Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 8 décembre 2008, n° 08/59627

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Sur la décision

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

08/59627

N° : 1/FF

Assignation du :

28 Octobre 2008

(footnote: 1)

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 08 décembre 2008

par Emmanuel BINOCHE, Premier Vice-Président au Tribunal de Grande Instance de Paris, tenant l’audience publique des Référés par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de E LE STRAT, Greffier.

DEMANDERESSE

Société CORTIX

[…]

[…]

[…]

représentée par Me C BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS – E241

DÉFENDERESSE

Société Z A INC

[…]

X Y – CA 94107- 8350, ETATS-UNIS

non comparante

DÉBATS

A l’audience du 01 Décembre 2008 présidée par Emmanuel BINOCHE, Premier Vice-Président tenue publiquement,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Vu l’assignation délivrée le 28 octobre 2008 par la société CORTIX, suivant laquelle il est demandé en référé de :

— ordonner à Z A Inc., en sa qualité d’éditeur et d’hébergeur du site internet accessible à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Cortix, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision à intervenir,

— supprimer le mot “polémique” de l’article intitulé “Cortix” accessible à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Cortix,

— supprimer les informations relatives aux procédures en cours concernant Cortix, qu’il s’agisse de celle pendante devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux ou de Bobigny, en ce qu’elles ne constituent pas des décisions définitives et que certaines d’entre elles sont erronées,

— supprimer les liens hypertextes vers les sociétés concurrentes de la société Cortix et notamment vers les sociétés Proximedia, Kemenn, Incomm et Artys,

— cesser tout acte qui porterait atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie de la société Cortix et au libre jeu de la concurrence,

— verrouiller l’article “Cortix”,

— supprimer l’intégralité des différentes versions de cet article dans l’encyclopédie Wikipédia et notamment accessibles à l’adresse http://fr.wikipedia.org/w/index.php?titre=Cortix&limit=100&action=history,

— se réserver expressément la liquidation des astreintes,

— condamner Z A Inc. à la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et au paiement des dépens ;

C E C I E T A N T ,

SUR LA PROCÉDURE

Attendu, la fondation Z A Inc. ne comparaissant pas ni n’étant représentée, que la décision sera réputée contradictoire en application des dispositions de l’article 473 du Code de procédure civile ;

L’acte introductif a été délivré par la société anonyme CORTIX le 28 octobre 2008 à Z A B, soit dans le délai imparti par l’autorisation donnée en application de l’article 485 du Code de procédure civile ; s’agissant d’une société de droit d’un Etat des Etats-Unis d’Amérique domiciliée dans l’Etat de Californie, l’acte fait mention de la transmission à l’organisme chargé au sens de la convention de la Haye du 15 novembre 1965 et des instructions du 1er mars 2006 de procéder à la notification en application de l’article 684 premier alinéa du Code de procédure civile, la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée conformément à l’article 686 du même code à Z A Inc. étant jointe, l’avis daté du 3 novembre 2008 ayant été retourné signé.

Qu’en l’état de ces éléments, l’assignation apparaît avoir été régulièrement délivrée ;

SUR LES DEMANDES

La société anonyme CORTIX se plaint de la publication dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia d’un article à son sujet intitulé « Polémique sur la méthode de vente » dans le cadre duquel il serait indiqué, selon les indications portées dans l’acte introductif page 4:

« La société Cortix fait l’objet d’une série de plaintes pour tromperie : sa méthode de vente one shot est critiquée, ainsi que sa démarche commerciale consistant à proposer un site web avec une simple participation aux frais d’hébergement, qui en fait un contrat d’hébergement Web de 48 mois coûtant plus de 1.000 euros par année, et qui laisse toute la propriété intellectuelle à Cortix en fin de contrat. S’estimant victimes de Cortix, des clients ont constitué deux associations et porté leur différend devant le Tribunal de grande instance de Bobigny début 2008, se joignant à la plainte pour abus de confiance précédemment déposée au Tribunal de grande instance de Bordeaux dès 2006 par des clients mécontents ».

Elle prétend que certaines de ces informations n’ont pas d’intérêt dans une encyclopédie et portent atteinte au principe de neutralité, qui en est le pilier.

Elle relève en particulier l’indication du fait que les deux associations auraient porté leur différend devant le Tribunal de grande instance de Bobigny début 2008, se joignant à la plainte pour abus de confiance précédemment déposée au Tribunal de grande instance de Bordeaux dès 2006, alors que la première procédure a été initiée par la société Cortix, et que les deux instances sont totalement indépendantes, l’une étant civile et l’autre pénale.

Elle met en cause par ailleurs l’affirmation selon laquelle la société Cortix aurait fait l’objet d’ “une série de plaintes”, donnant à croire qu’il existe un grand nombre de procédures engagées contre elle, et qu’une partie substantielle de la clientèle de la société Cortix est concernée, ce qui est contesté.

Elle relève l’existence à la rubrique “notes” de liens dirigeant vers des sites internet de concurrents, les sociétés Proximedia, Kemenn, Incomm et Artys, et met en cause l’atteinte portée au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, constitutive de concurrence déloyale.

Rappelant que les définitions antérieurement publiées et qui ont conduit à cette procédure mettaient en exergue deux clients mécontents, l’un mis en examen pour diffamation publique et l’autre éditant deux sites internet vers lesquels les internautes étaient renvoyés, dont l’accès a été suspendu par le Président du Tribunal de commerce de Paris, la société demanderesse fait valoir que celles-ci sont encore accessibles dans la rubrique “historique” du site “Wikipedia”, et que les modifications qu’elle a apportées au texte de l’article ont été supprimées au fur et à mesure par des contributeurs, une demande d’apposer un “bandeau de désaccord de neutralité”sur l’article litigieux n’ayant par ailleurs pas été satisfaite.

