Cour d'appel d'Amiens, n° 13/05887

  • Codébiteur·
  • Responsabilité·
  • In solidum·
  • Sociétés·
  • Co-obligé·
  • Part·
  • Condamnation·
  • Exécution·
  • Recours subrogatoire·
  • Saisie

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Amiens, n° 13/05887
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 13/05887

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

SA B FRANCE N

C/

Y

Z

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : 13/05887

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L’EXECUTION D’AMIENS DU VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE

PARTIES EN CAUSE :

SA B FRANCE N

XXX

XXX

Représentée par Me Aurélien DESMET, avocat au barreau D’AMIENS

APPELANTE

ET

Madame K Y épouse Z

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Monsieur E Z

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentés par Me ZANOVELLO substituant Me Anne sophie PETIT, avocats au barreau D’AMIENS

INTIMES

DEBATS :

A l’audience publique du 10 septembre 2015, l’affaire est venue devant Madame Marie-Christine LORPHELIN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 novembre 2015.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Philippe BOIFFIN, Président, Mme Marie-Christine LORPHELIN et Mme G H, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRÊT :

Le 05 novembre 2015, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe BOIFFIN, Président de chambre, et Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

*

* *

DÉCISION :

Par un jugement du 24 mai 2012, le tribunal de grande instance d’Amiens, statuant dans un litige pour vices cachés et désordres relevant de la garantie décennale opposant, à la suite d’une vente immobilière, les époux X-P, acquéreurs de l’immeuble, à Monsieur E Z et Madame K Y épouse Z (époux A), vendeurs, la société GFK, entreprise de construction représenté par Maître LAFARGE, son liquidateur, et la société B FRANCE N (société B), assureur de responsabilité décennale de la société GFK, a :

— dit que la créance des époux X à l’encontre de la société GFK s’élève à la somme de 24.372,30 euros ;

— condamné « in solidum » les époux Z et la société B à payer aux époux X la somme de 24.372,30 euros, ventilée à hauteur de 20.335,37 euros au titre du coût des travaux de reprise des désordres affectant la toiture de l’immeuble situé à Daours, XXX, de 1.036,93 euros au titre du coût des travaux de reprise des fissures sur la maçonnerie et de 3.000 euros pour la réparation du trouble de jouissance ;

— condamné in solidum les époux Z et la société B à payer aux époux X la somme de 1.500 euros au titre de l’indemnité de procédure prévue à l’article 700 du code de procédure civile.

La société B a réglé ces condamnation par chèques émis les 20 et 27 novembre 2012.

Suivant un procès-verbal du 19 mars 2013, la société B a fait pratiquer entre les mains de l’agence de Meaux de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie (le Crédit Agricole) une saisie-attribution sur les comptes ouverts au nom de Monsieur E Z et Madame K Y épouse Z, afin de recouvrer la somme de 14.190,71 euros en principal. Le Crédit Agricole a déclaré détenir deux comptes créditeurs respectivement de 176,95 euros et de 163,57 euros.

Cette saisie attribution a été dénoncée aux débiteurs par un acte d’huissier du 25 mars 2013.

Par un acte d’huissier du 25 avril 2013, Monsieur E Z et Madame K Y épouse Z ont fait assigner la société B afin de faire annuler cette saisie attribution et obtenir la condamnation de la société B à leur payer les intérêts moratoires courus au taux légal sur les sommes rendues indisponibles depuis la saisie, ainsi que la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par un jugement du 20 septembre 2013, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Amiens, visant les dispositions de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution et retenant, pour l’essentiel, que la société B est démunie de tout titre exécutoire à l’encontre des époux Z dont elle n’a obtenu ni la condamnation, ni la garantie, faute d’avoir formé cette prétention devant le premier juge, et qu’il n’appartient pas au juge de l’exécution de statuer sur un litige de construction et d’arbitrer, à postériori, la part imputable à chacun des codébiteurs solidaires, a :

— déclaré recevable la contestation formée par les époux Z ;

— prononcé l’annulation de la saisie du 19 mars 2013 ;

— dit que, sur la signification du jugement, le tiers saisi rendra disponibles les sommes saisies ;

— déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société B tendant à la condamnation des époux Z au versement d’une provision ;

— condamné la société B à payer aux époux Z la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société B aux entiers dépens et aux frais de saisie.

La société B a formé appel de ce jugement par une déclaration d’appel transmise au greffe de la Cour par la voie électronique le 4 octobre 2013.

