Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 avril 2018, 16-87.669, Publié au bulletin

  • Action contre le dirigeant d'une société·
  • Dirigeant ayant commis une infraction·
  • Faute séparable des fonctions·
  • Action en responsabilité·
  • Responsabilité civile·
  • Conditions·
  • Réparation·
  • Réserve de propriété·
  • Véhicule·
  • Facture

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le grief tiré du défaut d’établissement d’une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales constituant une faute séparable des fonctions de dirigeant social est inopérant, les juges n’ayant pas à s’expliquer sur l’existence d’une telle faute pour caractériser une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite

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Nicolas Catelan · Gazette du Palais · 26 septembre 2023

Claire-anne Michel · Bulletin Joly Sociétés · 1er juillet 2023

SW Avocats · 2 mai 2021

Il n'est pas nécessaire, pour engager la responsabilité civile d'un dirigeant devant les juridictions pénales en réparation d'une infraction, d'établir qu'il a commis une faute séparable de ses fonctions. C'est la solution rendue par la Cour de cassation dans deux arrêts publiés au bulletin rendus le 5 avril 2018. Dans la première affaire, trois voitures avaient été vendues au mépris d'une clause de réserve de propriété et sans avoir préalablement réglé le prix. La société et le dirigeant sont poursuivis mais relaxés pour abus de confiance ; le dirigeant est néanmoins condamné par le …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 5 avr. 2018, n° 16-87.669, Bull. crim. 2018, n° 67
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-87669
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bull. crim. 2018, n° 67
Décision précédente : Cour d'appel de Rennes, 8 décembre 2016
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
Crim., 5 février 2014, pourvoi n° 12-80.154, Bull. crim. 2014, n° 35 (rejet)
Crim., 5 avril 2018, pourvoi n° 16-83.984, Bull. crim. 2018, n° 66 (rejet)Sur la caractérisation de la faute civile par le juge pénal,
Crim., 5 avril 2018, pourvoi n° 16-83.984, Bull. crim. 2018, n° 66 (rejet)Sur la caractérisation de la faute civile par le juge pénal,
Crim., 5 février 2014, pourvoi n° 12-80.154, Bull. crim. 2014, n° 35 (rejet)
Textes appliqués :
article 2 du code de procédure pénale
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036803132
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR00554
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

N° Y 16-87.669 FP-P+B

N° 554

FAR

5 AVRIL 2018

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par M. Thierry X…, contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, 12e chambre, en date du 9 décembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d’abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 15 février 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, MM. Pers, Straehli, Mme Dreifusss-Netter, MM. Castel, Fossier, Moreau, Steinmann, Mme de la Lance, M. Germain, Mmes Drai, Durin-Karsenty, Schneider, MM. Bellenger, Cathala, de Larosière de Champfeu, Larmanjat, Ricard, Parlos, Mme Zerbib, MM. Stephan, Bonnal, d’Huy, Lavielle, Wyon, Guéry, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Laurent, Mmes Chauchis, Carbonaro, MM. Barbier, Talabardon, Béghin, Mmes Guého, Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Salomon ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CORDIER, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 314-1 du code pénal, 1382 du code civil, préliminaire, 2, 388, 512, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale :

« en ce que l’arrêt a déclaré recevable la demande de la société Delta Car Trade contre M. X…, a condamné M. X… à payer à la société Delta Car Trade les sommes de 53 477,43 euros et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

