Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 10 avril 2019, n° 17/02249

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Chronologie de l’affaire

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Village Justice · 31 juillet 2019

L'employeur est tenu de rembourser les frais professionnels exposés par ses salariés. Par exemple, un salarié qui se fait inviter au restaurant par un client va garder le justificatif et le transmettre à l'employeur afin que ce dernier s'imagine que son employé a financé un repas d'affaires. Autre exemple, un salarié en déplacement professionnel va gonfler la distance parcourue afin d'obtenir un remboursement plus important sur la base des indemnités kilométriques. Plus rare mais plus grave, un salarié peut même produire une fausse facture pour ensuite en obtenir le remboursement. Si …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 10 avr. 2019, n° 17/02249
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/02249
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Argenteuil, 20 avril 2015, N° 14/00036
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 AVRIL 2019

N° RG 17/02249

AFFAIRE :

H X

C/

[…]

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 avril 2015 par le conseil de prud’hommes – formation paritaire – d’Argenteuil

Section : encadrement

N° RG : 14/00036

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sophie CORMARY

Me Sandrine GENOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX AVRIL DEUX MILLE NEUF,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 06 février 2019 puis prorogé au 10 avril 2019, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur H X

[…]

[…]

comparant en personne,

assisté de Me Sophie CORMARY, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 515

APPELANT

****************

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Sandrine GENOT, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : J100

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 novembre 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Evelyne SIRE-MARIN, Président chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,

Par jugement du 21 avril 2015, le conseil de prud’hommes d’Argenteuil (section encadrement) a :

— dit que la société a valablement licencié M. H X pour fautes graves et qu’il a été rempli de tous ses droits,

en conséquence,

— débouté M. X de toutes ses demandes,

— condamné M. X à payer à la SAS ISS Hygiène & Sécurité la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 12 mai 2015, M. X a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de radiation a été prononcée le 19 janvier 2017 pour défaut de diligences des parties et l’affaire a été réinscrite au rôle le 3 février 2017.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. X demande à la cour de :

— le recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondé,

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Argenteuil,

en conséquence, le réformant,

— fixer son salaire mensuel brut à la somme de 2 912 euros,

— condamner la société ISS Prévention et Sécurité à lui payer les sommes suivantes :

. 12 995,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 299,53 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 1 227,33 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail,

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

. 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société ISS Prévention et Sécurité aux éventuels dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société ISS Hygiène & Prévention demande à la cour de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Argenteuil du 21 avril 2015 en toutes ses dispositions,

en conséquence,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes,

— condamner M. X à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux dépens.

LA COUR,

La société ISS Hygiène & Prévention a pour activité principale la désinfection, désinsectisation et dératisation et emploie plus de 11 salariés.

M. H X a été engagé par la société ISS Hygiène & Prévention, en qualité de chef des ventes, statut Cadre, Groupe 3 niveau 9, par contrat à durée indéterminée à compter du 4 juin 2012.

M. X exerçait ses fonctions au sein de l’Agence de Buc (78), selon l’article 3 de son contrat de travail.

Il supervisait une équipe de 9 commerciaux AEC, répartis sur divers secteurs géographiques de l’île de France (sa pièce 7 : organigramme).

Par lettre du 14 octobre 2013, M. X a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 25 octobre 2013.

X a été licencié pour faute grave, par lettre du 18 novembre 2013 ainsi libellée :

« (…),Consommation de carburant :

Il apparaît qu’entre janvier 2013 et fin septembre 2013 vous avez réalisé 95 prises de carburant (40 avec votre carte total et 45 en note de frais), soit près de 3 prises par semaines travaillées.

Vous avez déclaré sur votre véhicule de fonction plus de 20.000 km en plus des pleins que vous avez réalisés sur votre moto et que nous avons remboursés à hauteur de 1 526 euros.

