Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1er octobre 2013, n° 12BX00319

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE BORDEAUX

No12BX00319

________

SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECOND ŒUVRE (SNSO)

c/ DEPARTEMENT DE LA GIRONDE

________

M. Aymard de Malafosse

Président

________

M. Philippe Cristille

Rapporteur

________

M. Guillaume de La Taille Lolainville

Rapporteur public

________

Audience du 3 septembre 2013

Lecture du 1er octobre 2013

________

39-02-005

39-02-02-03

39-08-01-01

C+ SL

XXX

AU NOM DU PEUPLE Français

La Cour administrative d’appel de Bordeaux

(3e chambre)

Vu la requête enregistrée le 10 février 2012 par télécopie et confirmée par courrier original le 13 février 2012 présentée pour le syndicat national des entreprises du second œuvre dont le siège est 8, rue Catulle-Mendès à XXX par la SCP d’avocats Noray-Espeig et Guillard ;

Le syndicat national des entreprises du second œuvre demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°0902311 en date du 14 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général de la Gironde de signer le marché n°09-0151 « bâtiments tous corps d’état » attribué au groupement Sopreco Aquitaine et le marché n°09-1952 « VRD-espaces verts » attribué à « Cregut Atlantique » correspondant aux travaux de restructuration du collège Y-Z A situé sur le territoire de la commune de Branne ;

2°) d’annuler la décision contestée ;

3) d’enjoindre au président du conseil général de la Gironde de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité des marchés passés avec le groupement Sopreco Aquitaine et avec « Cregut Atlantique » dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge du département de la Gironde le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable sans lui demander de régulariser sa requête par la production des décisions attaquées ;

— il a contesté les avis d’attribution qu’il a produits à l’instance ;

— la décision de la commission permanente du 6 octobre 2008 autorisant le président à signer les marchés publics de travaux litigieux et l’avis d’attribution du marché publié le 14 avril 2009 au Boamp constituent le premier et le dernier acte d’une même opération complexe, ce qui justifie que le premier et le dernier acte puissent être contestés sans condition de délai ;

— son objet statutaire lui donne intérêt pour agir contre une décision de conclure un contrat de marché public de travaux qui méconnaît les intérêts collectifs des entreprises qu’il représente ;

— le département ne justifie pas son choix de déroger au principe de l’allotissement posé par l’article 10 du code des marchés publics en invoquant des considérations liées aux délais et techniques, à l’imbrication des prestations, au risque de défaillance d’un corps d’état ou à la possibilité de pratiquer des pénalités dissuasives et proportionnées au retard ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en production de pièces enregistré le 6 mars 2012 présenté pour le syndicat national des entreprises du second œuvre ;

Vu le mémoire enregistré le 18 juillet 2012 présenté pour la société Sacer Atlantique dont le siège est XXX, XXX à XXX intervenant en lieu et place de « Cregut Atlantique » par Me Florence Eva Martin qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du syndicat national des entreprises du second œuvre à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que :

— le tribunal administratif n’avait pas à inviter le syndicat national des entreprises du second œuvre à régulariser son recours en produisant la décision attaquée dès lors que cette irrecevabilité avait été expressément soulevée en défense ;

— la production en appel des décisions attaquées n’est pas de nature à régulariser la requête du requérant ;

— le syndicat requérant n’est pas recevable à contester en appel l’avis d’attribution des marchés qu’il n’a pas contesté dans la requête de première instance ;

— la décision de signer les marchés et la publication de leur avis d’attribution ne sont pas des actes successifs d’une opération complexe et l’avis d’attribution n’est pas une décision faisant grief ;

— il résulte du procès-verbal du comité directeur du syndicat produit en appel, que son président ne disposait pas, lors du dépôt de la requête introductive de première instance, d’un pouvoir régulier pour engager une action contentieuse puisque le procès-verbal du comité directeur a été signé le 28 octobre 2009 et que le recours contentieux est venu à expiration deux mois après la publication de l’avis d’attribution des marchés, soit le 15 juin 2009 ;

— le pouvoir adjudicateur est en principe libre de choisir les modalités d’allotissement de son marché ;

— la décision du département de réduire à deux lots les travaux était régulière au regard des particularités des travaux de restructuration du collège ;

— le recours à deux lots pour l’exécution des travaux repose sur des motifs identifiés et justifiés, techniquement et financièrement ;