« aux motifs que, comme le rappelle avec raison la Selarl EMJ, en l’absence d’appel des dispositions pénales du jugement, M. X… et la société Plabauto sont définitivement relaxés des faits d’abus de confiance et la cour n’a pas à se prononcer sur une telle qualification ; qu’en revanche, il lui appartient de vérifier si dans les limites de la prévention, les faits reprochés à la société Plabauto et à M. X…, son gérant, constituent ou non une faute civile ; que le contrat « Delta Crédit » n° C01959 signé par DCT et Plabauto précise en son article 6 : « tous les véhicules neufs (VN) facturés au garagiste dans le cadre de la ligne de crédit (LDC) du présent contrat bénéficient jusqu’à leur paiement intégral à la société Delta Car Trade par le garagiste d’une réserve de propriété en faveur de DCT acceptée et reconnue par le garagiste. Cette réserve de propriété est clairement indiquée sur toutes les factures émises par DCT. Le garagiste s’engage de manière ferme et irrévocable à ne pas immatriculer ni livrer le client final le VN facturé avant la réception du paiement de la facture par DCT, paiement dont la réception par DCT entraîne automatiquement suppression de la réserve de propriété en faveur de DCT. Le garagiste déclare reconnaître d’ores et déjà cette réserve de propriété en faveur de DCT sans aucune réserve et s’engage en cas de non-paiement de sa part entraînant une récupération forcée du VN par DCT à totalement collaborer avec les représentants de DCT pour la restitution de VN, en y donnant librement accès et en remettant sans résistance le VN et les clefs sur demande des représentants désignés de DCT » ; que ce texte dont les termes ne donnent pas lieu à interprétation en raison de leur clarté précise que DCT reste propriétaire du véhicule neuf (VN) jusqu’à son paiement complet ; que d’ailleurs, l’article 5 ne dit rien d’autre dans le deuxième alinéa de cet article en précisant ; « à l’émission de la facture le garagiste devient propriétaire du VN facturé, DCT bénéficiant néanmoins d’une réserve de propriété reconnue par le garagiste (selon l’article 6 ci-dessous) qui reste en vigueur jusqu’au paiement intégral par le garagiste de la facture émise par DCT » ; que les véhicules neufs ont été livrés à Plabauto et que leur prix n’a pas été réglé dans leur intégralité à la société DCT, que celle-ci en est donc restée propriétaire ; […] ; que la demande est dirigée contre M. X… qui ne fait pas lui-même l’objet d’une procédure collective de sorte qu’il ne peut, sinon à tort, invoquer les dispositions sur le dessaisissement du débiteur, en l’espèce la société Plabauto, qui ne s’appliquent pas à l’action en responsabilité engagée contre lui, que de même, le fait que DCT possède un titre contre la société Plabauto n’interdit pas l’action personnelle contre le gérant, lequel ne peut invoquer, sinon à tort, l’autorité de chose jugée des décisions du président du tribunal de commerce et du juge commissaire qui ne concernent pas les mêmes parties ; que la recevabilité de l’action personnelle engagée par DCT contre M. X… gérant de la société Plabauto pour ces faits antérieurs à l’ouverture de la procédure collective est subordonnée à l’existence d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d’une faute du dirigeant, séparable de ses fonctions ; que pour l’analyse de la faute séparable de ses fonctions, contrairement àce que M. X… soutient peu sérieusement, le contrat Delta Crédit ne comportait pas des dispositions incohérentes, que les clauses du contrat ne permettaient pas, en effet, une interprétation autre que celle qui a été rappelée ci-dessus ; qu’au surplus, les factures adressées par DCT et reçues par Plabauto comportaient apposée en bas au recto une mention rédigée en caractère parfaitement apparents selon laquelle « le véhicule facturé fait l’objet d’une réserve de propriété totale en faveur de Delta Car Trade SA jusqu’au complet paiement de la présente facture » ; qu’enfin, en établissant, comme l’ont révélé les débats devant le tribunal correctionnel, un certificat de cession aux acquéreurs personnes physiques qui faisait état d’un numéro d’immatriculation qui n’existait pas ou était celui d’un autre véhicule sans rapport avec ces ventes, M. X… a démontré, par cet artifice, qu’il connaissait parfaitement l’existence de la clause de réserve de propriété qui interdisait de vendre des véhicules neufs aussi longtemps que le prix n’en était pas intégralement payé à la DCT ; qu’il a commis une faute séparable de ses fonctions de représentant de la société Plabauto et a engagé sa responsabilité personnelle ; que DCT expose que son préjudice résulte de l’impossibilité d’obtenir restitution des trois véhicules, qui doit être indemnisé par une somme équivalant au prix des trois véhicules, qu’elle subit également un préjudice d’image, lorsque pour avoir exercé son droit de rétention sur les cartes grises, elle a été menacée par l’association nationale de défense des consommateurs et usagers d’une procédure, ce qui l’a obligé à remettre la carte grise du véhicule Audi, qu’après appel de la gendarmerie, elle a dû remettre la carte grise du véhicule Nissan, que son fournisseur de véhicules lui a fait des remarques ; qu’en effet, l’impossibilité d’obtenir la restitution des trois véhicules constitue pour DCT un préjudice distinct de celui des créanciers de la procédure à qui elle profite, que par ailleurs, les remarques et invitations pressantes qui lui ont été faites rapportent nécessairement l’existence d’un préjudice d’image dont la faute du dirigeant est à l’origine, qu’il sera fait droit à ses demandes de dommages et intérêts et qu’il lui sera alloué les sommes de 53 477,43 euros et 5 000 euros ;