Vous avez également déclaré à 12 reprises un retrait de carburant sur votre véhicule de fonction et sur votre moto à la même date. Aussi, au vu des lieux et horaires de ces prises de carburant, ces dernières ne peuvent avoir été réalisées par vous seul.

Enfin, nous nous sommes aperçus que vous prétendez avoir utilisé votre carte essence à des horaires et lieux incompatibles avec votre activité déclarée.

A titre d’exemple, votre carte TOTAL indique une prise de carburant le 29 avril 2013 à 13H45 à Dammarie les Lys (proche de votre lieu de résidence dans le 77) et le même jour vous présentez une note de frais « invitation commerciaux » pour un déjeuner à Bezons dans le 92.

Aussi, vous voyant la plupart du temps utiliser votre moto, l’ensemble de ces données indiquent que vous avez confié votre véhicule de fonction à une personne tierce sans autorisation de notre société, ce qui est inadmissible. En outre, j’attire votre attention sur le fait que notre assurance ne couvre pas les conducteurs tiers non déclarés.

De plus, nous ne pouvons tolérer le fait que vous fassiez une utilisation abusive à des fins personnelles de la carte carburant qui a été mise à votre disposition dans le cadre de vos fonctions. En effet, cette carte est destinée, comme le prévoit sa Charte d’utilisation, à régler vos frais de carburant, de péage et de parking au cours de vos déplacements strictement professionnels.

Notes de frais déjeuners :

Vous cumulez sur un seul restaurant, « la ferme de l’Aveyron », 4.458 euros de notes de frais depuis le début de l’année.

Or, nous avons constaté que de nombreuses notes de frais (manuscrites et qui montrent de nombreuses erreurs dans le calcul de TVA) que vous nous transmettiez pour obtenir le remboursement de déjeuners professionnels étaient en réalité des frais personnels.

A titre d’exemples, vous avez déclaré des déjeuners avec des clients et des collaborateurs qui confirment ne pas avoir été présents à vos côtés aux lieux et dates indiqués, comme les 9 et 13 août 2013, toujours au restaurant « la ferme de l’Aveyron ».

Nous nous sommes également aperçus que vous aviez déclaré déjeuner le même jour à deux endroits différents, comme en atteste votre note de frais pour le restaurant « la ferme de l’Aveyron », pour la journée du 17 juin 2013 et un ticket pour un repas avec M. J Z, commercial, pour le restaurant WASABI également pour un déjeuner le 17 juin 2013. De plus, ce jour-là, vous aviez rendez-vous à 14H à Bezons.

Bien pire, vous avez demandé à un jeune commercial vantant d’intégrer notre société de faire une fausse note de frais, toujours sur la base d’une note manuscrite du restaurant « la ferme de l’Aveyron ».

Une fois remboursé par notre société, celui-ci vous a donné la somme correspondant à la valeur de cette note, sur votre demande.

Vous avez ainsi usé de votre autorité auprès d’un de vos collaborateurs directs à des fins d’enrichissement personnel.

Votre attitude irresponsable et malhonnête est intolérable.

Carence managériale et faible investissement :

Pour rappel, vous êtes en charge du développement commercial du segment « Administrations, Entreprises et Collectivités » dit « AEC » de notre périmètre régional.

A ce titre, vous devez animer et encadrer une équipe commerciale conformément aux règles de l’entreprise.

A ce jour, les résultats cumulés de votre périmètre commercial sont les suivants :

—  63% d’atteinte du budget 2013 à date

— -2% de décroissance de vente

—  Décroissance du volume d’offres de -12%

—  Taux de concrétisation de 35% (France 42%)

—  Un volume de pertes cumulées de 450.000 euros sur la période

Les résultats du service AEC montrent une baisse importante de l’activité commerciale. La décroissance des ventes n’est pas liée à un quelconque contexte économique, au vu de la faible part de marché que nous avons qui nous laisse une forte marge de progression, mais à un pilotage défaillant de vos équipes commerciales.

