Cour d'appel de Lyon, 12 janvier 2007, n° 06/01448

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

XXX

R.G : 06/01448

SA SOBEM

C/

Y Z

APPEL D’UNE DECISION DU :

Conseil de Prud’hommes d’OYONNAX

du 25 Janvier 2006

RG : F 04/00143

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2007

APPELANTE :

SA SOBEM

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric FAYAN-ROUX,

Avocat au barreau de BOURG EN BRESSE

INTIME :

Monsieur Z Y

XXX

XXX

Représenté par Me Bertrand BONNAMOUR,

Avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Décembre 2006

Présidée par Monsieur Didier JOLY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Monsieur Julien MIGNOT, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Didier JOLY, Président

Monsieur Dominique DEFRASNE, Conseiller

Madame Marie-Pierre GUIGUE, Conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Janvier 2007 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Madame Myriam TOLBA, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

LA COUR,

Statuant sur l’appel interjeté le 27 février 2006 par la S.A. SOBEM d’un jugement rendu le 25 janvier 2006 par la formation de départage du Conseil de Prud’hommes d’OYONNAX (section industrie) qui a :

1°) dit que le licenciement de Z Y ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

2°) condamné la S.A. SOBEM à payer à Z Y les sommes suivantes :

— indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 7 528, 38 €

— salaires correspondant à la période de mise à pied 545, 00 €

— indemnité compensatrice de préavis 2 509, 46 €

— article 700 du nouveau code de procédure civile 800, 00 €

3°) débouté Z Y du surplus de ses demandes ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 1er décembre 2006 par la S.A. SOBEM qui demande à la Cour de :

— réformer le jugement dont appel,

— constater que le licenciement repose sur une faute grave,

— en conséquence, rejeter l’ensemble des demandes formulées par Z Y,

— condamner Z Y, au titre de l’article 32-1 du nouveau code de procédure civile, à verser à la société la somme de 2 000 €,

— condamner l’intimé à payer à la S.A. SOBEM la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Z Y qui demande à la Cour de :

1°) dire que le licenciement notifié à Z Y par la S.A. SOBEM n’est pas fondé sur une faute grave et se trouve en outre dépourvu de cause réelle et sérieuse,

2°) condamner, en conséquence, la S.A. SOBEM à payer à Z Y les sommes suivantes :

— salaires dus pendant la mise à pied (20 juin au 4 juillet 2003) 545, 00 €

— indemnité compensatrice de préavis 2 509, 46 €

— congés payés sur préavis 250, 94 €

— indemnité légale de licenciement 717, 29 €

— indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 7 528, 38 €

— dommages-intérêts pour préjudice moral 5 000, 00 €

3°) condamner la S.A. SOBEM à lui payer la somme de 1 000, 00 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que Z Y a été engagé le 1er septembre 1995 en qualité de mouleur par la S.A. SOBEM dont l’activité entre dans le champ d’application de la convention collective nationale de la plasturgie ;

Que par lettre recommandée du 20 juin 2003, la S.A. SOBEM a convoqué Z Y le 27 juin en vue d’un entretien préalable à son licenciement et a confirmé la mise à pied conservatoire notifiée verbalement le même jour ;

Que par lettre recommandée du 3 juillet 2003, l’employeur a notifié à Z Y son licenciement pour faute grave, à savoir :

Le 18 juin en début de matinée, Madame X qui exerce au sein de notre entreprise en qualité d’employée d’atelier de montage nous a rapporté votre comportement, le matin même aux alentours de 5 h 30 du matin.

A cette heure, les deux seules personnes présentes dans l’entreprise sont vous et madame X.

Alors que cette dernière s’employait à nettoyer les sanitaires, vous vous êtes présenté derrière elle, lui exhibant votre sexe en érection.

Madame X a été profondément choquée par votre comportement.

De plus, elle se refuse à présent à travailler dans ces conditions, car elle craint pour sa sécurité. En effet, ces derniers actes la confortent dans le fait que vous l’observiez parfois de façon insistante sur les derniers mois.

Il est bien évident qu’un tel comportement ne peut être toléré.

Madame X a déposé plainte.

Par ailleurs, lorsque nous avons souhaité vous entretenir et recueillir votre version des faits, le 19 juin, vous n’étiez pas présent sur votre poste de travail. Vous avez en effet quitté votre poste, sans demander une quelconque autorisation.

Les faits, et notamment ceux relatifs à votre exhibitionnisme sont graves et rendent le maintien de votre contrat de travail impossible.

Ce licenciement prend donc effet immédiatement.

