution du chien à son donateur, l’association Lévriers sans frontières. Le jugement est dès lors infirmé en ce sens.

Sur les autres demandes :

L’association Lévriers sans frontières demande condamnation de M. Y à l’indemniser des recherches et tracas engendrés par une procédure judiciaire sans fondement. Cependant, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et il n’est pas justifié ici du caractère abusif de la procédure engagée, d’autant que la demande en restitution du lévrier a été accueillie par le premier juge. L’association est donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

M. Y succombe et supporte les dépens de première instance et d’appel. Il est condamné à payer à l’association Lévriers sans frontières une somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

Infirme le jugement du 26 mai 2014,

Statuant à nouveau,

Dit que le contrat du 2 février 2013 s’analyse en une donation avec charges,

Prononce la révocation de la donation pour cause d’inexécution des charges par le donataire,

Dit en conséquence que M. Y doit restituer le lévrier Saskia à l’association Lévriers sans frontières,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. Y à payer à l’association Lévriers sans frontières une somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Y aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
  3. Code rural
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Cour d'appel de Reims, 12 juin 2015, n° 14/01930