A ce titre, il s’avère que les réunions mensuelles que vous devriez mettre en place ne sont pas toutes réalisées. Elles le sont uniquement sur initiative d’un manager (DCR, DOP) ou de la DCO.

De plus, ces réunions ne sont pas préparées (pas d’ordre du jour, pas de support de présentation) et ne donnent lieu à aucun compte rendu ni plan d’action de votre part, comme cela devrait pourtant être le cas.

Le manque de réunions mensuelles formalisées ne permet pas aux équipes commerciales d’avoir une vision claire des résultats de l’entreprise, ni de la stratégie locale à suivre.

Par ailleurs, les entretiens individuels de perspective ne sont pas renseignés dans l’outil groupe « talent box », et ce, malgré nos nombreuses relances dont certaines formalisées par mails des 25 avril et 29 juillet 2013.

En outre, et malgré de nombreuses relances là encore, les entretiens de « mi-année » ne sont pas réalisés alors qu’ils auraient dû être terminés pour la fin du mois d’octobre. Cela traduit encore votre manque d’investissement.

De plus, vous n’avez lancé aucun challenge, contrairement aux fondamentaux de l’animation commerciale existants au sein de notre entreprise, et n’avez pas animé ceux qui vous ont été proposés par votre hiérarchie.

Votre manque d’implication managériale auprès de vos équipes ne vous a également pas permis de faire respecter des règles simples d’utilisation des outils informatiques dédiés à nos commerciaux : respect de Gedeon (mise à jour contacts, suivi des visites clients¼) et de l’agenda Outlook des commerciaux.

Il s’avère également que vous ne suivez pas les règles contractuelles commerciales qui indiquent les paliers d’engagements pour les offres émises. Il n’y a pas de contrôle de ces offres, ayant pour conséquence certaines non-conformités, en particulier sur les montants supérieurs à 50K.

L’insuffisance de votre implication dans votre activité est inacceptable et génère des résultats trop préjudiciables pour notre société (…). »

Le 10 janvier 2014, M. X a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil aux fins de contester son licenciement.

SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL:

La société Hygiène & Prévention considère que les faits relèvent de la faute grave.

Le salarié estime que l’employeur n’apporte pas la preuve qu’il a commis de fautes, qu’il s’agisse d’une faute grave ou même d’une faute justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige « en ce qui concerne les motifs de licenciement » et lie les parties et le juge, qui ne peut rechercher d’autres faits pour justifier le licenciement. Pour satisfaire à l’exigence de motivation imposée par l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits précis et contrôlables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement vise ainsi des faits matériellement vérifiables et est donc suffisamment motivée.

Sur la réalité et la gravité des fautes reprochées au salarié,

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, le plus souvent même pendant la durée du préavis, sans être subordonnée au prononcé d’une mise à pied conservatoire.

Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.

En cas de faute grave, il appartient à l’employeur d’établir les griefs qu’il reproche à son salarié.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

Il est reproché essentiellement 3 griefs au salarié dans la lettre de licenciement :

— sa consommation de carburant,

— ses notes de frais de déjeuners,

— sa carence managériale et un faible investissement au travail.

La consommation de carburant,

Selon la société ISS Hygiène & Prévention, les éléments recueillis démontrent que M. X utilisait ou faisait utiliser par des tiers, en l’espèce sa compagne, son véhicule de fonction Citroën C 4 et la carte carburant « Total » pour des besoins privés de manière habituelle et régulière, sans aucune autorisation de l’entreprise et en violation des règles internes, ce qui constitue un premier manquement grave à ses obligations.

L’employeur verse aux débats les relevés de consommation de la carte Total attestant la consommation très importante de carburants de M. X du 4 janvier au 6 septembre 2013, pour sa voiture de fonctions ainsi que ses demandes de remboursement de frais professionnels attestant, selon la société, que certains jours, du carburant était acheté en même temps pour ses deux véhicules, sa moto personnelle et sa voiture de fonction, en des lieux très éloignés l’un de l’autre.

