Tribunal Judiciaire de Paris, 5 janvier 2022, n° 17/07001

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Benjamin Pouchoux · Blog Droit Administratif · 19 décembre 2023

Dans son arrêt du 11 octobre 2013, Amnesty International et autres, l'Assemblée du contentieux du Conseil d'État a admis la recevabilité de l'action de groupe destinée à faire cesser les contrôles d'identité au faciès au terme d'une appréciation très indulgente au regard des termes de la loi et exprimée dans une motivation trop indigente au regard de l'importance de la question. Fermant les yeux sur les problèmes de recevabilité que posait cette action en particulier, elle a en revanche jeté un regard un peu réducteur sur cette nouvelle voie de droit lorsqu'elle a esquissé le cadre …

 
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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 5 janv. 2022, n° 17/07001
Numéro(s) : 17/07001

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

1/7 actions de groupe

N° RG 17/07001 – N° Portalis

352J-W -B7B-CKP5L

N° MINUTE :

Assignation du : 02 Mai 2017

Expéditions exécutoires délivrées le :

JUGEMENT rendu le 05 Janvier 2022

DEMANDERESSE

Association d’aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti Convulsivant (A.P.DS.A.C.) […] représentée par Maître Charles JOSEPH-OUDIN de la SELASU DANTE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0115

DÉFENDERESSES

S.A. SANOFI-AVENTIS FRANCE […]

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE prise en sa succursale située en FRANCE 1 cours […] représentées par Maître Armand AVIGES de la SELARL ALTANA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0021

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Décision du 05 Janvie 1/7 actions de groupe N° RG 17/07001 – N°

r 2022

Portalis 352J-W-B7B-CKP5L

L’Office National d’Indemnisation des Accidents medicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (O.N.I.A.M.) […]

représenté par Maître Sylvie WELSCH de la SCP UGGC AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0261

Société CARRAIG INSURANCE LTD […]

[…]

Non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Jean-Paul BESSON, Premier Vice-Président Président de formation,
Madame Anne BELIN, Première Vice-Présidente adjointe Madame Laure TOUTENU, Vice-Présidente Assesseurs,

assistés de Samir NESRI, Greffier

DEBATS

A l’audience du 22 Septembre 2021 tenue en audience publique

JUGEMENT

- Réputé contradictoire

- En premier ressort

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

- Signé par Monsieur Jean-Paul BESSON, Président, et par Monsieur Samir NESRI, greffier lors du prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des motifs

Faits constants

Il a été créé en 2011 une association régie par la loi du 1er juillet 1901 intitulée "Association d’aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti-Convulsivant” (APESAC) dont l’objet social est de : recueillir et de diffuser de l’information sur le syndrome de l’anti convulsivant auprès des victimes potentielles ou avérées ainsi que de leur famille informer les praticiens (médecins, rééducateurs, centres de soins, CAMSP,CMP) sur l’existence de ce syndrome

- regrouper les témoignages de victimes pour créer un réseau d’entraide utiliser tous les moyens disponibles pour favoriser la diffusion de l’information autour de ce syndrome et les bonnes pratiques de prise en charge et de rééducation ester en justice, toutes procédures confondues, y compris l’action de groupe, pour la défense de ses intérêts propres et pour la défense collective d’intérêts individuels de ses membres, notamment pour engager une action en justice commune.

Le siège social est situé […] et la présidente cette association est Madame Z A.

Cette association dispose d’un agrément national pour les associations et unions d’associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique qui a été pris par arrêté du 11 janvier 2016 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et publié au Journal Officiel de la République Française du 21 janvier 2016.

Cette association indique représenter plusieurs milliers de familles dont les mères ont pris un traitement médical pour leur épilepsie comprenant le médicament Dépakine au cours de leur grossesse et dont les enfants présentent aujourd’hui des pathologies caractérisant un syndrome de foetopathie à la Dépakine.

Elle considère que le laboratoire qui a commercialisé et mis sur le marché les deux spécialités pharmaceutiques intitulées Dépakine et Dépakine Chrono en 1967 et en 1987 qui contiennent un principe actif qui est l’acide valproïque ou Valproate de sodium, n’a pas permis aux femmes enceintes qui étaient traitées par la Dépakine de choisir librement et de façon éclairée, d’initier ou de poursuivre leur grossesse, alors qu’il apparaissait dès 1970 dans la littérature médicale et la pharmacovigilance que l’utilisation de ces deux médicaments pouvait entraîner des malformations physiques et des troubles neuro développementaux in utero des foetus que portaient ces femmes.

C’est pourquoi, cette association a souhaité intenter une action de groupe en droit de la santé publique contre le laboratoire SANOFI AVENTIS FRANCE, sur le fondement des articles L 1143-2 et suivants et R 1143-1 et suivants du code de la santé publique.

Elle indique représenter aujourd’hui 14 familles en particulier.

Procédure

Par acte du 2 mai 2017, l’association APESAC a assigné devant la 1 ère chambre 7ème section du tribunal de grande instance de Paris la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE, et son assureur la société CARRAIG Insurance LTD, afin de constater que les conditions mentionnées à l’article L 1143-2 du code de la santé publique relative à l’action de groupe en matière de santé publique sont réunies, de déclarer l’APESAC recevable en son action, de dire que la SA SANOFI AVENTIS FRANCE a commis une faute de vigilance sur le fondement de l’article 1240 du code civil et a commercialisé un produit défectueux au sens des articles 1245 et suivants du code civil, de constater que l’ensemble des pathologies présentées par les enfants exposé in utero au Valproate de sodium et correspondant aux troubles reconnus par la communauté scientifique sont en lien de causalité certain avec leur exposition in utero au mmédicament Dépakine établir une présomption

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de causalité entre la faute commise par le laboratoire SANOFI AVENTIS FRANCE, le défaut du produit I et les pathologies développées par les enfants exposés in utero à la I en présence d’indices graves et concordants apportés par la littérature et les données de phamacovogilance et de condamner la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE à indemniser les usagers du service de santé concernés par la prise du mmédicament Dépakinependant la grossesse.

Par acte du 16 juin 2017, la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE a assigné en intervention forcée l’Office National d’Indemnisation des victimes d’Affections iatrogènes, des Infections nosocomiales et des accidents Médicaux (ONIAM).

Par acte du 4 août 2017, la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE a assigné en intervention forcée la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE

& SPECIALTY SE qu’elle considère comme étant son assureur concernant les médicaments Dépakine et Dépakine Chrono.

Par ordonnance du 20 septembre 2017, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances dans un souci de bonne administration de la justice.

Par ordonnance en date du 29 novembre 2017, le juge de la mise en état du tribunal de Céans a :

- Rejeté la demande de communication de pièces sous astreinte présentée par l’association APESAC

- Rejeté la demande de provision ad litem présentée par l’APESAC car se heurtant à une contestation sérieuse sur le fond ;

- Rejeté la demande de consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignation présentée par l’association APESAC car se heurtant à une contestation sérieuse sur le fond;

- Rejeté la demande de désignation d’un médiateur présentée par l’association APESAC car elle a été refusée par les défendeurs et se a heurte à une contestation sérieuse au fond ;

- Dit que la présente décision est opposable à la société CARRAIG Insurance LTD;

- Rejeté les demandes des parties présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de l’incident suivrons le sort des dépens de l’instance principale au fond ;

- Rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Cette ordonnance a été frappée d’appel par l’association APESAC et la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance entreprise.

Par nouvelle ordonnance du 21 mars 2018, le juge de la mise en état du tribunal de céans a :

Enjoint à l’association APESAC de produire aux débats et de communiquer à la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE et à son assureur ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE les pièces

suivantes : les pièces produites au soutien de sa plainte en date du 26 septembre 2016 auprès de Monsieur le procureur de la République de Paris dans l’affaire dite “de la Dépakine”,

- l’avis à victime ou à partie civile qui leur a été adressé par le magistrat instructeur du TGI de Paris dans l’affaire dite “de la Dépakine”; et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la présente décision et ce sous astreinte de 50€ par jour de retard après ce délai d’un mois ;

- Rejeté les autres demandes de communication de pièces adressées à l’APESAC, aux 14 familles citées à titre d’exemple par cette association et à l’ONIAM Déclaré la présente décision opposable à la société CARRAIG Insurance LTD;

- Rejeté les demandes formulées par les différentes parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

- Réservé les dépens

- Rejeté les autres demandes plus amples ou contraires.

La Dépakine et la Dépakine Chrono sont deux médicaments qui sont utilisés depuis le début des années 1970 pour le traitement des différentes formes d’épilepsie chez l’adulte et chez l’enfant âgé de plus de 6 ans.

Ces médicaments comprennent un principe actif qui est l’acide valproïque ou Valproate de sodium.

La Dépakine a fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché en 1967 et la Dépakine Chrono en 1987.

Ces médicaments ont été fabriqués et commercialisés par le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE jusqu’en 2005, date à laquelle ce médicament est entré dans le domaine public, et depuis lors, plusieurs laboratoire fabriquent des médicaments génériques de la Dépakine.

Il est communément admis dans la littérature médicale que les médicaments en général sont susceptibles d’être tératogènes, c’est à dire de provoquer des malformations chez les enfants dont la mère est traitée pendant sa grossesse avec ses médicaments.

Ce pourcentage est de l’ordre de 2 à 3% dans la population générale.

Il est également admis que chez une femme épileptique en âge de procréer, un arrêt brutal du traitement par la Dépakine peut provoquer une aggravation de la maladie et une crise d’épilepsie peut être préjudiciable à l’état de santé du foetus.

Plusieurs rapports d’expertise médicale dans des situations indemnitaires individuelles correspondant à certaines des 14 familles de référence évoquée par l’association APESAC ont conclu que les enfants présentaient des malformations du visage, des troubles dyspraxiques et des troubles cognitifs et neuro-visuels en lien direct avec la prise par leur mère pendant leur grossesse du médicament Dépakine

Pour autant, ces mêmes collèges d’experts indiquent que la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE a délivré à l’époque des faits une information sur les effets de la Dépakine qui était conforme aux données connues et publiées de la science médicale sur ce médicament.

De même, une réponse ministérielle du ministre de la santé à une question écrite d’un député publiée au journal officiel de la République Française le 11 février 2014, précisait que “le risque tératogène lié à la prise du médicament Dépakine au cours de la grossesse a été identifié et mentionné dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) dès 1986 et que des informations ont été mises à jour régulièrement au regard de l’évolution des connaissances, de même que les conditions de prescription du médicament”.

Au vu de ces nouvelles connaissances, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a régulièrement modifié le RCP de cette spécialité.

De plus, le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) publié le 23 février 2016 a précisé que “la mission a mis en évidence une certaine inertie des autorités sanitaires nationales, de l’agence européenne et des laboratoires en matière d’information des prescripteurs comme des patientes. Mais la mention des retards de développement n’est ainsi apparue dans le RCP français qu’en 2006, alors que le laboratoire l’avait proposée dès 2003 et qu’elle a été retenue pard’autres payes dès 2003-2004.

L’APESAC soutient que le laboratoire aurait manqué à son obligation de vigilance en ne faisant pas modifier la notice de ces médicaments plus tôt alors que le risque était connu dès 1984 comme cela ressort d’une étude toxicologique réalisée par un laboratoire en 1985 et d’un rapport d’expertise judiciaire en date du 22 janvier 2018 et d’avoir commercialisé en connaissance de cause un produit défectueux. Elle fait état d’une décision de cour d’appel d’Orléans qui aurait retenu le principe de la responsabilité de ce laboratoire concernant le médicament Dépakine

Par transmission en date du 18 mai 2020, le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Paris à communiqué au président de la 1ère chambre 7ème section du tribunal de céans, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et pour votre complète information, une copie sous forme de DVD du rapport de l’expertise générale pénale diligentée dans le cadre de l’information judiciaire dite Dépakine”.

Par transmission le 2 juin 2020, le procureur de la République près le tribunal de céans a communiqué la copie de la décision de rejet de la demande de contre-expertise et ordonnant un complément d’expertise, ainsi que de l’ordonnance ordonnant un complément d’expertise en date des 19 et 20 mai 2020.

Par transmission le 18 septembre 2020, le procureur de la République a communiqué une copie du rapport de complément d’expertise du 15 juin 2020 dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Par conclusions en réponse n°9 régulièrement signifiées par RPVA le 14 octobre 2020, l’Association d’aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti Convulsivant (APESAC) demande au tribunal de :

- Constater que les conditions mentionnées à l’article L 1143-2 code de la santé publique sont réunies ;

- Déclarer l’APESAC recevable et bien fondée en son action ;

- Constater que les victimes concernées par l’action de groupe sont les femmes exposées à la Dépakine et ses dérivés depuis l’année 1960 (date

de commercialisation) jusqu’au jour du jugement, les enfants exposés in utéro à la Dépakine et ses dérivés depuis l’année 1960 jusqu’au jour du jugement, les victimes indirectes de ces préjudices corporels (les proches des victimes); Dire et juger que la SA SANOFI-AVNETIS FRANCE a commis une faute de vigilance sur le fondement de l’article 1240 du code civil et incien article 1382 du code civil pour les enfants exposés à la I depuis la mise sur le marché jusqu’à aujourd’hui ;

- Dire et juger que la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE a commercialisé un produit défectueux au sens des articles 1245 et suivants du code civil et ancien article 1386-1 du code civil pour les enfants exposés à la Dépakine à compter du 22 mai 1998 ; En conséquence, Rejeter la demande de forclusion décennale formulée par la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL

- Rejeter la demande d’exonération pour conformité du produit avec les règles impératives d’ordre législatif et règlementaire formulée par la SA SANOFI-AVENTIS et ALLIANZ GLOBAL Rejeter la demande d’exonération pour risque de développement formulée par la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL

- Dire et juger que la SA SANOFI AVENTIS FRANCE a commis une faute de suivi de la Dépakine sur le fondement de l’article 1240 du code civil

A titre principal
-
Constater que l’ensemble des pathologies présentées par les enfants

exposés in utero au valproate de sodium et correspondant aux troubles reconnus par la communauté scientifique sont en lien de causalité certain avec leur exposition in utéro à la Dépakine ;

- Etablir une présomption de causalité entre la faute commise par le laboratoire SĂ SANOFI AVENTIS FRANCE, le défaut du produit Dépakine et les pathologies developpées par les enfants exposé in utero à la Dépakine en présence d’indices graves et concordants apportés par la littérature et les données de la pharmacovigilance ; Par conséquent,

- rejeter la demande de perte de chance invoquée par la SA SANOFI AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL ;
A titre subsidiaire,

- Fixer la perte de chance à 95% Dire et juger que la société SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL ne démontrent pas que la responsabilité du laboratoire serait prescrite et/ou éteinte
A titre subsidiaire,

· Constater que l’ensemble des pathologies présentées dans le PNDS relatif à la Dépakine et les pathologies suivantes présentées par les enfants exposées in utero au valproate de sodium sont en lien de causalité certain avec leur exposition in utero à la Dépakine et notamment : malformations majeures, troubles cardiaques, malformations cérébrales, malformations des extrémités, malformations génitales, malformations garstro-entéro-oesophasiennes, anomalies osseuses, autres malformations, troubles visuels, troubles X, troubles neurologiques, troubles de la motricité, troubles du développement, troubles musculaires, retards de développement, autres troubles neuro développementaux ; A titre infiniment subsidiaire,

- Ordonner une expertise de pharmacovigilance unique afin de déterminer l’état des données de la science, et le lien de causalité entre

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les pathologies développées par les enfants et leur exposition à la Dépakine ; A titre très infiniment subsidiaire, Ordonner des expertises individuelles réalisées par un expert unique neuro-pédiatre selon les critères ci-dessus, avec la mission habituelle en la matière

- Condamner la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ

-

GLOBAL à prendre en charge l’ensemble des frais et consignations relatifs à ces expertises individuelles et à verser à chaque famille qui sera soumise à une expertise une provision ad litem de 10 000€ En tout état de cause,

- Ordonner que soient écartés des débats les pièces 23; 1-41 à 45; 1-69; 1-70; 1-71; 1-142; 1-144; 1-175, 1-245, II-1 à II-69 ; II-70 à II-77; II-78 à II-80 et II-87 communiquées par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE

- Rejeter la demande de la société SANOFI -AVENTIS FRANCE de voir écarter des débats le rapport d’expertise médicale générale ordonnée par le magistrat instructeur et communiquée à la 1ère chambre 7° section par le Ministère Public au mois de mai 2020;

· Rejeter la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive concernant SANOFI-AVENTIS FRANCE dans le cadre de la procédure pénale en cause ;

- Rejeter la demande de sursis à statuer et la demande de renvoi devant la CJUE; Débouter la société SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL de l’ensemble de leurs demandes, moyens et prétentions ;

- Condamner la société SANFOFI-AVENTIS FRANCE à indemniser les usagers du service de santé concerné;

