CJCE, Avis 2/00, Avis de la Cour, Avis rendu en vertu de l'article 300 CE, 6 décembre 2001

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Carlos-manuel Alves · Revue Jade

CJUE (Assemblée plénière), 16 mai 2017, avis 2/15 ( accord de libre-échange avec Singapour) C'est peu dire que le libre-échange n'a pas vraiment le vent en poupe en Europe ces derniers mois. Le rejet initial de l'accord avec l'Ukraine par un référendum néerlandais ou encore les péripéties ayant entouré la ratification du CETA sans oublier la chronique d'une mort annoncée du TAFTA attestent de cet état d'esprit. Par conséquent, ce contexte pour le moins délicat sinon délétère a incité la Commission européenne à déposer une demande d'avis en application de l'article 218, § 11 TFUE …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 déc. 2001, Avis 2/00
Numéro(s) : Avis 2/00
Avis de la Cour du 6 décembre 2001.#Avis rendu en vertu de l'article 300 CE.#Protocole de Cartagena - Conclusion - Base juridique - Articles 133 CE, 174, paragraphe 4, CE et 175, paragraphe 1, CE - Organismes vivants modifiés - Protection de l'environnement - Politique commerciale commune.#Avis 2/00.
Date de dépôt : 27 octobre 2000
Précédents jurisprudentiels : 11 juin 1991, Commission/Conseil, C-300/89, Rec. p. I-2867
14 juillet 1994, Peralta, C-379/92
14 juillet 1998, Safety Hi-Tech ( C-284/95
26 mars 1996, Parlement/Conseil, C-271/94
Centro-Com, C-124/95
Commission/Conseil, C-25/94, Rec. p. I-1469
Commission/Conseil, C-269/97
Cour [ voir arrêts du 17 mars 1993, Commission/Conseil, C-155/91
Solution : Procédure d'avis : conformité avec le Traité (avis ou délibérations)
Identifiant CELEX : 62000CV0002
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2001:664
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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62000V0002

Avis de Cour du 6 décembre 2001. – Protocole de Cartagena – Conclusion – Base juridique – Articles 133 CE, 174, paragraphe 4, CE et 175, paragraphe 1, CE – Organismes vivants modifiés – Protection de l’environnement – Politique commerciale commune. – Avis 2/00.


Recueil de jurisprudence 2001 page I-09713


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Dispositif

Mots clés


1. Accords internationaux – Conclusion – Avis préalable de la Cour – Objet – Répartition des compétences entre la Communauté et les États membres – Choix de la base juridique de l’acte de conclusion d’un accord international

(Art. 300, § 6, CE)

2. Accords internationaux – Conclusion – Avis préalable de la Cour – Absence de recours contre l’acte autorisant la signature d’un accord envisagé – Absence d’incidence sur la recevabilité d’une demande d’avis portant sur l’acte de conclusion de l’accord

(Art. 300, § 6, CE)

3. Accords internationaux – Conclusion – Avis préalable de la Cour – Objet – Règlement des difficultés liées à la mise en oeuvre d’un accord envisagé – Exclusion

4. Accords internationaux – Accord relevant pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États membres – Nécessité d’une coopération étroite dans la négociation, la conclusion et l’exécution

5. Actes des institutions – Choix de la base juridique – Critères – Acte communautaire poursuivant une double finalité ou ayant une double composante – Référence à la finalité ou à la composante principale ou prépondérante

6. Accords internationaux – Conclusion – Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques – Instrument relevant principalement de la politique de l’environnement – Base juridique – Article 175, paragraphe 1, CE – Compétence partagée entre la Communauté et ses États membres

(Art. 174, § 4, CE et 175 CE)

Sommaire


1. L’avis de la Cour, au titre de l’article 300, paragraphe 6, CE, peut notamment être recueilli sur les questions qui concernent la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres pour conclure avec des pays tiers un accord déterminé.

À cet égard, le choix de la base juridique appropriée revêt une importance de nature constitutionnelle. En effet, la Communauté ne disposant que de compétences d’attribution, elle doit rattacher un accord international à une disposition du traité qui l’habilite à l’effet d’approuver un tel acte. Le recours à une base juridique erronée est donc susceptible d’invalider l’acte de conclusion lui-même et, partant, de vicier le consentement de la Communauté à être liée par l’accord auquel cette dernière a souscrit. Tel est le cas notamment lorsque le traité ne confère pas à la Communauté une compétence suffisante pour ratifier l’accord dans son ensemble, ce qui revient à examiner la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres pour conclure l’accord envisagé avec des pays tiers, ou encore lorsque la base juridique appropriée dudit acte de conclusion prévoit une procédure législative différente de celle qui a effectivement été suivie par les institutions communautaires. En effet, l’invalidation de l’acte de conclusion de l’accord, en raison de l’erreur de base juridique d’un tel acte, est de nature à créer, tant au niveau communautaire que dans l’ordre juridique international, des complications que la procédure exceptionnelle de saisine préalable de la Cour, prévue à l’article 300, paragraphe 6, CE, a précisément pour objet de prévenir.

(voir points 3, 5-6)

2. L’acte autorisant la signature d’un accord international et celui qui en prononce la conclusion constituent deux actes juridiques distincts entraînant des obligations fondamentalement distinctes pour les parties intéressées, le second ne constituant nullement la confirmation du premier. Dans ces conditions, l’absence de recours en annulation dirigé contre le premier acte susmentionné ne fait pas obstacle à l’introduction d’un tel recours à l’encontre de l’acte portant conclusion de l’accord envisagé ni ne rend irrecevable une demande d’avis soulevant la question de la compatibilité de celui-ci avec le traité. En tout état de cause, la circonstance que certaines questions sont susceptibles d’être abordées dans le cadre d’autres voies de recours, et notamment d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, ne constitue pas un argument permettant d’exclure que la Cour puisse être saisie à titre préalable en vertu de l’article 300, paragraphe 6, CE.

(voir points 11-12)

3. La procédure de l’article 300, paragraphe 6, CE, n’a pas pour objet de régler les difficultés liées à la mise en oeuvre d’un accord envisagé qui relèverait de compétences partagées entre la Communauté et les États membres.

(voir point 17)

4. Lorsqu’il apparaît que la matière d’un accord international relève pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États membres, il importe d’assurer une coopération étroite entre ces derniers et les institutions communautaires tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés. Cette obligation de coopération découle de l’exigence d’une unité de représentation internationale de la Communauté.

(voir point 18)

5. Dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d’un acte, y compris celui adopté en vue de la conclusion d’un accord international, ne résulte pas de la seule conviction de son auteur, mais doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte. Si l’examen d’un acte communautaire démontre qu’il poursuit une double finalité ou qu’il a une double composante et si l’une de celles-ci est identifiable comme principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante. À titre exceptionnel, s’il est établi que l’acte poursuit à la fois plusieurs objectifs, qui sont liés d’une façon indissociable, sans que l’un soit second et indirect par rapport à l’autre, un tel acte pourra être fondé sur les différentes bases juridiques correspondantes.

(voir points 22-23)

6. À supposer même que les procédures de contrôle instaurées par le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques soient appliquées le plus souvent ou, à tout le moins, en termes de valeur marchande, de façon prépondérante aux échanges commerciaux d’organismes vivants modifiés, il n’en reste pas moins que ce protocole est, au regard de son contexte, de sa finalité et de son contenu, un instrument destiné essentiellement à prévenir les risques biotechnologiques et non à promouvoir, à faciliter ou à régir les échanges commerciaux. La circonstance que de nombreux accords internationaux en matière de commerce poursuivent des objectifs multiples et l’interprétation large de la notion de politique commerciale commune, telle qu’elle résulte de la jurisprudence de la Cour, ne sont pas de nature à remettre en cause la constatation selon laquelle le protocole est un instrument relevant principalement de la politique de l’environnement, même si les mesures de prévention sont susceptibles d’affecter les échanges commerciaux concernant les organismes vivants modifiés.

Il en découle que la conclusion du protocole, au nom de la Communauté, doit être fondée sur une base juridique unique, qui soit spécifique à la politique de l’environnement.

Le protocole de Cartagena ne se bornant pas à fixer des «modalités de coopération» en matière de protection de l’environnement, mais établissant notamment des règles précises relatives aux procédures de contrôle en matière de mouvements transfrontières, d’évaluation et de gestion des risques, de manipulation, de transport, d’emballage et d’identification des organismes vivants modifiés, l’article 175, paragraphe 1, CE est la base juridique appropriée pour la conclusion de ce protocole au nom de la Communauté.

Par ailleurs, l’harmonisation réalisée sur le plan communautaire, dans le domaine d’application du protocole, ne couvrant que très partiellement un tel domaine, la Communauté et ses États membres ont une compétence partagée pour conclure le protocole.

(voir points 37, 40, 42-44, 46-47)

Parties


La Cour de justice a été saisie d’une demande d’avis, déposée au greffe de la Cour le 27 octobre 2000, présentée par la Commission des Communautés européennes au titre de l’article 300, paragraphe 6, CE, aux termes duquel:

«Le Conseil, la Commission ou un État membre peut recueillir l’avis de la Cour de justice sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les dispositions du présent traité. L’accord qui a fait l’objet d’un avis négatif de la Cour de justice ne peut entrer en vigueur que dans les conditions fixées à l’article 48 du traité sur l’Union européenne.»

Table des matières

I – Exposé du contexte de la demande d’avis I – 2

A – La convention sur la diversité biologique I – 2

B – Le protocole de Cartagena I – 3

II – Les questions de la Commission et la procédure devant la Cour I – 6

A – Les questions de la Commission I – 6

B – La procédure devant la Cour I – 6

III – Les observations des États membres et des institutions I – 7

A – Sur la recevabilité de la demande I – 7

B – Sur le fond I – 10

1. Résumé I – 10

2. Développement I – 11

Prise de position de la Cour I – 34

I – Sur la recevabilité de la demande I – 34

II – Sur le fond I – 38

Motifs de l’arrêt


I – Exposé du contexte de la demande d’avis

A – La convention sur la diversité biologique

La convention sur la diversité biologique (ci-après la «convention») a été signée le 5 juin 1992 par la Communauté économique européenne et ses États membres, lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED), dite «Sommet de la Terre», qui s’est tenue à Rio de Janeiro (Brésil), et a été approuvée, au nom de la Communauté, par la décision 93/626/CEE du Conseil, du 25 octobre 1993 (JO L 309, p. 1). Cette décision a été adoptée sur le fondement de l’article 130 S du traité CE (devenu, après modification, article 175 CE).

Les objectifs de la convention, tels qu’ils figurent à l’article 1er de celle-ci, sont «la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques […]».

À ces fins, la convention impose, notamment, les obligations suivantes aux parties contractantes:

— l’élaboration de stratégies, de plans ou de programmes nationaux pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et l’intégration de ces éléments dans leurs plans, programmes et politiques pertinents (article 6);

— l’identification et la surveillance des éléments constitutifs de la diversité biologique et des facteurs de risque (article 7);

— l’adoption de mesures de conservation in situ et ex situ (articles 8 et 9);

— l’adoption de mesures favorisant l’utilisation durable des éléments constitutifs de la diversité biologique, la recherche et la formation scientifiques, l’éducation et la sensibilisation du public, les études d’impact de projets sur la diversité biologique, l’accès aux ressources génétiques et à la technologie (y compris la biotechnologie), ainsi que l’échange d’informations et la coopération technique et scientifique (articles 10 à 18).

L’article 19, paragraphe 3, de la convention dispose:

«Les parties examinent s’il convient de prendre des mesures et d’en fixer les modalités, éventuellement sous forme d’un protocole, comprenant notamment un accord préalable donné en connaissance de cause définissant les procédures appropriées dans le domaine du transfert, de la manutention et de l’utilisation en toute sécurité de tout organisme vivant modifié résultant de la biotechnologie qui risquerait d’avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.»

Par ailleurs, aux termes de l’article 34 de la convention:

«1. La présente convention et ses protocoles sont soumis à la ratification, à l’acceptation ou à l’approbation des États membres et des organisations régionales d’intégration économique. […]

2. Toute organisation visée au paragraphe 1 qui devient partie à la présente convention ou à l’un quelconque de ses protocoles et dont aucun État membre n’est lui-même partie contractante est liée par toutes les obligations énoncées dans la convention ou dans le protocole considéré, selon le cas. Lorsqu’un ou plusieurs États membres d’une de ces organisations sont parties à la convention ou à un protocole, l’organisation et ses États membres conviennent de leurs responsabilités en ce qui concerne l’exécution de leurs obligations en vertu de la convention ou du protocole, selon le cas. En tel cas, l’organisation et ses États membres ne sont pas habilités à exercer concurremment leurs droits au titre de la convention ou du protocole.

3. Dans leurs instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation, les organisations visées au paragraphe 1 indiquent l’étendue de leurs compétences dans les domaines régis par la convention ou par le protocole considéré. Elles informent également le dépositaire de toute modification pertinente de l’étendue de ces compétences.»

B – Le protocole de Cartagena

La Conférence des parties à la convention a adopté, le 17 novembre 1997, la décision II/5 donnant mandat à ces dernières de négocier un protocole «portant expressément sur les mouvements transfrontières d’organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne pouvant avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, et envisageant, en particulier, une procédure appropriée d’accord préalable en connaissance de cause».

Ces négociations ont abouti à l’adoption, le 29 janvier 2000, à Montréal (Canada), du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques (ci-après le «protocole»), lequel a été ouvert à la signature à Nairobi (Kenya) le 15 mai suivant et signé au nom de la Communauté européenne et des États membres le 24 mai 2000.

Le protocole comporte quarante articles et trois annexes.

Aux termes de l’article 1er du protocole:

«Conformément au principe de précaution consacré par le Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, l’objectif du présent protocole est de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, et comporter également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l’accent sur les mouvements transfrontières.»

Le principe 15 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement prévoit:

«Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement».

Selon l’article 4 du protocole, et sous réserve de dispositions particulières concernant les produits pharmaceutiques et les organismes vivants modifiés (ci-après les «OVM») en transit ou destinés à être utilisés en milieu confiné (voir articles 5 et 6 dudit protocole), celui-ci «s’applique aux mouvements transfrontières, au transit, à la manipulation et à l’utilisation de tout organisme vivant modifié qui pourrait avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, et comporter également des risques pour la santé humaine».

