Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 19 mai 2022, n° 20/03002

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Didier Poracchia · Bulletin Joly Sociétés · 1er février 2024

Village Justice · 5 janvier 2024

Les juges de la Haute Cour ont eu à trancher : l'unanimité aux résolutions votées par les associés en assemblée générale peut-elle faire obstacle à la caractérisation d'un abus de droit, plus spécifiquement d'un abus de majorité ? Dans un nouvel arrêt, publié au bulletin (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.851, Publié au bulletin), la Cour de cassation revient sur l'abus de droit qu'un associé peut reprocher à un autre associé. I - Le cas d'espèce était le suivant : deux associés d'une société décident unanimement, lors d'assemblées générales tenues …

 

Elsa Guégan · Bulletin Joly Sociétés · 1er octobre 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 19 mai 2022, n° 20/03002
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 20/03002
Importance : Inédit
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 20/03002 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IR3P

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 19 MAI 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

16/00889

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE DIEPPE du 08 Juillet 2020

APPELANT :

Monsieur [P] [N]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté et assisté par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD-OGEL-LARIBI, avocat au barreau de DIEPPE substituée par Me Anais LEBLOND, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEES :

Madame [H] [J]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 7]

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DU VAL DRUEL

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentées et assistées par Me Guillaume DES ACRES DE L’AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Franck LANGLOIS de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 16 Mars 2022 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 16 Mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 19 Mai 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame FOUCHER-GROS, Présidente et par M. GUYOT, Greffier présent lors du prononcé.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

La SELARL Pharmacie Saint Jacques a été constituée par M. et Mme [J].

Entre le 2 octobre 2009 et le 25 mars 2013, M. [J] a cédé à M. [N] 1470 parts sur les 3000 de la SELARL Pharmacie Saint Jacques, les autres 1530 parts étant détenues par Mme [J].

Le 15 juillet 2013, le siège social de la société a été transféré et elle est devenue la SELARL La Pharmacie du Val Druel.

Le 1er octobre 2013, M. [N] est devenu cogérant de la société avec Mme [J].

Lors d’une assemblée générale le 16 janvier 2015, il a été prévu une rémunération des gérants à hauteur de 46 500 euros pour Mme [J] et de 16 500 euros pour M. [N].

Le 17 février 2015, une assemblée générale a révoqué M. [N] de ses fonctions de gérant.

Par acte d’huissier du 7 mai 2015, M. [N] a fait assigner Mme [J] devant le tribunal de commerce de Dieppe aux fins d’annulation d’une partie de la délibération du 16 janvier 2015 portant sur la rémunération de la gérance.

Le 29 mars 2016, M. [N] a démissionné.

Par jugement du 1er juillet 2016, le tribunal de commerce s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal de grande instance de Dieppe.

Le 7 décembre 2016, une assemblée générale a constaté le souhait de M. [N] de céder ses parts sociales et il a été décidé du rachat de ces parts.

Devant le tribunal de grande instance de Dieppe, M. [N] a sollicité l’indemnisation de ses préjudices en alléguant l’existence d’un abus de majorité commis par Mme [J].

Par acte d’huissier du 5 février 2018, M. [N] a fait assigner la SELARL La Pharmacie du Val Druel aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 8 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

— prononcé la jonction des instances enregistrées sous les numéros de répertoire général 16/00889 et 18/00164 sous le seul numéro 16/00889,

— déclaré irrecevables les prétentions formulées par M. [N] à l’encontre de la SELARL La Pharmacie du Val Druel,

— débouté M. [N] de ses prétentions formulées à l’encontre de Mme [J],

— débouté Mme [J] de sa prétention formulée au titre de l’action abusive,

— condamné M. [N] aux dépens,

— débouté les parties de leurs prétentions formulées en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Monsieur [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 septembre 2020.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 18 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de M. [N] qui demande à la cour de :

— réformer le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe en date du 8 juillet 2020 en ce qu’il a :

— déclaré irrecevables les prétentions formulées par M. [N] à l’encontre de la SELARL La Pharmacie du Val Druel,

— débouté M. [N] de ses prétentions formulées à l’encontre de Mme [J],

— condamné M. [N] aux dépens,

— débouté M. [N] de sa prétention au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence :

Réformant le jugement entrepris,

— constater les fautes commises par Mme [J] et la société SELARL La Pharmacie du Val Druel au préjudice de M. [N],

— s’entendre condamner solidairement Mme [J] et la SELARL La Pharmacie du Val Druel à payer à M. [N] les sommes ci-après :

-14 370 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement du traitement inégalitaire qu’elle lui a fait subir,

-30 135 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la perte de revenus subie par M. [N] de la date de son éviction au jour de son omission du tableau,

-2500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— s’entendre condamner solidairement Mme [J] et la SELARL La Pharmacie du Val Druel aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Garraud Ogel Laribi Haussetête par application des dispositions de l’article 599 du code de procédure civile, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

M. [N] soutient que :

— ses relations avec Mme [J] se sont détériorées lorsque l’époux de cette dernière, également pharmacien, s’est immiscé dans la gestion de la SELARL La Pharmacie du Val Druel et a fait effectuer des achats pour son compte par l’entremise de cette société et la complicité de son épouse ;

— depuis lors, Mme [J] a cherché à l’évincer de la SELARL La Pharmacie du Val Druel en réduisant ses horaires de travail puis en réduisant sa rémunération puis en lui interdisant de se présenter à la pharmacie, faits pour lesquels elle a été sanctionnée par l’Ordre des pharmaciens ;

— il justifie d’un intérêt à agir puisqu’au jour de l’introduction de l’instance, le 7 mai 2015, il était toujours associé dans la SELARL La Pharmacie du Val Druel ;

— aucune prescription de son action, qui tend à l’indemnisation de son préjudice, qui est distincte de l’action en annulation d’une assemblée générale et qui est régie par l’article 2224 du code civil, ne peut lui être opposée ;

— il est recevable à agir également en indemnisation contre la SELARL La Pharmacie du Val Druel dont l’assemblée générale est l’organe de représentation ;

— Mme [J] a commis des fautes en ne respectant pas les statuts de la SELARL La Pharmacie du Val Druel en matière de rémunération des gérants qui devaient être fixées au préalable, en ne respectant pas les termes de l’article L223-19 du code de commerce relatifs aux conventions entre le gérant et la société gérée, en fixant inégalitairement cette rémunération, en décidant la mise en réserve systématique des bénéfices dans le but unique d’en priver M. [N] et en le privant de la possibilité d’accéder à la pharmacie pour y travailler;

— il a travaillé plus que 22 heures hebdomadaires et sa rémunération ne correspondait pas à son travail ;

— il a été privé par Mme [J] d’une partie de sa rémunération pour l’année 2014 à hauteur de 14 370 euros de toute rémunération à compter du jour où elle lui a interdit de paraître à la pharmacie et ce pour un montant de 30 135 euros ;

— la rémunération de Mme [J] de 63 000 euros était abusive eu égard au montant de l’excédent brut d’exploitation de 88 552 euros ;

— les fautes de Mme [J] sont également celles de la SELARL La Pharmacie du Val Druel qui doit être condamnée dans des termes identiques.

Vu les conclusions du 20 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de Mme [J] et la société Pharmacie du Val Druel qui demandent à la cour de :

A titre liminaire :

— déclarer irrecevables les prétentions de M. [N] à l’encontre de la SELARL Pharmacie du Val Druel et Mme [J],

A titre subsidiaire :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [N] de ses prétentions,

— par conséquent, débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire :

— ramener les dommages et intérêts sollicités à hauteur des sommes suivantes :

Pour l’année 2014 : 21 656, 25 euros ' 16 500 euros = 5156,25 euros

Pour l’année 2015 : 0 euros

En tout état de cause :

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [J] et la SELARL Pharmacie du Val Druel de leurs demandes,

— par conséquent, condamner M. [N] à payer à Mme [J] et à la SELARL Pharmacie du Val Druel une somme, pour chacune d’elle, de 5000 euros pour action abusive,

— condamner M. [N] à payer à Mme [J] et à la SELARL Pharmacie du Val Druel une somme, pour chacune d’elle, de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et une somme, pour chacune d’elle, de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Les intimées soutiennent que :

— les relations entre M. [N] et Mme [J] se sont tendues du fait de M. [N] n’a jamais considéré Mme [J] comme son égale en tant que femme et comme associée et a éprouvé des difficultés relationnelles avec le personnel féminin de la pharmacie, l’une des employées ayant fait établir une main courante contre lui à la suite d’une altercation le 11 mars 2016 ;