- Ordonner à la charge de la société SANOFI-AVENTIS FRANCE, D’ALLIANZ global corporate & SPECIALITY et de la société CARRAIG Insurance LTD la réalisation de mesures extensives de publicité pour informer les personnes susceptibles d’appartenir au groupe des usagers du système de santé :

- publication de la décision à intevenir dans les quotidiens Le Figaro, Le Monde, Ouest France, et dans plusieurs revues féminines ;

- transmission de messages radiophoniques et télévisuels tant au niveau national que régional ;

- Fixer à 5 ans le délai dont disposnt les usagers du système de santé remplissant les critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement prévu à l’article L 1143-3 pour adhérer au groupe afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices;

- Autoriser l’APESAC à s’adjoindre un professionnel de justice pris en

-

la personne de la SELASU DANTE; Fixer à deux mois à compter de la réception de la demande d’indemnisation des victimes par la société SĂ SANOFI-AVENTIS FRANCE, le délai d’indemnisation des usagers du système de santé ; Condamner in solidum la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE et la société CARRAIG Insurance LTD à verser à l’APESAC une provision de 1 125 000€ à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association, y compris ceux afférents à la mise en oeuvre de l’article L 1143-14 outre les frais éventuels d’expertise Ordonner la consignation par la société SA SANOFI-AVENTIS FRANCE à la Caisse des Dépôts et Consignations de la somme de 400 000 000€ Condamner in solidum la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE,

-

ALLIANZ GLOBAL CORPORATE et la société CARRAIG Insurance LTD à verser à l’association APESAC une somme de 60 000€ sur le

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fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives n°2 régulièrement signifiées par RPVA le 20 juin 2018, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections Iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), demande au tribunal de : Dire et juger que la société SANOFI-AVENTIS FRANCE est dépourvue de tout droit à agir contre l’ONIAM ; Dire et juger que l’intervention forcée de l’ONIAM formée par SANOFI-AVENTIS FRANCE ne se rattache pas par un lien suffisant aux prétentions dont l’appréciation est soumise au tribunal par les parties à la procédure principale ; Dire et juger que la société SANOFI-AVENTIS FRANCE est dépourvue d’intérêt à agir en déclaration de jugement commun à l’encontre de l’ONIAM ; En conséquence,

- Dire et juger irrecevable l’intervention forcée de L’ONIAM; En tout état de cause, Dire et juger que l’intervention forcée de l’ONIAM dans la procédure intentée par l’APESAC à l’encontre de SANFOFI-AVENTIS FRANCE sur le fondement des articles L 1143-1 et suivants du code de la santé publique est mal fondée; en conséquence la rejeter ; Condamner la société SANOFI-AVENTIS FRANCE à payer à l’ONIAM la somme de 5 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont recouvrement dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile par la SCP UGGC Avocats agissant par Maître Sylvie WELSCH, avocat.

Par conclusions en réponse n° XI régulièrement signifiées par RPVA le 12 novembre 2020, la société SA SANOFI-AVENTIS FRANCE et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE SPECIALITY SE demandent au tribunal de : In limine litis et à titre principal Constater que l’action de groupe engagée par l’APESAC ne remplit

-

pas les conditions de recevabilité de l’action de groupe énumérées aux articles L 1143-2 et L 1143-3 du Code de la Santé Publique ;

- Dire et juger irrecevable l’action engagée par l’APESAC ainsi que l’ensemble des demandes formées à l’encontre de SANOFI-AVENTIS FRANCE et D’AGCS ; En conséquence de quoi

- Débouter l’APESAC de son action de groupe et de l’ensemble de ses

-

demandes, moyens et prétentions ; A titre subsidiaire

-Si par impossible, l’action de l’APESAC devait être considérée par le tribunal comme recevable

- Ordonner que soient écartés des débats les éléments communiqués par le Ministère Public ;

A titre subsidiaire Si par extraordinanire, le tribunal devait décider de ne pas écarter des débats les éléments communiqués par le Ministère Public en violation des dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale

- ordonner le sursis à statuer de tout ou partie de la procédure dans l’attente d’une décision définitive concernant SANOFI-AVENTIS FRANCE dans le cadre de la procédure pénale en cause ; A titre plus subsidiaire Si par impossible, le tribunal devait décider de ne pas écarter des débats les éléments communiqués par le Ministère Public en violation des dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale et de ne pas faire droit à la demande de sursis à statuer

- ordonner la réouverture des débats ; Concernant les cas n°1 à 10 présentés par l’APESAC relatifs à la mise en circulation de la Dépakine avant le 3 mai 2007

- Dire et juger que la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE ne peut être engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil compte tenu de la prescription applicable aux faits antérieurs au 30 juillet 1988 et sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux au regard des dispositions impératives de la Directive du 25 juillet 1985; Dire et juger que la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE ne peut être ainsi retenue en ce qui concerne les cas n°1 à 10 présentés par L’APESAC; En conséquence de quoi

- Débouter l’APESAC de son action et de toutes ses demandes, moyens et prétentions concernant les lots de I mis en circulation avant le 3 mai 2007 ;

Concernant les cas n°10 à 14 présentés par L’APESAC Constater qu’il n’est pas établi que les cas cités par l’APESAC concernent effectivement la prise pendant la grossesse exclusivement de spécialités pharmaceutiques commercialisées par SANOFI AVENTIS FRANCE et non des produits génériques ;

- Constater qu’au regard de toutes les circonstances de faits, le médicament présentait la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre, que le valproate de sodium ne saurait être considéré comme un produit défectueux et que la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE ne peut être retenue en ce qui concerne les cas n°10 à 14; En conséquence de quoi

- Débouter L’APESAC de son action et de toutes ses demandes, moyens et prétentions concernant les lots de Dépakine mis en circulation à compter du 3 mai 2007 A titre encore plus subsidiaire Si par impossible, le tribunal devait, pour quelque période que se soit de mise en circulation de la Dépakine et pour quelque type de trouble que se soit, retenir la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE
- Statuer, compte tenu de la période concernée par l’action de l’APESAC et des différents régimes juridiques applicables, par un jugement avant dire droit sur la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE; ordonner compte tenu de la période concernée par l’action de

- l’APESAC et des différents régimes juridiques applicables et au vu de la période pour laquelle et des pathologies invoquées pour lesquelles la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE serait retenue que les parties soient renvoyées à conclure sur la question de la définition du groupe ; Si par impossible, le tribunal devait statuer sur la définition du groupe dans le même jugement que celui se prononçant sur la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE, sans renvoyer les parties à conclure sur la question de l’identification d’un groupe

- ordonner que le groupe des usagers de santé soit limité en fonction de la date de mise en circulation du produit à l’origine du dommage et du type de pathologie susceptibles d’être présentées et des préjudices réparables, qui ne pourront s’analyser que comme une perte de chance d’avoir évité le dommage, au vu des manquements et de la période pour lesquels il aura été retenu la responsabilité de SANOFI-AVENTIS FRANCE;

- ordonner que tout usager du système souhaitant adhérer au groupe démontre une exposition in utero à la Dépakine ou la prise de Dépakine pendant une grossesse et communique tous les éléments relatifs aux procédures d’expertise et indemnitaire, amiable ou judiciaire, qui auraient été initiées et tout élément relatif à une indemnisation qui aurait été perçue ; Ordonner que chaque demande de réparation fasse l’objet d’une expertise judiciaire individuelle contradictoire à laquelle l’usager du groupe devra attraire les médecins prescripteurs et ceux qui ont suivi la grossesse concernée, faute de quoi l’expertise ne pourra se tenir et que l’expertise soit menée par un collège d’experts composé d’un neurologue, d’un pédiatre, un généticien et un gynécologue avec la mission habituelle en la matière ;

- Dire et juger que l’indemnisation des préjudices résultant de troubles développés par des personnes exposées in utero nées à compter du 7 mars 2002 ne pourra pas être mis à la charge de SANOFI-AVENTIS FRANCE conformément aux dispositions de l’article L 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

- Dire et juger que les préjudices indemnisables ne pourront s’analyser que comme une perte d’éviter le dommage ; En conséquence de quoi

- Débouter l’APESAC de sa demande de définition du groupe ;

- ordonner que le groupe défini satisfasse les conditions et critères définis ci-dessus par SANOFI-AVENTIS FRANCE ;

- Ordonner que seule la perte de chance d’éviter le dommage soit indemnisable ; Dire et juger que la demande d’expertise de pharamacovigilence unique de l’APESAC est infondée et inutile et la débouter de sa demande en ce sens ;

Dire et juger que les demandes de provision et de consignation formulées par l’APESAC sont irrecevable et mal fondées et la débouter de ces demandes ; A titre encore plus subsidiaire

- réduire les montants accordés à de plus justes proportions ;

- Ordonner la mise en place d’un séquestre entre les mains du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris de la provision accordée qui ne pourra faire l’objet d’une libération progressive que sur présentation d’élements de nature à démontrer l’existence et le quantum des frais engagés, ainsi que leur lien avec la présente procédure ; A titre éminement plus subsidiaire

- ordonner que l’APESAC constitue une garantie sous la forme d’une caution bancaire auprès d’une institution bancaire notoirement solvable, à tout le moins à hauteur de la somme octroyée au titre des provisions ; ordonner que la décision à intervenir soit publiée une fois que le

-

jugement ne pourra plus faire l’objet de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation ;

- Ordonner que les usagers du système de santé disposent d’un délai de 3 ans à compter de cette publication pour adhérer au groupe ;

- Ordonner que conformément à l’article L 1143-4 du code de la santé publique et à l’article 826-17 du code de procédure civile, les usagers du système de santé puissent adresser leur demande de réparation à SANOFI-AVENTIS FRANCE ou à l’APESAC; En conséquence de quoi,

- Débouter l’APESAC de ses demandes relatives à la publication de la décision àintervenir, au délai d’adhésion au groupe et au destinataire de la demande d’adhésion ; Dire et juger irrecevable et mal fondée la demande formée par l’APESAC sur la fixation d’un délai de réparation des préjudices
A titre infiniment plus subsidiaire

- Ordonner que le délai d’indemnisation ne commence à courir qu’à compter du dépôt du rapport d’expertise judiciaire individuelle qui sera ordonnée; Ordonner à tout le moins que ce délai soit de 6 mois ; En tout état de cause

- Déclarer SANOFI-AVENTIS FRANCE recevable et bien fondée en sa demande d’intervention forcée de l’ONIAM dans la présente procédure; Déclarer commun et opposable à l’ONIAM l’ensemble de la procédure ainsi que le jugement à intervenir ;

- Ecarter des débats la pièce de l’APESAC n°D-O dossier de synthèse

-

des études toxicologiques sur la Dépakine du 11 décembre 1985;

- Débouter l’APESĀC de son action et de l’ensemble de ses demandes;

- Débouter l’APESAC de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; Débouter l’ONIAM de sa demande au titre des dispositions de l’artiucle 700 du code de procédure civile ; Condamner l’APESAC à payer à SANOFI-AVENTIS FRANCE la somme de 60 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

- Condamner l’APESAC aux dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

Bien que régulièrement assignée, la société CARRAIG Insurance LTD n’a pas constitué avocat ni conclu. La présente décision qui est susceptible d’appel, sera qualifiée de réputée contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

Par ordonnance en date du 24 mars 2021, le juge de la mise en état du tribunal de céans a prononcé la clôture de la procédure et a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 22 septembre 2021.

A cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 15 décembre 2021 prorogé au 5 janvier 2022.

I- Sur la recevabilité de la présente action de groupe

La SA SANOFI-AVENTIS FRANCE et son assureur soulèvent in limine litis l’irrecevabilité de l’action de groupe initiée par l’association APESAC. Ils indiquent que pour être recevable une action de groupe doit présenter les 5 critères suivants : l’association doit présenter des cas individuels suffisement

-

documentés pour illustrer et justifier son action ; les usagers du système de santé sollicitant la réparation de préjudices individuels doivent justifier d’un droit à réparation à l’encontre du défendeur ;

- ces usagers doivent être placés dans une situation similaire ou identique ;

- les préjudices individuels doivent avoir une cause commune ;

- cette cause comune doit consister en un manquement imputable à un producteur ou un fournisseur d’un produit de santé ou un prestataire utilisant le produit.

Or, l’association APESAC ne justifie pas avoir un pouvoir ou un mandat pour exposer les situations des 14 familles visées et dont certains éléments sont couverts par le secret médical. Ces familles n’ont paschoisipar ailleurs de privilégier la voie de l’action de groupe mais des procédures individuelles ou pénales. Ces familles, usagers du système de santé ne sont pas placées dans des situations similaires ou identiques. C’est ainsi que de 1985 à 2015, il y a eu de nombreuses AMM et c’est ainsi que selon les périodes, l’appréciation de l’existence d’un éventuel défaut d’information sera nécessairement différent.Les préjudices allégués n’ont pas une cause commune qui est le fait générateur de responsabilité, car il y a plusieurs faits générateurs qui peuvent différer d’une famille à l’autre. En fin, la cause commune alléguée par le demandeur ne résulte pas d’un unique manquement qui serait imputable au producteur mais également aux médecins prescripteurs. C’est ainsi qu’une consultation juridique des professeurs Stoffel-Munck et Borghetti produite aux débats conclut à l’irrecevabilité d’une telle action de groupe qui ne réunirait pas les trois conditions prévues par le texte. En conséquence, le tribunal déclarera l’APESAC irrecevable dans ses demandes, formées dans le cadre d’une action qui, manifestement, ne remplit pas les conditions de recevabilité d’une action de groupe et constatera qu’il ne relève pas en tout état de cause d’une bonne administration de la justice de faire droit à une telle action en l’espèce.

L’association APESAC considère pour sa part qu’elle est une association d’usagers du système de santé agréée en application des articles L 1114-1 du code de la santé publique , que la consultation 2 juridique produite aux débats a été rédigée par des professeurs de droit qui présentent un conflit d’intérêt avec celui qui les a mandaté, que l’association dispose bien de mandats de la part des 14 familles citées pour illustrer les demandes, que ces 14 familles présentées au titre des cas individuels venant au soutien des intérêts de l’association ne sont pas partie à la procédure d’action de groupe, qu’il n’y a pas de risque de double indemnisation de ces familles car la procédure d’action de groupe est dans sa phase initiale de déclaration de responsabilité et non pas d’indemnisation des préjudices qui interviendra dans une seconde phase. Ces différents usagers du système de santé sont bien placés dans une situation similaire ou identique même si leurs dommages peuvent être différents d’une personne à l’autre. Les enfants des 14 familles cités présentent bien tous un préjudice unique: une foetopathie à la Dépakine qui se manifeste par des malformations et ou des troubles neuro développementaux. Les usagers invoquent donc bien une cause unique qui est un manquement imputable à un producteur ou un fournisseur d’un produit de santé ou un prestataire untilisant ce produit.

Selon les dispositions de l’article L 1143-1 du code de la santé publique, une association d’usagers du système de santé agrée en CG

application de l’article L 1114-1 du code de la santé publique peut agir en justice afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par les usagers du système de santé placé dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un producteur ou d’un fournisseur de l’un des produits mentionnés au II de l’article L 5311-1 ou d’un prestataire utilisantl’un de ces produits à leurs obligations légales ou contractuelles. L’action n’est pas ouverte aux assocations ayant pour activité annexe la commercialisation de l’un des produits mentionnés au II . L’action ne peut porter que sur la réparation des préjudices résultant de dommages corporels subis par des usagers du système de santé”.

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Décision du 05 Janvier 2022 1/7 actions de groupe N° RG 17/07001 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKP5L

C’est ainsi que selon la jurisprudence développée sur la base de ce texte, 4 conditions cumulatives doivent être réunies pour que l’action soit recevable :

1- L’action doit être introduite par une association d’usagers du système de santé agréée;

2- l’existence de préjudices relatifs à des dommages corporels dividuels subis par des usagers du système de santé ;

3- un manquement de la part d’un producteur, d’un fabricant ou d’un prestataire à ses obligations légales ou contractuelles ;

4- existence d’un lien de causalité entre les préjudices et le manquement;

1- Il ressort des pièces produites aux débats qu’a été créé en 2011 une association régie par la loi du 1er juillet 1901 intitulée “Association d’aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti Convulsivant” (APESAC) dont l’objet social est de : recueillir et de diffuser de l’information sur le syndrome de l’anti convulsivant auprès des victimes potentielles ou avérées ainsi que de leur famille ; informer les praticiens (médecins, ré-éducateurs, centres de soins, CAMSP,CMP) sur l’existence de ce syndrome ;

- regrouper les témoignages de victimes pour créer un réseau d’entraide

- utiliser tous les moyens disponibles pour favoriser la diffusion de l’information autour de ce syndrome et les bonnes pratiques de prise en charge et de rééducation ; ester en justice, toutes procédures confondues, y compris l’action de groupe, pour la défense de ses intérêts propres et pour la défense collective d’intérêts individuels de ses membres, notamment pour engager une action en justice commune.