L’article 2, paragraphe 2, du protocole dispose:

«Les Parties veillent à ce que la mise au point, la manipulation, le transport, l’utilisation, le transfert et la libération de tout organisme vivant modifié se fassent de manière à prévenir ou à réduire les risques pour la diversité biologique, en tenant compte également des risques pour la santé humaine.»

À cet effet, ledit protocole instaure différentes procédures de contrôle, en particulier la «procédure d’accord préalable en connaissance de cause» (articles 7 à 10 et 12), la «procédure à suivre pour les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés directement pour l’alimentation humaine ou animale, ou à être transformés» (article 11) et la «procédure simplifiée» (article 13).

D’autres dispositions du protocole ont trait à l’évaluation et à la gestion des risques associés à l’utilisation, à la manipulation et aux mouvements transfrontières d’OVM (articles 15 et 16), aux mouvements transfrontières non intentionnels et aux mesures d’urgence (article 17), ainsi qu’à la manipulation, au transport, à l’emballage et à l’identification des OVM (article 18).

L’article 19 du protocole porte sur la désignation des autorités nationales compétentes et des correspondants nationaux, ainsi que sur la diffusion de ces informations par le secrétariat; l’article 20 prévoit un système d’échange d’informations, crée un Centre d’échange pour la prévention des risques biotechnologiques et définit ses tâches; l’article 21 a trait à la protection de la confidentialité des informations communiquées en application des procédures prévues par ledit protocole; l’article 22 dispose que les parties coopèrent au développement et au renforcement des ressources humaines et des capacités institutionnelles dans le domaine de la prévention des risques biotechnologiques dans les pays en développement qui sont parties audit protocole; l’article 23 prévoit que les parties encouragent et facilitent la sensibilisation et la participation du public; l’article 24 porte sur les relations des parties avec les États qui ne sont pas parties au protocole; l’article 25 traite des mouvements transfrontières illicites et prévoit l’adoption par les parties de mesures de prévention et de répression; l’article 26 permet aux parties de tenir compte des incidences socio-économiques de l’impact des OVM sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique; l’article 27 envisage l’élaboration de règles et de procédures internationales en matière de responsabilité et de réparation pour les dommages résultant de mouvements transfrontières d’OVM; quant à l’article 28, il concerne le mécanisme de financement du protocole et les ressources financières destinées à l’application de celui-ci.

Le protocole contient également des dispositions de nature institutionnelle: ainsi, l’article 29 a trait à la «Conférence des Parties», l’article 30, aux organes subsidiaires et l’article 31, au secrétariat.

L’article 32 du protocole dispose que, «[s]auf mention contraire dans le présent Protocole, les dispositions de la Convention relatives à ses protocoles s’appliquent au présent instrument».

Les articles 33 et 34 dudit protocole concernent le respect des obligations par les parties (établissement de rapports, approbation de procédures et mécanismes de coopération). Une évaluation périodique de l’efficacité du protocole par la Conférence des parties est prévue à l’article 35.

Les articles 36 à 40 du protocole contiennent les dispositions finales relatives à la signature, à l’entrée en vigueur, à l’impossibilité de faire des réserves, à la dénonciation dudit protocole et aux textes de celui-ci faisant foi.

II – Les questions de la Commission et la procédure devant la Cour

A – Les questions de la Commission

Avant de saisir le Conseil d’une proposition de décision portant conclusion du protocole, la Commission, représentée par MM. A. Rosas et G. zur Hausen, ainsi que par Mme M. Afonso, en qualité d’agents, a fait parvenir à la Cour, au titre de l’article 300, paragraphe 6, CE, une demande d’avis relative au choix de la base juridique la plus appropriée à cet effet, eu égard aux divergences de vue qui sont apparues entre la Commission et le Conseil lors de la discussion et de l’adoption par ce dernier de la décision autorisant la signature, au nom de la Communauté, dudit protocole. Alors que la proposition de la Commission était fondée sur les articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE, en liaison avec l’article 300, paragraphe 2, premier alinéa, CE, le Conseil a adopté à l’unanimité, le 15 mai 2000, ladite décision sur le fondement du seul article 175, paragraphe 1, CE, en liaison avec la disposition susmentionnée de l’article 300 CE.

Considérant que l’élimination de l’article 133 CE de la base juridique de la décision portant conclusion du protocole porterait atteinte à la compétence externe attribuée par le traité CE à la Communauté en matière de politique commerciale commune, la Commission a décidé de poser à la Cour les questions suivantes:

«1) Les articles 133 et 174, paragraphe 4, en liaison avec les dispositions pertinentes de l’article 300 du traité CE, constituent-ils la base juridique appropriée de l’acte de conclusion, par la Communauté européenne, du protocole de Cartagena sur la biosécurité?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, les compétences que les États membres retiennent dans le domaine de la protection de l’environnement, et qui peuvent justifier leur participation au protocole de Cartagena sur la biosécurité, ont-elles un caractère résiduel par rapport à la compétence prédominante de la Communauté pour assumer des engagements internationaux quant aux matières traitées dans ce protocole?»

B – La procédure devant la Cour

Conformément à l’article 107, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’avis a été signifiée au Conseil de l’Union européenne, au Parlement européen et aux États membres. Des observations ont été présentées par:

— le gouvernement danois, représenté par M. J. Molde, en qualité d’agent,

— le gouvernement hellénique, représenté par Mme E. Samoni-Rantou ainsi que par MM. G. Karipsiadis et P. Patronos, en qualité d’agents,

— le gouvernement espagnol, représenté par Mme R. Silva de Lapuerta, en qualité d’agent,

— le gouvernement français, représenté par MM. R. Abraham, D. Colas et G. de Bergues, en qualité d’agents,

— le gouvernement italien, représenté par M. U. Leanza et Mme M. C. Ciciriello, en qualité d’agents,

— le gouvernement autrichien, représenté par M. H. Dossi, en qualité d’agent,

— le gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. J. E. Collins, en qualité d’agent, assisté de M. R. Plender, QC,

— le Parlement européen, représenté par MM. R. Passos et K. Bradley, en qualité d’agents,

— le Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J. P. Jacqué, R. Gosalbo Bono et G. Houttuin, en qualité d’agents.

III – Les observations des États membres et des institutions

A – Sur la recevabilité de la demande

Pour justifier la saisine de la Cour, la Commission rappelle que, en vertu de l’article 34 de la convention, la Communauté a l’obligation d’indiquer l’étendue de ses compétences dans les domaines régis par le protocole lorsqu’elle dépose l’instrument d’approbation. Par conséquent, la proposition de décision portant conclusion dudit protocole, que la Commission soumettra au Conseil conformément à l’article 300, paragraphe 2, CE, devra comporter une déclaration sur les compétences de la Communauté, laquelle indiquera, le cas échéant, les domaines régis par le protocole relevant de la compétence exclusive de la Communauté, tels que le domaine couvert par l’article 133 CE.

La Commission reconnaît que le débat sur la base juridique n’a pas de conséquences sur la procédure interne applicable, y compris en ce qui concerne la participation du Parlement à celle-ci. En effet, que la décision portant conclusion par la Communauté du protocole soit prise sur la base de l’article 175, paragraphe 1, CE ou qu’elle soit fondée sur les articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE, le Conseil statue, dans les deux hypothèses, à la majorité qualifiée et après consultation ou éventuellement avis conforme du Parlement (voir article 300, paragraphe 3, deuxième alinéa, CE). Toutefois, la réponse de la Cour aux questions soulevées permettra, selon la Commission, de créer un cadre de certitude juridique dans la gestion dudit protocole, notamment lors de l’exercice du droit de vote (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 1996, Commission/Conseil, C-25/94, Rec. p. I-1469).

La Commission ajoute que l’exercice d’une compétence partagée suscite toujours des difficultés à cet égard. En effet, pour que les institutions soient en mesure d’établir les positions à prendre au nom de la Communauté dans les instances prévues par le protocole, les États membres doivent reconnaître qu’ils ne sont plus compétents, individuellement ou même collectivement, pour agir dans les domaines concernés. Conformément à l’article 31, paragraphe 2, de la convention, applicable audit protocole en vertu de l’article 32 de celui-ci, «[l]es organisations régionales d’intégration économique disposent, pour exercer leur droit de vote dans les domaines qui relèvent de leur compétence, d’un nombre de voix égal au nombre de leurs États membres qui sont parties à la convention ou au protocole considéré. Elles n’exercent pas leur droit de vote si leurs États membres exercent le leur, et inversement».

Les gouvernements espagnol et français, ainsi que le Conseil, contestent la recevabilité de la demande au regard des conditions prévues à l’article 300, paragraphe 6, CE.

Le gouvernement espagnol fait valoir que, selon cette disposition, l’avis de la Cour peut être recueilli sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les dispositions du traité. Il résulterait des avis de la Cour, d’une part, que cette compatibilité peut dépendre non seulement des règles de fond, mais également de celles relatives à la compétence, à la procédure ou à l’organisation institutionnelle de la Communauté (voir avis 1/75, du 11 novembre 1975, Rec. p. 1355, 1360; 1/76, du 26 avril 1977, Rec. p. 741, point 10, et 1/78, du 4 octobre 1979, Rec. p. 2871, point 30), et, d’autre part, que l’avis de la Cour peut notamment être recueilli sur les questions de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres (avis 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I-5267, point 9).

Or, en l’espèce, la Commission ne demanderait pas à la Cour de se prononcer sur la compatibilité du protocole avec le traité ni sur la répartition des compétences entre la Communauté et ses États membres au regard dudit protocole, mais elle souhaiterait simplement savoir quelle est la base juridique appropriée pour adopter celui-ci.

Le gouvernement français doute également que les questions posées par la Commission entrent bien dans les prévisions de l’article 300, paragraphe 6, CE, tel qu’interprété par la Cour. Celle-ci s’est déclarée compétente pour examiner la compatibilité d’un traité au regard des difficultés susceptibles de découler des modalités d’adoption choisies pour l’accord en question.

Or, s’agissant de la première question, la Commission ne conteste ni que la Communauté soit compétente pour conclure le protocole ni que les États membres conservent des compétences suffisantes pour justifier de leur participation audit protocole aux côtés de la Communauté. La question porte uniquement sur la base juridique sur laquelle la Communauté est susceptible de conclure ledit protocole. Telle qu’elle est posée, la première question ne se prêterait donc pas à un avis négatif de la Cour.

Certes, une erreur de base juridique constitue un vice de procédure pouvant entraîner l’invalidité de la décision relative à la conclusion du protocole à l’occasion d’un recours en annulation ou d’une question préjudicielle. Selon le gouvernement français, une telle hypothèse semble couverte par celle de l'«incompatibilité d’un accord avec le traité au vu de la procédure adoptée pour sa conclusion» (avis 3/94, du 13 décembre 1995, Rec. p. I-4577, point 17).

Toutefois, tel ne saurait être le cas en l’espèce, dès lors que, même en cas de cumul des bases juridiques, la procédure des articles 174 CE ou 175 CE serait appliquée, car elle serait la plus protectrice des prérogatives du Parlement.

S’agissant de la seconde question, le gouvernement français considère qu’elle se borne à soulever un problème théorique portant sur la reconnaissance, en droit communautaire, des concepts nouveaux de «compétence prépondérante» de la Communauté et de «compétence résiduelle» des États membres. Le gouvernement français ne voit pas la raison pour laquelle la reconnaissance ou non du caractère résiduel de la compétence des États membres remettrait en cause la compatibilité du protocole avec le traité ni en quoi la procédure de révision du traité serait concernée par une éventuelle réponse de la Cour à cette question.

Le Conseil soutient une position similaire. Il ajoute que l’objectif recherché par la Commission serait d’étendre au domaine de l’environnement la compétence exclusive que détient la Communauté au titre de la politique commerciale commune, en faisant abstraction des dispositions spécifiques des traités relatives à l’environnement, et ce afin d’éviter les difficultés d’ordre pratique qui résultent de la conclusion d’accords mixtes. Or, une telle argumentation ne saurait fonder une compétence exclusive de la Communauté.

Le Conseil se demande alors si l’objectif recherché par la Commission n’aurait pas pu être atteint par un recours en annulation, introduit au titre de l’article 230 CE, à l’encontre de la décision de signature du protocole. Certes, la Cour a indiqué dans l’avis 2/92, du 24 mars 1995 (Rec. p. I-521, point 14), que le fait que certaines questions soient susceptibles d’être abordées dans le cadre d’autres voies contentieuses n’était pas de nature à exclure un examen préalable de celles-ci sur la base de l’article 300 CE. Toutefois, admettre en l’espèce la demande de la Commission reviendrait à éluder les conditions de délai pour former un recours en annulation, lequel aurait dû être introduit à l’encontre de la décision de signature dudit protocole le 15 juillet 2000 au plus tard, alors que la demande d’avis a été présentée le 23 octobre suivant.

Le Parlement, en revanche, soutient expressément que la demande d’avis est recevable.

Il constate que, en l’occurrence, le choix de la base juridique influe sur la nature juridique de la compétence de la Communauté et, de ce fait, sur la répartition des compétences entre cette dernière et les États membres. Lorsque la Communauté agit au titre de la politique commerciale commune, sa compétence serait exclusive, alors que, en matière de protection de l’environnement, elle serait partagée avec celle des États membres. Or, il est bien établi que «l’avis de la Cour, au titre de l’article [300, paragraphe 6, CE], peut être notamment recueilli sur les questions qui […] concernent la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres» (avis 2/92, précité, point 13).

En outre, même si le choix de la base juridique n’affectait pas la nature de la compétence de la Communauté, mais uniquement la procédure à suivre pour l’adoption de l’acte de conclusion d’un accord, la Cour serait également compétente pour trancher cette question au titre de l’article 300, paragraphe 6, CE.

Selon le Parlement, le choix de la base juridique d’un accord international est susceptible de rejaillir sur la compatibilité de celui-ci avec le traité et, de ce fait, il peut être examiné dans le cadre d’un avis rendu par la Cour conformément à l’article 300, paragraphe 6, CE. Il serait clair que, si la décision du Conseil portant conclusion du protocole était annulée par la suite, au motif qu’elle aurait été fondée sur une base juridique erronée, une telle situation créerait exactement le genre de complications que l’instauration de la procédure d’avis préalable est censée prévenir.