— sur les six griefs soutenus par M. [N] devant le conseil de l’Ordre, seul un a été retenu portant sur l’empêchement d’exercice de son activité par M. [N] au sein de l’officine et n’a entraîné qu’une sanction avec sursis ;

— aucune action en réparation pour abus de majorité ne peut être dirigée contre la société et l’action diligentée par M. [N] contre la SELARL La Pharmacie du Val Druel, qui ne tend à aucune annulation de délibération d’assemblée générale est irrecevable ;

— il existe un lien de dépendance entre l’action en indemnisation de préjudice pour abus de majorité et l’action en nullité de la délibération d’une assemblée générale de sorte que si cette dernière action ne peut être intentée, l’action en indemnisation ne peut pas l’être non plus ; tel est le cas en l’espèce, l’action en annulation étant prescrite aux termes de l’article L223-19 du code de commerce, plus de trois ans s’étant écoulés à compter du 16 janvier 2015 sans qu’elle soit intentée ;

— il appartient à M. [N] de démontrer l’existence de l’abus de majorité qu’il allègue qui se caractérise par une rupture d’égalité au détriment des associés minoritaires au profit des associés majoritaires et par une atteinte à l’intérêt général de la société ;

— la différence de rémunération pour l’année 2014 a été votée à l’unanimité et était motivée par le fait que M. [N] ne travaillait que 22 heures hebdomadaires alors que Mme [J] travaillait 42 heures ;

— M. [N] confond ses fonctions de cogérant avec celles d’associé et le gérant n’a pas vocation à être rémunéré en fonction du nombre de ses parts sociales mais selon d’autre critères parmi lesquels le nombre d’heures travaillées ; enfin, les décisions ci-dessus font peut-être grief à M. [N] mais en sa seule qualité de cogérant et non en sa qualité d’associé minoritaire ;

— M. [N] n’explique pas en quoi cette décision serait contraire à l’intérêt social et lui causerait un préjudice ;

— l’assemblée générale du 16 janvier 2015 n’a fait qu’entériner la décision précédente qui avait été votée par M. [N] ;

— dès lors que M. [N] avait été révoqué de ses fonctions de gérant le 3 mars 2015, il ne saurait réclamer aucune rémunération à ce titre pour la période allant du 3 mars 2015 au 29 mars 2016, date à laquelle il a démissionné et aucun abus de majorité n’a été commis sur ce point ;

— l’absence de distribution des bénéfices étant venue augmenter la valeur de la SELARL La Pharmacie du Val Druel et donc la valeur des parts que M. [N] a cédées courant 2017, ce dernier n’a subi aucun préjudice ;

— M. [N] ne produit aucune pièce justifiant dans quel sens il a voté s’agissant des mises en réserve des bénéfices et ne justifie pas en quoi cette mise en réserve serait contraire à l’intérêt social ;

— la prétendue méconnaissance des statuts sociaux par Mme [J] n’est pas sanctionnée par la nullité des assemblées générales qui se sont tenues malgré tout ;

— aucune disposition des statuts ne prévoit que la rémunération soit fixée préalablement à l’exercice ;

— la rémunération des gérants n’est pas une convention réglementée ;

— si des dommages et intérêts devaient être alloués à M. [N], il devraient être calculés sur le volume d’heures travaillées par lui ;

— la procédure diligentée par M. [N] est abusive.

MOTIVATION DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l’action diligentée par M. [N] contre la SELARL La Pharmacie du Val Druel :

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l’article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

M. [N], associé minoritaire et cogérant de la SELARL La Pharmacie du Val Druel, déclare avoir été victime d’un abus de majorité commis par Mme [J], associée majoritaire et cogérante de la société qui, lors d’une assemblée générale du 16 janvier 2015, a décidé d’établir une rémunération inégalitaire entre cogérants et a refusé de distribuer les bénéfices entre associés pour préférer les mettre en réserve.

Est constitutive d’un abus de majorité la décision sociale prise par les associés majoritaires contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de les favoriser au détriment des associés minoritaires.