Par une ordonnance du 16 janvier 2014, le premier président a ordonné le sursis à exécution du jugement, rejeté la demande d’indemnité formée par les époux Z sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens de l’instance de référé suivront le sort de ceux de l’instance principale.

Aux termes d’ultimes conclusions signifiées par la voie électronique le 12 mai 2012, expressément visées, la société B demande à la Cour, au visa des articles L 211-1 et suivants, R 211-1 à R 211-13 du code des procédures civiles d’exécution et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :

— la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

— infirmer le jugement rendu le 20 septembre 2013 par le juge de l’exécution en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie et l’a condamnée à payer aux époux Z la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— déclarer régulière la saisie-attribution pratiquée sur la somme de 15489,15 euros ;

A titre reconventionnel :

— condamner « in solidum » Monsieur E Z et Madame K Y épouse Z à lui payer à titre provisionnel une somme de 14.190,71 euros, représentant la moitié des sommes qu’elles a versées ;

— condamner « in solidum » Monsieur E Z et Madame K Y épouse Z à lui payer une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, y compris les frais de saisie

Aux termes d’ultimes conclusions signifiées par la voie électronique le 18 février 2014, expressément visées, Monsieur E Z et Madame K Y épouse Z demandent à la Cour, au visa des dispositions de l’article 1214 du code civil et de « la jurisprudence constante de la Cour de cassation applicable en matière de recours subrogatoire entre les co-obligés fautifs prévoyant que le co-débiteur d’une dette solidaire, qu’il a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les parts et portions de chacun d’eux », de :

— dire et juger que la société B ne dispose d’aucun titre exécutoire lui permettant de se retourner contre les époux Z à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre en qualité d’assureur du cocontractant défaillant ;

Par conséquent,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l’exécution le 20 septembre 2013 ;

Par suite :

— condamner la société B à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme qui leur a été accordée en première instance ;

— condamner la société B aux entiers dépens.

L’affaire a été clôturée en cet état et fixée à l’audience du 10 septembre 2015 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 juin 2015.

*****

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, sauf à rappeler pour l’essentiel que :

— aux termes de son jugement du 20 septembre 2013, le Juge de l’exécution a considéré pour prononcer la nullité de la saisie attribution que « la société B est redevable des réparations dues aux acquéreurs de l’immeuble parce qu’elle est l’assureur du constructeur défaillant, qui a été incapable de réaliser correctement ses travaux, tels que commandés par les époux Z, eux-mêmes victimes de l’incompétence de l’entreprise GFK à qui ils avaient confié la réalisation de l’extension, mais prétend, néanmoins, se retourner contre les clients victimes de son assurée à concurrence d’une part de moitié de la condamnation, déterminée unilatéralement selon ses convenances, sans exposer quelle faute les époux Z, qui n’ont été condamnés dans leurs rapports avec les acquéreurs, que parce qu’ils connaissaient les vices, auraient pu, pour autant, commettre envers leur entreprise ou en quoi ils seraient responsables pour une part dite virile des désordres causés dans ses travaux ».

Pour contester ces dispositions du jugement déféré à la Cour, la société B fait valoir que :

— dans le jugement du 24 mai 2012, le Tribunal a retenu la responsabilité de la Société GFK, assurée par la compagnie B N, et des époux Z et les a condamné in solidum « à payer à Monsieur I X et Madame C D la somme de 24.372.30 € » ;

— le jugement est parfaitement clair notamment sur les responsabilités engagées ;

— dans le cadre de l’instance ayant amené au prononcé au jugement du 24 mai 2012, les époux X, demandeurs à l’instance au fond, ont fait état de trois désordres :

'' un défaut d’étanchéité de la toiture de l’extension ;

'' des fissures et dégradations au rez de chaussée au niveau de l’ouverture du passage entre la partie ancienne et la nouvelle ;

'' des fissures et dégradations au premier étage de l’habitation existante ;

— le Tribunal de Grande Instance d’AMIENS a retenu la responsabilité décennale de la Société GFK, assuré de la SA B France N, pour les désordres en toiture en relevant que « la cause de ce désordre réside dans différentes fautes commises par l’entreprise GFK et qui consistent d’une part à n’avoir prévu aucune chatière de ventilation sur l’ensemble de la construction favorisant ainsi la condensation et d’autre part au non respect des règles de l’art par la réalisation d’une pente trop faible au regard du produit posé et une longueur insuffisante des contrelattes et liteaux ainsi qu’une pose de l’écran sous toiture non conforme » ;