B – Sur le fond

1. Résumé

La Commission soutient, d’une part, que les articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE, en liaison avec les dispositions pertinentes de l’article 300 CE, forment la base juridique appropriée pour la conclusion, par la Communauté, du protocole et, d’autre part, que cette dernière détient, dans les domaines couverts par ledit protocole, une compétence prépondérante par rapport aux compétences que les États membres conservent en matière de protection de l’environnement.

Les gouvernements des États membres ayant déposé des observations écrites ainsi que le Conseil estiment, en revanche, qu’il y a lieu de se fonder sur l’article 175, paragraphe 1, CE. Dans ces conditions, il n’y aurait pas lieu de répondre à la seconde question.

Le Parlement soutient également que l’article 175, paragraphe 1, CE constitue la base juridique appropriée de l’acte de conclusion du protocole. Toutefois, dans la mesure où celui-ci aurait des effets significatifs sur le commerce des OVM, il serait pertinent de viser également l’article 133 CE.

2. Développement

La Commission considère que la conclusion du protocole relève, pour l’essentiel, en raison de son but et de son contenu, de la compétence exclusive de la Communauté au titre de l’article 133 CE. La défense efficace de l’intérêt global de la Communauté et, partant, l’intérêt de tous les États membres commanderaient que ledit protocole soit conclu sur le fondement de cette disposition.

Toutefois, dans la mesure où ledit protocole traiterait certaines matières non couvertes par la politique commerciale commune, sans que les dispositions en cause puissent être considérées comme accessoires au sens de la jurisprudence de la Cour, la compétence de la Communauté pour assumer les obligations internationales correspondantes serait fondée sur l’article 174, paragraphe 4, CE.

Quant aux compétences que les États membres conservent pour édicter des règles nationales et souscrire des engagements internationaux dans les matières visées par le protocole, elles auraient un caractère résiduel par rapport à la compétence prépondérante de la Communauté. La participation des États membres audit protocole devrait donc être comprise comme étant limitée à l’exercice de ces seules compétences; en réalité, seraient uniquement visées les dispositions concernant l’application de conditions de sécurité à la mise au point, au transport, à l’utilisation, au transfert et à la libération de tout OVM, en dehors du commerce international, et celles concernant les mouvements transfrontières non intentionnels d’OVM. À cet égard, la Commission relève que, selon l’article 174, paragraphe 4, CE, la compétence de la Communauté pour coopérer et conclure des accords avec des pays tiers et des organisations internationales ne préjuge pas la compétence externe des États membres.

Ainsi, la Commission considère comme juridiquement justifié le recours à une double base juridique, à savoir les articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE, tout en n’excluant pas, a priori, la participation des États membres au protocole. Toutefois, il devrait être clair, lors du dépôt de la déclaration de compétence et dans le cadre de la gestion dudit protocole, que la Communauté détient une compétence exclusive sur l’essentiel des matières en cause, au titre de l’article 133 CE, les États membres conservant des compétences concurrentes uniquement pour un nombre limité de questions, à savoir celles qui n’affectent pas les échanges d’OVM entre la Communauté et les États tiers.

S’agissant, plus précisément, de la portée de l’article 133 CE, la Commission se réfère à la jurisprudence de la Cour qui, depuis longtemps, aurait retenu une interprétation large de la notion de politique commerciale commune (voir avis 1/78, précité, point 45). La circonstance qu’une réglementation du commerce international de certains produits poursuive, à titre principal, des objectifs d’ordre non commercial – tels que la protection de l’environnement ou de la santé humaine, la coopération au développement, des objectifs de politique étrangère et de sécurité, ou encore de politique agricole – ne saurait avoir pour conséquence d’exclure la compétence exclusive de la Communauté et de justifier le recours, par exemple, à l’article 175 CE. En réalité, les mesures de réglementation du commerce international poursuivent souvent des objectifs multiples et divers, ce qui n’impliquerait pas qu’elles doivent être adoptées sur la base des différentes dispositions du traité poursuivant ces objectifs.

En effet, selon une jurisprudence constante, dès lors que les mesures en cause tendent spécifiquement à réglementer le commerce international et donc à régir les échanges extérieurs de la Communauté, elles relèvent du domaine de la politique commerciale commune, même si elles poursuivent des objectifs multiples, et la Communauté serait seule compétente pour les adopter, sans qu’il soit nécessaire de déterminer l’objectif qui prévaut ou le «centre de gravité» des mesures en question [voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 1990, Grèce/Conseil, C-62/88, Rec. p. I-1527, points 17 à 20 (ci-après l'«arrêt Tchernobyl»); du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, points 16 à 20; du 17 octobre 1995, Werner, C-70/94, Rec. p. I-3189, points 8 à 11, et Leifer e.a., C-83/94, Rec. p. I-3231, points 8 à 11, et du 14 janvier 1997, Centro-Com, C-124/95, Rec. p. I-81, points 26 à 29, ainsi que les avis précités 1/78, points 41 à 46, et 1/94, points 28 à 31].

L’article 6 CE serait pleinement en harmonie avec cette jurisprudence. En effet, en vertu de cette disposition, les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et des actions visées à l’article 3 CE. Plusieurs initiatives récentes de la Commission témoigneraient ainsi de l’importance que cette institution attache à l’intégration des préoccupations d’ordre non commercial, en particulier des questions relatives à la protection de l’environnement et de la santé publique, dans la politique économique et commerciale de la Communauté. La Commission ajoute que des considérations d’ordre non commercial sont, d’ailleurs, d’ores et déjà reconnues et intégrées dans l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (ci-après l'«accord OMC») et ses annexes, notamment à l’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après le «GATT»), dans l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (ci-après l'«accord SPS») et dans l’accord sur les barrières techniques au commerce (ci-après l'«accord BTC»), sans que la Cour ait pourtant écarté, au point 34 de son avis 1/94, précité, la compétence exclusive de la Communauté pour conclure, au titre de l’article 113 du traité CE (devenu, après modification, article 133 CE), l’ensemble des accords multilatéraux relatifs au commerce des marchandises.

Par ailleurs, la Cour aurait déjà constaté que l’article 133 CE demeure la base juridique appropriée pour la conclusion par la Communauté des accords relatifs au commerce international de produits, indépendamment de la question de savoir sur quelle base juridique doivent être adoptées les mesures d’exécution interne de tels engagements. Ainsi, les mesures d’exécution interne d’engagements internationaux pris au titre de l’article 133 CE et touchant au domaine agricole sont fondées sur l’article 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE) (voir avis 1/94, précité, point 29). L’absence d’harmonisation complète sur le plan intracommunautaire dans un domaine couvert par les engagements internationaux pris par la Communauté n’exclurait pas non plus le recours au seul article 133 CE, dès lors que l’accord en question a pour objet d’éliminer des obstacles non nécessaires au commerce international de marchandises (avis 1/94, précité, points 30 à 33).

Compte tenu de la multiplication des accords qui posent des restrictions au commerce international en réponse à des préoccupations dites non commerciales, le recours à d’autres bases juridiques aurait pour résultat de vider de son contenu l’article 133 CE et de porter atteinte à la cohérence de la politique de la Communauté à l’égard de ses partenaires commerciaux, ainsi qu’à l’intérêt global de la Communauté, du fait de la participation à ce type d’accords de tous les États membres ou d’une partie de ces derniers.

Enfin, s’agissant des dispositions du protocole dont l’objet sortirait du cadre de la réglementation du commerce international d’OVM, la Commission conteste que l’arrêt du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech (C-284/95, Rec. p. I-4301, point 43), implique le recours à l’article 175, paragraphe 1, CE plutôt qu’à l’article 174, paragraphe 4, CE. Cette dernière disposition attribuerait explicitement à la Communauté une compétence pour conclure des accords internationaux dans le domaine de l’environnement. La Commission fait valoir que, en ce qui concerne les règles de procédure applicables, cette disposition renvoie à l’article 300 CE.

Les États membres ne resteraient compétents, conformément à l’article 174, paragraphe 4, CE, pour négocier et conclure des accords internationaux, dans le domaine de la protection de l’environnement, que si ces derniers constituent des mesures de protection renforcées compatibles avec le traité et notifiées à la Commission. Le strict respect de ces conditions serait indispensable pour assurer l’unité du marché commun et l’application uniforme du droit communautaire.

En conclusion, la Commission demande à la Cour de donner une réponse affirmative aux deux questions qu’elle a posées.

Le gouvernement danois soutient que l’article 175, paragraphe 1, CE, combiné avec les dispositions pertinentes de l’article 300 CE, constitue la base juridique idoine et suffisante pour la conclusion du protocole par la Communauté.

Il renvoie, à cet égard, en citant plusieurs exemples, à la pratique antérieure du Conseil quant au choix de la base juridique en vue de la conclusion d’accords en matière d’environnement, tout en étant conscient du fait que cela ne constitue pas, en soi, un argument décisif. Selon ledit gouvernement, le Conseil se serait systématiquement fondé sur l’article 130 S du traité ou sur le paragraphe 1 de cette disposition, sauf dans un cas isolé, en écartant les propositions différentes de la Commission.

Cette pratique serait conforme à la jurisprudence de la Cour [voir arrêts du 17 mars 1993, Commission/Conseil, C-155/91, Rec. p. I-939 (ci-après l'«arrêt directive déchets»), et du 28 juin 1994, Parlement/Conseil, C-187/93, Rec. p. I-2857], laquelle aurait pris en compte l’objet principal de l’acte en cause, qui est la protection de l’environnement, alors que l’harmonisation des conditions du marché à l’intérieur de la Communauté constitue l’objectif accessoire d’un tel acte.

Selon le gouvernement danois, pour déterminer la base juridique appropriée de l’acte portant conclusion du protocole, il convient, conformément à la jurisprudence constante, de vérifier si, tant par son objectif que par son contenu, ledit protocole concerne surtout le domaine de l’environnement ou si les aspects commerciaux y jouent un rôle équivalent ou, éventuellement, plus important.

À cet égard, le gouvernement danois fait valoir que le protocole fait partie d’un ensemble de mesures prises par la communauté internationale pour protéger et préserver la diversité biologique. En particulier, la convention est un accord portant essentiellement sur l’environnement et auquel la Communauté a adhéré sur la base de l’article 130 S, paragraphe 1, du traité (voir, en ce sens, le préambule du protocole et ses articles 1er et 4).

Si le protocole met l’accent, à son article 1er, sur les mouvements transfrontières, c’est en raison de la constatation que les conditions biologiques varient sensiblement d’un État à l’autre, que les différences dans le niveau de développement des États en matière de biotechnologie moderne comportent des menaces particulières pour la biodiversité et parce que la réglementation des risques liés aux OVM serait incomplète s’il n’y avait pas de règles régissant les mouvements transfrontières. Aussi, ne serait-ce pas la quantité ou la valeur des OVM faisant l’objet de tels mouvements qui a été déterminante lors de l’élaboration du protocole, mais bien les risques potentiels pour la diversité biologique. Il serait d’ailleurs dans la nature d’un accord multilatéral en matière d’environnement de mettre l’accent davantage sur les aspects transfrontières que sur les aspects nationaux. La complexité de la matière en cause expliquerait également le nombre élevé d’articles concernant spécifiquement les mouvements transfrontières. Toutefois, cela ne signifierait pas que les autres dispositions du protocole ont un caractère purement accessoire.

La réglementation des mouvements transfrontières des OVM, qui n’aurait d’ailleurs pas de finalité commerciale, ne constituerait donc pas le contenu principal du protocole. Celui-ci serait principalement un accord en matière d’environnement visant à réglementer les risques pour la biodiversité et la santé humaine liés aux OVM.

Le gouvernement danois ne nie pas pour autant que la jurisprudence de la Cour a reconnu un large champ d’application à l’article 133 CE et que la politique commerciale commune ne couvre pas seulement les instruments classiques de politique commerciale. Toutefois, il devrait toujours s’agir d’instruments liés à une réglementation visant à promouvoir ou à faciliter le commerce. Le fait que le traité, dans sa version actuellement en vigueur, prévoit que la protection de l’environnement doit être intégrée aux autres politiques communautaires ne saurait aucunement être interprété en ce sens qu’il convient d’utiliser dans une moindre mesure qu’auparavant ses dispositions relatives à l’environnement comme base juridique pour les accords qui, par leur objectif et leur contenu, sont principalement des accords en matière d’environnement.

Quant à l’article 174, paragraphe 4, CE, le gouvernement danois soutient qu’il ne peut servir de base juridique pour la conclusion d’accords internationaux en matière d’environnement. Ladite disposition se limiterait à fixer les objectifs généraux de l’action de la Communauté en la matière (voir, en ce sens, arrêts Safety Hi-Tech, précité, et du 14 juillet 1998, Bettati, C-341/95, Rec. p. I-4355). Selon ses termes mêmes, cette disposition imposerait seulement aux États membres et à la Communauté une obligation de coopérer «dans le cadre de leurs compétences respectives» avec les pays tiers et les organisations internationales.

Enfin, le gouvernement danois développe une argumentation plus politique à l’encontre de la position de la Commission. En effet, il précise qu’il ne comprend pas la raison pour laquelle cette dernière a saisi cette occasion pour exprimer son hostilité à l’égard des accords mixtes, dans la mesure où, en tout état de cause, le protocole demeurerait un accord mixte, même si la base juridique prônée par la Commission était choisie. En l’occurrence, la Communauté et ses États membres ont joué un rôle majeur pendant les difficiles négociations du protocole, lesquelles ont précisément été menées dans la perspective de la conclusion d’un accord mixte. Ces négociations auraient clairement démontré que les difficultés alléguées par la Commission n’empêchent pas la Communauté et ses États membres de jouer un rôle important dans la négociation et la conclusion d’accords mixtes.

En conclusion, le gouvernement danois considère que la Cour doit répondre par la négative à la première question et qu’il n’y a donc pas lieu de répondre à la seconde question.

Le gouvernement hellénique soutient également que le protocole relève clairement du droit international de l’environnement.