M. X réplique qu’aux termes de son contrat de travail, il s’est vu confier un véhicule de fonction. Il précise qu’une autorisation de conduite à titre occasionnel était remise au collaborateur afin de signaler l’utilisation par une tierce personne du véhicule et qu’elle lui a été accordée, selon attestation de sa compagne, Mme Y, comme pour les trois autres collaborateurs de l’entreprise dont il produit les attestations.

Par ailleurs, en sa qualité de chef des ventes, M. X affirme qu’ il était amené à effectuer de très nombreux déplacements auprès de la clientèle sur toute l’île de France et qu’il accomplissait des distances hebdomadaires de plus de 800 km, qui justifiaient une prise de carburant à raison de 2 fois par semaine.

Selon M. X, le nombre de prises de carburant et le kilométrage mentionnés dans la lettre de licenciement sont totalement en adéquation avec les distances qu’il a parcourues dans le cadre de son activité, au vu de trois attestations des commerciaux travaillant sous son autorité qui confirment qu’il les accompagnait en déplacements professionnels au moins 1 fois par semaine et qu’il utilisait à cette occasion exclusivement son véhicule de fonction, alimenté en carburant par sa carte Total.

Par ailleurs, concernant ses frais de carburant pour son véhicule personnel, sa moto, dans la mesure où ils étaient validés par sa hiérarchie avant remboursement, M. X considère qu’ils sont justifiés.

Il est établi que M. X réside à Villiers en Bière (77), que son lieu de travail était situé à Buc (78), qu’il était parfois présent pour son travail à Bezons (95) et circulait en région parisienne comme chef des ventes de la société Hygiène & Prévention.

La distance entre le domicile de M. X et son lieu de travail à Buc est de 59 km.

Concernant l’utilisation par un tiers du véhicule Citroën C4 de l’entreprise,

M. X ne conteste pas que sa compagne, Mme Y, utilisait le véhicule Citroën C4 de l’entreprise. Celle-ci en convient dans son attestation (pièce 20 du salarié) puisqu’elle dit avoir signé un document où elle en sollicitait l’autorisation et avoir effectué des pleins d’essence.

Selon l’article 5 du contrat de travail de M. X (sa pièce 1), le véhicule lui était personnellement confié au regard de son poste et de ses responsabilités de chef des ventes.

Il n’est pas contesté qu’une charte d’utilisation a été mise en place au sein de l’entreprise, dont le salarié avait connaissance, et qu’ un formulaire « d’autorisation de conduite à titre occasionnel de véhicule de fonction » (sa pièce 15) y était joint.

Bien que M. X affirme qu’il a sollicité et obtenu cette autorisation et que sa compagne, Mme Y atteste qu’elle a signé un document demandant à conduire le véhicule de fonction de M. X, ce document n’est pas produit par le salarié.

M. X verse aux débats cinq attestations de ses collègues selon lesquelles il utilisait sa voiture de fonctions (pièce 17 : M. Z, pièce 18 : M. A, pièce 19 : M. B) et selon lesquelles ils avaient eux-mêmes obtenu une autorisation de conduite de leur véhicule de fonction pour leur conjointe (M. A pièce 18, M. C Pièce 29 et M. D : pièce 31).

Il n’est pas contesté que M. X utilisait alternativement sa voiture de fonction et sa moto personnelle pour se rendre à son travail, en fonction de son emploi du temps.

En l’absence de production de l’autorisation accordée à la compagne de M. X de conduire le véhicule de fonction, il importe peu que d’autres salariés que M. X l’ait demandée et obtenue.

Il est donc établi qu’en l’absence d’autorisation de l’employeur, la compagne de M. X, Mme Y utilisait le véhicule Citroën C4 de l’entreprise, ce qui constitue un manquement du salarié à ses obligations contractuelles.

