Tribunal administratif de Paris, 29 mars 2019, n° 1810371/4-2

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Sommaire TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1810371/4-2

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Société Beaumont Goodwill

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme A X

Rapporteur

Le Tribunal administratif de Paris
M. B Y

(4ème Section – 2ème Chambre) Rapporteur public

Audience du 15 mars 2019

Lecture du 29 mars 2019

39-01-02-02-05

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 juin 2018, les 1er et 9 janvier 2019, la société Beaumont Goodwill, représentée par Me Favier, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler les deux contrats conclus le 28 juin 2018 entre la Société immobilière pour le commerce et la réparation automobile (SIMCRA) et la société Immobilière 3 F (13F), dans le cadre d’un appel à projets de la ville de Paris « Réinventer Paris II – Les dessous de Paris », relatifs à la vente d’ensembles immobiliers, situés l’un […] et 1, 1bis, 3 et 5 passage Saint-Pierre Amelot, et l’autre, 2 passage Saint-Pierre Amelot, à Paris ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la ville de Paris et de la société Renault la somme de 10 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente car les contrats en cause sont des contrats administratifs dès lors en premier lieu que la ville de Paris dans le cadre de l’appel à projets est à l’initiative du projet et est la véritable autorité décisionnaire, deuxièmement que des prestations individualisées ont été fournies à la ville de Paris pour satisfaire ses besoins, et troisièmement que des prestations individualisables sont fournies, en l’absence de contrepartie financière.

- sa requête est recevable. Elle a produit les contrats litigieux et, en tout état de cause, elle avait justifié d’une impossibilité matérielle. La désignation du lauréat de la procédure

d’appel à projets « Réinventer Paris II – Les dessous de Paris » est une décision administrative de


la ville de Paris en sa qualité de pouvoir adjudicateur, afin de satisfaire un besoin individualisé de la collectivité; elle justifie de son intérêt à agir eu égard aux intérêts lésés et à la gravité des vices relevés d’office.

- la procédure de consultation est irrégulière ;

- la procédure est entachée de partialité ; les candidats ont subi une inégalité de traitement, eu égard aux critères de sélection

-

déterminés par la ville de Paris ;

- l’analyse des offres des candidats est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2018, la ville de Paris conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

à titre principal, la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la légalité d’un acte de droit privé ;

- à titre subsidiaire, la requête est irrecevable au regard de l’article R. 421-1 du code de justice administrative;

- à titre infiniment subsidiaire, la requête n’est pas fondée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2018 et le 23 janvier 2019, la société immobilière pour le commerce et la réparation automobile (SIMCRA), représentée par Me Schödel, conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la requérante la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la juridiction administrative est incompétente dès lors que l’objet de la contestation n’est pas un marché public; la requête est irrecevable en raison du défaut de production des contrats contestés, de

l’objet de la requête et du défaut d’intérêt à agir de la société Beaumont Goodwill;

- la requête n’est, en tout état de cause, pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu:

- le code des marchés publics ;

- l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005; le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

-le rapport de Mme X, les conclusions de M. Y, rapporteur public, et les observations de Me Favier pour la société Beaumont Goodwill, de M. Z pour la ville de Paris et Me Schödel pour la SIMCRA.



Considérant ce qui suit :

1. La SIMCRA est propriétaire de deux ensembles immobiliers, l’un sis […], d’une superficie de 2 895m², et l’autre sis […]

41) d’une superficie de 2 674 m², dans le 11ème arrondissement de Paris. Par un courrier du 24 mai 2017, la société d’HLM Vilogia, mise en relation avec Renault par la société Beaumont

Goodwill, son mandataire, lui a fait part de son intention d’acquérir ces biens à hauteur de 37 millions d’euros. Dans le même temps, la ville de Paris a, le 23 mai 2017, lancé un appel à projets, intitulé « Réinventer Paris II- Les Dessous de Paris » visant à sélectionner les projets urbains en vue de leur réalisation sur des terrains ou des immeubles, en sous-sol et en surface, propriétés de la ville ou de tiers. La société Renault, par l’intermédiaire de sa filiale, SIMCRA, a participé à cette procédure au titre des deux terrains qu’elle possède. Selon le règlement d’appel

à projets et le règlement de consultation élaboré par la société Renault, cette procédure se déroule en plusieurs phases à l’issue de laquelle est désigné le lauréat. La société d’HLM Vilogia a pris part aux différentes phases de l’appel à projets mais à l’issue de la procédure, elle n’a pas été désignée lauréate, le projet concurrent de la société Immobilière 3F ayant été retenu. Le 20 avril 2018, la SIMCRA et la société I3F ont signé une promesse de vente sans condition suspensive. La société Vilogia en a été informée par un courrier de la société Renault du 3 mai

2018. Les actes de vente authentiques des terrains ont été signés par la SIMCRA en qualité de vendeur et 13F en qualité d’acheteur devant notaire le 28 juin 2018. La société Beaumont Goodwill demande l’annulation des deux contrats de vente signés entre SIMCRA (Renault) et la société I3F.

Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative opposée en défense :

2. Sauf si la loi en dispose autrement, les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte

d’une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l’accessoire d’un contrat de droit public.

3. Aux termes de l’article 1 du code des marchés publics : « I.- Les dispositions du présent code s’appliquent aux marchés publics et aux accords-cadres ainsi définis : Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à

l’article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (…) ». Selon l’article 2 de ce code : « Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont: / 1° L’Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial; / 2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux (…)».

4. Il est constant que les promesses de vente litigieuse du 20 avril 2018, réalisées par actes authentiques du 28 juin 2018, ont pour objet la vente de deux ensembles immobiliers à la société Immobilière 3F dont est propriétaire la SIMCRA, le vendeur. Ces contrats ne figurent pas au nombre des contrats qui sont administratifs par détermination de la loi. Par ailleurs, il est constant qu’ils ont été conclues entre deux personnes morales de droit privée.

5. La société Beaumont Goodwill soutient que les contrats conclus entre la SIMCRA et la société I3F relèvent d’un marché de droit public dès lors que Renault, par l’intermédiaire de SIMCRA, a agi en réalité au nom et pour le compte de la ville de Paris dans le cadre de l’appel à projets « Réinventer Paris II – Les Dessous de Paris ». Si la société requérante fait valoir le rôle déterminant de la ville de Paris sur la nature, la conception et la sélection du projet, visant à la


satisfaction de ses propres besoins, il résulte toutefois de l’instruction que la société Renault, par

l’intermédiaire de la SIMCRA n’a pas été contrainte de participer à la procédure d’appel à projets, que le projet de cession des immeubles par SIMCRA relève de sa propre initiative, que

Renault a élaboré son propre règlement de consultation, même si elle a collaboré à la démarche et aux objectifs poursuivis dans le cadre de l’appel à projets de la ville de Paris. Selon les stipulations du point 1.2 de ce règlement de consultation, le candidat n’a aucune exclusivité et le propriétaire jouira de la faculté de négocier avec toute personne de son choix, à tout moment, que cette personne été ou non consultée, et de conclure avec elle un accord, relatif aux immeubles. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la société Renault avait la moitié des sièges, avec voix prépondérante, au sein du comité de sélection de « Réinventer Paris II – Les

Dessous de Paris » et que la décision du choix du lauréat final lui appartenait. En outre,

SIMCRA a bénéficié directement et intégralement du produit de la vente de ses biens immobiliers à la société I3F. Si les promesses de vente litigieuses sont intervenues dans le cadre de l’appel à projets « Réinventer Paris II Les Dessous de Paris » tendant à garantir la compatibilité du projet avec les objectifs définis par la ville de Paris en matière urbaine, et notamment de logements sociaux, dans un but d’intérêt général, elles ne peuvent être regardées comme répondant aux seuls besoins du pouvoir adjudicateur et exécutées dans son intérêt économique direct. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, les contrats de cession d’immeubles litigieux ne se sont pas inscrits dans le cadre d’un marché public. Ils ne revêtent pas de caractère administratif. Par suite, ces contrats de vente, conclus entre la SIMCRA et la société I3F, personnes privées agissant pour leur propre compte, alors même qu’elles ont participé à la procédure d’appel à projets de la ville de Paris « Réinventer Paris – Les Dessous de

Paris », doivent être regardés comme des contrats de droit privé. Dès lors, ce litige relève de la compétence du juge judiciaire. L’exception d’incompétence de la juridiction administrative pour connaître du présent litige doit donc être accueillie.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Beaumont Goodwill aux fins d’annulation doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les frais du litige :

7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, la société Beaumont Goodwill étant la partie perdante, de faire droit à ses conclusions sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société requérante, la somme demandée par la SIMCRA sur le même fondement.

DECIDE:

Article 1er: La requête de la société Beaumont Goodwill est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SIMCRA au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 3: Le présent jugement sera notifié à la société Beaumont Goodwill, à la société immobilière pour le commerce et la réparation automobile (SIMCRA) et à la ville de Paris.

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