— le Tribunal retient également la responsabilité des époux Z sur le fondement de l’article 1792 du Code civil et sur celui de l’article 1641 du Code civil en relevant que « leur connaissance des vices entachant la couverture de la partie nouvelle de leur habitation les ayant obligés à intervenir eux-mêmes sur la moitié de la toiture était avérée » ;

— contrairement à ce qu’indique le juge de l’exécution, les époux Z n’ont pas seulement été condamnés dans leurs rapports avec les acquéreurs, que parce qu’ils connaissaient les vices, mais parce que leur responsabilité en tant que constructeur est engagée sur le fondement de l’article 1792 du Code civil ;

— contrairement à ce qu’ont indiqué les époux Z dans leur assignation devant le Juge de l’exécution, le Tribunal de Grande Instance a retenu tant la responsabilité de la Société GFK que celle des vendeurs au titre des désordres affectant la toiture et c’est dans ces conditions que le Tribunal de Grande Instance a condamné « in solidum » les époux Z et la SA B France N à payer aux époux X la somme de 20.335,37 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice lié au défaut d’étanchéité de la toiture ;

— s’agissant des fissures et dégradations au rez de chaussée au niveau de l’ouverture du passage entre la partie ancienne et la nouvelle, le Tribunal a écarté la responsabilité de la Société GFK et des époux Z ;

— en revanche, s’agissant des fissures affectant le premier étage, le Tribunal retient la responsabilité de la Société GFK et celle des époux Z sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, le Tribunal de Grande Instance ayant relevé, d’une part, que la Société GFK a appuyé sa nouvelle construction sur une construction dont la maçonnerie présentait des faiblesses sans reprendre correctement la maçonnerie, d’autre part, que ces fissures étaient connues des vendeurs qui les avaient dissimulées derrière des travaux d’isolation et d’embellissement ;

— ainsi, le Tribunal de Grande Instance a alors condamné B et les époux Z à verser aux époux X une somme de 1.036,93 € au titre de la reprise de ces désordres, le montant total des travaux de reprise s’élèvant à 21.372,30 €, outre la somme de 3.000 euros en réparation d’ un préjudice de jouissance, soit au total la somme de 24.372,30 € ;

— les époux Z, s’ils entendaient contester cette décision, devaient le faire dans les délais légaux en interjetant appel du jugement quant au principe même de la condamnation « in solidum » ;

— cette décision revêtue de l’autorité de la chose jugée constitue bien un titre exécutoire permettant à B d’exercer un recours subrogatoire à l’encontre de son co-débiteur ;

— en vertu de l’article 8 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d’exécution pour l’application de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution « le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites » ;

— les époux Z ont prétendu devant le Juge de l’exécution que le co-débiteur d’une dette solidaire ne pouvait répéter contre les autres que les parts et portion de chacun d’eux ;

— or, la jurisprudence visée par ces derniers, bien que rendue sous le visa de l’article 1214 du Code civil, concerne l’hypothèse où le juge du fond a expressément statué sur la part de responsabilité de chacun des codébiteurs ;

— toutefois, les juges du fond n’ont pas l’obligation de déterminer la part de responsabilité de chacun des codébiteurs ; il ne le fait que si cela lui est demandé ;

— les époux Z n’ont pas fait cette demande et se sont contentés de solliciter à titre subsidiaire leur part à la somme de 2.053,06 €, demande à laquelle il n’a pas été fait droit ;

— compte tenu des fautes respectives de chacun, le Tribunal de Grande Instance a considéré qu’à l’égard du créancier ils seront tenus « in solidum » au paiement de la dette et ce jugement, régulièrement signifié, constitue un titre exécutoire préalable à la saisie pratiquée par la requérante ;

— dans la mesure où B a réglé intégralement aux époux X les condamnations prononcées « in solidum », elle est bien fondée à effectuer une saisie attribution par parts viriles ;

— c’est ce qu’a fait la SA B France N en procédant à la saisie attribution des comptes des époux Z pour un montant en principal de 14.190,71 €, ce qui représente la moitié des condamnations prononcées par le Tribunal et réglées par B ;

— le juge de l’exécution, pour annuler la procédure de saisie attribution, a reproché à tort à la concluante de ne pas avoir indiqué la faute susceptible d’être retenue à l’égard des époux Z, alors qu’il ne s’agit pas d’apprécier de nouveau les responsabilités puisque celles-ci ont été tranchées par le Tribunal et ont donné lieu à une condamnation « in solidum » définitive ;