« 1°) alors qu’un bien vendu avec réserve de propriété n’est pas remis à titre précaire ; qu’en jugeant que M. X… avait commis une faute civile entrant dans la prévention du délit d’abus de confiance aux motifs « qu’il connaissait parfaitement l’existence de la clause de réserve de propriété qui interdisait de revendre les véhicules neufs aussi longtemps que le prix n’en était pas intégralement payé à la DCT » cependant que les véhicules litigieux n’avaient pas été remis à titre précaire à la société Plabauto mais vendus avec réserve de propriété de sorte que la faute imputée à M. X… n’entrait pas dans la prévention du délit d’abus de confiance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

« 2°) alors que l’article 5 du contrat conclu entre la société Delta Car Trade et la société Plabauto dont la cour d’appel a rappelé les termes stipulait qu' »à l’émission de la facture le garagiste devient propriétaire du VN [véhicule neuf] facturé, BCT bénéficiant néanmoins d’une réserve de propriété reconnue par le garagiste (selon l’article 6 ci-dessous) qui reste en vigueur jusqu’au paiement intégral par le garagiste de la facture émis" ; qu’en jugeant que M. X… ne pouvait pas soutenir que le contrat comportait des dispositions incohérentes et qu’il avait ainsi légitimement pu se croire propriétaire des véhicules, la cour d’appel s’est contredite et a ainsi violé les textes susvisés ;

« 3°) alors que l’appel d’un jugement de relaxe par la seule partie civile ne défère à la cour d’appel que l’action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile démontrée à partir et dans les limite de la prévention ; qu’en jugeant qu'« en établissant, comme l’ont révélé les débats devant le tribunal correctionnel, un certificat de cession aux acquéreurs personnes physiques qui faisait état d’un numéro d’immatriculation qui n’existait pas ou était celui d’un autre véhicule sans rapport avec ces ventes, M. X… avait démontré, par cet artifice, qu’il connaissait parfaitement l’existence de la clause de réserve de propriété » quand ces faits n’étaient pas visés dans la citation délivrée à M. X…, la cour d’appel a méconnu l’étendue de saisine, en violation des textes susvisés ;

« 4°) alors qu’en toute hypothèse, le dirigeant social n’engage sa responsabilité à l’égard des tiers que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions ; qu’en se bornant à retenir, pour qualifier le comportement imputé M. X…, de faute séparable de ses fonctions, que ce dernier avait violé une clause de réserve de propriété dont il avait connaissance quand, saisie de la seule action civile en l’état d’un jugement de relaxe devenu définitif, il appartenait à la cour d’appel d’expliquer en quoi le dirigeant avait commis intentionnellement une faute d’une gravité particulière incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société Delta Car Trade a fait citer devant le tribunal correctionnel la société Plabauto, qui exerce l’activité de vente de véhicules automobiles, ainsi que son gérant, M. X…, pour avoir à Plabennec, les 8 juin et 9 août 2013, revendu trois véhicules automobiles achetés auprès de la société DCT, sans avoir préalablement réglé le prix d’achat et alors que, par l’effet d’une clause de réserve de propriété, ces véhicules étaient restés propriété de la société DCT et n’avaient été remis à la société Plabauto et à M. X… qu’à titre précaire ; que le tribunal correctionnel a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite par un jugement en date du 7 octobre 2014 dont la partie civile a interjeté appel ;

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches ;

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les griefs ne sont pas de nature à être admis ;

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches ;

Attendu que, statuant après la relaxe prononcée en première instance, sur le seul appel de la partie civile, pour déclarer M. X…, dirigeant de la société Plabauto, personnellement responsable du préjudice subi par la société DCT, l’arrêt énonce qu’il résulte de la clause de réserve de propriété inscrite dans le contrat d’ouverture de ligne de crédit signé entre le demandeur et la partie civile, qui ne peut donner lieu à interprétation, que le premier ne pouvait vendre les véhicules neufs tant qu’il n’avait pas réglé le prix à la seconde, une mention explicite similaire figurant de façon apparente sur les factures délivrées par celle-ci ; que les juges ajoutent que l’établissement, par M. X…, d’un certificat de cession destiné aux acquéreurs faisant état d’un faux numéro d’immatriculation démontre qu’il avait une parfaite connaissance de l’existence de cette clause, dont la violation constitue une faute séparable de ses fonctions de dirigeant de la société Plabauto engageant sa responsabilité personnelle ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que le grief tiré du défaut d’établissement d’une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales constituant une faute séparable des fonctions de dirigeant social est inopérant, les juges n’ayant pas à s’expliquer sur l’existence d’une telle faute pour caractériser une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, la cour d’appel, qui n’a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq avril deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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