Concernant la consommation de carburant et les demandes de remboursement de frais professionnels,

Il est établi que la consommation d’essence pour la moto personnelle de M. X faisait l’objet d’émission de notes de frais, alors que celle relative à son véhicule de fonction justifiait l’usage de la carte carburant Total de l’entreprise.

La charte d’utilisation de la carte carburant, produite par le salarié lui-même, indiquait expressément qu’elle était destinée à régler les frais de carburant, de péage et de parking au cours des déplacements professionnels des salariés, tout usage personnel étant exclu ( pièce 15 du salarié).

Il est établi par la comparaison des pièces 11 et 21 de l’employeur (relevés de la carte Total) et de sa pièce 22 ( demandes de remboursement de M. X de ses frais de carburant) qu’ à 12 reprises un achat de carburant Gazole avec la carte Total affectée au véhicule de fonction immatriculé CL 802 BA, a été effectué le même jour qu’était demandé par M. X le remboursement du carburant sans plomb 98 acheté pour sa moto personnelle.

La cour rappelle que Mme Y, compagne de M. X, a reconnu dans son attestation utiliser le véhicule Citroën C4 de l’entreprise.

La cour relève parmi les 12 faits, à titre d’exemple :

— le 18 mars 2013 :

. prise de 21,54 litres de carburant sans-plomb 98 (carburant pour la moto personnelle) à la station Villiers (77) à 7h 34, pièce 22 de l’employeur,

. achat de 39,14 litres de gazole pour le véhicule immatriculé CL802 BA ( carburant pour la voiture de fonction Citroën C4) à 8h37 à la station TOTAL de La Rochette (77) (pièces 11 et 21 de l’employeur).

— le lundi 17 juin 2013 :

. prise de 22,75 litres de carburant sans-plomb 98 (carburant pour la moto personnelle) à la station Villiers (77) à 7h 49, pièce 22 de l’employeur,

. achat de 48,24 litres de gazole pour le véhicule immatriculé CL802 BA ( carburant pour la voiture de fonction Citroën C4) à 8h35 à la station TOTAL de Dammarie les Lys (77) (pièces 11 et 21 de l’employeur).

— le 27 juin 2013 :

. prise de 19,26 litres de carburant sans-plomb 98 (carburant pour la moto personnelle) à la station de Dammarie les Lys (77) à 7h 04, pièce 22 de l’employeur,

. achat de 55,83 litres de gazole pour le véhicule immatriculé CL802 BA ( carburant pour la voiture de fonction Citroën C4) à 13h39 à la station TOTAL de Dammarie les Lys (77) (pièces 11 et 21 de l’employeur).

Les carburants gazole pour la voiture de fonction étaient achetés avec la carte Total de l’entreprise le plus souvent en milieu de journée (pièce 11), tandis que les demandes de remboursement de frais concernaient du carburant 98 sans plomb acheté les mêmes jours pour la moto personnelle de M. X à Dammarie-les Lys, à Villiers sur Marne ou à Ponthierry, soit en des lieux proches du domicile du salarié, entre 7 h et 8h 30 (pièce 22), horaires correspondant manifestement à son départ au travail en moto.

Dans la mesure où il est exclu que, pour la même journée, M. X ait utilisé ses deux véhicules pour se rendre à son travail, il est établi que la carte carburant Total de l’entreprise a été utilisée par un tiers pour utiliser et alimenter en gazole la voiture de fonctions, tiers qui en possédait donc le code, ce qui est interdit par la charte d’utilisation de la carte carburant de l’entreprise, comme cela avait été rappelé en janvier 2013 dans un mail adressé à M. E, collaborateur de M. X qui était en copie (pièce 17 de l’employeur).

Ces faits qui se sont reproduits à 12 reprises sur une durée de 9 mois constituent des manquements du salarié à ses obligations contractuelles.