— à titre subsidiaire, si le lot relatif aux prestations « bâtiments tous corps d’état » est regardé comme constituant un marché global, celui-ci n’a pas méconnu les dispositions de l’article 10 du code des marchés publics ;

— la demande d’injonction est irrecevable du fait qu’elle constitue une demande nouvelle en appel ; que la demande d’injonction est mal fondée en ce que le motif d’annulation invoqué n’a trait ni à l’objet même du marché, ni au choix du cocontractant ; l’injonction est mal fondée en ce que la nullité des marchés, déjà exécutés à ce jour, porterait une atteinte excessive à l’intérêt général ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2012 présenté pour le département de la Gironde, représenté par le président du conseil général en exercice, par la Selarl Lexavoué Bordeaux, qui conclut au rejet de la requête ;

Le département fait valoir que :

— selon l’article R 612-1 du code de justice administrative, l’obligation d’inviter à régulariser vaut seulement pour les irrecevabilités susceptibles d’être couvertes après l’expiration du délai de recours et pour les irrecevabilités relevées d’office ;

— l’irrecevabilité qu’il a soulevée et qui n’a pas été régularisée pouvait être opposée par le tribunal administratif sans qu’une demande de régularisation soit requise ;

— la passation des marchés litigieux n’a pas nécessité une succession d’actes décisionnels caractérisant une « opération complexe » ;

— le marché de travaux en question réunit les conditions qui le classent dans les situations d’exception prévues à l’alinéa 2 de l’article 10 du code des marchés publics, compte tenu de la complexité du phasage des travaux, de ce que l’allotissement aurait risqué de rendre l’exécution des prestations techniquement difficile alors que le collège continuait d’accueillir les élèves mais aussi financièrement coûteuse, et de ce que le département n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 23 octobre 2012, présenté pour le syndicat national des entreprises de second œuvre qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Le syndicat ajoute que :

— la décision de signer le marché en litige est révélée par l’avis d’attribution du marché de sorte que le tribunal administratif ne pouvait rejeter son recours pour absence de production de la décision attaquée ;

— la décision de signer n’a été formalisée par aucun acte distinct du contrat lui-même et ne peut donc être produite à l’appui du recours ; que la décision attaquée ne se confond pas avec la signature proprement dite du contrat puisqu’elle est nécessairement antérieure à l’apposition matérielle de la signature ;

— son recours est recevable dès lors que la requête introductive d’instance peut être accompagnée soit du texte de la décision contestée soit de tout ce qui peut l’identifier comme l’avis d’imposition ;

— la décision du 6 octobre 2008 portant décision de la commission permanente d’autoriser le président à signer le marché en litige et la décision du président de signer les marchés révélée dans l’avis d’attribution sont des actes successifs d’une opération complexe susceptible de recours ;

— il a contesté également la décision de la commission permanente du 6 octobre 2008 ;

— la recevabilité de son recours ne souffre d’aucune critique dès lors que la délibération du comité directeur du 11 mars 2009 autorisait le président du syndicat à agir en justice et que de toute façon le président d’après les statuts du syndicat est compétent pour agir en justice même en l’absence de toute délibération du comité directeur l’y autorisant spécifiquement ;

— la demande d’injonction n’est pas constitutive d’une nouvelle demande ;

Vu le nouveau mémoire et la production de pièces enregistrés le 26 octobre 2012 présentés pour la société Sacer Atlantique qui reprend ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Elle fait valoir que :

— la « Cregut Atlantique » est un établissement secondaire qui ne jouit pas de la personnalité morale et ne peut défendre seul à la présente instance ;

— c’est pour cette raison qu’elle a décidé d’intervenir volontairement à l’instance afin de défendre au lieu et place de la société Cregut ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2012 présenté pour Cregut Atlantique, établissement de Sacer Atlantique, dont le siège est XXX à XXX par Me Martin qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du syndicat national des entreprises du second œuvre à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société fait valoir que :

— le tribunal administratif n’avait pas à inviter le syndicat requérant à produire les décisions attaquées dès lors que l’irrecevabilité avait été expressément soulevée en défense ;

— la production en appel d’une demande de communication de ces décisions n’est pas de nature à régulariser la requête du requérant ;

— le syndicat n’est pas recevable à contester en appel l’avis d’attribution des marchés qu’il n’a pas été contesté dans la requête de première instance ;

— la décision de signer les marchés et la publication de leur avis d’attribution ne sont pas des actes successifs d’une opération complexe ;