Le siège social est situé […] et la présidente de l’association est Madame Z A.

Cette association dispose d’un agrément national pour les associations et unions d’associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique qui a été pris par arrêté du 11 janvier 2016 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et publié au Journal Officiel de la République Française du 21 janvier 2016.

Cette association indique représenter plusieurs milliers de familles dont les mères ont été traité pour leur épilepsie par le médicament Dépakine au cours de leur grossesse et dont les enfants présentent aujourd’hui des pathologies caractérisant un syndrome de foetopathie à la Dépakine.

Ainsi, cette association est bien une association d’usagers du système de santé agréée en application des dispositions de l’article L 1114-1 du code de la santé publique.

2- Elle produit au soutien de sa demande la situation de 14 familles numérotées de 1 à 14 pour illustrer et justifier son action, comme cela est prévu par la loi, mais ces familles ne sont pas partie à l’action de groupe, seule l’association l’est, et il n’y a donc pas lieu d’apprécier, lors de cette première phase de la procédure d’action de groupe, le droit à indemnisation de chacune de ces 14 familles, mais uniquement de vérifier si au vu des éléments communiqués illustrés par les situations individuelles de ces 14 familles, le tribunal de céans peut apprécier les responsabilités en cause. Or, l’existence de préjudices allégués et relatifs à des dommages corporels est bien établie en l’espèce. Le principe d’un droit à indemnisation n’interviendra que dans un second temps de la procédure d’action de groupe, si le tribunal devait retenir une responsabilité à l’égard du producteur, du fabricant ou du prestataire.

3- Les usagers du système de santé doi ent être placés dans une situation similaire ou identique. Le demandeur a produit aux débats dans les annexes de ses conclusions, les dossiers médicaux de ces 14 familles qui ont toutes donné leur accord pour que leur situation soit évoquée par l’association APESAC. Pour chacune de ces famille est produit un CDRom qui résume le parcours médical, dans laquelle une femme, atteinte d’une épilepsie diagnostiquée, est traitée par la prise régulière depuis plusieurs mois ou plusieurs années du médicament Dépakine ou Dépakine Chrono. Durant la période de ce traitement médical, la femme en question se révèle être enceinte et continue à prendre régulièrement de la Dépakine ou Dépakine Chrono. A la naissance, leur enfant présente des malformations congénitales portant sur des anomalies de fermeture du tube neural conduisant au spina bifida ou des troubles developpementaux ou cognitifs. Toutes ces femmes allèguent des manquements de la part du laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE qui ne les aurait pas informé du risque du médicament Dépakine ou Dépakine Chrono dont le principe actif essentiel, le valproate de Sodium, aurait des effets tératogènes sur le foetus. Il est donc invoqué un manquement au devoir d’information et au devoir de vigilance de ce laboratoire, quelque soit le régime de responsabilité évoqué, pour faute ou pour défectuosité du produit. Il s’agit de femmes qui ont pris un tel traitement médical entre 1970 et 2016, et qui demeurent dans toute la France. On peut donc considérer que ces femmes sont placées dans une situation similaire ou identique et que ces situations sont particulièrement représentatives.

4- Le lien de causalité entre les manquements et les préjudices est allégué par le demandeur dans les 14 situations individuelles prises au soutien de ses demandes, mais ne s’apprécie pas au niveau de la recevabilité de l’action mais au niveau du bien fondé de cette action.

C’est ainsi qu’il y a lieu de considérer en application des dispositions des articles L 1143-1 et L 1114-1 du code de la santé publique que l’action de groupe en matière de santé publique initiée par l’association agréée APESAC est recevable et la fin de non recevoir soulevée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE sera donc rejetée.

II- Sur la demande de voir écarter des débats le rapport d’expertise réalisé dans le cadre de l’instruction

La société SANOFI-AVENTIS FRANCE et son assureur font valoir que la communication au sein de la procédure civile d’action de groupe du rapport déposé dans le cadre d’une information judiciaire ouverte actuellement au tribunal judiciaire de Paris porte atteinte aux principes du procès équitable et de l’égalité des armes, en ce que le laboratoire ne peut pas faire état d’éléments couverts par le secret de l’instruction. Ainsi, ils ne sont pas en mesure de faire état des éléments comportant des appréciations sur le mal fondé des charges retenues à l’encontre du laboratoire ou encore ceux qui concerneraient d’autres parties ou d’autres potentiels mis en cause. Ils exposent que ce rapport n’est pas

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définitif puisque la nullité de la désignation d’un expert et la nullité de la mise en examen du laboratoire ont été soulevées devant la chambre de l’instruction. Ils ajoutent que le rejet de la demande de contre expertise a fait l’objet d’un appel devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Ils concluent qu’au vu de l’ensemble de ces éléments la communication de ce rapport d’expertise ne respecte pas les conditions posées par l’article 11 du code de procédure pénale.

L’APESAC indique que le secret de l’instruction n’est pas opposable au procureur de la République et qu’en vertu de l’article 426 du code de procédure civile, le ministère public a la faculté d’obtenir communication de toutes les affaires civiles et de produire des éléments de façon spontanée dans celles-ci, qu’ainsi, contrairement aux allégations de la partie adverse, la communication du rapport pénal n’est pas contraire aux dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale. L’association fait valoir également que le tribunal a invité l’ensemble des parties à soumettre leurs observations sur ce rapport d’expertise, que ce rapport a donc bien été communiqué de façon contradictoire et soumis à la discussion des parties. Ainsi, elle conclut que l’équilibre entre les droits des parties à la procédure a été protégé par le tribunal et que les exigences de l’égalité des armes et du procès équitable ne sont pas mises en danger par cette communication. Elle souligne que les critiques émises à l’encontre des experts désignés sont inutiles et ne peuvent être suivies par le tribunal.

L’égalité des armes constitue une exigence essentielle du procès équitable: chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable d’exposer sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse.

Aux termes de l’article 11 du code de procédure pénale, sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.

Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Le secret de l’instruction n’est pas opposable au ministère public ; dès lors, il est loisible à ce dernier, de verser aux débats, pour être soumis à la discussion contradictoire des parties, tous documents ou renseignements de nature à contribuer à la solution du litige.

En l’espèce, le ministère public a transmis d’office, dans le cadre d’une bonne administration de la justice, une copie du rapport d’expertise médicale générale ordonnée par le magistrat instructeur à la présente procédure d’action de groupe conformément aux dispositions de l’article 426 du code de procédure civile.

Le juge de la mise en état a, alors, invité les parties à produire leurs observations suite à la communication de ce rapport.

Or, cette faculté pour le ministère public de produire une pièce d’expertise de la procédure pénale relève des missions spécifiques d’intérêt général que la loi lui attribue, notamment en matière civile.

Le secret de l’instruction ne s’impose, en application de l’article 11 du code de procédure pénale, aux personnes concourant à cette procédure, que sous la réserve des nécessités de l’exercice des droits de la défense.

Le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE a nécessairement eu connaisssance du contenu de ce rapport d’expertise dans le cadre de la procédure d’instruction. Il s’en déduit qu’aucune atteinte au principe d’égalité des armes n’est constituée à son encontre.

Le secret de l’instruction n’étant pas opposable au ministère public, il a pu transmettre à la présente instance civile d’action degroupele rapport d’expertise médicale générale ordonnée par le magistrat instructeur, la pièce ayant été régulièrement communiquée, c’est à dire soumise à la discussion contradictoire des parties.

La demande de voir écarter des débats ce rapport d’expertise médicale sera donc rejetée.

III- Sur la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale son assureurLe laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE et soutiennent que si le tribunal estimait que le rapport d’expertise pouvait avoir une incidence sur la présente action de groupe, il devrait alors en tirer toutes les conséquences d’un point de vue procédural et ordonner un sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive dans le cadre de la procédure pénale.

L’APESAC fait valoir que la demande de sursis ne doit être prononcée que si l’action engagée devant les juridictions civiles a pour objet la réparation d’un dommage causé par une infraction conformément aux termes de l’article 4 du code de procédure pénale. L’association indique que le laboratoire a été mis en examen pour tromperie, blessures et homicides involontaires, alors que l’association fonde ses demandes dans l’action de groupe sur les dispositions de l’article 1240 du code civil et des articles 1245 et suivants du code civil, qu’ainsi, cette action n’est pas exercée en réparation du dommage causé par une infraction pénale, que dès lors la mise en mouvement de l’action publique n’impose aucunement la suspension de l’action de groupe. L’association conclut dans ces conditions que la demande est inutile et dilatoire.

Aux termes de l’article 4 du code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension

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du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l’espèce, le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE indique dans ses écritures en page 125 qu’il a été mis en examen dans le cadre de a

l’instruction pour tromperie aggravée, blessures et homicides involontaires.

Or, la présente instance civile est fondée sur les dispositions de l’article 1240 du code civil relatif à la responsabilité pour faute et des articles 1245 et suivants du code civil relatifs à la responsabilité du fait des produits défectueux.

Par conséquent, l’action engagée par l’APESAC n’est pas exercée en réparation du dommage causé par une infraction pénale, le fondement de l’action civile étant distinct des infractions pénales poursuivies.

Ainsi, la demande de sursis à statuer ne revêt pas un caractère obligatoire mais un caractère facultatif à l’appréciation de la juridiction auprès de laquelle la demande est formulée.

Au vu des éléments du dossier, le tribunal considère qu’il n’y a pas lieu à surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris ni éventuellement de la Cour de cassation, cette décision pénale n’étant pas utile à la présente action de groupe, procédure purement civile.

IV- Sur la demande de réouverture des débats

Le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE et son assureur reprochent aux experts d’avoir outrepassé leur mission en portant des appréciations juridiques allant au-delà de leurs compétence et mission, ils relèvent des contradictions entres les conclusions et plusieurs passages du rapport, des éléments parcellaires et anachroniques. En outre, ils pointent l’absence de consensus sur l’analyse de la littérature scientifique de l’époque et l’état des connaissances au vu des positions contradictoires adoptées par les experts dans le cadre des différentes procédures civiles engagées. Ils attirent également l’attention du tribunal sur les termes de l’ordonnance du 19 mai 2020, les juges d’instruction ayant précisé dans cette ordonnance qu’aucune infraction pénale ne pouvait être reconnue sur la seule base d’une simple association qualifiée par les experts de possible, et sollicitent dans l’hypothèse où le tribunal n’écarterait pas ces éléments et n’ordonnerait pas un sursis à statuer, une réouverture des débats afin qu’ils puissent s’exprimer dans le respect des droits de la défense, sur les éléments communiqués par le ministère public.

L’APESAC fait valoir que le juge de la mise en état a adressé aux parties un bulletin de procédure les invitant à conclure éventuellement au vu du rapport d’expertise médicale générale ordonnée par le magistrat instructeur et communiqué par le ministère public, qu’elle même et que le laboratoire ont ainsi conclu postérieurement à la transmission de ce rapport. Aux termes de l’article 444 du code de procédure civile alinéa 1, le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

En l’espèce, à l’issue de la transmission du rapport d’expertise ordonné dans le cadre de l’instruction par le procureur de la république, le juge de la mise en état a invité les parties à faire valoir leurs observations. a

Ainsi, il n’est pas nécessaire, d’ordonner la réouverture des débats comme sollicité par le laboratoire, les parties ayant déjà été mises en mesure de produire leurs observations sur cette transmission dans le respect du principe du contradictoire.

Par ailleurs, le tribunal considère que cette réouverture des débats n’est pas utile à la présente action de groupe. La demande de réouverture des débats sera donc rejetée.

V- Sur les responsabilités en cause :

A- Sur la responsabilité pour faute pour les enfants exposés au médicament avant le 22 mai 1998 :

L’association APESAC considère que la responsabilité du laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE peut être engagée depuis la mise en circulation du médicament Dépakine et des autres médicaments dérivés comme la Micropakine, la Dépakote, la Dépamide et la Dépakine Chrono pour avoir commis une faute de vigilance sur le fondement de l’article 1240 du code civil pour les enfants exposés à la Dépakine avant le 22 mai 1998. En effet, il incombe au laboratoire de se tenir informé des risques d’un produit pour pouvoir ensuite engager les actions nécessaires à leur maitrise. Cette obligation de vigilance a été retenue par la loi et à plusieurs reprises par la jurisprudence de la Cour de cassation et par la doctrine. Or, le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE a manqué à cette obligation en ne réalisant pas d’études relatives à la spécialité Dépakine, en n’intensifiant pas son suivi lors de l’apparition de doutes relatifs aux effets secondaires liés à l’exposition in utero au valproate de sodium, en ne mettant pas en place des mesures visant à faire cesser les risques et n’a pas délivré une information complète aux médecins prescripteurs, n’a pas utilisé les plans de gestion des risques à sa disposition et a minimisé l’information transmise par les visiteurs médicaux, a minimisé l’information transmise aux médecins qui écrivaient directement à son pharmacovigilance. Ainsi le laboratoire a commis une faute en manquant à son obligation de vigilance.

En réponse, la société SANOFI-AVENTIS FRANCE et son assureur soutiennent que les laboratoires n’étaient pas soumis à une obligation de pharmacovigilence avant 1971 et que postérieurement à cette date le laboratoire a bien respecté son obligation de pharmacovigilance, que les demandes de l’APESAC fondées sur les dispositions de l’article 1240 du code civil sont prescrites car les faits datent de plus de 30 ans et que l’article 2270-1du code civil ancien disposait que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivaient dans un délai de 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, que c’était l’autorité de Santé qui était l’unique destinataire des rapports de pharmacovilgilance et qui était donc la plus à même de faire quelque chose si elle avait considéré que la Dépakine était un médicament dangereux et que le laboratoire a bien demandé à trois reprises à l’agence nationale de sécurité du médicament de modifier la notice du médicament Dépakine et que cette agence a refusé une telle modification estimant qu’il n’y a avait pas suffisamment d’élément justifiant une telle demande.

Sur la prescription des demandes concernant des expositions in utero antérieures au 30 juillet 1988 :

Selon la société SANFOFI-AVENTIS FRANCE les demandes de l’APESAC fondées sur les dispositions de l’article 1240 du code civil sont prescrites s’agissant de faits remontant à plus de 30 ans.

L’APESAC soutient qu’en application de la jurisprudence développée par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 novembre 2019 ce n’est qu’à l’issue des investigations médicale et du dépôt du rapport d’expertise médicale que les demandeurs ont véritablement eu connaissance de la dangerosité du médicament et de son implication dans les dommages que que présentent les enfants exposés in utero à la Dépakine.

Selon l’article 1382 du code civil, applicable jusqu’en 2016, “tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.

A la suite de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, selon l’article 1240 du code civil, reprenant à l’identique l’ancien article 1382 du code civil,“tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.

C’est ainsi que l’article 1382 ancien du code civil est applicable pour une lage partie de la période concernée par l’action de groupe en matière de santé publique et à l’époque la prescription de droit commun était une prescription trentenaire. A compter de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de droit commun est passé de 30 ans à 5 ans selon le nouvel article 2224 du code civil.

Cette prescription est donc de 5 ans à compter à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation réaffirmée le 27 novembre 2019 dans un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, le point de départ de cette prescription de droit commun ne commence à courir qu’au jour où les demandeurs de la nature et de l’origine des dommages présentés par les enfants exposé in utero au Valproate de sodium, à la suite d’investigations et d’expertises médicales. C’est ainsi qu’en application de cette jurisprudence, le point de départ du délai de prescription peut être fixé au jour du dépôt du rapport d’expertise médicale générale ordonnée par les deux magistrats instructeurs du tribunal judiciaire de Paris, soit le 20 janvier 2020.

C’est ainsi qu’il y a lieu de retenir la date du 20 janvier 2020 comme point de départ du délai de presciption de l’action de groupe en matière de santé publique concernant la responsabilité pour faute.

Dans ces conditions l’action de groupe initiée par l’APESAC sur le fondement de la responsabilité pour faute sur le fondement des acticles 1382 et 1240 du code civil n’est pas presrite.

- Sur la responsabilité :

Il s’agit donc d’une responsabilité pour faute. Le demandeur invoque tout à la fois une faute dans le devoir d’information du laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE et une faute dans son bir de vigilance concernant la notice des médicaments Dépakine, Micropakine, Dépakote, Dépakine Chrono et Dépamide.

Ce médicament a été mis sur le marché en 1967 par un laboratoire L, puis le brevet a été déposé par le laboratoire B, puis les a laboratoires L et B ont fusionné, puis ont été absorbés par la société Elf Aquitaine en 1973, qui a créé le laboratoire SANOFI en 1974 qui a repris seul la production et la commercialisation de la Dépakine en 1979, pour devenir par la suite la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE. Cette dernière société vient désormais aux droits de toute la chaine des précédents laboratoires qui ont fabriqué et commercialisé ces deux médicaments qui ont pour principe actif le Valproate de Sodium.