Les notes de frais de déjeuners,

Selon la société ISS Hygiène & Prévention, M. X a sollicité de l’employeur des remboursements de frais de restaurant, dont il apparaît pour certains qu’ils n’ont pas été réellement exposés pour les besoins de l’activité professionnelle et en présence des personnes qu’il a indiquées, notamment pour certains repas au restaurant « la ferme de l’Aveyron », à Neuilly sur Seine. Ces frais ont représenté de janvier à septembre 2013 une somme totale de 4 458 euros dans ce seul restaurant.

M. X réplique que ses notes de frais ont été toutes contresignées et validées par l’ « approbateur

», M. K L, Directeur Régional, n+1 de M. X.

Le salarié verse aux débats trois attestations ( deux de ses collègues : M. C, sa pièce 29 et M. M D, sa pièce 31, selon lesquelles les remboursements des frais de restaurant ne nécessitaient aucun justificatif de mode de paiement (ticket CB, chèque ou autre) et une attestation de M. F, gérant du restaurant « la ferme de l’Aveyron », selon laquelle les notes de repas étaient manuscrites.

Il produit également l’attestation d’un jeune collaborateur, M. B, qui a ensuite quitté l’entreprise et témoigne, avant le licenciement de M. X, que celui-ci lui a fait faire une fausse note de frais, mais qui atteste, après le licenciement de M. X, qu’il avait subi des pressions et que l’employeur « s’était servi de lui ».

La lettre de licenciement cite les exemples des repas des 17 juin, 9 août et 13 août 2013 au restaurant « la ferme de l’Aveyron » à Neuilly sur Seine comme faisant l’objet de notes de frais frauduleuses.

Concernant le déjeuner le 17 juin 2013 au restaurant « la ferme de l’Aveyron », il est établi que M. X a sollicité le remboursement par l’entreprise de frais de réception à deux endroits différents :

le restaurant Wasabi à Bezons (95) pour un déjeuner avec deux collaborateurs de l’entreprise (pièce 13 de l’employeur) pour un montant de 32,8 euros, figurant au titre d’une « invitation commerciale » selon la demande de remboursement de frais du salarié.

le restaurant la ferme de l’Aveyron à Neuilly sur Seine(92) pour 171 euros pour deux personnes (pièce 13 de l’employeur) avec la société Exopac.

M. X ne conteste pas l’affirmation de l’employeur selon laquelle il était le 17 juin 2013 en réunion à Bezons dans le Val d’Oise à 14h, ce qui contredit le fait qu’il ait pu déjeuner à Neuilly sur Seine, dans les Hauts de Seine, et confirme au contraire sa présence au restaurant WASABI à Bezons.

En tout état de cause, M. X ne pouvait se trouver à deux déjeuners en même temps et l’une des notes de repas est nécessairement frauduleuse.

Concernant le déjeuner du 9 août 2013 au restaurant « la ferme de l’Aveyron » à Neuilly sur Seine, M. X a indiqué des frais « invitation clients » pour un déjeuner d’un montant de 210 euros (pièce 13 de l’employeur).

Il a fourni une note de frais manuscrite du restaurant « la ferme de l’Aveyron » pour trois repas complets pour 210 euros, sans ticket de caisse correspondant. Au dos de cette note de frais, M. X avait indiqué qu’il s’agissait d’un déjeuner avec le client CROIX ROUGE et M. B, un jeune collaborateur sous ses ordres.

M. B attestait le 15 avril 2013 (pièce 7 de l’employeur) qu’il « n’était pas au déjeuner du 8 août 2013) mais que »M. X lui a demandé d’incorporer une note de frais d’un montant d’environ 160 euros sur la base d’un justificatif qu’il lui a fourni (la ferme de l’Aveyron)….. M. X m’a simplement demandé de lui rendre cette somme en totalité".

Le repas litigieux concernant le 9 août 2013 et non pas le 8 août, cette attestation est sans objet.

Ces faits ne sont pas suffisamment établis.