La décision contestée par l’associé minoritaire comme étant contraire à l’intérêt social et la SELARL La Pharmacie du Val Druel devant être considérée comme étant également victime de cette décision, l’associé minoritaire qui ne réclame que l’indemnisation de son préjudice, sans demander l’annulation de la décision sociale, ne peut agir que contre les associés majoritaires à qui il impute l’abus.

M. [N] n’ayant jamais sollicité l’annulation de l’assemblée générale du 16 janvier 2015 ou de certaines de ses délibérations et s’étant toujours borné à solliciter la seule indemnisation des préjudices qui résulteraient de l’abus de majorité qu’il allègue, son action ne peut être dirigée qu’à l’encontre de la seule associée à qui il impute cet abus, soit Mme [J], à l’exclusion de la SELARL La Pharmacie du Val Druel.

L’action diligentée contre la SELARL La Pharmacie du Val Druel est irrecevable comme étant dirigée contre une personne n’ayant pas qualité pour défendre à l’action.

Le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe qui a déclaré irrecevables les prétentions formulées par M. [N] à l’encontre de la SELARL La Pharmacie du Val Druel sera confirmé.

Sur l’existence d’un abus de droit portant sur la rémunération inégalitaire entre cogérants :

1°) Mme [J] et la SELARL La Pharmacie du Val Druel versent aux débats le procès-verbal d’assemblée générale du 21 novembre 2014 ayant fixé à 22 heures hebdomadaires le nombre d’heures devant être effectuées par M. [N] en sa qualité de cogérant, excluant les gardes de fins de semaine et lui faisant obligation de se faire remplacer durant les vacances sauf à obtenir une juste rémunération en cas d’absence de remplaçant.

Ce même procès-verbal mentionne que la rémunération de Mme [J] est fixée à 3 875 euros pour une durée de travail de 42 heures hebdomadaires et à 2 000 euros pour M. [N] pour une durée de travail de 22 heures par semaine à compter du 21 novembre 2014 « sauf dispositions contraires ».

Il est enfin indiqué dans cet acte que cette résolution a été adoptée à l’unanimité, M. [N] et Mme [J] étant présents.

Mme [J] et la SELARL La Pharmacie du Val Druel ayant expressément soulevé le moyen selon lequel M. [N] avait accepté cette rémunération, la cour constate que ce dernier n’y a pas répliqué.

L’associé minoritaire qui a voté en faveur d’une délibération n’est pas fondé à soutenir qu’elle constitue un abus de majorité.

Ce chef de demande sera rejeté.

2°) M. [N] verse aux débats le procès-verbal d’assemblée générale du 16 janvier 2015 qui, en sa quatrième résolution, a approuvé la rémunération de la gérance à la somme brute annuelle de 63 000 euros dont 46 500 euros pour Mme [J] et 16 500 euros pour M. [N] .

M. [N] a voté contre cette résolution.

Il appartient à M. [N] de démontrer l’existence de l’abus de majorité qu’il allègue.

A cet égard :

— M. [N] ne précise pas en quoi l’inégalité de sa rémunération de cogérant résultant de la décision du 16 janvier 2015 serait contraire à l’intérêt social, cette décision étant soit indifférente pour la SELARL La Pharmacie du Val Druel dès lors qu’existait une enveloppe globale de 63 000 euros affectée à la rémunération de la gérance et peu important comment elle était répartie entre les deux cogérants, soit favorable à la SELARL La Pharmacie du Val Druel dès lors que l’inégalité de traitement entre cogérants se traduisait par une baisse de rémunération de l’un d’eux ;

— M. [N] n’a pas répliqué à l’argumentation des intimées selon laquelle l’appelant n’a pas subi de préjudice en sa qualité d’associé mais en sa seule qualité de cogérant ;

— dès lors que M. [N] a accepté le 21 novembre 2014 que ses heures de travail soient établies à 22 heures par semaine, il ne précise pas pour quel motif sa rémunération aurait dû être calculée sur le nombre de ses parts sociales à compter de l’exercice 2015 et en quoi la persistance de la situation antérieure établie le 21 novembre 2014 aurait constitué un abus de majorité ;

— M. [N] ne précise pas pour quelle raison, alors qu’il a été révoqué de ses fonctions de gérant le 3 mars 2015, son absence de rémunération en qualité de cogérant à compter de cette date constituerait un abus de majorité ;

— la cour constate que si M. [N] allègue que la rémunération de Mme [J] s’élevait à 63 000 euros et que celle-ci était excessive par rapport à l’excédent brut d’exploitation de 88 552 euros, M. [N] sollicite toutefois que son préjudice soit précisément calculé sur cette même somme de 63 000 euros en fonction du nombre de ses parts sociales (page 14 de ses conclusions) ; qu’il ne saurait dès lors considérer cette somme de 63 000 euros comme excessive ;

— la prétendue méconnaissance des statuts sociaux n’est pas de nature à entraîner une quelconque nullité de la décision qui a été prise lors de cette assemblée générale.