— les époux Z, comme ils le reconnaissent, ont été condamnés, s’agissant des désordres en toiture, sur le fondement de l’article 1641 du Code civil, article qui pose le principe d’une garantie légale ayant pour objet de renforcer la situation de l’acquéreur et d’assainir le contrat de vente ;

— la garantie légale des vices cachés est un régime de responsabilité sans faute, qui instaure une responsabilité légale de plein droit reposant sur le vendeur ;

— la responsabilité décennale (article 1792 du Code civil) est un régime de responsabilité de plein droit des constructeurs, c’est-à-dire que la faute du constructeur n’a pas à être démontrée pour que sa responsabilité soit engagée ;

— le recours exercé contre la compagnie B France N contre les époux Z était donc un recours subrogatoire entre co-obligés non fautifs, chacun responsable de plein droit par application des garanties légales s’attachant aux contrats conclus entre, d’une part, les époux Z et les époux X et, d’autre part, entre la SARL GKF et les époux X et, dans ces conditions, tel que le reconnaissaient très adroitement les époux Z en page 5 de leurs écritures, la contribution de chacun des co-obligés est alors fixée par parts viriles lorsqu’ils sont responsables de plein droit. ;

— tel est le cas en matière de garantie légale des vices cachés et responsabilité des constructeurs ;

— il est surprenant que le juge de l’exécution ait fait grief à B de n’avoir pas établi la faute des époux Z et qu’il ait fait ce reproche à B alors même qu’il lui appartient seulement d’apprécier la validité de la mesure d’exécution exercée sans s’attacher aux responsabilités qui ont au demeurant été tranchées par le Tribunal ;

— quant au quantum, les juges du fond n’ont pas déterminé la part incombant aux deux parties et ont condamné celles-ci au paiement « in solidum » de la créance et c’est à tort que le juge de l’exécution a indiqué qu’ B aurait déterminé « unilatéralement selon ses convenances » la part devant être supportée par les époux Z ;

— à partir du moment où le titre exécutoire ne fixe aucune répartition, cela ne fait pas obstacle au recours du co-débiteur qui a intégralement réglé la dette ;

— l’article 1251 3° du Code civil dispose que « la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au payement de la dette y avait intérêt de l’acquitter » et la Cour de cassation applique ces dispositions à l’obligation « in solidum » en retenant que la contribution de chacun des co-obligés est fixée par parts viriles ; (Voir en ce sens Cass. Civ. 1 ère 23 octobre 1984 n°83-11982 et Cass. Civ. 6 juillet 1988 n°83-15786)

— dans la mesure où B a réglé intégralement aux époux X les condamnations prononcées « in solidum », elle était bien fondée à effectuer une saisie attribution par parts viriles et c’est à tort que le juge de l’exécution a fait droit à la demande de nullité de la saisie attribution.

*****

Les époux Z, qui poursuivent la confirmation du jugement, font valoir en réponse que :

— comme l’a retenu le juge de l’exécution, la société B , qui a réglé la totalité des condamnations mises à sa charge suivant jugement en date du 24 mai 2012, ne peut exercer son recours subrogatoire à leur encontre en déterminant elle-même et arbitrairement la part leur incombant à 50 % des dites condamnations ;

— le juge de l’exécution a justement considéré que la société B, redevable des réparations dues aux acquéreurs de l’immeuble en sa qualité d’assureur du constructeur défaillant, ne pouvait se retourner contre eux sans exposer quelle faute ils auraient pu commettre ou en quoi ils seraient responsables pour une part dite « virile » des désordres causés dans les travaux et que la société B ne dispose d’aucun titre exécutoire à leur encontre, faute d’avoir formulé devant le juge du fond une demande de condamnation ou de garantie contre eux ;

— il résulte des dispositions de l’article 1214 du Code Civil que le co-débiteur d’une dette solidaire, qui l’a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les parts et portion de chacun d’eux et il est de jurisprudence constante qu’une condamnation « in solidum » ne préjuge pas de la manière dont devra se faire la contribution à la dette, entre tous les débiteurs condamnés, et n’exclut d’ailleurs même pas que, dans les rapports entre ceux-ci, l’un d’eux puissent être entièrement déchargé (Cass. Civ. 1 ère , 6 février 1979, Bull. Civ. I 45) ;