Il rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, le choix de la base juridique d’un acte doit s’appuyer sur des éléments objectifs susceptibles d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent le but et le contenu de l’acte dans son ensemble (voir arrêts du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84/94, Rec. p. I-5755, point 25, et du 3 décembre 1996, Portugal/Conseil, C-268/94, Rec. p. I-6177). La simple présence d’éléments de politique commerciale dans un accord en matière d’environnement ne saurait avoir pour effet de le transformer en accord commercial, de même que la présence de facteurs environnementaux dans un accord de nature fondamentalement commerciale n’altérerait pas le caractère commercial de celui-ci.

À cet égard, le gouvernement hellénique fait valoir que l’examen des objectifs du protocole ainsi que de l’économie générale de ses dispositions conduit inéluctablement à la conclusion qu’il s’agit d’un accord international ayant avant tout un caractère environnemental.

Au demeurant, la position de la Commission ne serait pas conforme à l’approche globale suivie par la Communauté en ce qui concerne le développement durable, défendue notamment lors des négociations du protocole. Elle ne tiendrait pas compte, à cet égard, de l’importance de l’article 22 de la convention, aux termes duquel «[l]es dispositions de la présente convention ne modifient en rien les droits et obligations découlant pour une partie contractante d’un accord international existant, sauf si l’exercice de ces droits ou le respect de ces obligations causait de sérieux dommages à la diversité biologique ou constituait pour elle une menace». Le critère de la protection de l’environnement serait donc déterminant pour l’interprétation du protocole (voir, en ce sens, les articles 1er, 2, paragraphe 4, 4, 7, paragraphe 4, 10, paragraphe 6, 11, paragraphe 8, 15, 16, paragraphe 2, 17 et 26 du protocole). Or, si l’article 133 CE était retenu comme base juridique, en attribuant au protocole un caractère essentiellement commercial, l’impact sur son interprétation et son application futures serait «dévastateur».

Le gouvernement hellénique ajoute que, si le protocole tendait principalement à réglementer le commerce international, il aurait été conclu dans le cadre de l’OMC, ainsi d’ailleurs que le souhaitaient les États-Unis d’Amérique, et non pas dans celui de la convention.

Le gouvernement hellénique tire également argument de ce que le protocole repose sur l’application du principe de précaution, lequel est un principe fondamental du droit de l’environnement.

La thèse de la Commission visant à ne pas vider l’article 133 CE de sa substance pourrait au demeurant être préjudiciable à l’interprétation que fait cette dernière de ladite disposition, dans la mesure où elle conduirait à vider de leur contenu normatif une série d’autres dispositions du traité.

Le gouvernement hellénique fait également valoir que, dès lors que le protocole trouve son fondement dans les articles 17 et 19, paragraphes 3 et 4, de la convention (voir le deuxième considérant de son préambule), il est juridiquement cohérent que la Communauté approuve ledit protocole sur le fondement de la même compétence, c’est-à-dire sur la base de l’article 175 CE, auquel il est d’ailleurs fait recours pour toute action en matière d’environnement.

En conclusion, le gouvernement hellénique considère que la base juridique appropriée pour la conclusion du protocole est l’article 175, paragraphe 1, CE.

Il ajoute que la distinction faite par la Commission entre la compétence prédominante de la Communauté et la compétence résiduelle des États membres est juridiquement inacceptable et trahit un jugement de valeur en ce qui concerne les compétences mixtes, dont l’existence correspond à l’organisation actuelle de la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres. Pour ce même motif, les considérations de la Commission sur les difficultés de conclusion et de gestion des accords mixtes seraient inopérantes. En effet, accepter celles-ci reviendrait à consacrer la compétence exclusive de la Communauté pour toutes les actions prévues dans le traité, au seul motif que l’exercice de compétences conjointement avec les États membres entraînerait des difficultés de gestion.

Le gouvernement espagnol fait valoir que le protocole est un accord international dont le contenu est essentiellement consacré à l’environnement, de telle sorte que la seule base juridique pour son approbation est l’article 175, paragraphe 1, CE.

Selon la jurisprudence de la Cour, le choix de la base juridique d’un acte ne saurait seulement dépendre de la conviction d’une institution, mais doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles d’un contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil précité, point 11). Parmi ces critères figurent notamment le but et le contenu de l’acte (voir, notamment, arrêt du 26 mars 1996, Parlement/Conseil, C-271/94, Rec. p. I-1689, point 14), étant entendu que le but simplement accessoire d’un acte ne peut valablement servir à justifier le choix d’une base juridique (voir, par exemple, arrêt «directive déchets») et que, lorsque la compétence d’une institution repose sur deux dispositions du traité, celle-ci est tenue d’adopter l’acte en cause sur le fondement des deux dispositions à moins que le cumul de bases juridiques ne vide les prérogatives du Parlement de leur substance [voir arrêt du 11 juin 1991, Commission/Conseil, C-300/89, Rec. p. I-2867 (ci-après l'«arrêt dioxyde de titane»)].

En l’occurrence, selon le gouvernement espagnol, le but et le contenu du protocole s’inscrivent dans le cadre d’une politique spécifiquement environnementale et son incidence sur le commerce international de marchandises est seulement accessoire. Il ressort de l’article 4 du protocole que celui-ci n’a pas pour objet de réglementer le commerce des OVM, mais d’adopter des mesures qui garantissent la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique (voir, également en ce sens, les articles 2, 17, 20, 22, 23 et 26 dudit protocole). Si les mouvements transfrontières d’OVM font l’objet d’une réglementation, au même titre que le transit, la manipulation ou l’utilisation de ceux-ci, c’est en vue d’empêcher les effets défavorables sur la conservation et l’utilisation de la diversité biologique.

Le gouvernement espagnol fait valoir que, s’il est vrai que la Cour a retenu une acception large de la politique commerciale, qui prend en compte l’évolution des relations commerciales internationales, cela ne signifie nullement qu’un accord international, dont l’objectif principal est la protection de l’environnement ou de la santé humaine, doit être adopté sur la base de l’article 133 CE au motif qu’il pourrait avoir une incidence sur le commerce international, ce qui viderait de leur contenu les autres politiques communautaires.

Par ailleurs, les difficultés liées à la gestion et à l’application d’un accord mixte seraient dépourvues de pertinence en ce qui concerne la question de la base juridique.

Enfin, en ce qui concerne l’article 174 CE, le gouvernement espagnol soutient que cette disposition se borne à définir des objectifs généraux (voir arrêt du 14 juillet 1994, Peralta, C-379/92, Rec. p. I-3453, point 57, ainsi que les arrêts précités Safety Hi-Tech, point 43, et Bettati, point 41), tout en reconnaissant l’existence, au paragraphe 4 de ladite disposition, de compétences partagées entre la Communauté et les États membres en matière d’accords internationaux relatifs à l’environnement, sans toutefois que soit fixée la procédure pour la conclusion de tels accords. Il y aurait lieu à cet effet de recourir à l’article 175 CE. Celui-ci serait donc la seule disposition pouvant constituer la base juridique d’une norme environnementale, qu’elle soit interne ou externe.

Cette interprétation serait corroborée par la pratique constante de la Communauté.

Le gouvernement français fait valoir, à titre liminaire, que le protocole tend à mettre en oeuvre les objectifs de la convention, conclue par la Communauté sur la base de l’article 130 S du traité. Il souligne que, au cours des négociations qui ont abouti à l’adoption du protocole, cette dernière a joué un rôle très actif et une parfaite cohésion a existé entre elle et ses États membres, ce qui a permis une bonne prise en compte des objectifs de l’Union européenne.

Le gouvernement français considère, de manière générale, que la base juridique appropriée pour la conclusion du protocole est le seul article 175 CE et que les concepts de compétence résiduelle et de compétence prépondérante, à supposer même qu’ils existent en droit communautaire, ne sont pas applicables en l’espèce.

S’agissant de la première question, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que, quand un instrument international permet à la Communauté de prendre des dispositions de protection environnementale et que ces mesures ont un impact sur le commerce international sans avoir pour objectif de favoriser celui-ci, ni même de le réglementer, l’article 175 CE constitue une base suffisante pour adopter un tel accord. Cette disposition ne devrait être cumulée avec l’article 133 CE que si lesdites mesures visent, de façon indissociable, la protection de l’environnement et la promotion du commerce international (voir, à propos des rapports entre l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, d’une part, et la protection de l’environnement, d’autre part, les arrêts dioxyde de titane et «directive déchets»). Le gouvernement français cite également l’arrêt du 28 juin 1994, Parlement/Conseil, précité, ainsi que les points 42 à 44 des conclusions de l’avocat général Jacobs dans cette affaire, qui font la distinction entre les mesures contribuant à la réalisation du marché intérieur, pour lesquelles l’article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE) devrait être utilisé comme base juridique, et les mesures ayant un impact sur les échanges, pour lesquelles une telle disposition ne serait pas une base juridique nécessaire.

Ainsi, selon l’avocat général Jacobs, constituerait une mesure nécessitant le recours à la base juridique relative au marché intérieur – dans la ligne de l’arrêt dioxyde de titane – une mesure «qui définit les caractéristiques que doit posséder une marchandise pour pouvoir circuler librement dans le marché intérieur». En revanche, seul l’article 175 CE permettrait d’adopter des mesures qui «fournissent un système harmonisé de procédures par lesquelles les mouvements d’une marchandise déterminée peuvent être empêchés et contrôlés à des fins de protection de l’environnement».

Le gouvernement français renvoie également à la pratique communautaire de ces dernières années, en citant un certain nombre d'«accords multilatéraux environnementaux» ou d’actes internes mettant en oeuvre de tels accords, fondés sur l’article 130 S du traité, à l’exclusion de l’article 113 de celui-ci, bien que ces accords ou actes eussent un impact évident tant sur les échanges entre États membres que sur les échanges entre la Communauté et les États tiers.

Les exemples cités par la Commission à l’appui de sa thèse ne concerneraient pas la politique de l’environnement, mais bien la politique de développement, la politique agricole commune ainsi que la politique extérieure et de sécurité commune. Or, ces dernières politiques auraient avec la politique commerciale un lien bien différent de celui qu’entretiennent les accords internationaux dans le domaine du commerce avec les accords dans le domaine de l’environnement. En outre, le raisonnement de la Cour qui sous-tend les arrêts dioxyde de titane et «directive déchets» serait difficilement transposable au cas d’espèce.

L’examen du but et du contenu du protocole, lesquels constituent des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, sur lesquels, conformément à la jurisprudence de la Cour, doit se fonder le choix de la base juridique, confirmerait le bien-fondé du recours au seul article 175 CE.

Le gouvernement français invoque plusieurs éléments qui témoignent, selon lui, de l’objectif environnemental des mesures prévues par le protocole: le mandat donné aux négociateurs par la Conférence des parties à la convention, le titre du protocole, son préambule ainsi que ses articles 1er et 4.

Par ailleurs, le simple fait que lesdites mesures aient pour objet les mouvements transfrontières d’OVM ne rendrait pas nécessaire le recours à l’article 133 CE comme base juridique; en effet, ce ne serait pas parce que le protocole comporte une réglementation des échanges transfrontières qu’il relève de la politique commerciale commune. Si les échanges sont visés, ce serait en vue de les contrôler, voire de les empêcher, au regard d’un objectif environnemental. Il ne s’agirait donc pas de réglementer le commerce afin de le favoriser.

Quant au contenu du protocole, le gouvernement français fait valoir qu’il comporte deux types de dispositions distinctes:

— d’une part, les articles 7 à 14 prévoiraient les différentes étapes de la procédure d’accord préalable en connaissance de cause applicable aux OVM et les règles particulières qui s’appliquent à la catégorie des OVM destinés à l’alimentation humaine ou animale ou à être transformés. Ces dispositions constitueraient la réglementation applicable aux échanges commerciaux ou aux échanges de nature scientifique et préciseraient les modalités d’une évaluation du risque sur l’environnement d’un mouvement transfrontière envisagé d’OVM;

— d’autre part, de nombreux autres articles contribueraient à la réalisation des objectifs du protocole et comporteraient des engagements distincts de ceux contractés au titre des articles 7 à 14. Il s’agirait des dispositions relatives à l’évaluation du risque par les parties (article 15), à la gestion du risque par ces dernières (article 16), aux mouvements transfrontières non intentionnels (par exemple accidentels), ainsi que des mesures d’urgence qu’il pourrait être nécessaire de prendre en conséquence de tels mouvements (article 17), des règles de manipulation, de transport, d’emballage et d’identification (article 18), de la création d’un Centre d’échange pour la prévention des risques (article 20), des mesures de prévention des mouvements transfrontières illicites (article 25) et du lancement de consultations internationales portant sur la création d’un régime de responsabilité et de réparation en cas de dommage causé par un mouvement transfrontière d’OVM (article 27).

Il ne serait donc pas fondé de limiter le protocole aux règles contenues dans ses articles 7 à 14. Ces dispositions ne justifieraient pas non plus une référence à l’article 133 CE, car, selon les termes de l’avocat général Jacobs, dans l’affaire Parlement/Conseil, C-187/93, précitée, les procédures qu’elles organisent peuvent être qualifiées de «système de procédures harmonisées visant à empêcher ou à contrôler les mouvements transfrontières d’OVM pour des motifs liés à la protection de l’environnement», mais en aucun cas de «définition des caractéristiques» que doivent posséder les OVM «pour entrer librement dans la Communauté».

En conclusion, selon le gouvernement français, le but et le contenu du protocole témoignent de ce que la base juridique appropriée de celui-ci – dont il n’est cependant pas contesté qu’il a un impact important sur les échanges d’OVM – est le seul article 175 CE.

Quant aux accords SPS et BTC, à propos desquels la Cour a considéré, aux points 31 et 33 de l’avis 1/94, précité, que leur conclusion a valablement pu être fondée sur l’article 113 du traité, le gouvernement français soutient, d’une part, que, selon la Cour, la finalité essentielle de ces accords était de limiter les impacts négatifs sur le commerce et donc d’encourager les échanges, alors que le protocole a pour finalité de les contrôler, voire éventuellement de les empêcher. Ledit gouvernement fait valoir, d’autre part, que ces deux accords créent un cadre institutionnel visant à s’assurer que les mesures adoptées pour faire face à un risque sanitaire ou autre n’ont pas un impact indu sur le commerce, alors que le protocole part de la constatation qu’il existe un risque spécifique pour l’environnement et que ce risque doit faire l’objet de mesures pour le contrôler.

