Cour d'appel de Chambéry, 1er mars 2007, n° 05/02993

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1er mars 2007, n° 05/02993
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 05/02993

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE CHAMBERY

CHAMBRE SOCIALE

AFFAIRE N° : 05/02993 FS/MFM

Mme Y Z C/ Société AMPHENOL SOCAPEX

ARRÊT RENDU LE VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE SEPT

APPELANTE :

Madame Y Z

XXX

XXX

Représentant : Monsieur Vincent MARTINEZ (délégué syndical, dûment muni d’un pouvoir)

INTIMEE :

Société AMPHENOL SOCAPEX

XXX

XXX

XXX

Représentant : Maître Alexandra CAVEGLIA (avocat au barreau de BESANCON)

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 1er Mars 2007 avec l’assistance de Madame ALESSANDRINI, Greffier, et lors du délibéré :

Madame BATUT, Président de Chambre,

Monsieur FRANCKE, Conseiller

Madame SIMOND, Conseiller

PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame Y Z a régulièrement interjeté appel d’un jugement rendu le 5 décembre 2005 par le Conseil de Prud’hommes de BONNEVILLE, section industrie, qui a :

— dit et jugé que le licenciement économique de Madame Y Z est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

— débouté Madame Y Z de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la Société AMPHENOL SOCAPEX de sa demande au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.

********

Vu l’article R. 516-0 du Code du travail et l’article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Vu les conclusions déposées au greffe de la Cour le 23 janvier 2007 soutenues oralement par lesquelles Madame Y Z demande à la Cour de :

Vu les articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du Code du Travail,

— dire et juger que son licenciement pour motif économique prononcé en raison de son refus d’accepter une modification de son contrat de travail alors que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise n’est ni alléguée dans la lettre de licenciement, ni à fortiori établie aux débats, est sans cause réelle et sérieuse,

— subsidiairement, vu l’article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 120-4 et L. 321-1 du Code du Travail,

— dire et juger qu’en n’assurant pas de bonne foi son adaptation à l’évolution de son emploi, la Société AMPHENOL SOCAPEX a privé son licenciement de cause économique,

— en tout état de cause, en conséquence et en réparation, vu l’article L. 122-14-3 du Code du Travail,

— condamner la Société AMPHENOL SOCAPEX à lui verser les sommes de :

. 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 500 € au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile,

— dire que ces deux sommes produiront intérêts de retard au taux légal à compter du prononcé de l’arrêt et que ces intérêts de retard produiront eux mêmes intérêts, par années entières par application de l’article 1154 du Code civil.

Vu les conclusions déposées au greffe de la Cour le 26 février 2007 soutenues oralement par lesquelles la Société AMPHENOL SOCAPEX sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Madame Y Z à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile,

Vu les débats d’audience,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Madame Y Z a été engagée par la Société AMPHENOL SOCAPEX à compter du 3 septembre 1974 en qualité d’ouvrière spécialisée, au service qualité.

A compter de janvier 1997, elle a occupé un emploi d’assistante commerciale.

Au dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute était de 1 530,11 € pour 158,17 heures de travail.

Par courrier du 12 juin 2003, il lui était proposé une modification de son contrat de travail au poste de technicienne de laboratoire affectée au contrôle qualité que Madame Y Z refusait.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 septembre 2003, Madame Y Z était licenciée pour motif économique, la lettre de licenciement reprenant la motivation qui avait conduit la Société AMPHENOL SOCAPEX à proposer une modification du contrat de travail, à savoir :

'En effet, l’évolution des exigences du poste d’assistante commerciale, notamment concernant la division connecteurs industriels, implique :

. une démarche d’organisation et d’agressivité commerciale, seul gage de prises de commandes et donc de prise de parts de marché,

. une maîtrise parfaite de la langue anglaise dans la mesure où les marchés internationaux se négocient en anglais et donc nécessitent une maîtrise parfaite de l’anglais commercial.

Conscients que nous étions que cette modification a été dictée par l’évolution des besoins de la clientèle et donc nécessairement structurelle, nous avions conscience que notre offre s’inscrit dans le respect de ce qui précède, d’autant plus que votre impossibilité d’intégrer une des dimensions de l’évolution du poste (anglais commercial poussé) n’est pas de nature à permettre la pérennité de votre emploi compte tenu de cette évolution.'