— il appartient au juge du fond, condamnant « in solidum » plusieurs débiteurs, de déterminer, dans leurs rapports entre eux, la contribution de chacun dans la répartition des dommages, de manière à permettre à chacun d’exercer son recours subrogatoire (Cass. 1 ère Civ., 29 novembre 2005, Bull. Civ. 1 n° 451) ;

— en l’occurrence, la société B FRANCE ne pouvait légitimement agir contre eux, dès lors que le jugement du 24 mai 2012 n’a, ainsi que cette dernière le reconnaît elle même dans ses écritures, nullement statué sur la répartition de la condamnation entre co-débiteurs et qu’elle ne dispose donc d’aucun titre exécutoire lui permettant de procéder à ce titre par voie de saisie attribution;

Pour contester l’argumentation de la société B sur la contribution par parts viriles, ils prétendent que :

— cette prétention ne repose sur aucun fondement juridique, mais sur un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 22 mars 2012 par la Chambre Civile totalement inapplicable au cas d’espèce puisque concernant un recours subrogatoire entre co-obligés non fautifs ;

— lorsque le recours subrogatoire est exercé entre fautifs, ce qui est le cas en l’occurrence, le codébiteur d’une condamnation « in solidum » qui l’a payée en entier, ne peut, comme celui d’une obligation solidaire, répéter contre les autres que la part et la portion de chacun d’eux en proportion de leur faute respective ;

— le Tribunal de Grande Instance a considéré que les époux Z étaient fautifs, sans pour autant déterminer leur réelle part de responsabilité ;

— en cas de condamnation entre co-obligés fautifs, et en l’absence de répartition fixée par le juge du fond, le créancier saisissant ne dispose d’aucun titre exécutoire pour pouvoir arbitrairement fixer la part de son co-obligé à la moitié de la condamnation prononcée « in solidum » ;

— admettre le contraire reviendrait à remettre en cause les principes de bases qui découlent des dispositions de l’article 1214 du Code Civil et de la jurisprudence constante de la Cour de Cassation y afférente et précitée ;

— la société B croit pouvoir prétendre en cause d’appel que la responsabilité des époux Z n’aurait pas été retenue dans leur rapport avec les acquéreurs du seul fait de leur connaissance des vices, mais également sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du Code Civil, ces deux régimes relevant, selon l’appelante, d’un régime de responsabilité sans faute ;

— il est erroné de prétendre que la responsabilité du constructeur défaillant relevant des dispositions de l’article 1792 du code civil et la garantie des vices cachés seraient des régimes de responsabilité sans faute, le constructeur n’étant responsable que si des désordres sont relevés du fait du non respect des règles de l’art, et le vendeur que si celui-ci avait connaissance des vices ;

— la simple lecture du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance entre les parties établit que leur responsabilité a été retenue du fait de leur connaissance des vices, ainsi que l’avaient sollicités les acquéreurs, et il appartenait donc bien au Tribunal de statuer sur la part de responsabilité revenant à chacun des co-obligés, celui-ci n’ayant nullement été saisi de demandes ayant pour fondement un régime de responsabilité sans faute permettant de la répartir à parts viriles ;

— concernant les désordres relatifs à la toiture, fixés à la somme de 20 335.37 €, aucune répartition n’a été déterminée pour ce chef de préjudice, alors que le tribunal a considéré que l’origine des désordres affectant cette toiture relevait de l’entière responsabilité de la société GFK (page 5) ;

— concernant en second lieu les fissurations, fixées à la somme de 1 036.93 €, si la responsabilité de la société GFK, ainsi que celle des époux Z, a bien été retenue, contrairement à ce que prétend la compagnie B, cette condamnation a été prononcée uniquement sur le fondement des dispositions de l’article 1641 du Code Civil, et non pas sur celles de l’article 1792 du Code Civil ;

— enfin, relativement en dernier lieu au préjudice de jouissance fixé à hauteur de 3.000 euros le Tribunal de Grande Instance s’est contenté d’allouer cette somme aux époux X sans même qu’un débiteur n’y soit condamné ;

— le tribunal n’ayant ainsi nullement statué sur la répartition entre co-débiteurs in solidum, aucune considération du jugement ne permet de retenir, ainsi que persiste à vouloir le faire arbitrairement la société B, que la répartition doit se faire à proportion de la moitié entre les co-débiteurs ;