Il existe un consensus scientifique sur le fait que ces médicaments sont parmi les meilleurs médicaments au monde pour traiter les patients atteints d’épilepsie.

Pour autant, il y a également lieu de noter que la toxicité de ces médicaments est connue depuis sa mise sur le marché, au milieu des années 1960, lors d’études pré-cliniques sur des animaux ( rat, souris, lapin) en 1967 et 1969, que ces médicaments présentaient un effet tératogène, c’est à dire qu’ils étaient susceptibles de provoquer des malformations chez les enfants exposés in utero. Dans la population générale, environ 2% des enfants naissent avec une malformation majeure et un produit tératogène augmente cette fréquence globale ou seulement celle d’un type spécifique de malformations.

Or, les animaux sont en général plus résistants que les être humains aux effets des médicaments et il convenait donc pour le laboratoire assurant la fabrication et la commercialisation de ces médicaments de se montrer particumlièrement vigilent dans l’évolution de la situation.

C’est ainsi qu’au début des années 1990, il a été établi que la dose tératogène du valproate de sodium dans l’espèce humaine était 30 fois inférieure à celle de la souris, puis que le Valproate de Sodium est le médicament le plus tératogène de la pharmacopée neuro-psychiatrique.

En effet, plus de 800 études scientifiques ont été publiées depuis 50 ans sur le sujet, principalement dans les pays anglo-saxons, mais qu’il n’y a eu que 33 études seulement réalisées en France dont celle du docteur B C tirée du registre des naissances de la région Rhône Alpes dans les années 1980 et du registre des malformations. Les différents travaux de la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE sur ces médicaments n’ont pour leur part jamais été publiés.

Pour autant, ni le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament, ni les autorités de santé n’ont su tirer les conséquences importantes de ces données essentielles lors de l’extrapolation des résultats de la pharmacocinétique animale.

Dans leur rapport en date du 20 janvier 2020, le collège d’experts mandaté par les magistrats instructeurs du pôle santé publique à Paris a conclu comme suit:

Sur l’effet teratogène du médicament, “chez les enfants exposés in utero, il cause des malformations congénitales. L’exposition à l’acide valproïque et aux médicaments apparentés, in utero, est associée à un risque significativement accru d’anomalies du développement embryonnaire dont les conséquences sont des malformations portant sur des anomalies de fermeture du tube neural conduisant principalement au spina bifida, mais aussi des malformations du cæur, des reins et de l’arbre génito-urinaire (hypospadias), des membres, des doigts, des orteils, du visage comme par exemple des fentes labiales et/ou palatines, etc.

L’exposition à l’acide valproïque et aux médicaments apparentés, in utero, est associée à une embryofætotoxicité du médicament qui se traduit également par l’apparition d’un syndrome fætal au valproate (bien décrit par les généticiens dès 1984) qui associe une dysmorphie faciale (plis épicanthiques, petite bouche, […], […], philtrum estompé, attache basse des oreilles, front haut, trigonocéphalie, etc.), et des troubles du développement intellectuel.

Certaines études ont montré, chez les enfants exposés au valproate de sodium in utero, un retard de croissance et un abaissement du périmètre crânien. Mais d’autres études ne confirment pas ces résultats.

Plusieurs études synthétiques de haute qualité méthodologique et de haute valeur probante, notamment des méta-analyses y compris l’une du groupe Cochrane datée de 2016, démontrent une grande concordance des résultats et permettent une quantification robuste du risque tératogène associé au valproate et ses dérivés dans l’indication « épilepsie ». Le risque global de malformations majeures chez le nouveau-né après une exposition prénatale à l’acide valproïque lors du premier trimestre de la grossesse pour les femmes épileptiques, est de 10 à 11%, soit un taux entre 3 et 5 fois plus élevé que celui observé dans la population générale. Ainsi, une méta-analyse du groupe Cochrane de 2016 chiffre le risque à 10,9% avec un intervalle de confiance à 95% allant de 8,9% à 13,1%.

Dans cette même étude, le risque relatif est 3,1 (IC95% 2,2 à 4,5) comparé aux femmes épileptiques non traitées, et 5,7 (IC95% 3,3 à 9,7) comparé aux femmes non épileptiques non traitées. L’acide valproïque est plus tératogène que les autres anticonvulsivants évalués dans cette méta-analyse, notamment la carbamazépine (pour lequel le risque global de malformations majeures est 4,9%), la gabapentine (1,5%), la lamotrigine (2,3%), le lévétiracetam (1,8%), l’oxcarbazépine (2,4%), le phénobarbital (7,1%), la phénytoïne (6,3%), la primidone (8,5%) et le topiramate (4,3%). Ces chiffres, tirés de la méta-analyse Cochrane, sont en outre cohérents avec ceux obtenus dans d’autres études, notamment le registre international EURAP. Les malformations majeures suivantes sont associées à l’exposition in utero au valproate:

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anomalies de fermeture du tube neural (spina bifida); anomalies cardiaques ; fentes labiales et/ou palatines ;

.

malformations du squelette et des membres ;

.

• anomalies génito-urinaires. Pour ces malformations, le risque relatif (comparé aux femmes épileptiques non traitées) est de l’ordre de 3 ou plus.”

Sur les troubles neurodéveloppementaux

“Les données de la littérature scientifique permettent de conclure que, chez les enfants exposés in utero, le valproate de sodium induit des troubles neurodéveloppementaux: retard psychomoteur, troubles du comportement et du développement cognitif, troubles du spectre de l’autisme.

Les données de la littérature scientifique portant sur l’exposition in utero à l’acide valproïque sont d’une grande cohérence, malgré les difficultés méthodologiques auxquelles ces études sont confrontées. Plusieurs méta-analyses, dont une de 2014 du groupe Cochrane, ainsi que de multiples études individuelles concordantes de haute qualité et de haute valeur probante, sous-tendent les conclusions suivantes en ce qui concerne l’exposition à l’acide valproïque dans l’indication épilepsie. L’exposition prénatale à l’acide valproïque est associée avec un retard important du développement cognitif. Le quotient de développement ou intellectuel des enfants exposés est en moyenne inférieur d’au moins 8 points à celui des enfants non exposés, et la prévalence des retards cognitifs est grandement accrue. Ainsi, dans l’étude du groupe Cochrane de 2014, des déficits du quotient de développement moyen associés au valproate allant de 8,0 points (IC95% de 3,2 à 12,8 points) à 13,3 points (IC95% de 3,1 à 26 points), selon le test utilisé, sont identifiés. Cette même étude trouve un déficit du QI global moyen de 8,9 points (IC95% de 5,9 à 12,0 points) par rapport aux enfants de femmes non épileptiques non traitées, et un déficit de 8,2 points (IC95% de 3,6 à 12,8 points) par rapport aux enfants de femmes épileptiques non traitées. Les QI, verbal et non verbal, sont semblablement déficitaires. L’exposition prénatale à l’acide valproïque est aussi fortement associée aux troubles du spectre de l’autisme, dont la prévalence (décrite aux conclusions de la Question 7f) est considérablement augmentée chez les enfants exposés. Un large éventail de troubles cognitifs et neurodéveloppementaux associés avec l’exposition prénatale à l’acide valproïque a été mis en évidence, y compris notamment : les capacités verbales et non verbales, les troubles de mémoire et du langage, le développement psychomoteur, le comportement adaptatif, les soutiens éducatifs, la performance scolaire. Les risques de troubles cognitifs et neurodéveloppementaux associés à l’acide valproïque sont supérieurs à ceux d’autres anticonvulsivants, notamment la carbamazépine, la lamotrigine, la phénytoïne, le phénobarbital.

Une forte relation entre la dose d’acide valproïque et la sévérité des troubles cognitifs a été mise en évidence. Une relation de dose à effet pour les troubles du spectre de l’autisme est probable mais reste à quantifier. Une association entre l’acide valproïque et les troubles du déficit de

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l’attention est possible mais reste également à confirmer. Une étude française sur les données du SNDS de 2018, portant sur 1,7 million d’enfants, donne des résultats concordants avec ces observations.

En revanche, les données épidémiologiques sont limitées, qui concerne les effets cognitifs et en ce neurodéveloppementaux du valproate dans l’indication « trouble bipolaire ». Enfin, les données sont quasiment inexistantes, quelle que soit l’indication, en ce qui concerne l’évolution des effets cognitifs et neurodéveloppementaux à long terme, ainsi que les comparaisons avec les nouveaux anticonvulsivants.

Les experts ont repris le classement du niveau de risque tératogène sur la base d’une grille proposée par l’AFSSAPS et reprise par la suite par l’agence européenne des médicaments: classement du niveau de risque tératogène en « association possible », « association probable », et « association avérée ».

Ils ont conclu comme suit sur la date à laquelle les effets étaient scientifiquement connus d’après la littérature scientifique et les données de pharmacovigilance :

Effets tératogènes

“La tératogénicité de l’acide valproïque pouvait être qualifiée de « association possible» à partir de 1980-81 sur la base d’études animales et de cas humains isolés. La tératogénicité de l’acide valproïque en ce qui concerne les anomalies de fermeture du tube neural pouvait être qualifiée d'« association probable » à partir de 1984 sur la base de diverses données épidémiologiques et au terme d’une concertation internationale; et de « association avérée » en 1999 suite à sa confirmation dans plusieurs études de cohorte de bonne qualité et de haute valeur probante. La teratogénicité de l’acide valproïque en ce qui concerne les malformations majeures (toutes confondues) pouvait être qualifiée de « association probable » en 1990-1992 sur la base de plusieurs études épidémiologiques. À partir de 1999 la cohérence des études et la force des preuves sont incontournables en méta-analyse. Ces preuves sont renforcées par des études individuelles en 2003-2006. Ainsi en 1999-2006 les preuves disponibles permettent de décrire l’association comme une « association avérée ».

Dès 1999 il est possible de quantifier de manière précise le risque d’une malformation majeure, qui est 3 à 4 fois plus élevée que celui qui est observé dans la population générale. De plus, diverses études démontrent que l’acide valproïque est plus tératogène que la carbamazépine, le phénobarbital et la phénytoïne. En 1999 l’existence d’un effet de la dose doit être considérée comme « association probable » pour l’exposition à l’acide valproïque au premier trimestre de la grossesse et les malformations congénitales majeures. Il faut attendre 2018 pour que l’effet de la dose soit quantifié de manière définitive, y compris relativement aux autres anticonvulsivants, date à laquelle l’effet de la dose est une « association avérée » au sens fort incluant sa quantification. À partir de 2004 des études sur registre de grande envergure permettent de décrire avec plus de précision les malformations spécifiques attribuables au valproate. Ces associations spécifiques sont confirmées par trois méta-analyses en 2015-2017.”

Troubles développementaux et cognitifs

“En ce qui concerne les troubles développementaux et cognitifs et leur relation éventuelle avec l’exposition in utero à l’acide valproïque, on pouvait conclure, dès 1987, qu’il s’agissait d’une « association possible » sur la base de cas isolés et de séries de cas. En 1987, une étude de cohorte prospective, effectuée en Allemagne, mais d’effectifs limités, était aussi disponible. Celle-ci permettait d’envisager que la prévalence de troubles psychomoteurs ou cognitifs, notamment du langage, pouvait être importante (46%). Cette étude, malgré sa faible taille, indiquait aussi que les enfants exposés au valproate, mais pas ceux exposés à d’autres anticonvulsivants en monothérapie, présentaient un déficit développemental important (13,3 points sur l’échelle du quotient de développement). Les données disponibles à cette date étaient donc décidément inquiétantes, mais elles sont restées longtemps sans écho. Cette première étude contrôlée de 1987 a été suivie de six autres publications entre 1999 et 2002. Ces 6 études, de qualité inégale, sont cohérentes avec la première. Trois sont présentées sous forme d’abstract. Elles confirment l’association observée en 1987 entre l’exposition in utero au valproate en monothérapie (mais pas pour les autres anticonvulsivants) et les troubles du développement cognitif en bas âge (mesuré par le quotient de développement QD) et à l’âge scolaire (mesuré par le quotient intellectuel QI ou le recours aux soutiens scolaires), ainsi que la fréquence élevée de tels troubles. Ces études n’apportent pas la confirmation définitive de l’association, mais auraient dû nettement en accroitre la suspicion. Ainsi nous estimons qu’en 2001/2002, le niveau des preuves disponibles permettait la catégorisation de l’association en « association probable ». Les années suivantes apportent la confirmation définitive de ces effets, à la fois pour les troubles du développement en bas âge, et pour les troubles cognitifs à l’âge scolaire. Nous estimons qu’à partir de 2006, et certainement en 2010, les données disponibles étaient de nature à conclure que l’association entre l’exposition in utero au valproate en monothérapie et le retard du développement à l’âge préscolaire était un « effet avéré ». Il était apparent que les enfants exposés in utero au valproate ont à l’âge de 2 ans ou moins un déficit du QD d’au moins 8 points en moyenne. En outre un déficit du QD par rapport aux enfants exposés à la carbamazépine d’environ 7 points, avait été observé. Il était apparent aussi qu’une proportion élevée (35%) des enfants exposés au valproate présentait un déficit développemental à l’âge de 2 ans.

A partir de 2005, et a fortiori après 2009, les neuropédiatres et pédopsychiatres pouvaient conclure que l’association entre l’exposition prénatale au valproate en monothérapie et le déficit cognitif à l’âge scolaire, mesuré par le QI global, était une « association avérée ». En outre, il était apparent que le QI global moyen chez les enfants exposés in utero au valproate était de 6 à 10 points inférieur à celui des enfants exposés à d’autres anticonvulsivants en monothérapie. A partir de 2005, et a fortiori après 2011, les neuropédiatres et pédopsychiatres pouvaient aussi conclure que l’association entre l’exposition prénatale au valproate et un déficit des capacités

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verbales pouvait être qualifiée de « effet avéré ». Les données disponibles en 2005 indiquaient en outre qu’il s’agissait d’un effet important, le déficit du Qi verbal moyen étant de 9 à 11 points. 66

Troubles du comportement

“L’hypothèse épidémiologique d’une « association possible » entre l’exposition prénatale au valproate et les troubles du comportement, notamment des troubles du spectre de l’autisme, est déjà bien établie en 2001, sur la base d’observations de cas isolés et de séries de cas. Une étude de cohorte en 1996 renforce l’hypothèse d’une association, en relation avec la dose, entre l’exposition au valproate et les troubles neurodéveloppementaux. Dès 2000 les données expérimentales permettent de définir un modèle animal de l’autisme dont le mécanisme repose sur l’exposition de rattes gravides à l’acide valproïque. Avant 2008 les preuves épidémiologiques disponibles d’une association avec les troubles de l’autisme reposent sur des études à effectifs faibles ou de valeur probante moyenne. Mais nous estimons qu’en 2008/2009, les connaissances épidémiologiques passent du stade d’une «association possible » au stade d’une « association probable ». Les preuves définitives restent à établir, mais il est déjà clair à cette date que l’explication la plus probable des données épidémiologiques disponibles fait intervenir l’exposition au valproate. Plusieurs études confirmatrices de haute qualité et à effectifs importants paraissent en 2011-2013. Ces études nous amènent à conclure que l’association entre l’exposition in utero à l’acide valproïque et les troubles du comportement, notamment les troubles du spectre de l’autisme, pouvait être considérée comme une « association avérée » en 2013.”

Ainsi, il ressort de la littérature médicale versée aux débats que les effets de l’exposition du foetus au valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine et la Dépakine Chrono, ont été régulièrement mentionnés dans la littérature médicale en matière d’effets teratogènes à compter de 1984, comme cela est corroboré par les études suivantes:

*Dès octobre 1982, le docteur E. C décrit une association possible entre la prise d’acide valproïque et les anomalies de fermeture du tube neural à partir de données recueillies au registre des malformations de la région Rhöne-Alpes entre 1970 et 1982.

* VAJDA FJ, […], […], F J, COOK M, Y C, […]: results of the Australian register of anti-epileptic drugs in pregnancy, J Clin Neurosci, 2004 Nov;11(8):854-8. Ces publications vont avoir un impact au sein de la communauté scientifique internationale et sont immédiatement reprises fin octobre 1982 par le”center for disease control and prevention”, ci-après dénommé CDC, principal organisme de surveillance de santé publique aux Etats Unis.