— l’avis d’attribution n’est pas une décision faisant grief ;

— il résulte du procès-verbal du comité directeur du syndicat produit en appel, que son président ne disposait pas, lors du dépôt de la requête introductive de première instance, d’un pouvoir régulier pour engager une action contentieuse puisque le procès-verbal du comité directeur a été signé le 28 octobre 2009 et que le recours contentieux est venu à expiration deux mois après la publication de l’avis d’attribution des marchés, soit le 15 juin 2009 ;

— le pouvoir adjudicateur est en principe libre de choisir les modalités d’allotissement de son marché ;

— la décision du département de réduire à deux lots les travaux était régulière au regard des particularités des travaux de restructuration du collège ;

— l’allotissement n’implique pas qu’un lot porte sur une seule prestation technique ;

— le recours à deux lots pour l’exécution des travaux repose sur des motifs identifiés et justifiés, techniquement et financièrement ;

— à titre subsidiaire, si le lot relatif aux prestations « bâtiments tous corps d’état » est regardé comme constituant un marché global, celui-ci n’a pas méconnu les dispositions de l’article 10 du code des marchés publics ;

— la demande d’injonction est irrecevable du fait qu’elle constitue une demande nouvelle en appel ; que la demande d’injonction est mal fondée en ce que le motif d’annulation invoqué n’a trait ni à l’objet même du marché, ni au choix du cocontractant ; l’injonction est mal fondée en ce que la nullité des marchés, déjà exécutés à ce jour porterait une atteinte excessive à l’intérêt général ;

Vu la lettre du président de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 26 octobre 2012 avisant les parties que la cour est susceptible de soulever d’office le moyen d’ordre public tiré du défaut d’intérêt pour agir du syndicat requérant ;

Vu, enregistrées le 31 octobre 2012, les observations présentées pour le syndicat national des entreprises du second œuvre en réponse au moyen d’ordre public ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 31 octobre 2012 présenté pour la société Sacer Atlantique qui conclut aux mêmes fins que précédemment et demande en outre que le montant des frais mis à la charge du syndicat requérant sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative soit porté à 6 000 euros ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 31 octobre 2012 présenté pour Cregut Atlantique qui conclut aux mêmes fins que précédemment et demande, en outre, que le montant des frais mis à la charge du syndicat requérant sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative soit porté à 6 000 euros ;

Vu le mémoire enregistré le 30 mai 2013 présenté pour la Société Sopreco Aquitaine par Me Magrini ;

La société indique qu’elle ne compte pas déposer de mémoire dans cette affaire et qu’elle entend s’en remettre aux écritures du département de la Gironde ;

Vu le mémoire enregistré le 18 juin 2013 présenté pour la société Colas Sud-Ouest venant aux droits de la société Sacer Atlantique par Me Martin ;

La société Colas Sud-Ouest déclare reprendre à son nom l’ensemble des précédents mémoires de la société Sacer Atlantique ; elle conclut au rejet de la requête présentée par le syndicat national des entreprises du second œuvre et demande que ledit syndicat soit condamné à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 5 juillet 2013 présenté pour le département de la Gironde qui maintient ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Le département ajoute que l’injonction de saisir le juge des contrats serait vide de sens dès lors que les marchés contestés ont été exécutés dans leur intégralité ; une telle injonction pourrait porter une atteinte excessive à l’intérêt général en bouleversant les garanties et responsabilités contractuelles liées à la construction d’un bâtiment public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 septembre 2013 :

— le rapport de M. Philippe Cristille, premier conseiller ;

— les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

— les observations de Me Noray-Espeig, avocat du SNSO et de Mme X pour le département de la Gironde ;

1. Considérant que par un avis d’appel public à la concurrence publié le 19 novembre 2008 au bulletin officiel des annonces des marchés publics, le département de la Gironde a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour la réalisation de travaux de restructuration du collège Y-Z A à Branne ; que, par actes d’engagement du 6 mars 2009 notifiés le 20 mars 2009, le lot n°1 « bâtiments – tous corps d’état » a été attribué au groupement Sopreco Aquitaine et le lot n°2 «VRD – espaces verts » à « Cregut Atlantique » ; que le syndicat national des entreprises du second œuvre (SNSO) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler les décisions de signer ces marchés ; que, par un jugement du 14 décembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande comme irrecevable au motif qu’elle n’était pas accompagnée de la décision dont l’annulation était recherchée ; que le SNSO fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 412-1 du code de justice administrative : « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l’article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. Cette décision ou cette pièce doit être accompagnée de copies dans les conditions fixées à l’article R. 411-3. » ;