— il appartenait à la compagnie B d’interjeter appel du jugement afin que soit fixé, dans leurs rapports entre eux, la part de responsabilité incombant à chacun des codébiteurs et leur permettant d’exercer leur recours subrogatoire conformément aux dispositions de l’article 1214 du Code Civil ;

— contrairement à ce qu’a soutenu la Compagnie B, les parties au procès avaient bien sollicité des Juges du Fond une répartition chiffrée des responsabilités encourues, les époux Z ayant sollicité une réduction de leur responsabilité à hauteur de 2 053 ,06 €, et la compagnie B à hauteur de 50 % des réparations (Pièce n° 5) ;

— les juges du Fond n’ont cependant pas statué sur ces demandes et il n’appartient pas pour autant à la Compagnie B, à défaut d’avoir interjeté appel de cette décision, d’en décider arbitrairement ;

— le juge, saisi des recours entre codébiteurs in solidum, a en effet l’obligation de déterminer, dans leurs rapports entre eux, la contribution de chacun dans la réparation du dommage (Civ. 1 ère , 29 novembre 2005, Bull.civ. I, n° 451), une condamnation in solidum ne préjugeant pas de la manière dont devra se faire la contribution à la dette entre tous les débiteurs condamnés et n’excluant même pas que l’un d’entre eux puisse être totalement déchargé (Civ. 1 ère , 6 février 1979,précité).

CECI EXPOSE, LA COUR,

Les époux Z sont fondés à soutenir que la responsabilité du constructeur relevant des dispositions de l’article 1792 du code civil, qui pose une présomption de responsabilité de plein droit pouvant être écartée par la preuve d’une cause étrangère, n’est pas un régime de responsabilité sans faute.

La Cour rappelle que le juge, saisi des recours réciproques entre codébiteurs « in solidum » a l’obligation de déterminer dans leurs rapports entre eux la contribution de chacun à la réparation du dommage et qu’une condamnation « in solidum » ne préjuge pas la manière dont devra se faire la contribution à la dette entre tous les débiteurs condamnés.

Au cas d’espèce, la lecture du jugement rendu le 24 mai 2012 par le tribunal de grande instance d’ Amiens fait ressortir que le juge du fond saisi du litige opposant les époux X aux époux Z et à la société GFK, représentée par son mandataire liquidateur, et à l’assureur de responsabilité décennale de cette dernière, la société B France N, a condamné « in solidum » la société B France N et les époux Z à payer aux époux X la somme de 24.372,30 euros en réparation des préjudices résultant, à la fois, de défaut d’exécution de travaux de toiture relevant de la garantie décennale, sans se prononcer sur la contribution de chacun des co-obligés à la réparation du dommage, ni statuer sur la demande des époux Z qui avaient sollicité, comme rappelé en page 2 du jugement, que leur responsabilité ne soit retenue que pour les dommages survenus au rez de chaussée et à l’étage à hauteur de 50 %, soit la somme de 2.053,06 euros, ni sur celle de la société B tendant à voir juger que les époux Z soient tenus de supporter le coût des réparations en toiture à hauteur de 50 % et que sa propre garantie soit limitée à la somme de 10.458,04 euros.

La Cour relève qu’aucune des parties n’a usé de la faculté offerte par l’article 463 du code de procédure civile de saisir le tribunal de grande instance d’Amiens en réparation de cette omission de statuer.

En l’absence d’une telle répartition entre les co-obligés en fonction de leurs fautes respectives dans la production des dommages dont les époux X ont obtenu la réparation, le juge de l’exécution a justement constaté que la société B, qui ne peut utilement se prévaloir d’une répartition par « parts viriles », ne peut se retourner contre les époux Z à concurrence de la moitié de la condamnation, part déterminée unilatéralement selon sa convenance, et qu’elle est démunie d’un titre exécutoire contre les époux Z dont elle n’a obtenu ni la condamnation, ni la garantie.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation de la saisie attribution du 19 mars 2013 pratiquée entre les mains du Crédit Agricole de Brie Picardie sur les comptes ouverts au nom des époux Z, déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de provision formée par la société B et condamné la société B à verser aux époux Z la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier et la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société B succombant en ses prétentions, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il la condamne à supporter les dépens de première instance, de la condamner aux dépens d’appel et de la débouter de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité formée par les époux Z sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 septembre 2013 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Amiens ;

Y ajoutant,

Condamne la société B France N à payer à Monsieur E Z et Madame K Y épouse Z la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société B France N de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société B France N aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Amiens, n° 13/05887