En août 1983, une seconde analyse va être produite par le CDC à partir de données complémentaires émanant du registre de la région Rhône Alpes : CDC, Valproate : a new cause of birth defects- reports from Italy and follw-up from France, MMWR, 1983, 32(33) : 438-439. II) 956.957. Il conclut que l’acide valproïque doit dorénavant être considéré comme tératogène, et en quantifie le risque :"Une femme enceinte aux Etats-Unis traitée avec ces médicaments, a un risque de 1% à 2% d’avoir un enfant atteint de spina bifida”. En août 1984, une étude néerlandaise confirme une association entre exposition prénatale au valproate de Sodium et Spina Bifida : LINDHOUT D, MEINARD H, Spina Bifida and in-utero exposure to valproate, The Lancet, 1984; 2(8399); 396.

- en matière de troubles du développement et les troubles cognitifs imputables à compter de 2001, ainsi que cela ressort des études suivantes:

Dans une étude proposée par le Child Developpement Center/Department of Pediatrics, Georgetown University Medical center Washington, Etats-Unis 722, le suivi à long terme de deux frères et soeurss exposés à une monothérapie par l’acide valproïque sont décrits. Les auteurs soulignent le fait que les données, en particulier les conséquences sur le développement devraient êttre ajoutées au risque tératogène associé à l’utilisation de l’acide valproïque pendant la grossesse : KOZMA C, Valproic acid embryopathy : report of two sbilng with further expansion of the phenotypic abnormalities and review of the literature Am J Med Genet 2001 Jan 15; 98(2); 168-75 Un examen des risques relatifs en matière de besoins éducatifs supplémentaires chez les enfants exposés à divers antiepileptiques in utero est proposé pr les neurologues britanniques (University Department of neurology, Walton Centre of Neurology and Neurosurgery, Liverpool). Une enquête rétrospective a été réalisée auprès de femmes âgées de 16 à 40 ans concernant leur grossesse ainsi que la scolarisation ultérieure de leurs enfants nés vivants. Les auteurs suggèrent que la monothérapie comme la polythérapie incluant le valproate de sodium pendant la grossesse comportent des risques particuliers pour le développement des enfants exposés in utero.

Sur la présentation du produit

Le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) est l’ensemble des informations plus particulièrement destinées au professionnel de santé et constituant une des annexes de la décision d’AMM.

La notice des médicaments est la notice présente dans le conditionnement de chaque médicament qui est destinée à l’information du patient. C’est le vecteur d’informations principal auprès des patients dans un vocabulaire accessible. C’est un document officiel validé par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) ou par l’agence européenne du médicament, dans le cadre des autorisations de mise sur le marché. Les textes réglementaires français relatifs à la notice sont issus de la transposition en droit français du droit européen et plus précisement du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et de ses diverses évolutions.

Or, dès le mois d’octobre 1982, le docteur B C a rapporté dans diverses publications les résultats d’une enquête conduite entre 1979 et 1982 dans la région Rhône-Alpes (Soit 72 000 naissances par an) les malformations congénitales : il sur apparaissait que parmi les 146 spina bifida aperta dénombrés dans cette population, 9 concernaient des enfants nés de mères épileptiques traitées durant leur grossesse par du valproate en monothérapie ou en association avec d’autres anticonvulsivants.

Ainsi, la Commission nationale de pharmacovigilance a rendu un communiqué le 21 Décembre 1982 et l’insertion suivante a été faite dans le Dictionnaire Vidal 83: « prévenir votre médecin si vous êtes enceinte ».

Pendant des années le RCP va cumuler des des erreurs et des omissions. Il est entièrement réécrit en 2006, date à laquelle il devient conforme à la réalité en ce qui concerne les malformations.

La notice de la I était ainsi rédigée: « Prévenir votre médecin si vous êtes enceinte” qui prévaut jusqu’au 25 septembre 1995.

« CONSULTER RAPIDEMENT VOTRE MEDECIN en cas de grossesse ou de désir de grossesse» en vigueur jusqu’au 29 juin 2000.

“En cas de grossesse ou de désir de grossesse, prévenez votre médecin. Enn effet, votre traitement devra éventuellement être adapté et une surveillance particulière devra être mise en route. Au moment de la naissance, une surveillance attenive du nouveau-né sera nécessaire. Prévenez votre médecin de la prise de ce médicament si vous souhaitez allaiter”, prévaut de 2000 à 2006.

Ce n’est qu’en 2006 que le texte de la notice indique que la grossesse est déconseillée. Ainsi, les notices éditées avant cette date ne sont donc pas conformes aux données de la science, depuis plusieurs années.

Il en résulte que les RCP et les notices du médicament n’ont pris en compte les données de la science que tardivement et de façon incomplète.

En effet, il est acquis que , selon les données de la littérature scientifique, la tératogénicité de l’ Acide Valproïque en ce qui concerne les anomalies de fermeture du tube neural pouvait être qualifiée d’association probable à partir de 1984. En ce qui concerne les malformations majeures cette association pouvait être qualifiée de probable en 1990-1992. Concernant une association possible entre les troubles du comportement et notament les troubles du spectre de l’autisme et l’exposition préntale au Valproate, c’est considéré comme une association probable en 2008 2009.

C’est ainsi que le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE aurait dû, dès 1984, solliciter la modification de la notice des médicaments Dépakine et Dépakine Chrono auprès de l’agence nationale de sécurité du médicament afin de donner une information claire et précise conforme aux données acquises de la science aux professionnels de santé, aux patients et au grand public, ce qu’il n’a pas fait. Il ne l’a fait que beaucoup plus tard en mai 2003 et en ne donnant pas tous les éléments d’information à cette agence, ce qui a conduit cette dernière à rejeter les deux premières demandes considérées comme insuffisamment étayées, avant d’accepter les modifications en janvier 2006 et en avril 2015.

Ce manquement à son obligation de vigilance renforcée et à son obligation d’information constitue une faute au sens des dispositions des articles 1382 et 1240 du code civil.

B- Sur la responsabilité du fait des produits défectueux pour les enfants exposés au médicament à compter du 22 mai 1998

1- Sur le délai d’extinction de 10 ans

Le laboratoire Sanofi-Aventis expose que les demandes de l’APESAC qui concernent des produits mis sur le marché à compter du 30 juillet 1988 sont nécessairement fondées sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, que ce soit en application des articles 1245 et suivants du code civil ou du régime prétorien au visa de l’article 1240 du code civil interprété à la lumière des dispositions de la Directive du 25 juillet 1985.

Il fait valoir que le délai de 10 ans n’est pas un délai de prescription mais un délai d’extinction d’un droit, disposition de droit substantielle issue de la Directive.

En tout état de cause, le laboratoire rappelle qu’il n’a commis aucune faute et particulièrement aucune faute de vigilance tel qu’allégué.

Le laboratoire précise que la date de mise en circulation d’un produit tel qu’un médicament correspond à la date de libération du lot du médicament qui serait à l’origine du dommage, qu’ainsi, le délai d’extinction de la responsabilité du producteur de dix ans doit donc, en principe, courir à partir de la date de mise en circulation du/des lot(s) du médicament que les usagers du système de santé concernés auraient pu prendre pendant leurs grossesses.

Il rappelle que l’usager du système de santé doit rapporter la preuve de son exposition au médicament et que le relevé d’information de pharmacie permet de déterminer avec certitude la date de mise en circulation du produit. En tout état de cause, le laboratoire considère qu’il convient de procéder par indices dans le cadre de l’approche d’une action de groupe, puisque l’on ne connaît pas le dommage à prendre en considération à ce stade . Il conclut que les dispositions du régime du fait des produits défectueux font échec à une demande concernant l’exposition in utero d’une enfant conçu il y a plus de dix ans.

Le laboratoire conteste le moyen fondé sur l’article 6.1 de la CESDH, faisant valoir que l’arrêt invoqué n’est pas transposable, qu’en l’espèce, les familles avec enfants de plus de dix ans conservent des actions à l’encontre notamment des médecins prescripteurs ou de l’autorité sanitaire. Il soutient que les règles de prescription et d’extinction de l’action édictées par le droit français sont tout à fait proportionnelles au regard du principe de sécurité juridique et aux buts légitimes poursuivis par la Directive ainsi que par les règles de prescription, et ne sauraient donc être écartées.

L’APESAC fait valoir qu’en vertu des dispositions visées, c’est la date de mise en circulation qui fixe le point de départ du délai d’extinction de l’action en réparation. Elle précise que le laboratoire doit rapporter la preuve de la mise en circulation du produit, que faute de justification de cette date de mise en circulation du produit même qui a causé le dommage par le laboratoire, aucun délai d’extinction ne peut courir. Subsidiairement, l’association soutient que les dispositions relatives au délai de forclusion sont incompatibles avec la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (ci-après dénommée CESDH) et le principe fondamental “contra non valentem”, qu’en effet, lorsque l’action en réparation de dommages corporels est encadrée par des

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délais tels que l’accès à un tribunal est limité, le droit est atteint dans sa substance en violation de l’article 6-1 de la CESDH. Elle en déduit qu’en matière d’atteinte corporelle, la prescription ne doit pas intervenir avant que la victime ait pu évaluer son dommage, cette évaluation ne pouvant jamais intervenir avant sa consolidation. Elle conclut qu’en matière de médicament, le délai de forclusion décennal n’est pas justifié puisqu’il empêche toute action dans les cas où les troubles apparaîtraient au-delà du délai de 10 ans, constituant une atteinte au droit d’accès à un tribunal. Elle considère que de nombreuses familles n’ont envisagé que récemment l’existence d’un lien de causalité entre les troubles développés par les enfants et leur exposition in utero, qu’elles n’étaient pas en mesure d’évaluer le dommage subi et son lien avec l’exposition in utero avant la consolidation de l’état de santé de leurs enfants.

L’APESAC soulève la faute du producteur qui a commis une faute de vigilance et qui s’oppose à la mise en application du délai de forclusion décennal.

Concernant la période précédant la transposition de la directive en droit français, l’APESAC soutient que la règle de prescription applicable est celle de droit commun, soit un délai de 10 ans à compter de la date de consolidation du dommage.

Aux termes de l’article 1245-15 du code civil et de l’ancien article 1386-16 du code civil, sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent chapitre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n’ait engagé une action en justice.

La durée décennale du délai de responsabilité comme fait que le producteur ne puisse invoquer le bénéfice de l’extinction de son obligation de réparer le dommage qui s’est réalisé plus de dix ans après la mise en circulation du produit s’il a commis une faute découlent, en effet, de la nécessaire conciliation des intérêts du consommateur et de ceux du professionnel déclaré responsable de plein droit.

En l’espèce, au vu des développements qui précèdent, laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE a commis une faute de vigilance laquelle fait obstacle à l’application du régime d’extinction de la responsabilité à compter d’un délai de dix ans après la mise en circulation du produit qui a causé le don Par conséquent, le moyen tiré du bénéfice de l’extinction de l’obligation de réparer le dommage doit être écarté.

En outre, pour la période ayant précédé la transposition de la directive en droit français, il y a lieu de considérer que le délai de prescription applicable est celui de droit commun, soit de 10 ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé, permettant seulement au demandeur de mesurer l’étendue de son dommage et d’avoir ainsi connaissance de celui-ci. (C.Cass 1 ère 17 janvier 2018)

2- Sur la demande de sursis à statuer dans l’attente d’un avis de la CJUE

Le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE sollicite un renvoi à la CJUE, à titre subsidiaire, pour le cas où le tribunal estimerait que la

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Décision du 05 Janvier 2022 1/7 actions de groupe N° RG 17/07001 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKP5L

seule circonstance à prendre en considération pour apprécier la défectuosité du médicament serait les termes de la notice patient, afin de répondre à la question suivante: “L’article 6 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux impose-t-il au juge de tenir compte, pour apprécier la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, de toutes les circonstances qui entourent les différentes dates et époques de sa mise en circulation et en particulier des spécificités des utilisateurs du médicament, et des conditions d’usage et d’utilisation du médicament qui tiennent notamment au fait que ce médicament n’est disponible que par l’intermédiaire d’un professionnel de santé et que les patients devaient disposer des informations mises à disposition par l’Autorité de santé, garante de la sécurité des médicaments, et celles transmises par les professionnels de santé moment de la au prescription du médicament et en fonction de l’état des connaissances scientifiques ?”

L’APESAC conclut au rejet de la demande. Elle indique que sur la question de l’état des connaissances scientifiques, le renvoi n’est pas justifié puisque la jurisprudence est constante sur ce point, analysant toujours le caractère défectueux d’un produit au regard des données acquises de la science. Elle ajoute que sur la question de la spécificité des utilisateurs du médicament, le renvoi est inutile puisqu’un arrêt de la CJUE a confirmé que cette spécificité doit être prise en compte et a précisé que l’exigence de sécurité doit être particulièrement élevée pour des dispositifs médicaux, qu’ainsi en l’espèce les utilisateurs du produit sont les patientes et les informations auxquelles elles peuvent légitimement s’attendre sont celles mises à leur disposition dans la notice patient. Elle expose que sur la question de la délivrance sur ordonnance des spécialités relatives au valproate de sodium, le renvoi est inutile puisque la directive organise les relations entre les producteurs et les consommateurs, qu’en l’espèce, les consommateurs sont bien les patientes qui ont consommé du valproate de sodium et non les professionnels de santé et que cette question a déjà fait l’objet d’une interprétation par la CJUE. Elle indique que sur la question de la prise en compte des autorités de santé, le renvoi est inutile cette question étant déjà prise en compte dans la cause d’exonération pour conformité du produit avec les règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire, et qu’au regard du gème considérant de la directive relative aux produits défectueux, la prise en compte des autorités de santé ne pourra qu’être rejetée.

Le renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne est prévu à l’article 267 TFUE qui dispose : «La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l’interprétation des traités, b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union. Ļorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais».

En l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne et en particulier de l’article 6 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle. La demande formée à titre subsidiaire par le laboratoire Sanofi-Aventis et son assureur sera donc rejetée.

3- Sur la responsabilité

L’APESAC indique que compte tenu des taux très élevés de malformations et de troubles du développement dus à une exposition in utero à la I reconnus par la littérature médicale et les autorités de santé, il est évident que les pathologies présentées par les enfants sont en lien direct et certain avec leur exposition in utero au valproate de sodium.

Elle précise que le rôle causal du médicament sur l’apparition d’une maladie peut être déterminé à partir d’un faisceau d’indices, au vu d’éléments scientifiques permettant d’établir un lien crédible et en l’absence d’autre cause apparente de survenance de la maladie:

- exposition in utero à la I,

- existence d’un tableau clinique cohérent de pathologies reconnues par la littérature médicale, les données de pharmacovigilance et le protocole national de diagnostic et de soins comme étant imputables à la I.

Elle souligne que le rapport d’expertise médicale générale pénal confirme l’existence d’un lien de causalité entre l’exposition in utero au valproate de sodium et les effets tératogènes ainsi que les effets neurodéveloppementaux.

Elle rappelle que l’article L1142-24-12 du code de la santé publique établit désormais une présomption d’imputabilité des effets indésirables du valproate de sodium à un manque d’information des patientes : dès le 1er janvier 1982 pour les malformations et dès le 10 janvier 1984 pour les troubles du développement comportemental et cognitif.

Elle en déduit que le lien de causalité entre la faute commise par le laboratoire le défaut du produit I et les pathologies développées par les enfants exposés in utero à la I est certain en présence d’indices graves et concordants apportéspar la littérature et les données de pharmacovigilance, qu’en l’absence d’information complète fournie, la I n’offrait pas la sécurité à laquelle les patientes pouvaient légitimement s’attendre.

Le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE expose que les conditions d’application du régime de responsabilité du fait des produits défectueux ne sont pas réunies puisqu’il appartient aux demandeurs qui cherchent à engager la responsabilité d’un producteur de démontrer la réalité d’un dommage indemnisable, l’imputabilité de ce dommage à la prise du médicament, l’existence d’un défaut du produit et le lien de causalité direct et certain entre les manquements ou le défaut allégués et le dommage.

Il rappelle que conformément aux dispositions de l’article 1245-3, question de la défectuosité d’un produit doit s’apprécier au regard de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. La question de la défectuosité s’apprécie donc in concreto au regard de toutes les circonstances touchant notamment, en l’espèce, à la présentation du produit, à son usage et ses conditions d’utilisation, à la destination du produit, aux spécificités du groupe des utilisateurs auxquels le produit est destiné et à sa date de mise sur le marché.

Aux termes de l’article 1245 du code civil, reprenant à l’identique l’ancien article 1386-1 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Aux termes de l’article 1245-3 du code civil, reprenant à l’identique l’ancien article 1386-4 du code civil, un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.

Aux termes de l’article 1245-9 du code civil, reprenant à l’identique les dispositions de l’ancien article 1386-9 du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

En l’espèce, les dispositions des articles 1245 et suivants du code civil sont applicables au valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine.

Trois conditions doivent être cumulativement réunies pour engager la responsabilité du producteur : un défaut, un dommage et un lien de causalité entre les deux.