Par ailleurs, selon le gouvernement français, les difficultés d’application d’une catégorie d’accords internationaux ne sont pas pertinentes pour le choix d’une base juridique. Il estime au contraire que, dans le domaine des accords environnementaux, le principe de coopération étroite entre les États membres et les institutions communautaires est mis en oeuvre de manière satisfaisante.

Derrière les considérations de la Commission relatives au démantèlement de la politique commerciale commune se trouverait en réalité la crainte que, en appliquant le protocole, les États membres ou la Communauté enfreignent d’autres obligations internationales de cette dernière et particulièrement l’accord OMC. Cette crainte paraît parfaitement légitime au gouvernement français, mais le choix d’une base juridique inappropriée et injustifiée ne serait pas une stratégie permettant utilement de la dissiper.

Il existerait d’autres modalités, plus adaptées, pour veiller à ce que la mise en oeuvre du protocole n’ait pas un impact défavorable sur la politique commerciale commune. Ces modalités peuvent consister, par exemple, à insérer, dans le préambule de la décision autorisant la Communauté à conclure ledit protocole, une phrase affirmant clairement que la Communauté respectera tous ses autres engagements internationaux ou à mettre en place une procédure de vérification systématique de la conformité de toute décision prise en application du protocole avec les autres engagements internationaux de la Communauté, ou encore à prévoir des mesures de coordination particulière entre les différents services concernés.

En ce qui concerne, enfin, le choix entre les articles 174, paragraphe 4, CE et 175, paragraphe 1, CE, le gouvernement français fait valoir que, même au cas où la Cour estimerait que la première question de la Commission est recevable, ce point particulier ne le serait pas. En effet, cette question porterait en tout état de cause sur une compétence partagée et ne serait pas susceptible d’avoir une incidence sur la procédure. Le gouvernement français voit mal la raison pour laquelle le choix d’une base juridique plutôt qu’une autre affecterait la compatibilité du protocole – et même de la décision autorisant la conclusion de celui-ci – avec le traité.

En admettant même que l’article 174, paragraphe 4, CE puisse constituer une «base juridique externe», la Communauté disposerait en tout état de cause de deux fondements pour adopter des actes de droit international:

— l’article 174, paragraphe 4, CE pour les accords qui concernent la coopération entre les États tiers et la Communauté et portent sur différentes dimensions de la politique de l’environnement;

— l’article 175, paragraphe 1, CE pour les accords, de nature plus sectorielle, visant à mettre en oeuvre, sur le plan international, des compétences déjà exercées sur le plan interne (voir, en ce sens, arrêt Safety Hi-Tech, précité).

Le gouvernement français constate que le protocole relève plutôt de cette dernière catégorie puisqu’il permet l’application entre la Communauté et les États tiers de règles comparables à celles qui existent déjà entre les États membres.

En conclusion, dans l’hypothèse où la Cour admettrait la recevabilité de la première question, ledit gouvernement invite cette dernière à répondre en ce sens que:

«La Communauté dispose des compétences nécessaires et suffisantes sur la base de l’article 175, paragraphe 1, [CE] pour conclure, au côté des États membres, le protocole de [Cartagena] sur la biosécurité.»

Dans ces conditions, la seconde question deviendrait sans objet.

Le gouvernement français conteste, en tout état de cause, la notion de «compétence prépondérante» de la Communauté, qui ne serait pas reconnue en droit communautaire et n’aurait pas été consacrée par la jurisprudence de la Cour. Celle-ci ne reconnaîtrait que des accords auxquels seule la Communauté peut être partie, en raison de sa compétence exclusive, ou des accords mixtes qui relèvent pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États membres (voir, notamment, arrêt du 19 mars 1996, Commission/Conseil, précité, point 48).

Ledit gouvernement ajoute que, puisque la Commission ne conteste pas que, même s’il était conclu sur le fondement des articles 133 CE et 175 CE, le protocole serait un accord mixte, il y a lieu de rappeler la jurisprudence de la Cour sur l’exigence de coopération étroite entre les États membres et les institutions communautaires, tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution du protocole (voir, notamment, arrêt du 19 mars 1996, Commission/Conseil, précité).

Le gouvernement italien soutient que le protocole contient une réglementation environnementale destinée, comme l’indique son article 1er, à lutter contre les effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, ainsi que sur la santé humaine, en particulier ceux liés aux mouvements transfrontières d’OVM. Il résulterait clairement de l’analyse des dispositions dudit protocole que l’objet et le but de celui-ci sont la mise en place d’un cadre juridique procédural applicable aux mouvements transfrontières intentionnels d’OVM (articles 4 à 16) et aux mouvements transfrontières non intentionnels susceptibles d’avoir des effets défavorables importants sur la diversité biologique (article 17).

Les préoccupations environnementales et les risques pour la santé humaine seraient en particulier pris en compte aux articles 10, paragraphe 6, et 11, paragraphe 8, du protocole, dans la mesure où sont prévues les circonstances dans lesquelles les parties peuvent adopter des décisions restrictives en ce qui concerne l’importation d’OVM.

S’il est vrai que la compétence communautaire en matière commerciale, tant sur le plan interne que sur le plan externe, est exclusive, l’aspect commercial devrait céder devant les exigences impératives, reconnues par la Cour, tenant à la protection de l’environnement et à la protection de la santé humaine.

Conformément à l’article 31 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, il y aurait lieu de se référer au contexte dans lequel le protocole a été adopté, lequel contexte comprend, notamment, tout accord en rapport avec le traité à interpréter et toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties [article 31, paragraphe 2, sous a)]. Or, le protocole a été adopté dans le cadre de la convention sur la diversité biologique.

Le gouvernement italien estime que, dans ces conditions, la base juridique de la décision du Conseil portant conclusion du protocole doit être trouvée dans les dispositions relatives à la politique environnementale communautaire.

Quel que soit l’article spécifique sur lequel il y aurait lieu de fonder ladite décision de conclusion, à savoir l’article 174, paragraphe 4, CE ou l’article 175 CE, le gouvernement italien fait valoir que la décision sera en tout état de cause prise à la majorité qualifiée et après consultation du Parlement.

S’agissant d’une compétence partagée entre la Communauté et les États membres, ceux-ci, selon le gouvernement italien, participeront au protocole en assumant les obligations concernant les domaines pour lesquels ils conservent une compétence résiduelle par rapport à la compétence communautaire. Ledit protocole devrait donc nécessairement être un accord mixte. À cet égard, le gouvernement italien rappelle la position de la Cour sur le devoir de coopération étroite entre les États membres et les institutions communautaires, tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés (avis 2/91, du 19 mars 1993, Rec. p. I-1061, point 38, et 1/94, précité, point 108).

Le gouvernement autrichien fait valoir, de façon générale, que le protocole constitue – ainsi qu’il résulte de sa genèse, de sa finalité et de ses dispositions – un accord multilatéral dans le domaine de l’environnement, reposant sur le principe de précaution (article 1er du protocole). Sa finalité environnementale, nettement soulignée par son préambule, serait d’ailleurs due en grande partie à l’initiative de la Communauté et de ses États membres, la Commission – tout comme l’ensemble de ces derniers – ayant constamment mis l’accent sur cette finalité dans le cadre des négociations.

Le but de l’accord serait d’assurer un degré adéquat de protection dans l’utilisation des OVM, afin d’éviter d’éventuels effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. À cette fin, il serait institué un large système d’information devant permettre à chaque État de prendre des décisions en connaissance de cause quant à la possibilité de l’utilisation des OVM sur son territoire.

Le gouvernement autrichien conteste, à cet égard, la position de la Commission selon laquelle certains articles du protocole – notamment l’article 11 – auraient un caractère de principe par rapport à d’autres dispositions qualifiées d’accessoires, telles que les dispositions concernant le financement, la responsabilité, les aspects socio-économiques, le Centre d’échange et la création de capacités. En l’absence de ces dernières dispositions, une mise en oeuvre du protocole serait impossible, notamment pour les pays en développement.

Selon le gouvernement autrichien, les conséquences du protocole en matière de politique commerciale ne peuvent être appréciées qu’au regard de sa finalité environnementale. Il souligne, à cet égard, que la notion de «mouvements transfrontières» ne doit d’ailleurs pas être appliquée exclusivement au domaine commercial. S’agissant spécialement des OVM, les mouvements transfrontières à des fins de recherche scientifique constitueraient un aspect essentiel dudit protocole.

Le gouvernement autrichien ajoute que la référence à l’article XX du GATT est dénuée de pertinence. Le GATT serait manifestement un accord commercial et son article XX devrait être considéré comme une disposition dérogatoire, qui permet aux parties contractantes d’adopter des mesures de sauvegarde pour des raisons déterminées.

S’agissant plus particulièrement du choix de la base juridique appropriée, le gouvernement autrichien rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, ce choix doit se fonder sur des éléments objectifs, susceptibles de contrôle juridictionnel. Les raisons justifiant, selon la Commission, le recours à l’article 133 CE, en liaison avec l’article 174, paragraphe 4, CE, à savoir une prétendue «préoccupation légitime» quant à l’érosion des compétences communautaires ou la complexité de la gestion des accords mixtes, seraient dépourvues de pertinence pour répondre aux questions posées.

Le gouvernement autrichien soutient que l’article 174 CE se borne à fixer les objectifs et les principes qui doivent guider la mise en oeuvre de la politique communautaire dans le domaine de l’environnement, mais il ne crée pas de compétences propres (voir arrêts précités Peralta, point 57, et Bettati, point 41). Seul l’article 175, paragraphe 1, CE constituerait la base juridique d’une action du Conseil en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 174 CE. Au demeurant, cette interprétation serait corroborée, d’une part, par le fait que les mesures prises au titre de l’article 176 CE, c’est-à-dire les mesures de protection renforcées, ne peuvent intervenir que si les réglementations en question ont été arrêtées sur la base de l’article 175 CE, ainsi que, d’autre part, par la pratique constante du Conseil, qui consiste à fonder les accords internationaux sur l’article 175, paragraphe 1, CE, et non sur l’article 174, paragraphe 4, CE.

Enfin, le gouvernement autrichien relève que le choix de l’article 175, paragraphe 1, CE comme base juridique permet de garantir l’exercice par le Parlement, dont le rôle est particulièrement important dans le contexte environnemental, de son pouvoir de codécision, ainsi que la consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, alors que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 133 CE, le Parlement est simplement tenu informé et, dans celle prévue à l’article 174, paragraphe 4, CE, il est seulement consulté.

En conclusion, le gouvernement autrichien estime que le protocole ne constitue pas un accord de politique commerciale, mais un accord de politique environnementale. Les aspects commerciaux ne sont visés que par quelques dispositions dudit protocole, telles que l’article 11 de celui-ci, qui a pour objet les mouvements de marchandises destinées à être utilisées directement pour l’alimentation humaine ou animale ou à être transformées. Les compétences des États membres n’auraient donc pas un «caractère résiduel»; au contraire, les dispositions essentielles du protocole relèveraient de la compétence de ces derniers.

Le gouvernement du Royaume-Uni soutient que la base juridique correcte de l’acte portant conclusion du protocole est l’article 175, paragraphe 1, CE, en liaison avec l’article 300, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, CE. À l’instar des autres États membres ayant déposé des observations, le gouvernement du Royaume-Uni invoque, à cet égard, la pratique constante du Conseil.

En l’occurrence, le protocole poursuivrait manifestement les deux premiers des objectifs énumérés à l’article 174, paragraphe 1, CE, à savoir la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement ainsi que la protection de la santé des personnes. Le protocole poursuivrait également le troisième de ces objectifs, c’est-à-dire «l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles», en partant du principe que la diversité biologique est une ressource naturelle. À l’évidence, il poursuivrait aussi le quatrième desdits objectifs, dès lors qu’il constituerait, sur le plan international, une mesure destinée à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement.

Le gouvernement du Royaume-Uni ajoute que le principe de précaution, mentionné à l’article 174, paragraphe 2, CE, joue un rôle prépondérant parmi les objectifs du protocole (voir, par exemple, le quatrième considérant de son préambule ainsi que ses articles 1er, 10, paragraphe 6, et 11, paragraphe 8). En outre, conformément à l’article 174, paragraphe 2, CE, le protocole respecterait le principe d’action préventive et le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement (voir, par exemple, les quatrième et septième considérants de son préambule, ainsi que ses articles 3, 7 et 15 à 18); quant à l’article 27, il envisagerait l’élaboration de règles conformes au principe du pollueur-payeur en prévoyant l’élaboration de règles de droit international public pour la réparation des dommages résultant de mouvements transfrontières d’OVM.

Le gouvernement du Royaume-Uni fait également valoir que, conformément à l’article 174, paragraphe 3, CE, le protocole tient compte des données scientifiques et techniques disponibles, des conditions de l’environnement sur les territoires des parties contractantes ainsi que des avantages et des charges qui peuvent résulter de l’action ou de l’absence d’action. Conformément au paragraphe 4 de ladite disposition, le protocole prévoit la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes (voir, par exemple, les deuxième, troisième et huitième considérants de son préambule, ainsi que ses articles 6, 10, 14 à 16, 20, 22 et 29).

Or, l’article 175 CE offrirait précisément une base juridique en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 174 CE.

Le gouvernement du Royaume-Uni rappelle, par ailleurs, la jurisprudence de la Cour selon laquelle le choix de la base juridique d’un acte à adopter par une institution communautaire doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent le but et le contenu de cet acte.

En l’occurrence, le but environnemental du protocole serait exprimé dans son préambule et ses articles 1er et 2. Selon ledit gouvernement, le contenu du protocole serait conforme à cet objectif: il instaure une procédure d’accord préalable en connaissance de cause avant le premier mouvement transfrontière intentionnel d’OVM; en vertu de l’article 15, des évaluations des risques sont entreprises selon des méthodes scientifiques éprouvées et elles s’appuient au minimum sur les informations fournies conformément à la procédure d’accord préalable susvisée et sur les autres preuves scientifiques disponibles; selon l’article 16, les parties mettent en place et appliquent des mécanismes visant à maîtriser les risques associés à l’utilisation, à la manipulation et aux mouvements transfrontières d’OVM; en vertu des articles 20 et 22, elles participent à un système d’échange d’informations et au Centre d’échange pour la prévention des risques biotechnologiques et coopèrent au développement ainsi qu’au renforcement des ressources humaines et des capacités institutionnelles dans le domaine de la prévention des risques biotechnologiques.