La lettre de licenciement rappelait la proposition faite, le délai supplémentaire de réflexion accordé à Madame Y Z et les différentes propositions de reclassement et rajoutait :

'Votre refus, que nous pouvons comprendre, de voir modifier votre contrat de travail au sein de l’établissement de THYEZ, votre refus que nous pouvons comprendre d’occuper un autre poste à THYEZ, que nous vous avons proposé, nous conduit à vous signifier votre licenciement pour motif économique du fait de votre refus d’accepter la modification d’un élément essentiel de votre contrat de travail, sachant que vous avez réitéré ce refus malgré notre nouvelle offre effectuée en même temps que la convocation à l’entretien préalable prévu pour le 24 juillet 2003 et nos courriers postérieurs'.

Madame Y Z soutient que son licenciement est fondé sur son refus d’accepter une modification de son contrat de travail, ce qui en aucun cas ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Or, si le licenciement est effectivement consécutif à un refus de modification du contrat de travail, il faut en l’espèce s’attacher à la raison de cette proposition de modification.

Le licenciement n’est susceptible d’être fondé que si la proposition de modification l’était : le licenciement a pour cause le motif de la modification.

Comme le fait valoir la Société AMPHENOL SOCAPEX, l’élément matériel du licenciement pour motif économique est le refus de Madame Y Z de la modification de son contrat de travail et l’élément causal 'la nécessaire démarche d’organisation et d’agressivité commerciale', étant précisé que la Société AMPHENOL SOCAPEX indique que l’expression 'démarche d’organisation et agressivité commerciale’ doit être entendue au sens de la réorganisation.

Or, à supposer que le terme 'organisation et agressivité commerciale’ puisse être entendu comme réorganisation, cette réorganisation de l’entreprise ne constitue un motif économique que si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, en prévenant les difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi.

La Société AMPHENOL SOCAPEX n’évoque nullement la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise dans sa lettre de licenciement.

Il résulte d’autre part des termes employés dans la lettre de licenciement et des observations présentées au comité d’établissement de THYEZ le 17 juillet 2003 sur le projet de licenciement économique individuel de Madame Y Z que la compétitivité de l’entreprise n’était nullement compromise et que la Société AMPHENOL SOCAPEX entendait simplement conquérir de nouveaux marchés tournés vers l’international d’où l’emploi du terme 'agressivité commerciale'. Elle ne justifie pas que cette conquête de nouveaux marchés internationaux se faisait au détriment du marché français, Madame Y Z exposant d’ailleurs sans être démentie que l’ensemble des clients qu’elle suivait se trouvait en France. La proposition de modification du contrat de travail n’était pas faite dans le but de prévenir des difficultés économiques à venir.

La seule attestation de Monsieur X, collègue marketing de Madame Y Z qui indique simplement que l’anglais était devenu obligatoire pour les fonctions commerciales et donnant l’exemple du dernier produit lancé qui ne représenterait en France que 17 % du marché des ventes n’est appuyé par aucun élément comptable de la Société AMPHENOL SOCAPEX qui possède de nombreuses filiales en France et à l’étranger (Allemagne-Angleterre) et ne constitue pas le motif économique exigé par la loi pour justifier un licenciement.

Il en est de même pour l’évolution des besoins de la clientèle, et pour l’inadaptation de Madame Y Z à l’évolution du poste d’assistante commerciale et notamment le fait de l’absence de maîtrise parfaite de la langue anglaise, étant précisé que depuis 1999, Madame Y Z ne suivait pas les formations d’anglais mises en place par son employeur.

Dès lors, il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Madame Y Z avait 29 ans d’ancienneté au sein de la Société AMPHENOL SOCAPEX et était âgée de 45 ans au moment de son licenciement.

Si elle justifie avoir traversé un moment dépressif juste après son licenciement, elle ne produit pas d’éléments sur sa situation professionnelle postérieure.

Eu égard à son ancienneté et à son âge, il lui sera alloué la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu de condamner la Société AMPHENOL SOCAPEX à rembourser aux ASSEDIC les indemnités de chômage versées à Madame Y Z dans la limite de six mois.

Succombant, la Société AMPHENOL SOCAPEX sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 500 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré,

Dit bien fondé l’appel interjeté,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Dit le licenciement économique de Madame Y Z sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la Société AMPHENOL SOCAPEX à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation de ceux-ci conformément à l’article 1154 du Code civil, le cas échéant,

Condamne la Société AMPHENOL SOCAPEX à rembourser aux ASSEDIC les indemnités de chômage versées à Madame Y Z dans la limite de six mois,

Condamne la Société AMPHENOL SOCAPEX à payer à Madame Y Z la somme de 500 € au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile,

Condamne la Société AMPHENOL SOCAPEX aux entiers dépens.

En foi de quoi, à l’audience publique du 26 Avril 2007, le présent arrêt a été lu et signé par Madame BATUT, Président de Chambre, et Madame ALESSANDRINI, Greffier présent lors du prononcé.

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