Sur le dommage

Il résulte des conclusions du collège d’experts que l’exposition à l’acide valproïque et aux médicaments apparentés, in utero, est associée à un risque significativement accru d’anomalies du développement embryonnaire dont les conséquences sont des malformations portant sur des anomalies de fermeture du tube neural conduisant principalement au spina bifida, mais aussi des malformations du cæur, des reins et de l’arbre génito-urinaire (hypospadias), des membres, des doigts, des orteils, du visage comme par exemple des fentes labiales et/ou palatines, etc. <
Il résulte également des conclusions du collège d’experts que l’exposition à l’acide valproïque et aux médicaments apparentés, in utero, est associée à une embryofætotoxicité du médicament qui se traduit également par l’apparition d’un syndrome fætal au valproate qui associe une dysmorphie faciale (plis épicanthiques, petite bouche, […], […], philtrum estompé, attache basse des oreilles, front haut, trigonocéphalie, etc.), et des troubles du développement intellectuel.

L’APESAC a ainsi établi l’existence de taux élevés de malformations et de troubles du développement dus à une exposition in utero à la I reconnus par la littérature médicale et les autorités de santé dans la partie commune qui précède relative au dommage.

Ainsi, il existe une corrélation objective entre le taux très élevé de malformations et de troubles du développement et l’exposition in utero au médicament litigieux.

Cette corrélation ne se retrouve pas dans l’étude de l’exposition in utero aux autres traitements médicamenteux de l’épilepsie ou de manière bien moindre.

D’autres médicaments que le valproate de sodium étaient disponibles, surtout à partir des années 1990, et il était possible notamment de réduire les risques liés à une exposition in utero en y ayant recours.

Il en a ainsi résulté une perte de chance pour la femme enceinte de se voir prescrire un autre traitement qu’un traitement par le médicament litigieux qu’il convient d’évaluer à 95%.

Sur le lien de causalité entre le défaut et le dommage

Par arrêt rendu le 21 juin 2017 dans une affaire C-621/15 (N.W., L.W. et C.W. / Sanofi Pasteur MSD SNC, CPAM des Hauts-de-Seine, Carpimko) la CJUE, saisie par la Cour de cassation d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, ceci par arrêt rendu le 12 novembre 2015, a apporté des réponses à une question portant sur l’interprétation de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux

Aux termes de l’article 1386-9 devenu 1245-8 du code civil, il appartient à celui qui agit en réparation du dommage causé par un produit qu’il estime défectueux de 'prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage'.

Il peut être ajouté qu’au point 29 de l’arrêt précité rendu le 21 juin 2017, la CJUE a dit pour droit que le régime national tel que celui faisant l’objet de la question préjudicielle dont elle a été saisie laisse à la victime 'la charge d’établir les différents indices dont la conjonction permettra, le cas échéant, au juge saisi d’asseoir sa conviction quant à l’existence d’un défaut (du produit) et d’un lien de causalité entre celui-ci et le dommage subi'; Qu’elle introduit (au point 30) une précision selon laquelle un degré élevé d’exigence probatoire qui reviendrait à exclure tout mode de preuve autre que la preuve certaine issue de la recherche médicale aurait pour effet (…) de rendre dans un nombre important de situations, excessivement difficile ou, lorsque, comme en l’occurrence, il est constant que la recherche médicale n’a permis ni d’établir ni d’infirmer l’existence d’un tel lien causal, impossible la mise en cause de la responsabilité du producteur, en compromettant de la sorte, l’effet utile de l’article 1er de la directive 85/374", directive à la lumière de laquelle, convient-il de rappeler, doit être interprété le droit national ;

La causalité repose sur des constatations de faits, lesquels, dès lors que la preuve peut en être apportée par tout moyen, peuvent se fonder sur un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes.

Il y a lieu de rappeler que les victimes concernées par la présente action de groupe sont les enfants exposés in utero au valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine ainsi que leurs mères, exposées à ce médicament pendant leur grossesse outre les victimes indirectes de ces préjudices corporels.

Ainsi, les victimes, qui souhaiteront se prévaloir du jugement pour adhérer au groupe afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices, devront rapporter la preuve de l’exposition au médicament litigieux.

Dans leur rapport d’expertise, le collège d’expert désigné par les magistrats instructeurs a conclu comme suit: classement du niveau de risque en « association possible », « association probable», et «association avérée », sur la base d’une grille proposée par l’AFSSAPS et reprise par la suite par l’agence européenne des médicaments (EMA).

S’agissant des effets teratogènes

“La tératogénicité de l’acide valproique pouvait être qualifiée de « association possible» à partir de 1980-81 sur la base d’études animales et de cas humains isolés. La tératogénicité de l’acide valproïque en ce qui concerne les anomalies de fermeture du tube neural pouvait être qualifiée d'« association probable » à partir de 1984 sur la base de diverses données épidémiologiques et au terme d’une concertation internationale; et de «association avérée» en 1999 suite à sa confirmation dans plusieurs études de cohorte de bonne qualité et de haute valeur probante. La tératogénicité de l’acide valproïque en ce qui concerne les malformations majeures (toutes confondues) pouvait être qualifiée de « association probable » en 1990-1992 sur la base de plusieurs études épidémiologiques. À partir de 1999 la cohérence des études et la force des preuves sont incontournables en méta-analyse. Ces preuves sont renforcées par des études individuelles en 2003-2006. Ainsi en 1999-2006 les preuves disponibles permettent de décrire l’association сотте une

« association avérée ». Dès 1999 il est possible de quantifier de manière précise le risque d’une malformation majeure, qui est 3 à 4 fois plus élevée que celui qui est observé dans la population générale. De plus, diverses études démontrent que l’acide valproïque est plus tératogène que la carbamazépine, le phénobarbital et la phénytoïne. En 1999 l’existence d’un effet de la dose doit être considérée comme « association probable » pour l’exposition à l’acide valproïque au premier trimestre de la grossesse et les malformations congénitales majeures. Il faut attendre 2018 pour que l’effet de la dose soit quantifié de manière définitive, y compris relativement aux autres anticonvulsivants, date à laquelle l’effet de la dose est une « association avérée » au sens fort incluant sa quantification. À partir de 2004 des études sur registre de grande envergure permettent de

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décrire avec plus de précision les malformations spécifiques attribuables au valproate. Ces associations spécifiques sont confirmées par trois méta-analyses en 2015-2017.”

“Les preuves épidémiologiques du lien de causalité entre l’exposition prénatale à l’acide valproïque et les malformations décrites sont nombreuses et de forte valeur probante. Elles ont été présentées dans le cadre de la réponse à la Question 4 [recenser les données de la littérature scientifique relatives aux éventuels effets tératogènes de l’acide valproïque et ses dérivés). En particulier, la preuve d’une relation de cause à effet est considérablement renforcée par la cohérence des études entreprises dans des populations différentes ; par la force de l’association ; et par la mise en évidence d’un effet de la dose. En outre, ainsi qu’il a été démontré en réponse à la Question 4, l’association entre l’exposition in utero à l’acide valproïque et les malformations est plus forte que pour tout autre anticonvulsivant. Le valproate est ainsi le plus tératogène des médicaments antiepileptiques. Pour ces raisons, l’existence d’une relation de cause à effet en ce qui concerne la tératogénicité de l’acide valproique et de ses dérivés fait l’objet d’un large consensus parmi les scientifiques.”

“Le consensus scientifique jusqu’en 1998 voulait que l’épilepsie contribue au risque tératogène. Ce consensus, qui ne reposait sur aucune preuve, a été bousculé en 2000-2001 par deux études, suivies d’une méta-analyse en 2004, où il a été démontré qu’il n’y a pas de différence statistiquement significative du risque malformatif entre des femmes épileptiques non traitées aux anticonvulsivants et des femmes non-épileptiques. La méta-analyse suggère en outre l’existence d’un biais de publication. Aucune association positive n’est trouvée entre la fréquence des crises épileptiques lors de la grossesse et le risque de malformations. D’autre part, le type et la sévérité de l’épilepsie ne semble pas influencer le risque malformatif de manière significative.”

ne"Aucune distinction doit être faite entre les différents médicaments contenant du valproate de sodium quant à leur risque tératogène : Dépakine, Dépakote, Dépamide, Micropakine et génériques. Les autres médicaments utilisés dans le traitement de l’épilepsie sont eux-aussi tératogènes, mais à un moindre degré.”

“Le risque global de malformations majeures est 11% sous valproate en monothérapie"

S’agissant des troubles développementaux et cognitifs

“En ce qui concerne les troubles développementaux et cognitifs et leur relation éventuelle avec l’exposition in utero à l’acide valproïque, on pouvait conclure, dès 1987, qu’il s’agissait d’une « association possible » sur la base de cas isolés et de séries de cas. En 1987, une étude de cohorte prospective, effectuée en Allemagne, mais d’effectifs limités, était aussi disponible. Celle-ci permettait d’envisager que la prévalence de troubles psychomoteurs ou cognitifs, notamment du langage, pouvait être importante (46%). Cette étude, malgré sa faible taille, indiquait aussi que les enfants exposés au valproate, mais pas ceux exposés à d’autres anticonvulsivants en monothérapie, présentaient un déficit développemental important (13,3 points sur l’échelle du quotient de développement). Les données disponibles à cette date étaient donc décidément inquiétantes, mais elles sont restées longtemps sans écho. Cette première étude contrôlée de 1987 a été suivie de six autres publications entre 1999 et 2002. Ces 6 études, de qualité inégale, sont cohérentes avec la première. Trois sont présentées sous forme d’abstract. Elles confirment l’association observée en 1987 entre l’exposition in utero au valproate en monothérapie (mais pas pour les autres anticonvulsivants) et les troubles du développement cognitif en bas âge (mesuré par le quotient de développement QD) et à l’âge scolaire (mesuré par le quotient intellectuel QI ou le recours aux soutiens scolaires), ainsi que la fréquence élevée de tels troubles. Ces études n’apportent pas la confirmation définitive de l’association, mais auraient dû nettement en accroitre la suspicion. Ainsi nous estimons qu’en 2001/2002, le niveau des preuves disponibles permettait la catégorisation de l’association en « association probable ». Les années suivantes apportent la confirmation définitive de ces effets, à la fois pour les troubles du développement en bas âge, et pour les troubles cognitifs à l’âge scolaire. Nous estimons qu’à partir de 2006, et certainement en 2010, les données disponibles étaient de nature à conclure que l’association entre l’exposition in utero au valproate en monothérapie et le retard du développement à l’âge préscolaire était un « effet avéré ». Il était apparent que les enfants exposés in utero au valproate ont à l’âge de 2 ans ou moins un déficit du QD d’au moins 8 points en moyenne. En outre un déficit du QD par rapport aux enfants exposés à la carbamazepine d’environ 7 points, avait été observé. Il était apparent aussi qu’une proportion élevée (35%) des enfants exposés au valproate présentait un déficit développemental à l’âge de 2 ans. A partir de 2005, et a fortiori après 2009, les neuropédiatres et pédopsychiatres pouvaient conclure que l’association entre l’exposition prénatale au valproate en monothérapie et le déficit cognitif à l’âge scolaire, mesuré par le QI global, était une « association avérée ». En outre, il était apparent que le QI global moyen chez les enfants exposés in utero au valproate était de 6 à 10 points inférieur à celui des enfants exposés à d’autres anticonvulsivants en monothérapie. A partir de

2005, et a fortiori après 2011, les neuropédiatres et pédopsychiatres pouvaient aussi conclure que l’association entre l’exposition prénatale au valproate et un déficit des capacités verbales pouvait être qualifiée de « effet avéré ». Les données disponibles en 2005 indiquaient en outre qu’il s’agissait d’un effet important, le déficit du QI verbal moyen étant de 9 à 11 points.”

“Dès 2000 il était apparent qu’il n’existe pas d’association directe entre l’épilepsie par elle-même et les troubles cognitifs, et que donc l’épilepsie n’est pas en soi un effet de confusion pour l’association entre ces troubles et l’exposition prénatale au valproate. Nous avons confirmé ces observations par notre propre méta-analyse, qui démontre que la différence de QI global entre les enfants de mères épileptiques non traitées aux anticonvulsivants et les enfants de mères non-épileptiques était de -0,8 (avec IC95% de -4,0 à +2,4) sur la base des études disponibles en 2000, et de -1,5 (IC95% de -4,0 à +1,0) sur la base des études disponibles en 2015. Des résultats semblables sont obtenus pour les QI verbal et non-verbal. De nombreuses études ont établi que d’autres aspects de l’épilepsie, notamment le type de l’épilepsie et la fréquence des crises épileptiques, ne sont pas associées aux troubles développementaux et cognitifs. Ainsi les données épidémiologiques disponibles n’indiquent pas que l’épilepsie serait une cause indirecte de troubles développementaux et cognitifs.

Les données relatives à l’indication bipolaire ne sont pas suffisantes à l’heure actuelle pour en tirer des conclusions quantitatives."

“Peu de données sont disponibles sur l’association potentielle entre l’exposition in utero aux anticonvulsivants autres que le valproate, et les troubles du développement cognitif ou du comportement, comparé aux enfants non-exposés. disponibles, revues à la Question 4 dans le cadre de la méta-analyse du groupe Cochrane de 2014, indiquent en revanche que les enfants exposés in utero au valproate ont, en moyenne, un QD inférieur aux enfants exposés à la carbamazepine, à la lamotrigine, au lévétiracétam, au phénobarbital, et à la phénytoïne, bien que ce déficit ne soit pas statistiquement significatif pour la carbamazépine et le phénobarbital.

Pour le Q1, un déficit est trouvé par rapport à la lamotrigine et à la phénytoïne, mais pas par rapport au phénobarbital. Ces conclusions sont confirmées dans d’autres études. La méta-analyse Cochrane de 2014 suggère, en outre, qu’il n’y a pas de différence entre une monothérapie par le valproate et une polythérapie incluant le valproate, la différence de QI moyen n’étant que de 2,0 points (IC95% de -2,7 à +6,6). En revanche, l’inclusion du valproate dans une polythérapie est associée à un risque majoré statistiquement significatif: la différence de QI moyen entre polythérapie au valproate et polythérapie sans valproate est de 8,7 points (IC95% 1,8 à 15,7) au détriment des enfants exposés au valproate.”

“Troubles du développement à l’âge préscolaire Le risque absolu de troubles au moins modérés (QD < 85) est 35% (IC95% 30 à 42%).

o Le risque attribuable est 23% (IC95% 14 à 31%)

o La fraction attribuable est 64% (IC95% 30 à 82%). Le risque absolu de troubles sévères (QD < 70) est 13% (IC95% 8 à 20%).

o Le risque attribuable est 10% (IC95% 1 à 19%)

o La fraction attribuable est 66% (IC95% 15 à 86%)

Troubles du développement à l’âge scolaire Le risque absolu de troubles au moins modérés (QI < 85) est 23%

.

(IC95% 16 à 31%).

o Le risque attribuable est 18% (IC95% 10 à 25%)

o La fraction attribuable est 81% (IC95% 55 à 92%). Le risque absolu de troubles sévères (QI< 70) est 8% (IC95% 4 à 16%).

o Le risque attribuable est 6% (IC95% 0 à 12%)

o La fraction attribuable est 74% (IC95% 2 à 93%).”

Il ressort de la littérature scientifique notamment les articles suivants issus de l’expertise générale:

Sur les effets terratogènes

Dès octobre 1982, le docteur E. C décrit une association possible entre la prise d’acide valproïque et les anomalies de fermeture du tube neural à partir de données recueillies au registre des malformations de la région Rhône-Alpes entre 1979 et 1982.

Ces publications vont avoir un impact au sein de la communauté

scientifique internationale et sont immédiatement reprises fin octobre 1982 par le “center for disease control and prevention” ci-après dénommé CDC, principal organisme de surveillance de santé publique aux Etats Unis.

En août 1983, une seconde analyse va être produite par le CDC à partir de données complémentaires émanant du registre de la région Rhône-Alpes : CDC, Valproate: a new cause of birth defects – Reports from Italy and follow-up from France, MMWR, 1983, 32(33): 438-439. Il ) 956 . 957. Il conclut que l’acide valproïque doit dorénavant être considéré comme tératogène, et en quantifie le risque: «Une femme enceinte aux Etats-Unis, traitée avec ces médicaments, a un risque de 1% à 2% d’avoir un enfant atteint de spina bifida. »

En août 1984, une étude néerlandaise confirme une association entre exposition prénatale au valproate et spina bifida : LINDHOUT D, MEINARDI H, Spina bifida and in-utero exposure to valproate, The Lancet, 1984; 2(8399): 396.