Bien qu’il affecte de façon incidente le commerce avec les pays tiers, la composante principale ou prépondérante du protocole serait la poursuite du programme environnemental de la Communauté, conformément à l’article 175, paragraphe 1, CE. L’article 133 CE constituerait donc une base juridique inappropriée pour la conclusion dudit protocole.

Le gouvernement du Royaume-Uni souligne que, en utilisant le terme «mouvements», les rédacteurs du protocole ont cherché à englober les mouvements autres que ceux relevant du commerce, tels que les mouvements non intentionnels d’OVM, les mouvements transfrontières illicites et les mouvements de ces organismes ayant des fins caritatives, d’intérêt public ou privé, ainsi que d’autres mouvements de nature non commerciale.

Le protocole serait même étranger à la suppression des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières. À supposer même qu’il affecte le commerce, il aurait pour objet le contrôle ou la surveillance des mouvements internationaux d’OVM (voir arrêt du 28 juin 1994, Parlement/Conseil, précité, affaire dans laquelle le gouvernement du Royaume-Uni constate que tant l’avocat général que la Cour se sont fondés sur le fait que l’acte en question ne favorisait pas la libéralisation des échanges en question, ce qui aurait permis de retenir comme base l’article 113 du traité).

L’accord OMC et, en particulier, les considérations d’ordre non commercial intégrées dans certaines annexes de cet accord, notamment à l’article XX du GATT, dans l’accord SPS et dans l’accord BTC – pour la conclusion duquel la Cour a confirmé que la Communauté était fondée à agir sur la base de l’article 113 du traité -, ne militeraient pas en faveur de l’article 133 CE comme base juridique du protocole, dès lors que le «centre de gravité» de celui-ci n’est pas la promotion du commerce, mais la protection de l’environnement.

Par ailleurs, le gouvernement du Royaume-Uni estime que l’article 174, paragraphe 4, CE n’offre pas une base juridique conjointe appropriée, dès lors qu’il n’attribue pas de compétence pour conclure des accords internationaux. Il impose seulement aux États membres et à la Communauté une obligation de coopération avec les pays tiers et les organisations internationales «dans le cadre de leurs compétences respectives». L’article 174, paragraphe 4, second alinéa, CE dispose même expressément que le premier alinéa de cette disposition ne préjuge pas la compétence des États membres pour négocier dans les instances internationales et conclure des accords internationaux.

Cette disposition se bornerait à définir les objectifs généraux de la Communauté en matière d’environnement, le soin de décider de l’action à entreprendre en vue de réaliser ces objectifs étant confié au Conseil par l’article 175 CE (voir arrêts précités Peralta, point 57, et Safety Hi-Tech, point 43, ainsi que le point 76 des conclusions de l’avocat général Léger dans les affaires précitées Safety Hi-Tech et Bettati; voir également les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Parlement/Conseil, C-187/93, précitée.

Enfin, les difficultés liées à la gestion et à l’application d’un accord mixte ne sauraient davantage faire prospérer la thèse de la Commission. En tout état de cause, selon le gouvernement du Royaume-Uni, cette institution surestime ces difficultés. Les accords mixtes seraient des «phénomènes bien connus qui continueront sans nul doute à exister aussi longtemps que la Communauté et ses États membres seront habilités à conclure des traités». Depuis que l’Acte unique européen a introduit dans le traité CE un titre sur l’environnement, la compétence mixte dans ce domaine aurait été expressément reconnue. La Commission souligne elle-même que la Communauté européenne et ses États membres auraient joué un rôle majeur pendant les difficiles négociations du protocole, qui se sont étalées sur quatre années. Elle aurait difficilement pu jouer ce rôle si les obstacles avaient été aussi grands qu’elle le soutient à présent. En outre, les prétendues difficultés ne sauraient être pertinentes pour la Cour, laquelle doit fonder sa décision sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel.

En conclusion, le gouvernement du Royaume-Uni estime que les articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE, en liaison avec les dispositions pertinentes de l’article 300 CE, ne constituent pas la base juridique appropriée pour la conclusion du protocole au nom de la Communauté européenne. Dès lors, il ne serait pas nécessaire de répondre à la seconde question.

À titre subsidiaire, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir, en réponse à la seconde question, que jusqu’à présent la Communauté a édicté relativement peu de règles communes dans le domaine de la biosécurité. Les principaux instruments adoptés en la matière sont la directive 90/219/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (JO L 117, p. 1), telle que modifiée par la directive 98/81/CE du Conseil, du 26 octobre 1998 (JO L 330, p. 13), et la directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (JO L 117, p. 15).

Aucune de ces directives n’aurait pour objectif de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger des OVM résultant de la biotechnologie moderne, qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, «en mettant plus précisément l’accent sur les mouvements transfrontières» (article 1er du protocole). Il serait donc impossible d’établir une compétence communautaire prépondérante, et encore moins exclusive, pour conclure le protocole, et ce sur la base du principe «in foro interno, in foro externo» [voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 17 (ci-après l'«arrêt AETR»)].

Le Parlement rappelle, à titre liminaire, que, dans son avis 1/91, du 14 décembre 1991 (Rec. p. I-6079, point 14), la Cour a constaté que, en vertu de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, «un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but». Lorsqu’un accord est étroitement lié à un ou à plusieurs instruments ou initiatives déjà adoptés, il est fondé de considérer que ces instruments ou initiatives font partie du contexte dans lequel les termes de l’accord doivent être interprétés, ce qui devrait s’avérer particulièrement utile en l’occurrence, étant donné les liens étroits entre le protocole et la convention.

Selon le Parlement, il ne saurait être soutenu, au regard de ces liens étroits, que le protocole a été négocié et signé à titre principal pour des raisons afférentes au commerce international des OVM. Au contraire, s’il a été décidé de traiter les mouvements transfrontières de ces produits comme une question prioritaire, ce n’est pas pour réglementer le commerce de ceux-ci, mais parce que ces mouvements et les activités connexes constituent un risque particulier pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.

Le Parlement estime que la thèse défendue par la Commission semble ne pas tenir compte de l’enseignement principal de l’avis 1/94, précité, en particulier du point 42 de celui-ci, selon lequel la portée de la politique commerciale commune, aussi large qu’elle puisse être en principe, est limitée par «le système du traité dans son ensemble», et notamment par l’existence de dispositions plus spécifiques qui régissent les compétences de la Communauté dans d’autres domaines.

Prenant en compte les critères sur lesquels le choix de la base juridique d’un acte doit se fonder, tels qu’ils ressortent de la jurisprudence de la Cour, le Parlement fait valoir qu’il résulte du but et du contenu du protocole que celui-ci porte spécifiquement sur les OVM et non pas sur les échanges internationaux.

Ainsi, le but environnemental du protocole ne ferait aucun doute (voir article 1er de celui-ci).

Quant au contenu matériel du protocole, le Parlement estime que la préoccupation environnementale des auteurs de celui-ci est reflétée tant dans le troisième considérant de son préambule que dans ses dispositions matérielles (articles 1er, 2, paragraphes 2 et 4, 14, 22, 23, 25, 27 et 28).

Deux éléments en particulier témoigneraient de l’importance du protocole pour la protection de l’environnement. D’une part, il reconnaîtrait expressément, peut-être pour la première fois dans un accord international, la nécessité d’une réglementation spécifique des OVM et admettrait que ces produits, pour des raisons liées à la protection de l’environnement, ne peuvent pas être traités comme n’importe quel autre produit. D’autre part, le protocole appliquerait de manière très concrète le principe de précaution, un des principes fondateurs de la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, afin de déterminer la portée exacte des obligations des pays importateurs. Ainsi, tant l’article 10, paragraphe 6, que l’article 11, paragraphe 8, disposent que «[l]'absence de certitude scientifique […] concernant l’étendue des effets défavorables potentiels d’un organisme vivant modifié sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique […] n’empêche pas [la] Partie [importatrice] de prendre comme il convient une décision concernant l’importation de l’organisme vivant modifié en question». Il convient de souligner que, tel que formulé dans ces dispositions, le principe de précaution justifierait le refus d’autorisation d’importation «pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels».

Ce faisant, le protocole adopterait la version «permissive» de ce principe, ce qui serait typique des accords sur la protection de l’environnement, plutôt que la version «restrictive» qui se trouverait dans certains accords commerciaux, et notamment à l’article 5, paragraphe 7, de l’accord SPS. Cette dernière disposition viserait à limiter les conditions dans lesquelles un membre peut recourir au principe de précaution pour restreindre l’importation de produits.

Le Parlement soutient, par ailleurs, qu’il est possible de transposer au cas d’espèce le raisonnement développé par la Cour dans son arrêt du 28 juin 1994, Parlement/Conseil, précité. En revanche, l’arrêt Tchernobyl, cité par la Commission à l’appui de son interprétation, ne serait pas de nature à conforter la thèse de cette institution, dès lors qu’il portait sur une mesure «classique» de politique commerciale. En effet, le règlement contesté dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Tchernobyl n’aurait fait que soumettre la mise en libre pratique de certains produits agricoles au respect des tolérances maximales de radioactivité, même si son adoption était justifiée par des raisons de protection de la santé publique. Aussi la Cour a-t-elle jugé, au point 16 dudit arrêt, que ce règlement «a pour objet de régir les échanges entre la Communauté et les pays tiers; à ce titre, il relève de la politique commerciale commune au sens de l’article 113 du traité CEE». Le protocole ne serait donc pas, comme le prétend la Commission, «un acte portant sur le commerce international des OVM», mais plutôt un accord qui, dans le but de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement, établit des normes minimales, notamment de procédure, pour la poursuite des activités qui posent certains risques pour la conservation de la diversité biologique.

Toutefois, le Parlement reconnaît que, bien que la composante environnementale du protocole soit prépondérante, ce dernier aura également des effets sur le commerce des OVM. Dans la mesure où il serait démontré que ces effets s’ajoutent de manière significative à la protection de l’environnement prévue à l’article 175, paragraphe 1, CE, le Parlement considère que ledit protocole pourrait alors être qualifié d’instrument portant sur le commerce international, ce qui exigerait une référence à l’article 133 CE dans la base juridique de l’acte portant conclusion de cet instrument.

Le Parlement soutient qu’il ne défend pas une conception restrictive de la politique commerciale. Il rappelle que, dans ses propositions à la dernière conférence intergouvernementale, il a plaidé, avec un succès tout relatif, pour une extension considérable du domaine de l’article 133 CE. Il serait nécessaire cependant de donner aux autres bases juridiques prévues dans le traité, y compris celles relatives à la protection de l’environnement, leur juste valeur. Le fait de dire qu’un accord, d’une importance primordiale pour la protection de l’environnement au niveau international, ne rentre pas dans le domaine de la politique commerciale ne reviendrait pas à «vider l’article 133 CE de son contenu». Même si le Parlement peut comprendre le souhait de la Commission d’éviter les difficultés liées au partage de compétences, de telles considérations ne pourraient pas influencer le choix de la base juridique. Au point 107 de son avis 1/94, précité, la Cour a notamment constaté que «le problème de répartition de compétences ne peut être réglé en fonction des difficultés éventuelles qui pourraient se faire jour lors de la gestion des accords».

Enfin, quant au choix entre l’article 174, paragraphe 4, CE et l’article 175, paragraphe 1, CE, le Parlement reconnaît que la première de ces deux dispositions, qui prévoit que «la Communauté […] [coopère] avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes», pourrait sembler plus spécifique que la seconde desdites dispositions pour justifier la compétence de fond de la Communauté pour conclure le protocole. Il rappelle néanmoins que la Cour a jugé, dans son arrêt du 30 janvier 2001, Espagne/Conseil (C-36/98, Rec. p. I-779, points 42 et 43), qu’il convient d'«examiner si des règles communautaires internes correspondant aux dispositions de la convention seraient adoptées sur le fondement» du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l’article 175 CE, puisque le choix de l’une ou de l’autre de ces dispositions détermine la procédure d’adoption de l’acte et, notamment, les modalités de vote au sein du Conseil. En outre, le Parlement relève que, conformément au point 9 de l’arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil, précité, «[u]ne […] référence explicite [à la base juridique] est […] indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et la Cour sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise». Dès lors, le Parlement ne voit pas l’intérêt de la solution proposée par la Commission, consistant à ne citer comme base juridique que l’article 174, paragraphe 4, CE, dès lors que les intéressés et la Cour ne connaîtraient pas la raison pour laquelle le Conseil s’est prononcé à l’unanimité plutôt qu’à la majorité qualifiée, ou inversement.

En conclusion, le Parlement propose à la Cour de répondre aux questions, d’une part, que l’article 175, paragraphe 1, CE constitue la base juridique appropriée de l’acte de conclusion du protocole par la Communauté et, d’autre part, que, dans la mesure où les effets dudit protocole sur le commerce international excèdent le cadre de l’article 175, paragraphe 1, CE, il serait approprié d’ajouter une référence à l’article 133 CE dans la base juridique de cet acte.

Le Conseil fait valoir que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, pour savoir si la double base juridique, formée des articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE, est appropriée, il convient d’examiner si, par son but et son contenu, le protocole concerne à la fois l’environnement et le commerce – ces deux aspects étant essentiels -, auquel cas une double base juridique serait nécessaire pour autoriser la conclusion du protocole par la Communauté, ou si celui-ci n’a qu’accessoirement des effets sur la politique en matière d’environnement ou sur la politique commerciale, auquel cas une base unique serait suffisante pour permettre une telle conclusion.

Le Conseil constate que le protocole renvoie, dans son préambule, aux articles 19, paragraphes 3 et 4, 8, sous g), et 17 de la convention, ainsi qu’à la décision II/5 de la Conférence des parties à ladite convention. Il fait donc partie d’un ensemble de mesures prises par la communauté internationale pour protéger et conserver la diversité biologique.

Le Conseil renvoie également aux articles 1er et 2, paragraphe 2, du protocole pour souligner l’objectif environnemental de celui-ci.