[…]

Attendu qu’aux termes de l’article 809 du code de procédure civile, il peut toujours être prescrit en référé, même en cas de contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Qu’aux termes de l’article 6 I 8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, l’autorité judiciaire peut prescrire en référé à tout prestataire d’hébergement, toutes mesures propres à prévenir ou faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ;

Attendu que la société CORTIX s’appuie sur un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 16 septembre 2008, qui relève les termes d’une rubrique précisément intitulée “Méthode de vente et polémique”, ainsi que sur un deuxième constat établi le 6 octobre suivant par le même huissier faisant ressortir les mêmes termes, inchangés, ainsi reproduits, en réalité différents de ceux cités plus haut :

“Ciblant une clientèle de professionnels, la méthodologie de vente de Cortix ( technique dite “One-shot” ou “Vente en cycle court”) est vivement critiquée par certains de ses clients.En décembre 2007, une association de défense contre les abus des prestataires de l’internet a été créé pour regrouper les clients estimant avoir été victimes de la société (certains ayant porté plainte pour abus de confiance). En janvier 2008, l’association s’est portée partie civile dans une plainte devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux.

Attiré par une offre de gratuité du site internet, le client ne peut pas, même en cas d’insatisfaction, se libérer du contrat signé avec Cortix avant plusieurs années. Par ailleurs, Cortix revend généralement le contrat à des établissements de crédits qui se chargent de prélever les mensualités sur les comptes des clients. Réfutant toute accusation d’escroquerie, la société explique que “les sociétés de location financière partenaires de Cortix sont nommément désignées dans le contrat signé par le client, de même que la nature ferme de la durée du contrat qui est indiquée sur le formulaire constituant la première page du contrat de licence”. Le fondateur de l’entreprise, Hassane Hamza, évoque une “véritable campagne de dénigrement”.

Le 25 août 2008, Cortix a été déboutée d’une demande en référé pour “propos illicites” déposée contre C D, qui avait dénoncé dans son blog les procédés de vente de la société”;

Attendu qu’il convient de rappeler que les demandes tendant à la prise de mesures provisoires s’apprécient à la date à laquelle cette juridiction statue ;

Qu’en conséquence au regard des éléments mentionnés plus haut, il n’est nullement établi, aucun constat ni même une copie imprimée d’écran n’étant communiquée pour en attester à cet égard, que le site Wikipedia comporte bien, comme publié en dernier lieu, l’article dans les termes relatés dans l’assignation en page 4, et qui justifient à ses yeux que cette juridiction prenne les mesures demandées ;

Qu’au surplus, il n’est pas question dans la version de l’article relevée par les constats dressés par l’huissier, seule à prendre en compte par conséquent, d’une “série de plaintes”, mais expressément d’une plainte portée devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux ; qu’il n’est pas question d’une procédure portée devant le Tribunal de Bobigny avec laquelle une confusion pourrait prétendument s’opérer ; qu’encore, alors que la société CORTIX prend essentiellement pour fondement de ses demandes la liberté du commerce et de l’industrie et la réalisation de faits constitutifs de concurrence déloyale, l’existence prétendue à la rubrique “notes” de liens dirigeant vers les sites internet des concurrents cités n’apparaît pas au vu des liens relevés par l’huissier les 16 septembre et 6 octobre 2008 ;

Qu’enfin, si l’huissier a bien relevé le 6 octobre dans l’ “Historique des versions de Cortix” la liste des interventions ( pages 8 à 17 ), il ne les a pas pour autant reproduites, la pièce n° 4 visée à la page 16 de l’assignation représentant l’impression de copies d’écrans relevés le 20 octobre 2008, par conséquent hors des diligences et du contrôle de l’huissier ; qu’au demeurant, la société demanderesse n’a pas cru devoir, en les relevant, préciser les propos qui étaient à ses yeux criticables parmi ceux accessibles dans l’historique sur une liste occupant pas moins de douze pages ;

Attendu en conséquence, alors qu’aucune explication n’a été donnée sur le sort de l’instance en référé précédemment introduite le 25 août 2008 par la société Cortix, selon l’article relevé par l’huissier, il ne peut être raisonnablement considéré que la fondation défenderesse, connaissance prise de l’assignation, a pu prendre la mesure exacte des demandes et de l’intérêt de se défendre ; que cette juridiction, appelée à prendre des mesures à caractère essentiellement provisoire, n’est pas en présence pour sa part d’une demande et d’argumentations claires et non équivoques l’y autorisant ; qu’elle ne dispose donc pas d’éléments lui permettant le cas échéant de constater que l’article par son contenu a pu outrepasser les limites posées à la liberté, de ceux y ayant contribué, de s’exprimer ;

Attendu en conséquence qu’il n’y a lieu à référé, sans qu’il apparaisse utile d’examiner davantage les prétentions de la société demanderesse ;

Que les dépens seront laissés à la charge de la S.A. CORTIX .

P A R C E S M O T I F S ,

Par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe,

Vu les dispositions des articles 809 du Code de procédure civile, 6 I 8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004,

Disons n’y avoir lieu à référé,

Laissons les dépens à la charge de la S.A. CORTIX.

Fait à Paris le 08 décembre 2008

Le Greffier, Le Président,

E LE STRAT Emmanuel BINOCHE

FOOTNOTES

1:

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