Sur les troubles de développement et cognitifs

Dans une étude proposée par le Child Development Center/Department of Pediatrics, […], Washington, Etats-Unis 722 , le suivi à long terme de deux frères et sœurs exposés à une monothérapie par l’acide valproïque sont décrits. Les auteurs soulignent le fait que ces données, en particulier les conséquences sur le développement, devraient être ajoutées au risque tératogène associé à l’utilisation de l’acide valproïque pendant la grossesse :KOZMA C, Valproic acid embryopathy: report of two siblings with further expansion of the phenotypic abnormalities and a review of the literature, Am J Med Genet, 2001 Jan 15; 98(2): 168-75.

Un examen des risques relatifs en matière de besoins éducatifs supplémentaires chez les enfants exposés à divers antiépileptiques in utero est proposé par des neurologues britanniques (University Department of Neurology, Walton Centre for Neurology and Neurosurgery, Liverpool). Une enquête rétrospective a été réalisée auprès de femmes âgées de 16 à 40 ans concernant leur grossesse ainsi que la scolarisation ultérieure de leurs enfants nés vivants. Les auteurs suggèrent que la monothérapie comme la polythérapie incluant le valproate pendant la grossesse comportent des risques particuliers pour le développement des enfants exposés in utero.

Ainsi, au vu des éléments de faits suivants:

des conclusions du collège d’experts que l’exposition à l’acide valproïque et aux médicaments apparentés, in utero, est associée à un risque significativement accru d’anomalies du développement embryonnaire dont les conséquences sont des malformations portant sur des anomalies de fermeture du tube neural conduisant principalement au spina bifida, mais aussi des malformations du cæur, des reins et de l’arbre génito-urinaire (hypospadias), des membres, des doigts, des orteils, du visage comme par exemple des fentes labiales et/ou palatines, etc;

- des conclusions du collège d’experts que l’exposition à l’acide valproïque et aux médicaments apparentés, in utero, est associée à une embryofætotoxicité du médicament qui se traduit également par l’apparition d’un syndrome fætal au valproate qui associe une dysmorphie faciale (plis épicanthiques, petite bouche, […], […], philtrum estompé, attache basse des oreilles, front haut, trigonocéphalie, etc.), et des troubles du développement intellectuel ; des articles publiés à compter de 1984, que l’association entre l’exposition au valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine, et des effets teratogènes est considérée comme probable par la communauté scientifique ;

- des articles publiés à compter de 2001, que l’association entre l’exposition au valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine et des troubles du développement et cognitif est considérée comme probable par la communauté scientifique ;

-- des conclusions du collège d’expert : que la maladie l’épilepsie elle même de la mère ne contribue pas à un risque tératogène chez l’enfant ;

- des conclusions du collège d’expert : qu’il n’existe pas de corrélation entre l’épilepsie elle-même de la mère et les troubles cognitifs chez l’enfant ;

Il se déduit de la réunion des indices factuels ainsi produits qui doivent être tenus pour graves, précis et concordants, que l’existence d’un défaut du médicament litigieux, apparaît, nonobstant les éléments produits et arguments présentés en défense par le producteur, comme étant l’explication la plus plausible de la survenance du dommage, aussi bien en matière d’effets tératogènes qu’en matière de troubles développementaux et cognitifs.

Les données de la littérature médicales ne permettent, en revanche, pas d’établir ce lien de causalité entre le défaut du médicament allégué et l’existence de troubles du spectre de l’autisme.

Sur le défaut

Le défaut est défini identiquement par l’article 6-1 de la directive et par l’article 1386-4 du code civil, selon lesquels "Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment: a) de la présentation du produit ; b) de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ; c) du moment de la mise en circulation du produit”.

Comme le souligne le considérant n°6 de la directive, le défaut est donc celui qui compromet la sécurité des usagers ou consommateurs et non celui qui porte atteinte à l’utilité du produit ou à son aptitude à l’usage, et il s’apprécie par rapport à ce que le grand public est en droit d’attendre et non par rapport à ce qu’en attendait l’acquéreur ou l’utilisateur.

Le produit peut donc être défectueux, indépendamment et en dépit de son aptitude à l’usage auquel il est destiné. Le défaut, distinct du dommage, n’est pas caractérisé par le seul fait que le produit est intervenu dans la réalisation du dommage et ne se déduit pas de ce dernier.
Contrairement aux allégations du laboratoire sur ce point, la constatation par le juge du défaut d’un produit, à la suite de la mise en évidence de risques graves liés à son utilisation, n’implique pas que le producteur ait eu connaissance de ces risques lors de la mise en circulation du produit.

Il importe, en revanche, de savoir dans une approche objective, si un effet tératogène majeur et un effet sur les troubles développementaux et cognitifs de ce produit étaient connus et s’ils ont été portés à la connaissance du public.

Il ressort de l’analyse qui précède que l’association entre l’exposition au valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine, et des effets teratogènes est considérée comme probable et doit donc être considérée comme connue dès 1984, que l’association entre l’exposition au valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine et des troubles du développement et cognitif est considérée comme probable et doit donc être considérée comme connue dès 2001.

L’information qui a été donnée par le producteur aux femmes enceintes était celle qui était reprise dans la notice du médicament, comme suit:

21 février 1983 : L’information auprès du public doit comporter les mentions suivantes :

“Prévenir le médecin traitant dans les cas suivants : grossesse (en cas d’administration chez l’adulte)

.

insuffisance rénale

.

[…]

• autres traitements en cours. GG

Projet en décembre 1985 : “Prévenir le médecin traitant en cas de grossesse souhaitée ou débutante, en cas d’altération inexpliquée de l’état général (fatigue, somnolence), en cas de retour des crises, de traitement par d’autres médicaments (notamment en cas barbituriques, antidépresseurs)”

1er octobre 1986 : “Prévenir votre médecin si vous êtes enceinte" Cette information est reprise jusqu’en 1994.

25 septembre 1995 : “CONSULTER RAPIDEMENT VOTRE MEDECIN en cas de grossesse ou de désir de grossesse. Votre médecin jugera de l’utilité de poursuivre le traitement" Cette information est reprise jusqu’en 1999.

29 juin 2000 : « En cas de grossesse ou de désir de grossesse, prévenez votre médecin. En effet, votre traitement devra éventuellement être adapté et une surveillance particulière devra être mise en route. Au moment de la naissance, une surveillance attentive du nouveau-né sera nécessaire. »

Cette information est reprise jusqu’en 2003.

7 juillet 2004 : « En cas de désir de grossesse, prévenez votre médecin, une surveillance particulière devra être mise en place. En cas de grossesse, votre traitement devra éventuellement être adapté. Il est important de ne pas arrêter le traitement car il existe un risque de réapparition de crises pouvant avoir des conséquences pour vous ou

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votre enfant.

Au moment de la naissance, une surveillance attentive du nouveau-né sera nécessaire. » Cette information est reprise en 2005.

25 janvier 2006 la notice déconseille pour la première fois de la Dépakine pendant la grossesse, sauf avis contraire du médecin Au titre de la rubrique « mises en garde spéciales » « En début de traitement le médecin s’assurera que vous n’êtes pas enceinte et prescrira si besoin une méthode de contraception »

“L’utilisation de ce médicament est déconseillée, sauf avis contraire de votre médecin, pendant la grossesse, Si vous découvrez que vous êtes enceinte pendant le traitement, consultez rapidement votre médecin qui seul pourrait adapter le traitement à votre état. D’une façon générale, il convient, au cours de la grossesse et de l’allaitement, de toujours demander l’avis à votre médecin ou à votre pharmacien avant de prendre un médicament."

Il résulte de ce qui précède que l’information qui est donnée par le producteur à la femme enceinte n’est pas celle qui figure en annexe de la décision d’autoriser la mise sur le marché mais celle qui était contenue dans la notice patient et que ce n’est qu’à compter du 26 janvier 2006 que la grossesse est déconseillée. Ainsi, les notices éditées avant cette date ne sont donc pas conformes aux données de la science, depuis plusieurs années.

A l’analyse, cette présentation du produit au patient n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre dès lors qu’elle ne contient pas, parmi les effets indésirables possibles du produit qui serait ingéré par une femme enceinte, le risque tératogène ainsi que le risque de troubles du développement et cognitifs susceptibles d’avoir des effets d’une particulière gravité s’il se réalise et dont il peut, incidemment, être constaté qu’il a été signalé dans la documentation médicale postérieure.

Le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE n’est pas fondé à prétendre que les mentions concernant la mise en place d’une surveillance anténatale particulière renvoient explicitement et nécessairement aux éventuelles conséquences sur le foetus dans la mesure où une telle présentation ne satisfait pas au niveau d’information qui peut être attendu d’un producteur.

Il ne peut tenter de se dédouaner comme il le fait de la responsabilité du fait des produits défectueux recherchée en invoquant la mise à disposition de l’information au médecin, faisant valoir l’ensemble des sources d’informations incluant l’information dispensée par les professionnels de santé dans le cadre d’un médicament sur prescription médicale, alors qu’il lui incombait de présenter le produit à la patiente en s’attachant à la sécurité qu’un patient, quel qu’il soit, pouvait légitimement en attendre.

Le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE n’est pas fondé à se prévaloir de l’appréciation de la sécurité en tenant compte notamment de la destination du produit en cause, faisant valoir que le traitement était nécessaire à une maladie très grave pouvant engager le pronostic vital du patient et en cas de grossesse, du foetus, alors que les effets indésirables du médicament doivent figurer dans la notice dans le

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Le laboratoire fait valoir que le médicament litigieux est destiné à un groupe de patients souffrant d’épilepsie, que les femmes épileptiques sont exposées du fait de leur pathologie, à des risques supérieurs à ceux de la population générale d’avoir des enfants présentant des troubles, et ce avec ou sans traitement antiepileptique, que les autres traitements antiepileptiques présentent tous des risques liés à leur utilisation pendant une grossesse. Cependant, il ne peut prétendre à ce que la sécurité à laquelle l’on peut légitimement s’attendre soit appréciée en tenant compte notamment des spécificités du groupe des utilisateurs auxquels le produit est destiné alors que la pathologie et le risque lié à cette pathologie du groupe des utilisateurs ne peut justifier l’absence de mention d’effets indésirables graves sur la notice.

Ainsi, les nombreux effets teratogènes du valproate de sodium, principe actif composant notamment la Dépakine, et les troubles développementaux et cognitifs, ont été régulièrement mentionnés dans la littérature médicale à partir de 1984 pour les effets teratogènes et à partir de 2001 pour les troubles du développement et les troubles cognitifs. Or, le titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament est tenu d’assurer une veille sanitaire et doit dès la connaissance d’effets indésirables faire modifier en ce sens les informations destinées aux patients et les informations destinées aux professionnels de santé à travers respectivement la notice et le résumé des caractéristiques du produit (ci-après dénommé RCP). Il s’en déduit qu’il est bien tenu compte de l’état des connaissances scientifiques et que le laboratoire qui a attendu le 26 janvier 2006 pour obtenir la modification de la notice a manqué à ses obligations. Ainsi, le moyen fondé sur la prise en compte de l’état des connaissances scientifiques sera écarté.

Le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE n’est pas fondé à se prévaloir d’une balance bénéfice – risque du valproate de sodium favorable et de ce que le médicament n’a pas été retiré du marché, ni même à contester l’affirmation de l’APESAC selon laquelle le médicament présente une défectuosité intrinsèque en raison de sa balance bénéfices-risques négative. En effet, lorsque des effets indésirables ne sont pas mentionnés sur la notice, le niveau de sécurité auquel on peut légitimement s’attendre constitue un élément de défectuosité du produit. Le produit peut donc être défectueux, indépendamment de son aptitude à l’usage auquel il est destiné.

Ainsi, la présentation du médicament, dans la notice destinée aux patients, ne contenait pas l’information selon laquelle, parmi les effets indésirables possibles du médicament, il existait un risque teratogène d’une particulière gravité, et qu’il existait un risque de troubles développementaux et cognitifs, et ce jusqu’à la demande de modification de la notice de janvier 2006.

Il s’en déduit que lors de la prise du médicament litigieux, du 22 mai 1998 au 25 janvier 2006 inclus pour les effets teratogènes et de janvier 2001 au 25 janvier 2006 inclus pour les troubles développementaux et cognitifs, le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et que le médicament litigieux était défectueux.

- Sur les causes d’exonération

Aux termes de l’article 1245-10 du code civil, reprenant à l’identique les dispositions de l’ancien article 1386-11 du code civil, le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve: lo Qu’il n’avait pas mis le produit en circulation; 20 Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d’estimer que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement; 30 Que le produit n’a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution; 40 Que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut;

50 Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire. Le producteur de la partie composante n’est pas non plus responsable s’il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

Sur le risque de développement

Le laboratoire sollicite une exonération de responsabilité pour risque de développement. Il fait valoir qu’antérieurement à la modification des documents d’information en janvier 2006, les connaissances scientifiques ne permettaient pas de déceler l’existence du risque de survenance d’un retard de développement psychomoteur chez les personnes exposées in utero au valproate de sodium et susceptible d’entraîner une modification des documents d’information.

L’APESAC indique que compte tenu des éléments relatifs à l’évolution des connaissances liées au valproate de sodium, de la littérature médicale et de la pharmacovigilance notamment, la demande doit être rejetée. Elle précise qu’il convient d’examiner l’état des connaissances scientifiques et techniques, en ce compris son niveau le plus avancé, et que le producteur a une obligation de mise à jour de l’information délivrée sur le produit même en présence de résultats discordants quant aux avantages et inconvénients. Elle relève que les signaux quant aux effets indésirables doivent être considérés avec d’autant plus d’attention pour les femmes enceintes.

L’état des connaissances scientifiques et techniques doit être apprécié pas seulement au niveau du secteur industriel dans lequel opère le producteur. Le niveau scientifique où se situent ces connaissances est le niveau le plus avancé tel qu’il existait au noment de la mise en circulation du produit en cause. Il y a ainsi lieu de situer au niveau mondial l’état des connaissances scientifiques et techniques dont le respect s’impose au producteur, étant précisé que ces connaissances sont toutes celles qui sont accessibles, et non pas seulement celles qui sont mises en pratique.

L’appréciation de l’état des connaissances scientifiques et techniques doit être faite de façon purement objective, sans tenir compte des qualités et des aptitudes personnelles du producteur. La date de mise en circulation du produit qui a causé le dommage s’entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie.

En l’espèce, il ressort des développements qui précèdent que dès 1982

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en France, le docteur E. C a donné l’alerte en décrivant une association possible entre la prise d’acide valproïque et les anomalies de fermeture du tube neural à partir de données recueillies au registre des malformations de la région Rhône-Alpes entre 1979 et 1982, que ces publications ont eu un impact au sein de la communauté scientifique internationale, que notamment le CDC a publié une seconde analyse en août 1983 et qu’en août 1984, une étude néerlandaise confirme une association entre exposition prénatale au valproate et spina bifida.

Il résulte également de l’analyse qui précède que dans une étude américaine dès 2001, le suivi à long terme de deux frères et seurs exposés à une monothérapie par l’acide valproïque a mené les auteurs à souligner que les conséquences sur le développement, devraient être ajoutées au risque tératogène associé à l’utilisation de l’acide valproïque pendant la grossesse, qu’une étude britannique a également conclu à des risques particuliers pour le développement des enfants exposés in utero.

Il s’en déduit que le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE ne peut être suivi en son argumentation qui conduirait le tribunal à apprécier subjectivement l’état des connaissances du producteur et qu’à cet égard, au vu des études publiées dès 1984 qui développaient les effets tératogènes propres au valproate de sodium ainsi que les alertes contenues dans la littérature médicale, au vu des études publiées dès 1981 qui présentaient les risques développementaux et cognitifs propres au valproate de sodium ainsi que les alertes contenues dans la littérature médicale, le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE n’établit pas que l’état des connaissances médicales en 1984 pour les effets tératogènes et en 2001 pour les troubles développementaux et cognitifs ne permettait pas d’appréhender le risque en question et de communiquer de manière adéquate à ce sujet. Le moyen tiré du risque de développement sera donc écarté.

Sur la conformité aux règles impératives

Le laboratoire fait valoir que l’autorisation de mise sur le marché qui contient l’ensemble des documents d’information propres au médicament est une autorisation administrative, et qu’elle ne peut être modifiée sans le contrôle et l’autorisation de l’autorité de santé. Il indique que la rédaction des documents d’information dépend des décisions de l’autorité de santé, garante de la police sanitaire, dans la mesure où un laboratoire ne peut décider par lui-même du contenu de l’information présente dans les documents d’information du médicament, ceux-ci devant répondre aux directives de l’autorité de santé. Il précise qu’il a sollicité à plusieurs reprises des modifications, a que l’autorité de santé a décidé à plusieurs reprises de ne pas accepter les demandes formulées par le laboratoire. Il conclut que ce n’est qu’en janvier 2006, compte-tenu de récentes publications scientifiques que l’autorité de santé a répondu favorablement à ses demandes relatives à la modification de l’autorisation de mise sur le marché du médicament et a modifié notamment la notice comprenant une mise en garde par rapport à la grossesse.