Selon le Conseil, il est incontestable que le protocole a été négocié avec pour objectif primordial la mise en place de moyens, tels que l’établissement d’une procédure d'«accord préalable donné en connaissance de cause», prévue à l’article 19, paragraphe 3, de la convention, destinés à maîtriser les risques pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, ainsi que pour la santé humaine, risques qui sont liés à l’utilisation et à la libération d’OVM résultant de la biotechnologie.

La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, dont les finalités ont été précisées à l’article 174 CE, correspondrait entièrement à l’objectif du protocole.

Le contenu de l’accord attesterait également la prédominance des éléments visant à la conservation de la biodiversité, les aspects commerciaux étant subordonnés aux dispositions concernant la protection de l’environnement, telles que celles relatives notamment au principe de précaution et à l’évaluation des risques selon des méthodes scientifiques éprouvées.

Le Conseil estime donc que, eu égard à son but et à son contenu, le protocole et, partant, l’acte de conclusion de celui-ci entrent dans le cadre de la politique poursuivie par la Communauté dans le domaine de l’environnement. Par conséquent, la décision relative à la conclusion dudit protocole devrait être fondée sur l’article 175, paragraphe 1, CE.

Il considère que cette dernière disposition constitue la seule base juridique possible de l’acte de conclusion du protocole, à l’exclusion de l’article 133 CE, puisque la composante principale ou prédominante dudit protocole, au sens de l’arrêt du 28 juin 1994, Parlement/Conseil, précité, serait bien la protection de l’environnement.

Le Conseil estime que la jurisprudence à laquelle se réfère la Commission à l’appui d’une interprétation large du champ de la politique commerciale commune porte sur des mesures commerciales classiques (voir arrêt Tchernobyl, points 18 et 19, ainsi que avis 1/94, précité, point 31, dans lequel la Cour a considéré, à propos de l’accord SPS, qu’un accord n’a un caractère purement commercial que si sa composante principale ou prédominante concerne le commerce). Le Conseil rappelle, en citant plusieurs exemples, que de nombreux accords en matière d’environnement, ayant des aspects liés au commerce international, ont été conclus par le législateur communautaire sur la base soit de l’article 130 S du traité, soit de l’article 235 du traité CE (devenu article 308 CE), s’agissant de la période où le traité ne prévoyait pas de base juridique spécifique en matière de protection de l’environnement.

Quant à la question de savoir si la base juridique substantielle de la décision portant conclusion du protocole – par opposition à la base juridique «procédurale», à savoir l’article 300 CE – devrait être l’article 175, paragraphe 1, CE ou l’article 174, paragraphe 4, CE, le Conseil réitère ses doutes quant à la recevabilité de la demande d’avis. L’objet de la procédure prévue à l’article 300, paragraphe 6, CE serait de déterminer la compatibilité d’un accord avec les dispositions du traité, y compris les questions de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres, mais pas de déterminer la base juridique appropriée d’une décision de conclusion d’un tel accord.

En tout état de cause, cette question aurait déjà été réglée par les arrêts précités Safety Hi-Tech et Bettati.

Quant à la seconde question soumise à la Cour, le Conseil fait valoir qu’il en comprend difficilement la portée et la pertinence. Nonobstant les problèmes liés aux accords mixtes évoqués par la Commission, cette dernière admettrait en tout état de cause la mixité du protocole. La détermination de l’étendue de la compétence – résiduelle ou non – des États membres dépendra de l’état d’avancement de la législation communautaire interne à la date de conclusion du protocole. À ce jour, la législation communautaire ne couvrirait que très partiellement les obligations découlant du protocole.

En conclusion, le Conseil demande à la Cour, à titre principal, de déclarer la demande d’avis irrecevable et, à titre subsidiaire, pour le cas où la demande d’avis serait déclarée recevable, de répondre à la première question que:

«les articles 133 et 174, paragraphe 4, en liaison avec les dispositions pertinentes de l’article 300 du traité CE, ne constituent pas la base juridique appropriée pour l’acte portant conclusion, par la Communauté européenne, du Protocole et que cet acte doit être fondé sur l’article 175, paragraphe 1, en liaison avec les dispositions pertinentes de l’article 300 du traité CE».

À titre encore plus subsidiaire, au cas où la Cour répondrait néanmoins par l’affirmative à la première question, le Conseil demande à cette dernière de:

«déclarer que les compétences des États membres pour conclure le protocole n’ont pas un caractère résiduel par rapport à la compétence communautaire».

Prise de position de la Cour

I – Sur la recevabilité de la demande

1 Il ressort des questions posées que la Cour est en substance invitée, d’une part, à se prononcer sur le choix de la base juridique appropriée de l’acte par lequel le Conseil se propose de conclure le protocole et, en particulier, sur le point de savoir s’il y a lieu de fonder le consentement de la Communauté à être liée par celui-ci sur les articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE et, d’autre part, à examiner si les compétences, que les États membres continueraient d’exercer en raison de leur participation au protocole aux côtés de la Communauté, ont, eu égard aux matières couvertes, un caractère résiduel ou prépondérant par rapport à celles de la Communauté.

2 Selon les gouvernements espagnol et français, ainsi que le Conseil, de telles questions ne relèvent pas de l’objet de l’article 300, paragraphe 6, CE en ce qu’elles ne concernent ni la compatibilité de l’accord envisagé avec le traité ni la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres au regard dudit accord.

3 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une position constante de la Cour, l’avis de cette dernière, au titre de l’article 300, paragraphe 6, CE, peut notamment être recueilli sur les questions qui concernent la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres pour conclure avec des pays tiers un accord déterminé (voir, notamment, avis précités 1/75, spécialement p. 1360; 1/78, point 30; 2/91, point 3, et 1/94, point 9). L’article 107, paragraphe 2, du règlement de procédure corrobore cette interprétation.

4 En l’occurrence, ni la Commission ni les États membres ayant déposé des observations non plus que le Conseil et le Parlement ne doutent que la Communauté dispose de la compétence pour approuver le protocole. La compatibilité des dispositions matérielles de celui-ci avec le traité n’est pas non plus mise en cause devant la Cour. Seuls le fondement de la compétence de la Communauté et sa nature, exclusive ou partagée, ainsi que sa délimitation par rapport à celle des États membres sont discutés.

5 À cet égard, il convient de relever que le choix de la base juridique appropriée revêt une importance de nature constitutionnelle. En effet, la Communauté ne disposant que de compétences d’attribution, elle doit rattacher le protocole à une disposition du traité qui l’habilite à l’effet d’approuver un tel acte. Le recours à une base juridique erronée est donc susceptible d’invalider l’acte de conclusion lui-même et, partant, de vicier le consentement de la Communauté à être liée par l’accord auquel cette dernière a souscrit. Tel est le cas notamment lorsque le traité ne confère pas à la Communauté une compétence suffisante pour ratifier l’accord dans son ensemble, ce qui revient à examiner la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres pour conclure l’accord envisagé avec des pays tiers, ou encore lorsque la base juridique appropriée dudit acte de conclusion prévoit une procédure législative différente de celle qui a effectivement été suivie par les institutions communautaires.

6 En effet, l’invalidation de l’acte de conclusion de l’accord, en raison de l’erreur de base juridique d’un tel acte, est de nature à créer, tant au niveau communautaire que dans l’ordre juridique international, des complications que la procédure exceptionnelle de saisine préalable de la Cour, prévue à l’article 300, paragraphe 6, CE, a précisément pour objet de prévenir (voir avis 1/75, précité, p. 1360 et 1361, ainsi que 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, points 3 à 6).

7 Il convient dès lors d’apprécier la recevabilité de la demande d’avis au regard des considérations qui précèdent.

8 S’agissant de la première question, il n’est pas exclu, en première analyse, à la lecture de la demande d’avis, que la conclusion du protocole relève de la compétence exclusive de la Communauté au titre de l’article 133 CE.

9 À ce stade de l’examen de la demande d’avis, force est donc de constater que la première question posée, relative au choix de la base juridique en vue de la conclusion du protocole, concerne l’existence même d’une compétence exclusive de la Communauté, au titre de la politique commerciale commune, pour décider une telle conclusion et que la réponse à cette question pourrait avoir une incidence sur la procédure législative communautaire à suivre. Cette constatation suffit à justifier la recevabilité de la première question.

10 Le Conseil ajoute toutefois qu’il appartenait à la Commission d’exercer un recours en annulation à l’encontre de la décision du 15 mai 2000 relative à la signature du protocole au nom de la Communauté, en mettant en cause la base juridique retenue à cette occasion, de telle sorte qu’elle serait forclose pour contester, en invoquant ce même motif, l’acte que le Conseil se propose d’adopter en vue de l’approbation du protocole.

11 À cet égard, il suffit de relever que l’acte autorisant la signature de l’accord international et celui qui en prononce la conclusion constituent deux actes juridiques distincts entraînant des obligations fondamentalement distinctes pour les parties intéressées, le second ne constituant nullement la confirmation du premier. Dans ces conditions, l’absence de recours en annulation dirigé contre le premier acte susmentionné ne fait pas obstacle à l’introduction d’un tel recours à l’encontre de l’acte portant conclusion de l’accord envisagé ni ne rend irrecevable une demande d’avis soulevant la question de la compatibilité de celui-ci avec le traité.

12 En tout état de cause, il importe de rappeler que la circonstance que certaines questions sont susceptibles d’être abordées dans le cadre d’autres voies de recours, et notamment d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, ne constitue pas un argument permettant d’exclure que la Cour puisse être saisie à titre préalable en vertu de l’article 300, paragraphe 6, CE (voir avis 2/92, précité, point 14).

13 Quant à la seconde question posée, elle part de l’hypothèse selon laquelle la Communauté ne se verrait pas reconnaître une compétence exclusive, au titre de l’article 133 CE, pour conclure le protocole dans son ensemble, mais s’engagerait à l’égard des autres parties contractantes sur la base conjointe des articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE. Dans cette hypothèse, le protocole serait conclu à la fois par la Communauté, au titre de ses compétences en matière de politique commerciale et de protection de l’environnement, et par les États membres, au titre des compétences qu’ils conserveraient dans ce dernier domaine. Dès lors, la Commission souhaite obtenir des éclaircissements sur l’influence éventuelle de l’étendue des compétences respectives de la Communauté et de ses États membres sur la gestion dudit protocole.

14 Selon le gouvernement français, cette question est purement théorique et n’a aucune influence sur la compatibilité du protocole avec le traité. Elle devrait donc être rejetée comme irrecevable.

15 À cet égard, il convient de relever que, dès lors que leur existence a été établie, l’étendue des compétences respectives de la Communauté et des États membres en matière de protection de l’environnement ne saurait, comme telle, avoir d’incidence sur la compétence même de la Communauté pour conclure le protocole ni, de façon plus générale, sur la validité matérielle ou la régularité formelle de ce dernier au regard du traité.

16 Certes, il va de soi que l’étendue des compétences respectives de la Communauté et des États membres dans les domaines régis par le protocole détermine celle de leur responsabilité respective en ce qui concerne l’exécution des obligations découlant dudit protocole. L’article 34, paragraphes 2 et 3, de la convention tient précisément compte de cette considération, notamment en invitant les organisations régionales d’intégration économique, qui sont parties à la convention ou à l’un quelconque de ses protocoles, à indiquer l’étendue de leurs compétences dans leurs instruments d’approbation et à informer le dépositaire de toute modification pertinente de l’étendue de ces compétences.

17 Toutefois, cette considération n’est pas en elle-même de nature à justifier le recours à la procédure de l’article 300, paragraphe 6, CE, destinée, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 6 du présent avis, à prévenir les complications qui pourraient surgir tant au niveau international qu’au niveau communautaire lorsqu’il s’avère, après la conclusion d’un accord international par la Communauté, que cet accord n’est pas compatible avec le traité. Cette procédure n’a pas pour objet de régler les difficultés liées à la mise en oeuvre d’un accord envisagé qui relèverait de compétences partagées entre la Communauté et les États membres.

18 Il convient de rappeler, à cet égard, que, de toute façon, lorsqu’il apparaît que la matière d’un accord international relève pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États membres, il importe d’assurer une coopération étroite entre ces derniers et les institutions communautaires tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés. Cette obligation de coopération découle de l’exigence d’une unité de représentation internationale de la Communauté (voir délibération 1/78, du 14 novembre 1978, Rec. p. 2151, points 34 à 36; avis précités 2/91, point 36, et 1/94, point 108).

19 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’admettre la recevabilité de la présente demande d’avis uniquement en ce qu’elle porte sur le point de savoir si le protocole relève de la compétence exclusive de la Communauté ou s’il relève d’une compétence partagée entre cette dernière et les États membre.

II – Sur le fond

20 Selon la Commission, le protocole relève, pour l’essentiel, du champ d’application de l’article 133, paragraphe 3, CE, mais elle n’exclut pas que certaines matières relevant plus spécifiquement de la protection de l’environnement excèdent le cadre de cette disposition. En conséquence, elle soutient que les articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE constituent la base juridique appropriée pour la conclusion dudit protocole.

21 Cette interprétation est contestée par le Conseil et les États membres qui ont présenté des observations. Ces derniers considèrent que, en raison principalement de la finalité et du contenu du protocole, sa conclusion ne peut être fondée que sur l’article 175, paragraphe 1, CE. Le Parlement fait valoir également que cette dernière disposition constitue la base juridique appropriée de l’acte portant conclusion dudit protocole, mais il n’exclut pas une référence additionnelle à l’article 133 CE, dans la mesure où il serait établi que ses effets sur le commerce des OVM s’ajoutent de manière significative à la protection de l’environnement, qui est la finalité première de ce protocole.

22 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le choix de la base juridique d’un acte, y compris celui adopté en vue de la conclusion d’un accord international, ne résulte pas de la seule conviction de son auteur, mais doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte (voir arrêts Portugal/Conseil, précité, point 22; du 4 avril 2000, Commission/Conseil, C-269/97, Rec. p. I-2257, point 43, et Espagne/Conseil, précité, point 58).