— la fixation de la rémunération d’un gérant ne constitue pas une convention réglementée au sens de l’article L223-19 du code de commerce de sorte que les formalités prescrites par ce texte sont inapplicables et que l’associé gérant peut prendre part au vote fixant sa rémunération.

Ce chef de demande sera rejeté.

Sur l’existence d’un abus de majorité résultant de l’interdiction faite à M. [N] d’exercer son activité dans la pharmacie :

Etant observé que la seule pièce versée aux débats sur ce point est un courrier du 12 mars 2016 émanant de Mme [J], en sa qualité de gérante de la SELARL La Pharmacie du Val Druel, adressé à M. [N], M. [N] n’explique pas en quoi la décision (non produite) de Mme [J] de lui interdire de venir travailler dans la pharmacie à une époque où il n’était plus gérant ni salarié serait constitutive d’un abus de majorité alors que :

— Mme [J] aurait agi en qualité de seule gérante de la SELARL La Pharmacie du Val Druel et non en qualité d’associée de celle-ci dans le cadre d’une assemblée générale au cours de laquelle une résolution aurait été votée ;

— Mme [J] indique expressément à M. [N] dans le courrier du 12 mars 2016, que « rien ne s’oppose à la reprise de vos activités professionnelles en tant qu’associé libéral de la SELARL La Pharmacie du Val Druel. » ;

— Mme [J] indique dans le même courrier que M. [N] la harcelait et entendait désorganiser la pharmacie et elle verse aux débats une attestation émanant de Mme [Y], l’une des salariés de la SELARL La Pharmacie du Val Druel, faisant état d’une altercation entre elle et M. [N] ayant entraîné la nécessité pour Mme [J] de s’interposer.

Faute par M. [N] de démontrer l’existence de l’abus de majorité qu’il allègue sur ce point, ce chef de demande sera rejeté.

Sur l’existence d’un abus de majorité constitué par la mise en réserve systématique des bénéfices :

Le procès-verbal d’assemblée générale du 21 novembre 2014 n’a nullement mentionné qu’une délibération avait été votée sur la non-distribution des bénéfices aux associés.

La seule mention sur ce point figure dans le procès-verbal de l’assemblée générale du 16 janvier 2015 dans la troisième résolution intitulée « affectation des résultats » décidant d’affecter le bénéfice de l’exercice clos le 31 août 2014 de 47 242,94 euros à la réserve ordinaire et précisant qu’aucun dividende n’avait été distribué au cours de trois derniers exercices.

Cette résolution a été votée par Mme [J] et que M. [N], porteur de 1470 parts, s’est abstenu.

L’associé minoritaire qui s’est abstenu lors d’une délibération n’est pas fondé à soutenir qu’elle constitue un abus de majorité.

Au surplus, M. [N] ne caractérise pas l’abus de majorité qu’il allègue, le simple constat que cette délibération a été votée ne pouvant démontrer l’existence de cet abus.

Ce chef de demande sera rejeté.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [N] de ses prétentions formulées à l’encontre de Mme [J] sera confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle formée par Mme [J] et la SELARL La Pharmacie du Val Druel :

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts que lorsqu’est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

En l’espèce, Mme [J] et la SELARL Pharmacie du Val Druel ne démontrent pas que M [N] a diligenté son action avec une intention de nuire, et en particulier pour exercer une pression visant à faire racheter ses parts « au prix fort » par Mme [J].

Le jugement entrepris qui a débouté Mme [J] de ses prétentions formulées au titre de l’action abusive sera confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 8 juillet 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne M. [N] aux dépens en cause d’appel ;

Condamne M. [N] à payer à Mme [J] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande formée par la SELARL La Pharmacie du Val Druel au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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