L’APESAC expose qu’une faute concurrente éventuelle d’autres acteurs ne vient pas exonérer le laboratoire de sa responsabilité. Elle relève que les autorités de santé n’avaient pas la possibilité de modifier d’office une autorisation de mise sur le marché avant 2004. Elle soutient que les demandes de modification de l’autorisation de mise sur le marché du

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médicament formulées par la société Sanofi avant 2003 ne correspondaient pas à l’état de la science et ne permettaient pas une information intégrale des autorités de santé. Elle considère que la demande de modification du RCP et de la notice de 2003 était lacunaire et ne permettait pas de se prononcer, que d’autres demandes ont été refusées au vu des données fournies par le laboratoire à l’appui de ses demandes.

Le producteur est exonéré s’il démontre que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire. Cette situation ne doit évidemment pas être confondue avec celle où le producteur a simplement respecté les normes de l’art ou obtenu une autorisation administrative de mise sur le marché, circonstances qui ne peuvent lui permettre d’échapper à sa responsabilité.

En l’espèce, le fait d’avoir obtenu une autorisation administrative de mise sur le marché constitue une obligation du producteur. Elle ne le dispense pas de prendre des mesures de précautions supplémentaires pour assurer la sécurité des utilisateurs.

Ainsi, le laboratoire était tenu d’assurer une véritable veille sanitaire de pharmacovigilance et devait, dès avoir eu connaissance d’effets indésirables lors de la grossesse de l’utilisatrice, faire modifier en ce sens les informations destinées aux utilisatrices ainsi qu’aux professionnels de santé. Il lui appartenait de faire les demandes de modification de l’autorisation de mise sur le marché de façon sérieuse et étayée, avec une information complète et correspondant à l’état de la science en temps utile.

La question d’une faute éventuelle d’un autre acteur tiers à la présente procédure est inopérante.

Ainsi, le respect de normes administratives ne saurait exonérer le laboratoire SANOFI-AVENTIS FRANCE et le moyen doit donc être rejeté.

VI- Sur la mise en cause de l’ONIAM

Par acte en date du 16 juin 2017, la société SANOFI-AVENTIS FRANCE a fait assigner en intervention forcée l’ONIAM afin que l’ensemble de la procédure initiée par l’APESAC soit rendu commune et opposable à cet Office, ainsi que le jugement à intervenir.

Pour autant aucune demande de condamnation ou de garantie de responsabilité n’est formulée contre l’ONIAM.

Cet Office considère pour sa part que la demande formée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE est irrecevable et à tout le moins mal fondée en application des dispositions de l’article L 1142-1 II du code de la santé publique et des articles 31 et 32 du code de procédure civile dans la mesure où le laboratoire qui est un professionnel de santé ne dispose pas d’un droit à agir contre l’ONIAM. En outre, ces textes relatifs à l’action de groupe en matière de santé publique, ne permettent pas l’intervention à cette action d’un établissement public administratif.

L’association APESAC n’a pas d’avantage de droit à agir contre cet Office.

Selon l’article 31 du code de procédure civile, “ l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé”.

Selon l’article 32 du même code,” est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir”.

Or, il apparait que les dispositions de l’article L 1142-1 II du code de la santé publique qui régissent les hypothèses dans lesquelles il est possible de mettre en jeu la responsabilité de l’ONIAM afin d’indemniser une victime au titre de la solidarité nationale en présence d’un aléa thérapeutique n’ouvrent cette possibilité qu’à la victime elle même et non pas au professionnel de santé mis en cause.

La société SANOFI-AVENTIS FRANCE a bien dans la présente instance la qualité de professionnel de santé mis en cause en non pas de victime d’un aléa thérapeutique lors d’un acte de soins.

De plus, l’ONIAM n’est pas d’avantage une caisse de sécurité sociale dont il serait demandé l’état des débours définitifs afin de pouvoir indemniser une victime de ses préjudices sans risquer une double indemnisation.

Dans ces conditions, l’intervention forcée formée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE à l’encontre de l’ONIAM sera déclarée irrecevable.

VII- Sur la définition du groupe d’usagers du système de santé

La société SANOFI-AVENTIS FRANCE demande à ce que la définition du groupe d’usagers du système de santé retenue par l’APESAC soit rejetée et que le tribunal de céans réouvre les débats afin qu’un nouveau débat puisse s’instaurer sur la définition du groupe à retenir.

Force est de constater que la notion de groupe d’usagers avait été évoquée par le demandeur dans ses dernières conclusions et que le défendeur avait tout possibilité de proposer dans ses dernières conclusions une autre définition de ce groupe d’usagers. Mais il ne l’a pas fait pour des raisons qui lui sont personnelles sans que cela justifie que les débats soient réouverts sur ce sujet.

Dans la mesure où le tribunal de céans a retenu la responsabilité de la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE au titre de la responsabilité pour faute à compter de 1984 selon la nature des troubles présentés par les enfants nées de mères ayant été traitées au cours de leur grosse par la I, Micropakine, Dépakote, G H et Dépamide, et de la responsabilité des produits défectueux à compter du 22 mai 1998, il y a lieu de déterminer la définition du groupe d’usagers du système de santé et des critères d’appartenance à ce groupe pour les personnes susceptibles d’être concernées par la responsabilité de la société SANOFI-AVENTIS FRANCE et donc susceptible de pouvoir prétendre à une indemnisation de leurs préjudices.

Au vu des éléments médicaux exposés précédemment, les critères suivants d’appartenance au groupe peuvent donc être retenus : 1- toutes les femmes ayant été enceintes en France entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles developpementaux et cognitifs qui ont été exposées durant leur grossesse à une spécialité contenant du valproate de sodium produite et commercialisée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE, ou toute autre société aux droits desquels elle vient désormais.

2- tous les enfants exposés in utero en France entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles développementaux et cognitifs à une spécialité contenant du valproate de sodium produite et commercialisée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE, ou toute autre sociétré aux droits desquelles elle vient désormais.

3- toute victime indirecte des deux précédentes catégories de victimes qui présente un lien de parenté et/ou un lien affectif réel avec ces dernières et qui justifie d’un préjudice propre.

Au vu des développements établis sur les responsabilités en cause et du rapport d’expertise médicale générale réalisé à la demande des magistrats instructeurs, il y a lieu de retenir une présomption simple de causalité entre l’exposition à la Dépakine et des médicaments dérivés durant la grossesse et les pathologies présentées par les enfants, dès lors qu’un faisceau d’indices sera présenté selon la définition du groupe retenue. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise unique de pharmacovigilence ni d’ordonner systématiquement des expertises médicales individuelles judiciaires, qui est contraire aux principes directeurs de l’action de groupe en matière de santé.

Sur les dommages susceptibles d’être réparés:

Il convient de retenir l’ensemble des malformations congénitales et les troubles développementaux présentés par les enfants retenus par les experts médicaux dans les conclusions de leur expertise médicale générale réalisé à la demande des deux magistrats instructeurs énumérées en pages 1171 et 1172 de leur rapport et expressement visés dans les développement antérieurs sur les responsabilités en cause et la définition du groupe d’usagers.

Sur la notion de perte de chance :

Il est médicalement acquis que tout médicament est susceptible de présenter un effet tératogène qui est évalué à 2 à 3% des cas dans la population générale. Ce pourcentage est 2 à 3 fois supérieur pour les enfants exposés in utero à la Dépakine selon le rapport d’expertise médicale générale. Le préjudice des mères et des enfants nés malformés ne peut donc être égal à 100% de leurs dommages.

C’est ainsi qu’il peut être retenu que le recours au cours de sa grossesse par une femme à un autre traitement que celui à base de Dépakine n’aurait pas nécessairement entraîné aucun effet tératogène sur l’enfant à naitre.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’en n’ayant pas recours durant leur grossesse à un traitement antépileptique autre que celui à base de valproate de sodium contenu dans le médicament la Dépakine et ses médicaments dérivés, ces femmes et leurs enfants nés malformés ont subi une perte de chance de naître indemnes de toute pathologie dans une proportion de 95%. C’est donc une perte de chance de 95% de choisir une alternative thérapeutique moins dangereuse qui sera retenue par le tribunal de céans.

VIII- Sur le délai d’adhésion au groupe et le destinataire des demandes d’adhésion

L’APESAC propose un délai de 5 ans à compter du jugement à intervenir et la société SANFO-AVENTIS FRANCE propose un délai de trois ans à compter de la décision définitive.

Afin de permettre au plus grand nombre de personnes concernées par l’adhésion éventuelle au groupe d’usager du système de santé, il convient de prévoir un délai d’adhésion au groupe de 5 ans à compter du prononcé de la présente décision.

Selon les dispositions de l’article L 1143- 4 du code de la santé publique, l’usager du système de santé peut adresser sa demande de réparation au choix à la personne reconnue comme responsable ou à l’association requérante.

Dans ces conditions, chaque personne qui souhaite adhérer au groupe aura la faculté de faire sa demande d’adhésion, soit auprès de la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE, soit auprès de l’APESAC, qui, sur le fondement de l’article L 1143-14 du code de la santé publique, pourra se faire assister par un membre d’une profession judiciaire réglementée, soit le cabinet d’avocats SELASU DANTE, selon son souhait.

IX- Sur les mesures de publicité extensives

Afin de permettre une information du grand public de la décision du tribunal de céans et de permettre aux différentes personnes qui recueillent les critères d’adhésion au groupe d’usagers du système de santé de pouvoir adhérer à ce groupe, il convient de prévoir les mesures de publicité suivantes à la charge de la SA SANFOFI-AVENTIS FRANCE et de son assureur la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATESPECIALITY:

- publication du jugement par extraits dans la presse écrite suivante : journal Le Monde, Le Figaro, Ouest rance, Le Parisi La Voie du Nord, Sud-Ouest, Paris Match, Le Point, Elle, J-K, en précisant le délai dans lequel il est possible d’adhérer au groupe et auprès de qui il y a lieu de faire cette demande.

X-Sur les autres mesures

L’association APESAC sollicite l’allocation d’une provision d’un montant de 1 125 000€ à valoir sur les frais non compris dans les dépens notamment pour mettre en oeuvre l’article L 1143-14 du code de la santé publique et les défendeurs concluent au rejet. Selon le texte précité, l’association peut s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée, dont la liste est fixée en décret par décret en Conseil

d’Etat, pour l’assister. Ce cabinet a déjà réalisé un travail important pour collecter tous les éléments médicaux des 14 familles choisies pour illustrer la présente action de groupe. C’est ainsi que pour permettre à l’association APESAC de poursuivre la seconde phase de la procédure d’action de groupe et de la durée prévisible de celle-ci, il lui sera alloué une provision d’un montant de 120 000€ à payer par les sociétés SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY.

Il n’y a pas lieu par contre d’ordonner une consignation d’un montant de 400 000 000€ auprès de la Caisse des dépôts et Consignations de la part de défendeurs pour garantir l’indemnisation des usagers du groupe du système de santé dès lors que rien ne laisse présumer que les défendeurs refuseraient de mettre en place la procédure d’adhésion au groupe puis d’indemnisation des usagers de ce groupe. Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’association APESAC les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera donc alloué une somme de 40 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à verser in solidum par la société SANOFI AVENTĪS FRANCE et son assureur la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY.

Il serait également inéquitable de laisser à la charge de l’ONIAM les frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Aussi, il lui sera alloué une somme de 5 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer in solidum par les sociétés SANOFI AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE SPECIALITY.

Il n’est par contre pas inéquitable de laisser à la charge de la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE et de son assureur la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SECIALITY les frais exposées par elles et non comprises dans les dépens.

Les parties qui succombent, les société SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY, seront donc condamnées in solidum aux entiers dépens. notamment

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire et se trouve justifiée par l’ancienneté des faits litigieux qui remontent en 1984 pour les plus anciens. Elle sera donc ordonnée de droit pour la totalité des condamnations prononcées et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les avocats qui en font la demande pourront bénéficier des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

Déclare recevable l’action de groupe en matière de santé publique intentée par l’association APESAC à l’encontre de la société SANOFI AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOGAL son assureur

CORPORATE & SPECIALITY SE;

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Décision du 05 Janvier 2022 1/7 actions de groupe N° RG 17/07001 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKP5L

Déclare irrecevable l’intervention forcée de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux , des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) intiée par la société SANOFI AVENTIS FRANCE;

Met hors de cause la société Carraig Insurance LTD qui n’apparait pas être l’assureur de la SA SANOFI-AVENTIS FRANCE;

Rejette la demande d’écarter des débats le rapport d’expertise médicale générale concernant la I ordonnée par les deux magistrats instructeurs du tribunal judiciare de Paris;

Rejette la demande de réouverture des débats pour pouvoir débattre des conclusions de ce rapport d’expertise;

Rejette la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale suivie au tribunal judiciaire de Paris formulée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE et son assureur;

Rejette la demande de réouverture des débats afin de déterminer la définition du groupe d’usagers du système de santé formulée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE et son assureur;

Rejette le moyen tiré de la prescription de l’action soulevée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE

aDit que la société SANOFI-AVENTIS FRANCE a commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d’information pour les enfants exposés avant le 22 mai 1998 concernant les médicaments Dépakine, Micropakine, Dépakote, Dépakine Chrono et Dépamide sur le fondement des articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles neuro développementaux;

Rejette le moyen tiré du bénéfice de l’extinction de l’obligation de réparer le dommage soulevé par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE;

Rejette la demande de question préjudicielle à poser à la CJUE concernant la défectuosité des produits Dépakine, Micropakine, Dépakote, I H et Dépamide présentée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE et son assureur la société ALLIANZ GLOBAL & SPECIALITY SE;

Rejette les moyens tirés des causes d’exonération invoqués par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE;

Dit que la société SANOFI-AVENTIS FRANCE a produit et commercialisé un produit défectueux sur le fondement des article 1386 et 1245 et suivants du code civil pour les enfants exposés à compter du 22 mai 1998 concernant la Dépakine, Micropakine, Dépakote, Dépakine Chrono et Dépamide entre le 22 mai 1998 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles neuro-développementaux;

Fixe les critères d’adhésion au groupe d’usagers du système de santé suivants : 1- toutes les femmes ayant été enceintes en France entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles developpementaux et cognitifs qui ont été exposées durant leur grossesse à une spécialité contenant du valproate de sodium produite et commercialisée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE, ou toute autre société aux droits desquels elle vient désormais.

2- tous les enfants exposés in utero en France entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles développementaux et cognitifs à une spécialité contenant du valproate de sodium produite et commercialisée par la société SANOFI-AVENTIS FRANCE, ou toute autre société aux droits desquelles elle vient désormais.

3- toute victime indirecte des deux précédente catégories de victimes qui présente un lien de parenté et/ou un lien affectif réel avec ces dernières et qui justifie d’un préjudice propre.

Dit que les usagers de ce groupe peuvent prétendre à une perte de chance de choisir une alternative thérapeutique moins dangereuse de 95%;

Dit que les demandes d’adhésion au goupe peuvent être présentées au choix des requérant soit auprès de la société SANOFI-AVENTIS FRANCE soit auprès de l’association APESAC qui est autorisée à s’adjoindre les services du cabinet d’avocats SELASU DANTE;

Fixe à 5 ans le délai pendant lequel toute personne peut demander à adhérer au groupe à compter de la date de la présente décision;

Rejette la demande de fixation d’un délai pour traiter la demande d’indemnisation des usagers du système de santé;

Ordonne les mesures de publicité extensive suivantes : publication du jugement par extraits dans la presse écrite suivante : journal Le Monde, Le Figaro, Ouest France, Le Parisien, La Voie du Nord, Sud-Ouest, Paris Match, Le Point, Elle, J-K, en précisant le délai dans lequel il est possible d’adhérer au groupe et auprès de qui il y a lieu de faire cette demande, aux frais avancés des société SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE;

Condamne in solidum les sociétés SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE à payerà l’association APESAC une provision d’un montant de 120 000€ à valoir sur les frais à venir pour mettre en place la seconde phase d’indemnisation dans le cadre de la procédure d’action de groupe;

Rejette la demande de consignation d’une somme de 400 000 000€ auprès de la Caisse des dépôts et Consignations présentée par l’APESAC;

Condamne in solidum les sociétés SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE à verser à l’association APESAC la somme de 40 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à l’ONIAM la somme de 5 000€ sur le même fondement;

Ordonne l’exécution provisoire de droit à hauteur de la totalité des condamnations prononcées et au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens;

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Décision du 05 Janvier 2022 1/7 actions de groupe N° RG 17/07001 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKP5L

Condamne in solidum les sociétés SANOFI-AVENTIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE aux entiers dépens;

Accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 05 Janvier 2022

Le Greffier Le Président

S. NESRI J-P. BESSON

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Tribunal Judiciaire de Paris, 5 janvier 2022, n° 17/07001