3. Considérant que le SNSO, qui a demandé au juge de l’excès de pouvoir d’annuler les décisions du président du conseil général de signer les marchés mentionnés au point 1, n’était pas tenu, en application des dispositions précitées, de produire les actes d’engagement, qui sont au nombre des pièces constitutives de ces marchés ; qu’il n’avait pas davantage à produire la délibération du conseil général autorisant son président à signer ces marchés, qui est une décision distincte de celles attaquées ; que les décisions du président du conseil général de signer les marchés n’ayant, en réalité, été matérialisées par aucun acte susceptible d’être produit, aucune fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 412-1 du code de justice administrative ne peut être retenue à l’encontre du SNSO, lequel a, au demeurant, produit l’avis d’attribution de ces marchés, publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics du 14 avril 2009, ayant révélé au tiers la signature desdits marchés ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevable la demande du syndicat au motif qu’elle n’était pas assortie de la production des décisions attaquées ;

4. Considérant que la demande présentée par le SNSO devant le tribunal administratif visait à obtenir, selon ses termes mêmes, « l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du président du conseil général de la Gironde de signer les marchés 1 et 2 correspondant aux travaux de restructuration du collège Y-Z A à Branne » ; que la décision de signer un contrat constitue un acte détachable de ce dernier, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les fins de non-recevoir tirées du caractère non attaquable des actes déférés par le syndicat au tribunal administratif doivent être écartées ;

5. Considérant que le syndicat requérant ayant eu connaissance au plus tôt de la décision attaquée le 14 avril 2009, date de publication au bulletin officiel des annonces des marchés publics des avis d’attribution des marchés, sa demande, présentée devant le tribunal administratif par une requête enregistrée le 9 juin 2009 n’était, en tout état de cause, pas entachée de tardiveté ;

6. Considérant qu’en l’absence, dans les statuts d’une association ou d’un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l’organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ; qu’en l’espèce, l’article 19 des statuts prévoyant que le président représente le syndicat en justice, et aucune autre stipulation ne réservant à un autre organe le pouvoir de décider d’engager une action en justice au nom du syndicat, le président du SNSO avait qualité pour former, au nom de ce syndicat, un recours pour excès de pouvoir ;

7. Considérant que le SNSO a notamment pour objet de « défendre les intérêts généraux de l’ensemble des entreprises constituant le second œuvre du bâtiment », « de promouvoir et de développer le progrès des entreprises de second œuvre du bâtiment » et de « promouvoir la réglementation nécessaire à leur sauvegarde » ; que, compte tenu, d’une part, du recours, par le département de la Gironde, à un marché global pour le « lot n° 1 », qui correspond à l’ensemble des prestations que tous les corps d’état doivent accomplir pour réaliser les travaux de construction prévus dans le cadre de la « restructuration » du collège, c’est-à-dire la construction du bâtiment principal du nouveau collège et la construction de logements de fonction et d’extension du bâtiment « demi-pension », et qui comporte ainsi une part prépondérante de prestations relevant du second oeuvre, d’autre part, du montant de ce marché, soit 7 600 000 euros hors taxes, le syndicat requérant justifie d’un intérêt lui donnant qualité à agir pour demander l’annulation de la décision de signer ce marché ; qu’en revanche, eu égard au montant du marché portant sur le « lot n° 2 », soit 796 776 euros hors taxes, et au fait que ce marché ne porte que sur les voiries-réseaux divers et les espaces verts, le SNSO ne peut être regardé comme justifiant d’un intérêt suffisamment direct et certain pour demander l’annulation de la décision de signer ce marché ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par le SNSO était recevable en tant qu’elle concernait le marché portant sur le « lot n°1 » ; que, par suite, le syndicat est fondé, dans cette mesure, à demander l’annulation pour irrégularité du jugement attaqué ;

9. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le SNSO devant le tribunal administratif en tant qu’elle portait sur la décision de signer le marché portant sur le « lot n°1 » ;

Sur la légalité de la décision contestée :

10. Considérant qu’aux termes de l’article 10 du code des marchés publics : « Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l’article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (…) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s’il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu’elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l’exécution des prestations ou encore qu’il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination (…) » ;