Que la plainte déposée le 20 juin 2003 à la gendarmerie par A B C épouse X a été classée sans suite par le Parquet ;

Que le 7 avril 2004, Z Y a saisi le Conseil de Prud’hommes qui a rendu le jugement entrepris ;

Que la formation de départage a alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 7 528, 38 € à Z Y qui sollicitait seulement 6 148 € et a omis de statuer, dans le dispositif du jugement, sur les demandes d’indemnité de licenciement et de congés payés sur préavis ;

Sur les motifs du licenciement :

Attendu, d’abord, qu’aux termes de l’article L 122-14-2 (alinéa 1er) du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, y compris pour ce qui concerne la qualification donnée aux faits imputés au salarié ;

Qu’en l’espèce, le motif de licenciement visé dans la lettre du 3 juillet 2003 n’est pas un harcèlement sexuel, mais un acte d’exhibitionnisme ;

Attendu, ensuite, qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 122-6, L 122-14-2 (alinéa 1) et L 122-14-3 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis ;

Qu’il ressort, en l’espèce, des pièces et des débats que A X, employée en qualité d’opératrice sur presse, effectuait aussi le ménage le mercredi et le samedi de 5 heures 30 à 7 heures, et se trouvait seule avec Z Y pendant cette plage de temps ; que selon ses dires, elle nettoyait les glaces des sanitaires le 18 juin 2003 lorsqu’elle avait remarqué derrière elle la présence de Z Y ; que prise de peur, elle s’était retournée aussitôt et avait vu que ce dernier tenait son sexe dans sa main ; qu’elle avait fait face et lui avait demandé s’il avait un problème ; qu’à cette question, le salarié avait répondu 'non ! non!' et il était parti très vite ; que A X a souligné qu’on voyait très bien le sexe de son collègue, ce dont elle avait déduit qu’il était en érection ; que plusieurs salariés ont attesté du trouble profond dans lequel A X se trouvait les jours suivants ; qu’au cours de l’entretien préalable, Z Y a expliqué qu’il s’était rendu aux toilettes pour satisfaire un besoin urgent, dans l’ignorance de la présence de A X ; qu’il a déclaré aux gendarmes le 15 juillet 2003 qu’en se dirigeant vers l’urinoir qui se trouvait encore à quatre mètres, il avait commencé à défaire la braguette de son pantalon ; qu’il avait constaté dans un miroir la présence de A X et avait fait demi-tour aussitôt ; que celle-ci n’avait pu voir son sexe qu’il n’avait pas encore extrait de son pantalon ; qu’aucune parole n’avait été échangée ; que Z Y a confirmé devant la Cour le 1er décembre 2006 que A X n’avait pu voir son sexe ;

Attendu d’une part qu’il n’existait entre Z Y et A X aucune mésentente antérieure permettant d’expliquer les accusations de celle-ci par le désir de nuire à son collègue ; que, d’autre part, l’intention prêtée à l’employeur de supprimer un poste de mouleur reste à l’état d’hypothèse ; que le 18 juin 2003, Z Y savait qu’il se trouvait seul dans l’entreprise avec A X et que celle-ci faisait toujours le ménage à cette heure ; qu’en outre, l’éclairage des sanitaires, où il ne s’était pas encore rendu, ne pouvait lui laisser ignorer que sa collègue était susceptible de s’y trouver ; que Z Y n’a pas agi sous l’empire d’un besoin irrépressible de faire sa miction puisque, selon ses propres dires, il avait fait le détour d’aller au préalable déposer son blouson dans un sac devant son vestiaire ; que rien ne justifiait dès lors qu’il déboutonnât son pantalon avant d’avoir atteint l’urinoir ; que l’examen du plan versé aux débats démontre d’ailleurs que la présence effective de A X ne pouvait échapper à Z Y dès son entrée dans les sanitaires ; que les explications de ce dernier laissent subsister l’équivoque de son comportement ; qu’ensuite, l’attitude de Z Y le 19 juin 2003 a été celle d’un salarié qui se soustrait à une éventuelle rencontre avec son employeur ; qu’en effet, l’intimé ne s’est pas conformé à ses horaires habituels, arrivant à 4 heures pour repartir dès 8 heures ; qu’il a justifié ces horaires par un rendez-vous à la Caisse primaire d’assurance maladie ; qu’effectivement, le salarié a subi des examens médicaux le 19 juin 2003 ; que rien ne permet cependant de tenir pour acquis que la date de ces derniers avait été fixée à l’avance de manière impérative, ce qui aurait conduit Z Y à solliciter de son employeur une autorisation d’absence qu’il n’a pas demandée ;

Qu’il ressort des pièces et des débats que le salarié a sorti son sexe de son pantalon sous le regard de A X ; qu’il n’importe qu’il ait agi ainsi pour rechercher une satisfaction sexuelle ou pour tout autre motif ; que la preuve de la faute grave imputée à Z Y est rapportée, le comportement précédemment décrit étant incompatible avec le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; qu’en conséquence, Z Y sera débouté de l’intégralité de ses demandes ;

Sur la demande reconventionnelle de la S.A. SOBEM :

Attendu que la S.A. SOBEM ne rapporte pas la preuve d’un abus commis par Z Y dans l’exercice du droit d’agir en justice, justifiant l’octroi de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du nouveau code de procédure civile;

Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il est équitable de laisser chacune des parties supporter les frais qu’elle a exposés, tant en première instance que devant la Cour, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l’appel régulier en la forme,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de Z Y est justifié par une faute grave,

En conséquence, déboute Z Y de l’intégralité de ses demandes,

Déboute la S.A. SOBEM de ses demandes reconventionnelles,

Condamne Z Y aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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