Cour d'appel de Colmar, 22 septembre 2016, n° 15/06521

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 22 sept. 2016, n° 15/06521
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 15/06521
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Haut-Rhin, 9 décembre 2015

Sur les parties

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 16/1082

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB

ARRET DU 22 Septembre 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB 15/06521

Décision déférée à la Cour : 10 Décembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du HAUT-RHIN

APPELANTES :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN, prise en la personne de son Directeur, non comparant

XXX

XXX

Représenté par Maître Pierre BONNEAU remplacé par Maître SCHOEN, avocats au barreau des Hauts de Seine

URSSAF DE FRANCHE-COMTE, prise en la personne de son Directeur, non comparant

XXX

XXX

XXX

Représentée par Madame Céline FERNBACH

INTIMEE :

Madame Z X, non comparante

XXX

XXX

Représentée par Maître Julien SCHAEFFER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme BURGER, Président de chambre

M. ROBIN, Conseiller

Mme FERMAUT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. RODRIGUEZ,

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Catherine BURGER, Présidente de chambre

— signé par Mme Catherine BURGER, Présidente de chambre et M. François RODRIGUEZ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

Mme Y réside en France avec son époux et leur enfant.

Travaillant en Suisse, Mme X a été assurée à compter du 1.1.2005 auprès d’un assureur privé – en dernier lieu Muta Santé – pour la couverture de ses charges de maladie, ainsi que le lui permettait le droit d’option alors en vigueur.

Suite à l’expiration du droit d’option, Mme X s’est affiliée à compter du 1.6.2015 au régime général français de sécurité sociale et s’est vue réclamer les cotisations sociales qui sont recouvrées par le Centre national des travailleurs frontaliers en Suisse / CNTFS, service de l’Urssaf de Franche-Comté.

Elle est également affiliée en Suisse à compter du 1.6.2015 pour la couverture de ses charges maladie.

Faisant valoir sa qualité d’assurée auprès du régime de sécurité sociale suisse, Mme X a sollicité sa radiation du régime général de l’assurance maladie française et elle a envoyé le formulaire E106 délivré par son assureur suisse à la CPAM du Haut-Rhin, aux fins de bénéficier des prestations en nature en France.

Par lettre du 27.7.2015, le directeur a rejeté la demande de radiation de Mme X.

Par lettre du 10.8.2015, Mme X a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf de Franche-Comté aux fins de voir suspendre l’appel des cotisations.

Par lettre du 31.8.2015, elle a saisi de même la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin.

Par assignations des 14 et 15.9.2015 à l’encontre de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Bas-Rhin et de l’Urssaf de Franche-Comté, Mme X a saisi en référé le président du tribunal des affaires de sécurité sociale, lequel, par ordonnance du 10.12.2015 et après avoir rejeté la demande de renvoi par la caisse et sa demande de voir écarter des pièces produites par Mme X, a :

— dit que la demande en référé est recevable,

— constaté qu’il y a lieu à référé,

— enjoint la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin d’inscrire provisoirement Mme X en qualité d’ayant droit de l’assurance maladie suisse auprès de la caisse considérée,

— enjoint l’Urssaf de Franche-Comté de suspendre les appels de cotisations dues au titre du régime général de la sécurité sociale,

— rappelé le caractère provisoire de ces mesures jusqu’à définition définitive sur la question de savoir auprès des institutions de sécurité sociale de quel Etat Mme X doit être affiliée,

— rappelé l’absence d’autorité de la chose jugée de l’ordonnance de référé,

— condamné la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin à payer à Mme X la somme de 1.500€ par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté la demande de Mme X d’un article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’Urssaf.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin et l’Urssaf de Franche-Comté ont interjeté appel le 17.12.2015 pour la première et le 18.12.2015 pour la seconde, les deux dossiers ayant été joints sous le n° RG 6521/15.

Reprenant oralement ses conclusions visées le 9.6.2016, modifiées selon mentions au procès-verbal d’audience, auxquelles il convient de se référer par application de l’article 455 du Code de procédure civile, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Bas-Rhin renonce à évoquer le défaut de la condition de l’urgence dès lors que Mme X se fonde uniquement sur le trouble illicite et le dommage imminent, et elle conclut comme suit :

— la déclarer recevable et fondée en son appel,

— dire qu’il n’y a pas lieu à référé,

— infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions lui faisant grief,

— débouter Mme X de ses demandes,

— ordonner sa réinscription au régime général français de l’assurance maladie,

— la condamner au remboursement de la somme de 1.500€ perçue au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 500€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.

