Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 5 décembre 2016, 395086

  • Réglementation des activités économiques·
  • Activités soumises à réglementation·
  • 1) notion de secteur au sens du l·
  • 410-2 du code de commerce)·
  • 410-2 du code de commerce·
  • Réglementation des prix·
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  • Existence

Résumé de la juridiction

Réglementation des prix dans les secteurs où la concurrence par les prix est limitée (art. L. 410-2 du code de commerce) : décret n° 2015-1252 du 7 octobre 2015 relatif aux tarifs des courses de taxis…. ,,1) Il résulte du titre II du livre premier de la troisième partie de la partie législative du code des transports que le législateur a distingué d’une part l’activité de maraude et d’autre part l’activité de transport individuel de personnes sur réservation préalable. Poursuivant des objectifs d’ordre public, notamment de police de la circulation et du stationnement sur la voie publique, le législateur a réservé la première activité aux taxis, qui l’exercent dans un cadre réglementé particulier. La seconde activité peut être exercée, non seulement par les taxis, mais également par d’autres professions, notamment celle de voitures de transport avec chauffeur…. ,,Ces deux activités, qui peuvent être exercées cumulativement par les professionnels titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3120-1, doivent être regardées comme relevant du même secteur, au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce…. ,,2) La situation de monopole des taxis s’agissant de la maraude a pour effet de limiter la concurrence par les prix sur l’ensemble de ce secteur. Dès lors, en application du deuxième alinéa de l’article L. 410-2, le pouvoir réglementaire pouvait déroger au principe de liberté des prix et réglementer les tarifs des courses de taxis, tant sur l’activité de maraude que sur celle de la réservation préalable, alors même que, sur cette dernière activité, les taxis sont en concurrence avec d’autres acteurs soumis à des règles différentes.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 décembre 2015, 7 mars et 7 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT taxis demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1252 du 7 octobre 2015 relatif aux tarifs des courses de taxi ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution ;

 – le code de commerce ;

 – le code des transports ;

 – le code monétaire et financier ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT taxis et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’Union nationale des industries du taxi ;

1. Considérant que l’Union nationale des industries du taxi justifie d’un intérêt suffisant au maintien du décret attaqué ; qu’ainsi son intervention est recevable ;

2. Considérant que la requête de la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT-Taxis est dirigée contre le décret du 7 octobre 2015 relatif aux tarifs des courses de taxi qui remplace le décret du 6 avril 1987 réglementant les tarifs des courses de taxi ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 22 de la Constitution : « Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution » ; que les ministres chargés de l’exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l’exécution des actes en cause ; qu’aucune disposition du décret attaqué n’appelle de mesure d’exécution que le ministre chargé des transports serait compétent pour signer ou contresigner ; que, par ailleurs, le secrétaire d’Etat chargé du commerce et de l’artisanat est placé sous l’autorité du ministre chargé de l’économie et n’exerce les attributions qui lui sont conférées que par délégation de ce ministre qui, au surplus, a contresigné le décret attaqué ; qu’il suit de là que le moyen tiré du défaut de contreseing du ministre chargé des transports et du secrétaire d’Etat chargé du commerce et de l’artisanat doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 410-2 du code de commerce : « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. / Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d’Etat peut réglementer les prix après consultation de l’Autorité de la concurrence / (…) » ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 3121-1 du code des transports : « Les taxis sont des véhicules automobiles (…) dont le propriétaire ou l’exploitant est titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de la clientèle, afin d’effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages. » ; qu’aux termes du II de l’article L. 3120-1 du code des transports : " A moins de justifier de l’autorisation de stationnement mentionnée à l’article L. 3121-1, le conducteur d’un véhicule mentionné au I du présent article ne peut : / 1° Prendre en charge un client sur la voie ouverte à la circulation publique, sauf s’il justifie d’une réservation préalable ; / 2° S’arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique en quête de clients / (…) » ; qu’il résulte notamment de ces dispositions et plus généralement de l’ensemble du titre II du livre premier de la troisième partie de la partie législative du code des transports, consacré aux transports publics particuliers, que le législateur a distingué, d’une part, l’activité consistant à stationner et à circuler sur la voie publique en quête de clients en vue de leur transport, communément désignée sous le terme de « maraude », et, d’autre part, l’activité de transport individuel de personnes sur réservation préalable ; que, poursuivant des objectifs d’ordre public, notamment de police de la circulation et du stationnement sur la voie publique, le législateur a réservé la première activité aux taxis, qui l’exercent dans un cadre réglementé particulier ; que la seconde activité peut être exercée, non seulement par les taxis, mais également par d’autres professions, notamment celle de voitures de transport avec chauffeur ;