11. Considérant que, pour justifier le recours à un marché global pour l’ensemble des prestations constituant le « lot n°1 », qui constituent des prestations distinctes devant en principe donner lieu à une dévolution en lots séparés, le département de la Gironde se prévaut, au premier chef, de ce que l’allotissement de ces prestations aurait risqué d’en rendre l’exécution techniquement difficile en raison de la nécessité d’une parfaite coordination des intervenants, le respect des différentes phases du chantier étant essentiel pour assurer la continuité du service public de l’enseignement dans un collège accueillant 600 élèves ; que, toutefois, s’il est vrai que l’exécution des prestations était soumise à de fortes contraintes de délais nécessitant une importante coordination des prestataires et le respect par ceux-ci des délais impartis, le département ne justifie pas que ces contraintes, au demeurant courantes dans des opérations de restructuration, étaient telles que la dévolution en lots séparés, à laquelle il doit en principe être recouru en vertu des termes mêmes de l’article 10 précité du code des marchés publics, aurait, en l’espèce, rendu techniquement difficile l’exécution du marché ; que le département ne justifie pas, par les considérations générales qu’il développe, en quoi la variante « développement durable », ou les clauses d’insertion sociale contenues dans le marché faisaient obstacle, en l’espèce, à l’allotissement ; qu’il ne justifie pas davantage le recours à un marché global en invoquant des considérations générales sur la « dilution des pénalités » qui ne seraient pas suffisamment dissuasives en cas de lots séparés ; qu’il ne saurait enfin se prévaloir utilement, pour justifier une dérogation à la règle de l’allotissement, de ses choix d’organisation et notamment de ce qu’il ne dispose pas dans ses services d’agents chargés des missions d’organisation, de pilotage et de coordination, alors au surplus que de telles missions peuvent être confiées à un prestataire chargé de l’ordonnancement, du pilotage et de la coordination du chantier ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le président du conseil général de la Gironde a décidé de signer le marché relatif au « lot n°1 » de la restructuration du collège Y-Z A de Branne avec le groupement Sopreco Aquitaine a été prise en méconnaissance de l’article 10 précité du code des marchés publics et doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

13. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;

14. Considérant que l’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’implique pas nécessairement que le contrat en cause doive être annulé ; qu’il appartient au juge de l’exécution, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, d’enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d’une particulière gravité, d’inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d’entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu’il en règle les modalités s’il estime que la résolution peut être une solution appropriée ; que, dans la détermination des mesures rendues nécessaires par l’annulation, le juge de l’exécution n’est pas tenu par celles demandées par le requérant ;

15. Considérant que le vice entachant la décision annulée, consistant dans la méconnaissance du principe de l’allotissement énoncé par l’article 10 du code des marchés publics, qui affecte l’objet même du contrat, n’est pas susceptible de régularisation ; que cette illégalité, qui n’affecte ni le consentement de la personne publique ni le bien-fondé du marché litigieux, et en l’absence de circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifie pas que soit recherchée une résolution du marché ; qu’enfin, eu égard notamment au fait que le collège restructuré a été inauguré il y a deux ans, il n’y a pas lieu d’enjoindre au département de la Gironde de procéder à la résiliation du marché ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que le SNSO ne pouvant être regardé comme la partie perdante, pour l’essentiel, dans la présente instance, les conclusions présentées à son encontre sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ; qu’en revanche, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le SNSO et non compris dans les dépens ;

décide :

Article 1er : Le jugement n° 0902311 du tribunal administratif de Bordeaux, en date du 14 décembre 2011, est annulé en tant qu’il statue sur les conclusions du SNSO tendant à l’annulation de la décision de signer le marché portant sur le « lot n°1 » des travaux de restructuration du collège de Branne.

Article 2 : La décision du président du conseil général de la Gironde de signer le marché portant sur le « lot n° 1 » est annulée.

Article 3 : Le département de la Gironde versera au SNSO la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du SNSO est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du département de la Gironde et de la société Colas Sud-ouest présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat National des Entreprises du second œuvre, au département de la Gironde, à la société Sopreco Aquitaine et à la Société Colas Sud-ouest.

Délibéré après l’audience du 3 septembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Philippe Cristille, premier conseiller,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2013.

Le rapporteur, Le président,

Philippe CRISTILLE Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

XXX

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

XXX

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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1er octobre 2013, n° 12BX00319