Conseil d'État, 1 avril 2022, 462738, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Référence :
CE, 1er avr. 2022, n° 462738
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 462738
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045550830
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2022:462738.20220401

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société par actions simplifiée (SAS) RT France, le syndicat national FO Médias et la fédération FASAP-FO demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de la décision de la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels de rejeter, à compter du 2 mars 2022, les demandes de cartes de presse présentées par les journalistes de RT France ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la condition d’urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, l’atteinte grave et manifestement illégale portée aux libertés d’expression, de communication et de la presse est, par elle-même, constitutive d’une situation d’urgence, en deuxième lieu, la décision de ne plus délivrer de cartes de presse aux journalistes de RT France est de nature à entraver de manière grave et immédiate l’activité de l’ensemble des journalistes de ce service d’information et, en dernier lieu, la décision préjudicie à l’intérêt public qui s’attache à la liberté de la presse dans une société démocratique ;

— la décision contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication des idées et des opinions et à la liberté de la presse ;

— la décision contestée ne saurait être regardée comme la résultante de la décision et du règlement du Conseil de l’Union européenne du 1er mars 2022 interdisant à RT France de diffuser des contenus et est fondée sur les liens qui existent entre RT France et la Fédération de Russie et non sur les comportements individuels des journalistes concernés ;

— elle ne relève pas de la compétence de la commission dont les attributions se bornent à délivrer une carte d’identité de journalistes professionnels aux postulants qui remplissent les conditions fixées par le code du travail ;

— elle méconnaît les dispositions légales et réglementaires présidant à la délivrance de la carte d’identité des journalistes professionnels ;

— elle est empreinte d’une disproportion manifeste en raison de son caractère général et impersonnel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution, et notamment son Préambule ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le règlement (UE) 2022/350 du Conseil du 1er mars 2022 ;

— le code du travail ;

— le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du même code : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

2. La circonstance qu’une atteinte à une liberté fondamentale, portée par une mesure administrative, serait avérée n’est pas de nature, par elle-même, à caractériser l’existence d’une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il appartient au juge des référés d’apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si la condition d’urgence particulière requise par l’article L. 521-2 est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu’il entend défendre mais aussi l’intérêt public qui s’attache à l’exécution des mesures prises par l’administration.

3. La société RT France et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision par laquelle la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels aurait décidé de rejeter, à compter du 2 mars 2022, les demandes de carte de presse présentées par les journalistes de RT France.

4. Pour justifier de l’urgence à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de leur demande en référé, la société RT France et autres soutiennent que la décision contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de la presse et à la liberté de communication, d’expression et d’information. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 2, une telle circonstance ne saurait être de nature, par elle-même, à caractériser l’existence d’une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Ils soutiennent également que cette décision serait de nature à entraver l’activité de l’ensemble des journalistes exerçant pour le compte de la société RT France. Il résulte toutefois de la demande en référé que la diffusion des contenus provenant de RT France a été interdite en application du règlement (UE) 2022/350 du Conseil du 1er mars 2022. Il résulte également des éléments produits par les requérants que la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels a décidé de ne pas révoquer les cartes de presse déjà délivrées aux journalistes de RT France et qu’elle a indiqué que tous les journalistes de RT France ayant formulé une demande de première carte de presse ou de renouvellement avant le 1er mars se verraient délivrer une carte de presse. Dans ces conditions, les requérants ne justifient pas des circonstances particulières de nature à caractériser l’existence d’une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui précède que la requête de RT France et autres doit être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : La requête de la société RT France et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS RT France, premier requérant dénommé.

Fait à Paris, le 1er avril 202Signé : Mathieu Hérondart462738

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