6. Considérant que les deux activités décrites au point précédent, qui peuvent être exercées cumulativement par les professionnels titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3120-1, doivent être regardées comme relevant du même « secteur », au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce cité au point 4 ; que la situation de monopole des taxis s’agissant de la « maraude » a pour effet de limiter la concurrence par les prix sur l’ensemble de ce secteur ; que, dès lors, en application du deuxième alinéa de l’article L. 410-2, le pouvoir réglementaire pouvait, ainsi qu’il l’a fait par le décret en Conseil d’Etat attaqué, déroger au principe de liberté des prix et réglementer les tarifs des courses de taxis, tant sur l’activité de « maraude » que sur celle de la réservation préalable, alors même que, sur cette dernière activité, les taxis sont en concurrence avec d’autres acteurs soumis à des règles différentes ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait méconnu les dispositions de l’article L. 410-2 en réglementant les tarifs des courses de taxi y compris sur le marché de la réservation préalable doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 4 du décret attaqué : « Le ministre chargé de l’économie arrête le tarif minimum, majorations et suppléments inclus, susceptible d’être perçu pour une course. / Il peut définir la période d’attente commandée par le client mentionnée à l’article 1er et déterminer les conditions d’application des majorations mentionnées à l’article 1er et des suppléments mentionnés à l’article 2. Il peut également fixer le montant de ces majorations et le prix de ces suppléments. / Par dérogation aux dispositions de l’article 1er, il peut instituer des tarifications forfaitaires pour la desserte de certains lieux ou sites faisant l’objet d’une fréquentation régulière ou élevée. Il détermine les conditions dans lesquelles la variation des forfaits peut s’écarter de celle du tarif de la course type mentionnée à l’article 3. » ;

8. Considérant que, d’une part, le principe de la réglementation des tarifs des courses de taxi, ainsi qu’il a été dit, a pour fondement les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce et ne saurait, par suite, être utilement contesté dans la présente requête au regard de la liberté d’entreprendre ; que, d’autre part, les dispositions du troisième alinéa de l’article 4 du décret attaqué n’imposent par elles-mêmes aucune tarification particulière et se bornent à prévoir la possibilité, pour le ministre chargé de l’économie, d’instituer, par dérogation aux règles de tarification applicables aux taxis, des tarifications forfaitaires maximales pour la desserte de certains lieux ou sites faisant l’objet d’une fréquentation régulière ou élevée ; qu’une telle possibilité, qui concerne un nombre de dessertes nécessairement limité, assure aux consommateurs, notamment dans les lieux fréquentés par des touristes qui n’en sont pas familiers, non seulement la sécurité en ce qui concerne le montant de la dépense, mais aussi la capacité de faire un choix en connaissance de cause entre les différents moyens de transport publics ou privés mis à sa disposition ; qu’en outre, cette possibilité offre un moyen au ministre chargé de l’économie de corriger les déséquilibres entre l’offre et la demande dans certaines zones, dus au fait que la tarification horokilométrique jusqu’alors en vigueur pour tous les trajets incite les taxis à privilégier la desserte de certaines zones au détriment d’autres faisant pourtant l’objet d’une forte demande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué, pris en application des dispositions de l’article L. 410-2 du code de commerce, porterait une atteinte à la liberté d’entreprendre non justifiée par un motif d’intérêt général doit être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, aucune disposition ni aucun principe propre à l’exercice d’une profession réglementée, n’impose que le système de tarification adopté prenne en compte, en toutes circonstances, les frais réellement exposés par les exploitants de taxis pour effectuer la course ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret attaqué, en ce qu’il ne permet pas que soit pris en compte, en toutes circonstances, les frais réellement exposés par les exploitants de taxis pour effectuer la course, serait entaché à ce titre d’une erreur manifeste d’appréciation ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu’il résulte des dispositions du second alinéa de l’article L. 112-12 du code monétaire et financier que l’application par le bénéficiaire d’un paiement de frais pour l’utilisation d’un instrument de paiement donné, en dérogation au principe de droit commun, ne peut être autorisée que par un décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence qui en définit les conditions ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en s’abstenant de prévoir un système de tarification qui tiendrait compte du mode de paiement utilisé par le client des taxis, l’auteur du décret attaqué l’aurait entaché à ce titre également d’une erreur manifeste d’appréciation ;

11. Considérant, enfin, qu’il ressort des pièces du dossier qu’il existait un déséquilibre entre l’offre et la demande de taxis, lié au fait que le système de tarification en vigueur antérieurement au décret attaqué incitait ces derniers à privilégier la recherche de clients dans les gares, les ports et les aéroports, au détriment de certains secteurs de centre-ville où l’offre de taxis était insuffisante ; qu’ainsi, en ne prévoyant pas, comme c’était le cas auparavant, la possibilité d’un supplément de prise en charge dans les gares, les ports et les aéroports, le pouvoir réglementaire a, par le décret attaqué, poursuivi un objectif d’intérêt général visant à rééquilibrer l’offre et la demande de taxis sur le territoire national ; que, par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation à n’avoir pas prévu le supplément en cause doit être écarté ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT taxis doit être rejetée ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’intervention de l’Union nationale des industries du taxi est admise.


Article 2 : La requête de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT taxis est rejetée.


Article 3 : La présente décision sera notifiée à la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT taxis, à l’Union nationale des industries du taxi et au ministre de l’économie et des finances.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

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