En résumé, la caisse fait valoir que :

— faute d’avoir formellement sollicité son exemption en Suisse, Mme X a irrévocablement opté en 2005 pour le système français qui lui permettait alors une assurance privée, de sorte qu’à l’expiration du droit d’option, elle relevait du régime général de la sécurité sociale française ce qu’elle a admis par sa demande d’affiliation du 3.12.2014, peu important ses difficultés suite à son affiliation postérieure à l’assurance suisse,

— ses demandes sont irrecevables en l’absence de décision préalable de la commission de recours amiable et celles-ci se heurtent au principe que nul ne peut se contredire au détriment d’autrui,

— il existe des contestations sérieuses s’agissant de l’application des dispositions communautaires provisoires,

— Mme X ne justifie pas d’un dommage imminent en l’absence d’une situation concrète justifiant une intervention immédiate au titre de la prise en charge de la caisse et alors qu’en tout état de cause, étant affiliée au régime général de sécurité sociale, elle serait prise en charge,

— elle ne justifie pas d’une situation manifestement illicite, le principe de l’affiliation unique ne pouvant être opposé à la caisse, la décision d’affiliation de la LAMal ne produisant aucun effet en France et ne pouvant contredire une décision d’affiliation française antérieure,

— elle se prévaut à tort de l’article 6 du Règlement (CE) n° 987/2009 qui prévoit en cas de divergence entre Etats membres, l’application provisoire d’une législation et l’octroi provisoire de prestations.

Reprenant oralement ses conclusions visées le 22.2.2016 auxquelles il convient de se référer par application de l’article 455 du Code de procédure civile, l’Urssaf de Franche-Comté conclut à l’infirmation de la décision déféré, l’annulation des mesures provisoires prises dans le cadre de cette procédure, au débouté de Mme X de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 1.000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.

En résumé, elle fait valoir que :

— la nécessaire condition de l’urgence n’est pas démontrée,

— sur renvoi QPC du Conseil d’Etat saisi par le comité défense des travailleurs frontaliers du Haut-Rhin / CDTFHR, le Conseil constitutionnel a considéré que le premier et le second alinéa de l’article L. 380-2 et les paragraphes I, II, IV de l’article L.380-3-1 du code de la sécurité sociale, sont conformes à la Constitution,

— selon la décision 10.2.2016 du Conseil d’Etat, le CDTFHR n’est pas fondé à demander l’annulation du décret du 22.5.2014 et de la circulaire du 23.5.2014,

— la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a fait une juste application des dispositions du code de la sécurité sociale.

Reprenant oralement ses conclusions visées le 6.6.2016, modifiées selon mentions au procès-verbal d’audience, auxquelles il convient de se référer par application de l’article 455 du Code de procédure civile, Mme X renonce à l’irrecevabilité au titre d’un appel fait au greffe général de la cour, et elle conclut comme suit :

Vu l’attestation de l’organisme d’assurance maladie suisse – Formulaire E106/S1certifiant le droit pour Mme X et les membres de sa famille aux prestations en nature servies pour le compte de cet organisme par l’assurance maladie française,

Vu le refus opposé par le directeur de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin à Mme X de bénéficier des prestations précitées,

Vu les articles 17 du règlement CE n° 883/2004 et 24 du règlement CE n° 987/2009 pris pour l’application du règlement n° 883/2004,

Vu l’article 6-1 du règlement CE n° 987/2009 pris pour l’application du règlement n° 883/2004,

— confirmer l’ordonnance déférée,

— condamner la caisse et l’union appelantes à lui payer respectivement une indemnité de 2.000€ et de 1.000€.

En résumé, elle fait valoir que :

— elle fonde sa demande sur le trouble manifestement illicite et non sur l’urgence,

— au vu des règlements communautaires, sa double affiliation à sécurité sociale française et suisse méconnaît le principe d’unicité de la législation applicable,

— la décision d’affiliation des autorités suisses, Etat émetteur, oblige l’Etat récepteur d’inscrire le travailleur frontalier en qualité d’ayant droit de l’organisme étranger,

— le caractère provisoire de la décision du juge des référés qui ne préjuge rien du fond.

MOTIFS

Vu la procédure et les pièces produites ;

Attendu que la recevabilité de l’appel n’est plus discutée ni discutable.

Attendu que Mme X fonde sa demande uniquement sur l’alinéa 2 de l’article R. 142-21-1 au titre des mesures conservatoires pouvant être prises pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

qu’elle ne sollicite aucune mesure conservatoire pour faire prévenir un dommage imminent de sorte que les contestations de la caisse au titre de l’absence de ce dernier son inopérantes ;

que de même, l’Urssaf est mal fondée à soulever une absence d’urgence, le cas d’urgence n’étant exigé que par l’alinéa 1 du même article ;

que c’est à tort encore que les appelantes invoquent l’existence d’une contestation sérieuse qui n’est exigée par les alinéas 1 et 3 du même article que pour les mesures urgentes ou pour l’octroi d’une provision.