Concernant le déjeuner du 13 août 2013 au restaurant « la ferme de l’Aveyron » à Neuilly sur Seine,

M. X a indiqué des frais « invitation clients » pour un déjeuner d’un montant de 276 euros (pièce 13 de l’employeur). Il a fourni une note manuscrite du restaurant « la ferme de l’Aveyron » pour 4 repas complets du même montant, sans ticket de caisse correspondant. Au dos de cette note de frais, M. X avait indiqué qu’il s’agissait d’un déjeuner avec la société IKEA et M. B.

M. B attestait le 15 avril 2013 (pièce 7 de l’employeur) « je vous confirme que je n’ai pas déjeuner avec M. X les 8 et 13 août 203 ».

Dans une attestation du 2 juillet 2013, M. B indiquait au contraire que M. G (le directeur des opérations Île de France de l’entreprise) lui avait « demandé de faire un courrier relatant les faits en expliquant que c’était une demande de M. X »….. et qu’il allait faire « porter le chapeau » à M. X, mais sans préciser de quels faits exacts il s’agissait.

En revanche, M. E, contrôleur de gestion, atteste (pièce 6 de l’employeur) « avoir été présent lors de la conversation téléphonique au cours de laquelle M. B informait M. X que le directeur des opérations Île de France de l’entreprise, M. G, lui avait posé des questions sur »sa note de frais à la ferme de l’Aveyron avec les clients IKEA PLAISIR. M. B l’a informé de son intention de dire à M. G que cette invitation était factice et qu’il n’avait jamais déjeuner dans ce restaurant".

En l’état, les faits sont suffisamment établis par ce témoignage de M. E et par la première attestation de M. B.

Enfin, l’employeur produit un mail en date du 19 novembre 2013 de M. B (sa pièce 14) selon lequel M. E interroge M. B sur une note de déjeuner du 28 août 2013 à l’Indiana Café de Montparnasse à Paris, pour deux repas, d’un montant de 46,60 euros, dont le remboursement aurait été demandé à la fois par M. B qui disait avoir déjeuné avec une cliente, et aussi par M. X qui en possédait le duplicata et disait avoir déjeuné avec M. B (pièce 13 de l’employeur).

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour estime que l’utilisation du véhicule Citroën C4 de l’entreprise par la compagne du salarié, Mme Y,sans autorisation de l’employeur, l’utilisation à 12 reprises par un tiers de la carte de carburant Total de l’entreprise confiée au salarié et de son code malgré l’interdiction de l’employeur et enfin les demandes de remboursement frauduleuses de repas factices par M. X constituent une faute grave qui rendait impossible le maintien des relations contractuelles même pendant la durée du préavis, sans avoir à procéder à l’examen des autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement

Confirmant le jugement, la cour rejette les demandes subséquentes de M. X au titre de l’indemnité de préavis, de congés payés y afférents, des indemnités légale et conventionnelle de licenciement et de l’indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la demande au titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail, indemnité qui peut être accordée en cas de licenciement pour faute grave, M. X produit un certificat médical selon lequel « il présente un burn out dans le cadre d’une pression sur son lieu de travail » (sa pièce 9) et affirme que la rupture de son contrat de travail l’a plongé dans une situation financière dégradée.

Cependant, si le préjudice financier de M. X est évident, il ne produit aucun élément qui établirait que l’employeur a eu une attitude irrespectueuse ou blessante lors du licenciement, eu égard au fait que celui-ci était justifié par une faute grave.

Confirmant le jugement, la demande au titre du licenciement vexatoire sera rejetée.

Il convient de rejeter les autres demandes, fins et conclusions.

Il est inéquitable de laisser à la charge de la société les sommes exposées en cause d’appel à hauteur de 800 euros.

M. X, qui succombe, sera condamné aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Rejette les autres demandes, fins et conclusions,

Condamne M. X à verser à la SASU ISS Hygiène & Prévention la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile,

Condamne M. X aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Mme Clotilde Maugendre, présidente et Mme Corinne Delannoy greffière.

La greffière La présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 10 avril 2019, n° 17/02249