23 Si l’examen d’un acte communautaire démontre qu’il poursuit une double finalité ou qu’il a une double composante et si l’une de celles-ci est identifiable comme principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou composante principale ou prépondérante (voir arrêts «directive déchets», points 19 et 21; du 23 février 1999, Parlement/Conseil, C-42/97, Rec. p. I-869, points 39 et 40, ainsi que Espagne/Conseil, précité, point 59). À titre exceptionnel, s’il est établi que l’acte poursuit à la fois plusieurs objectifs, qui sont liés d’une façon indissociable, sans que l’un soit second et indirect par rapport à l’autre, un tel acte pourra être fondé sur les différentes bases juridiques correspondantes (voir, en ce sens, arrêts dioxyde de titane, points 13 et 17, ainsi que du 23 février 1999, Parlement/Conseil, précité, point 38).

24 S’agissant de l’interprétation d’un accord international, il convient en outre de rappeler que, en vertu de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, «un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but».

25 En l’occurrence, l’application de ces critères d’appréciation revient à se demander si le protocole constitue, au regard de son contexte, de son but et de son contenu, un accord adopté principalement en matière de protection de l’environnement, susceptible d’avoir des implications accessoires sur le commerce des OVM, ou, à l’inverse, s’il revêt principalement le caractère d’un accord en matière de politique de commerce international prenant en considération, de manière accessoire, certaines exigences environnementales, ou encore s’il concerne d’une façon indissociable à la fois la protection de l’environnement et le commerce international.

26 Force est de constater, tout d’abord, que le protocole a été élaboré conformément à la décision II/5 de la Conférence des parties à la convention, qui s’est tenue conformément aux dispositions de l’article 19, paragraphe 3, de la convention, invitant lesdites parties à examiner l’opportunité d’adopter des mesures, notamment d’ordre procédural, «dans le domaine du transfert, de la manutention et de l’utilisation en toute sécurité de tout organisme vivant modifié résultant de la biotechnologie qui risquerait d’avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique».

27 Il est constant que la convention, qui a d’ailleurs été conclue par la Communauté sur le fondement de l’article 130 S du traité, est un instrument relevant du domaine de la protection de l’environnement. Elle est le résultat de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED), tenue à Rio de Janeiro en juin 1992. L’article 1er de cette convention dispose, en particulier, que ses objectifs sont «la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques».

28 Conformément à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, c’est en référence à ce contexte afférent à la convention sur la diversité biologique qu’il importe de dégager la finalité et de préciser l’objet du protocole, dont les deuxième et troisième considérants renvoient à certaines dispositions de ladite convention, notamment son article 19, paragraphe 3, et à la décision II/5 de la Conférence des parties à la convention. De nombreuses dispositions du protocole, en particulier ses articles 3, 7, 16, 18, 20, 22, 27 à 35 et 37, se réfèrent également à la convention ou à la Conférence des parties à la convention.

29 Ensuite, s’agissant de la finalité du protocole, il ressort indubitablement de son article 1er, qui renvoie au principe 15 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, qu’il poursuit un objectif ayant un caractère environnemental, accentué par la référence au principe de précaution, lequel constitue un principe fondamental de la protection de l’environnement, visé à l’article 174, paragraphe 2, CE.

30 L’objectif d’assurer un «degré adéquat» de protection pour le transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger des OVM ressort également de manière claire de l’intitulé du protocole, dont la dénomination vise expressément «la prévention des risques biotechnologiques», ainsi que de ses cinquième à huitième considérants, qui soulignent les risques que la biotechnologie pourrait comporter pour la santé humaine, la nécessité qu’elle soit utilisée dans des conditions de sécurité satisfaisantes pour l’environnement et la santé humaine ainsi que «l’importance cruciale que revêtent pour l’humanité les centres d’origine et les centres de diversité génétique».

31 Enfin, quant au contenu du protocole, l’obligation fondamentale imposée aux parties par son article 2, paragraphe 2, de prévenir ou de réduire les risques pour la diversité biologique dans la mise au point, la manipulation, le transport, l’utilisation, le transfert et la libération de tout OVM traduit bien la finalité environnementale dudit protocole.

32 Il peut également être inféré de l’article 4 du protocole, en tant qu’il prévoit, s’agissant de son champ d’application, qu’il vise tout OVM «qui pourrait avoir des effets défavorables sur […] la diversité biologique, et comporter également des risques pour la santé humaine», que l’objet intrinsèque de ce protocole est la protection de l’environnement.

33 Dans le même sens, afin de permettre aux parties d’exécuter leur obligation fondamentale, énoncée à l’article 2, paragraphe 2, du protocole, celui-ci instaure plusieurs procédures de contrôle (voir ses articles 7 à 13), dont la «procédure d’accord préalable en connaissance de cause», laquelle constitue un instrument typique de la politique de l’environnement (voir, à propos de la mise en oeuvre d’un système de notification et d’autorisation préalables en matière de transferts de déchets entre États membres, arrêt du 28 juin 1994, Parlement/Conseil, précité, points 23, 25 et 26). Le protocole traite également de l’évaluation et de la gestion des risques associés à l’utilisation, à la manipulation et aux mouvements transfrontières d’OVM (articles 15 et 16), aux mouvements transfrontières non intentionnels et aux mesures d’urgence (article 17), à la manipulation, au transport, à l’emballage et à l’identification des OVM (article 18). Enfin, les articles 19 à 28 du protocole, dont l’objet a été brièvement rappelé dans l’exposé de la demande d’avis, s’appliquent à n’importe quel type de mouvement transfrontière et tendent également, pour l’essentiel, à permettre aux parties de se conformer à leur obligation fondamentale prévue à l’article 2, paragraphe 2, dudit protocole.

34 Il ressort ainsi de l’examen effectué aux points 26 à 33 du présent avis, portant sur le contexte, le but et le contenu du protocole, que la finalité ou la composante principale de ce dernier est la protection de la diversité biologique contre les effets néfastes qui pourraient résulter des activités impliquant le traitement des OVM, et notamment des mouvements transfrontières de ceux-ci.

35 La Commission considère pourtant que le protocole relève, pour l’essentiel, du domaine de la réglementation du commerce international. Elle se réfère, à cet égard, à la jurisprudence de la Cour qui, depuis longtemps, aurait retenu une conception large de la notion de politique commerciale commune (voir avis 1/78, précité, point 45). La circonstance qu’une réglementation du commerce international de certains produits poursuive, à titre principal, des objectifs d’ordre non commercial – tels que la protection de l’environnement ou de la santé humaine, la coopération au développement, des objectifs de politique étrangère et de sécurité ou de politique agricole – ne saurait avoir pour conséquence, selon la Commission, d’exclure la compétence exclusive de la Communauté et de justifier le recours, par exemple, à l’article 175 CE, dès lors que les mesures en cause tendent spécifiquement à régir les échanges extérieurs de la Communauté (voir, en ce sens, arrêts précités du 26 mars 1987, Commission/Conseil, points 16 à 20; Tchernobyl, points 17 à 20; Werner, points 8 à 11; Leifer e.a., points 8 à 11, et Centro-Com, points 26 à 29, ainsi que avis précités 1/78, points 41 à 46, et 1/94, points 28 à 34). En réalité, les mesures de réglementation du commerce international poursuivraient souvent des objectifs multiples et divers, ce qui n’impliquerait pas qu’elles doivent être adoptées sur la base des différentes dispositions du traité relatives à ces objectifs.

36 La Commission ajoute que des considérations d’ordre non commercial ont été intégrées dans l’accord OMC et ses annexes, notamment à l’article XX du GATT et dans les accords SPS et BTC, sans que la Cour ait pourtant écarté, au point 34 de son avis 1/94, précité, la compétence exclusive de la Communauté pour conclure, au titre de l’article 113 du traité, l’ensemble des accords multilatéraux relatifs au commerce des marchandises.

37 À cet égard, il est vrai que, selon les termes mêmes de l’article 1er du protocole, le «degré adéquat de protection» recherché concerne, notamment, le «transfert» des OVM et que «l’accent» doit être mis sur les «mouvements transfrontières» de ceux-ci. Il est vrai également que de nombreuses dispositions du protocole portent précisément sur le contrôle de ces mouvements, en particulier lorsque les OVM sont destinés à être utilisés directement pour l’alimentation humaine ou animale ou à être transformés, afin de permettre aux autorités nationales de prévenir ou de réduire les risques qu’ils comportent pour la diversité biologique et la santé humaine. Toutefois, à supposer même, ainsi que le soutient la Commission, que les procédures de contrôle instaurées par le protocole soient appliquées le plus souvent ou, à tout le moins, en termes de valeur marchande, de façon prépondérante aux échanges commerciaux d’OVM, il n’en reste pas moins que, ainsi qu’il ressort de l’examen effectué aux points 26 à 33 du présent avis, le protocole est, au regard de son contexte, de sa finalité et de son contenu, un instrument destiné essentiellement à prévenir les risques biotechnologiques et non à promouvoir, à faciliter ou à régir les échanges commerciaux.

38 En effet, il convient, en premier lieu, de souligner que, aux termes de l’article 3, sous k), du protocole, l’expression «mouvement transfrontière» «s’entend de tout mouvement d’un organisme vivant modifié en provenance d’une Partie et à destination d’une autre Partie, à ceci près qu’aux fins des articles 17 et 24, mouvement transfrontière s’étend aux mouvements entre Parties et non-Parties». Une telle définition, qui est particulièrement large, tend à couvrir toute forme de déplacement d’OVM entre États, que ces déplacements poursuivent ou non des fins commerciales. Ainsi, sont visés non seulement les mouvements d’OVM à caractère agricole, «destinés à être utilisés directement pour l’alimentation humaine ou animale, ou à être transformés», mais également les mouvements transfrontières illicites, «non intentionnels», et les mouvements à des fins caritatives, scientifiques ou d’intérêt public.

39 De même, la juxtaposition des termes «transfert», «manipulation» et «utilisation» des OVM, aux articles 1er et 2, paragraphe 2, du protocole, indique la volonté des parties de couvrir toute sorte de traitement des OVM afin de garantir un «degré adéquat de protection» de la biodiversité.

40 En deuxième lieu, la circonstance que de nombreux accords internationaux en matière de commerce poursuivent des objectifs multiples et l’interprétation large de la notion de politique commerciale commune, telle qu’elle résulte de la jurisprudence de la Cour, ne sont pas de nature à remettre en cause la constatation selon laquelle le protocole est un instrument relevant principalement de la politique de l’environnement, même si les mesures de prévention sont susceptibles d’affecter les échanges commerciaux concernant les OVM. Si elle était admise, l’interprétation de la Commission reviendrait à vider d’une grande partie de leur substance les dispositions spécifiques du traité concernant la politique de protection de l’environnement, dans la mesure où, aussitôt qu’il serait établi que l’action communautaire est susceptible d’avoir des implications sur les échanges commerciaux, l’accord envisagé devrait alors être rangé dans la catégorie de ceux qui relèvent de la politique commerciale commune. Il convient, à cet égard, de relever que la politique de l’environnement est explicitement visée à l’article 3, paragraphe 1, sous l), CE, au même titre que la politique commerciale commune, à laquelle il est fait référence dans la même disposition, sous b).

41 En troisième lieu, quelle que soit leur ampleur, les difficultés pratiques liées à la mise en oeuvre des accords mixtes, qui sont invoquées par la Commission pour justifier le recours à l’article 133 CE – conférant à la Communauté une compétence exclusive en matière de politique commerciale commune -, ne sauraient être retenues comme pertinentes pour déterminer le choix de la base juridique d’un acte communautaire (voir avis 1/94, précité, point 107).

42 En revanche, il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la conclusion du protocole, au nom de la Communauté, doit être fondée sur une base juridique unique, qui soit spécifique à la politique de l’environnement.

43 À cet égard, ainsi que la Cour l’a déjà jugé (voir arrêts précités Peralta, point 57, et Safety Hi-Tech, point 43), l’article 174 CE définit les objectifs à poursuivre dans le cadre de la politique de l’environnement, tandis que l’article 175 CE constitue la base juridique sur laquelle les actes communautaires sont adoptés. Certes, l’article 174, paragraphe 4, CE prévoit spécifiquement que les «modalités de la coopération de la Communauté» avec les pays tiers et les organisations internationales «peuvent faire l’objet d’accords […] négociés et conclus conformément à l’article 300». Toutefois, en l’occurrence, le protocole ne se borne pas à fixer des «modalités de coopération» en matière de protection de l’environnement, mais il établit notamment des règles précises relatives aux procédures de contrôle en matière de mouvements transfrontières, d’évaluation et de gestion des risques, de manipulation, de transport, d’emballage et d’identification des OVM.

44 Par conséquent, l’article 175, paragraphe 1, CE est la base juridique appropriée pour la conclusion du protocole au nom de la Communauté.

45 Dès lors, il convient encore d’examiner si la Communauté détient, au titre de l’article 175 CE, une compétence exclusive pour conclure le protocole en raison de l’existence d’actes de droit dérivé adoptés dans le cadre communautaire, qui couvriraient la matière de la biosécurité et qui seraient susceptibles d’être affectés en cas de participation des États membres à la procédure de conclusion dudit protocole (voir arrêt AETR, point 22).

46 Il suffit, à cet égard, de constater, ainsi que l’ont fait à juste titre le gouvernement du Royaume-Uni et le Conseil, que, en tout état de cause, l’harmonisation réalisée sur le plan communautaire, dans le domaine d’application du protocole, ne couvre que très partiellement un tel domaine [voir les directives 90/219 et 90/220, ainsi que 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (JO L 106, p. 1), dont l’article 36, paragraphe 1, abroge la directive 90/220].

47 Il résulte des considérations qui précèdent que la Communauté et ses États membres ont une compétence partagée pour conclure le protocole.

Dispositif


En conséquence,

LA COUR

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, L. Sevón, M. Wathelet (rapporteur), R. Schintgen et V. Skouris, juges,

après avoir entendu MM. S. Alber, premier avocat général, F. G. Jacobs, P. Léger, D. Ruiz-Jarabo Colomer, J. Mischo, A. Tizzano, L. A. Geelhoed et Mme C. Stix-Hackl, avocats généraux,

émet l’avis suivant:

La compétence pour conclure le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques est partagée entre la Communauté européenne et ses États membres.

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CJCE, Avis 2/00, Avis de la Cour, Avis rendu en vertu de l'article 300 CE, 6 décembre 2001