Attendu que l’article R. 142-21-1, applicable aux seuls cas de saisine du président du tribunal des affaires de sécurité sociale, ne prévoit pas l’obligation de saisine préalable de la commission de recours amiable ;

qu’en tout état de cause, Mme X a régulièrement saisi les commissions de recours amiable suite au rejet de sa demande de radiation et le tribunal des affaires de sécurité sociale a été statué sur sa demande après un rejet implicite des commissions ;

que par conséquent, les appelantes sont mal fondées à invoquer l’irrecevabilité de la demande de Mme X en raison d’une éventuelle saisine prématurée du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Attendu que les conséquences d’une éventuelle affiliation de Mme X en 2015 à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie antérieurement à la LAMal relèvent de l’appréciation du seul juge du fond, sans qu’une antériorité puisse rendre irrecevable la demande de Mme X au titre d’une prétendue sécurité juridique.

Attendu que seul le juge du fond est également compétent pour examiner si Mme X a opté de manière non équivoque et façon irrévocable pour l’assurance française en 2005 ainsi que les conséquences résultant d’un défaut de demande formelle d’une exemption en Suisse.

Attendu que le juge des référés en matière de sécurité sociale peut prendre des mesures conservatoires ou de remise en état pour mettre fin à un trouble manifestement illicite ;

que Mme X est à la fois affiliée auprès de la sécurité sociale française – où elle réside, et auprès de la sécurité sociale suisse – où elle travaille, et qu’elle est donc redevable d’un double paiement de cotisations de sécurité sociale, en France et en Suisse ;

qu’il n’y a pas lieu de rechercher l’origine de ces deux affiliations, ce point relevant de l’appréciation du juge du fond.

Attendu que c’est à juste titre et pour des motifs que la cour adopte que le premier juge a retenu l’application du droit communautaire à un résident français travaillant comme salarié en Suisse ;

que selon l’article 11 du Règlement (CE) 883/2004, les personnes aux quelles ce règlement est applicable ne peuvent être soumises qu’à la législation d’un seul Etat membre ;

qu’en l’état du dossier, Mme X se voit réclamer des cotisations par les sécurités sociales française et suisse alors que du fait du principe d’unicité de la législation applicable, elle ne peut revêtir la qualité d’assuré qu’au regard d’une seule de ces législations ;

que le principe d’unicité de législation applicable et de protection contre la double affiliation n’a pas été sérieusement contesté par les appelantes ;

que Mme X subit par conséquent un trouble manifestement illicite.

Attendu que les mesures que Mme X sollicite, le sont à titre provisoire ;

qu’il n’y a dès lors pas lieu d’examiner l’éventuel effet de la décision du 10.3.2015 du tribunal fédéral suisse en ce qu’il a considéré l’obligation d’affiliation suisse en l’absence de dépôt de demande d’exemption auprès des autorités suisses, ce qui relève encore de l’appréciation du juge du fond ;

que le principe d’unicité de la législation applicable impose de ne soumettre Mme X à la législation que d’un seul Etat membre, à titre provisoire, de sorte que les droits de l’autre Etat membre sont garantis, et sans examen du fond du litige ;

qu’il résulte de l’article 6 du Règlement (CE) n° 987/2009 intitulé 'application provisoire d’une législation et octroi provisoire de prestations', tel que repris dans l’ordonnance de référé déférée, un ordre de priorité en cas de divergence d’avis quant à la détermination de la législation applicable ;

qu’il résulte du a) de cet article que la priorité est d’abord donnée à la législation de l’Etat membre où la personne exerce effectivement une activité salariée ou une activité non salariée, si elle n’exerce son ou ses activités que dans un seul Etat membre ;

que tel est le cas de Mme X.

Attendu qu’en conséquence, l’ordonnance déférée est confirmée en ce que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin a été enjointe, dans l’attente d’une décision sur le fond, d’inscrire provisoirement Mme X en qualité d’ayant droit de l’assurance maladie suisse, respectivement de lui délivrer à titre provisoire le formulaire E 106.

Attendu que les appelantes succombant, l’ordonnance de référé est confirmée en ce qu’elle a condamné la Caisse Primaire d’Assurance Maladie au paiement de la somme de 1.500€ à Mme X par application de l’article 700 du code de procédure civile et débouté celle-ci de sa demande à l’encontre de l’Urssaf ;

qu’il convient de condamner la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et l’Urssaf à payer, chacune, la somme de 1.000€ à Mme X par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

DIT la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin et l’Urssaf de Franche-Comté recevables en leur appel ;

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Haut-Rhin et l’Urssaf de Franche-Comté à payer, chacune, la somme de 1.000€ (mille euros) à Mme X par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Et le présent arrêt a été signé par Mme Catherine BURGER, Présidente de chambre et M. François RODRIGUEZ, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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