Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 30 juin 2011, n° 06/20603

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Chronologie de l’affaire

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Gouache Avocats · 13 mars 2017

Une grande prudence doit être observée par les enseignes qui recrutent leurs futurs franchisés à l'occasion de la délivrance de l'information précontractuelle. En effet, les franchiseurs sont soumis à une obligation générale d'information précontractuelle, qui repose sur le nouvel article 1112-1 du Code civil selon lequel « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Les franchiseurs peuvent …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 30 juin 2011, n° 06/20603
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 06/20603
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 26 octobre 2006, N° 2006040611

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 30 JUIN 2011

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 06/20603

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2006040611

APPELANTE

XXX

ayant son siège : XXX

représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour

assistée de Me Catherine KALOPISSIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 166 plaidant pour la SCP THREARD, BOURGEON, MERESSE & ASSOCIES,

INTIMEE

S.A.R.L. EUROCOM SYSTEMS

ayant son siège : XXX

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Valérie MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 145,

SELAFA MJA prise en la personne de Me B C en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société EUROCOM SYSTEMS

ayant son siège social : XXX – XXX

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Antoine DIESBECQ, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2011, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère chargée d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, présidente

Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, conseillère

Madame Patricia POMONTI, conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL Eurocom Systems a exploité, sous l’enseigne « Cap Silhouette », des procédés de soins du corps et du visage (amincissement, soins du visage et épilation) par le canal d’un réseau de franchisés.

Des contacts se sont noués en 2004 entre cette société et Monsieur Y-K, qui envisageait de créer une entreprise pour exploiter une franchise 'Cap Silhouette'. Le 12 mai 2004, conformément à la législation en vigueur, un document d’information précontractuel a été remis à Monsieur Y-K et le 3 août suivant celui-ci a signé un protocole de réservation dans le but de créer un fonds de commerce sous la marque 'Cap Silhouette’ situé à Annecy ou Chambéry et a versé à ce titre une somme de 7.623 euros.

Le 18 octobre 2004, Monsieur Y-K a reçu de la société Eurocom Systems une étude de marché faisant apparaître, pour un centre 'Cap Silhouette’ situé à Annecy, un chiffre d’affaires annuel potentiel de 302.100 euros hors taxes ; le compte de résultat prévisionnel annexé à cette étude faisait apparaître un résultat courant positif, charges financières déduites, égal à 60.000 euros.

Après avoir obtenu du Crédit Agricole de Savoie un prêt d’un montant de 130.000 € , Monsieur Y-K a le 16 février 2005 crée la société unipersonnelle 'Sur Mesure Minceur’ et a acquis, le 1er mars 2005, un droit au bail pour des locaux situés XXX à XXX.

Le 17 mars 2005, un contrat de franchise a été signé entre la SARL Eurocom Systems et l’EURL Sur Mesure Minceur pour une durée de 7 années, renouvelable par tacite reconduction; le centre 'Cap Silhouette’ d’Annecy s’est ouvert le 2 mai 2005, avec une activité amincissement et une activité épilation traditionnelle.

Au cours de l’année 2005, divers matériels ont été acquis par l’EURL Sur Mesure Minceur auprès de son franchiseur la société Eurocom Systems.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 novembre 2005 la société Sur Mesure Minceur, reprochant à la société Eurocom Systems de n’avoir pas satisfait à ses obligations en matière de formation et de communication commerciale, de l’avoir trompée sur les résultats à attendre de l’activité et les moyens à mettre en 'uvre, de lui avoir facturé les matériels à des prix trop élevés a dénoncé le contrat de franchise, a annoncé la dépose de l’enseigne et a demandé le remboursement du droit d’entrée et des redevances versées et le paiement des surcoûts des matériels et des marchandises fournis par le franchiseur.

Le 29 novembre 2005 la société Eurocom Systems a réfuté les griefs adressés par son franchisé.

Le 24 décembre 2005, l’EURL Sur Mesure Minceur a notifié à son franchiseur la dépose effective de l’enseigne 'Cap Silhouette'.

Par acte en date du 9 juin 2006, la société Sur Mesure Minceur a fait assigner la société Eurocom Systems devant le tribunal de commerce de Paris, qui par jugement du 27 octobre 2006 a:

— constaté la résiliation au 24 décembre 2005 du contrat conclu entre les parties le 17 mars 2005

— débouté les parties de leurs demandes respectives sauf en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre duquel elle a condamné l’EURL Sur Mesure Minceur à payer à la société Eurocom Systems une indemnité de 6.000 euros.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 13 novembre 2008, la société Eurocom Systems a été mise en liquidation judiciaire et la Selafa MJA, en la personne de Maître B E, a été désignée en qualité de mandataire liquidateur de celle-ci.

Par conclusions récapitulatives du 2 février 2011,l’EURL Sur Mesure Minceur, appelante, demande :

— d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Eurocom Systems de sa demande reconventionnelle,

— de juger que le consentement de Monsieur Y-K a été vicié et qu’il n’a pu s’engager en toute connaissance de cause aux motifs que la société Eurocom Systems a :

*remis un document d’information précontractuel incomplet et n’a pas déterminé les perspectives de développement sur la durée du contrat,

*remis un compte d’exploitation prévisionnel irréaliste, qui ne repose sur aucun paramètre de la ville d’Annecy,

*refusé de faire montre de prudence en tenant compte des mauvais résultats dénoncés par d’autres franchisés,

*occulté la faible rentabilité du réseau, notamment des autres franchisés de Province,

*occulté le rôle de Monsieur X dans la franchise Cap Silhouette et la participation de Messieurs X et Vergnes dans la franchise Laser Epil,

— de juger que la société Eurocom Systems a violé son obligation d’aide et d’assistance,

— de constater que celle-ci a gravement manqué à l’exécution loyale et de bonne foi du contrat,

— de juger que la société Eurocom Systems doit réparer l’intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat de franchise,

à titre principal

— de prononcer la nullité du contrat de franchise pour dol,

— de replacer les parties dans l’état antérieur à la signature du contrat de franchise et ordonner la restitution par la société Eurocom Systems des sommes versées dans le cadre du contrat à l’EURL Sur Mesure Minceur,

— de voir fixer la créance de la société Cap Esthetic au passif de la société Eurocom Systems représentée par la Selafa MJA en la personne de Maître H C ès qualités de liquidateur à hauteur des sommes suivantes :

*14.591,20 euros au titre du remboursement du droit d’entrée

*94.448,12 euros pour le remboursement du prix d’achat du concept

*119.497 euros correspondant au remboursement des investissements spécifiques non amortis,

*47.840 euros et 876,67 euros représentant le remboursement de l’appareil Cap Epil et des lunettes de protection,

*6.714 euros pour le remboursement du stock surévalué,

*1.640,90 euros en vue du remboursement des redevances versées,

*91.182 euros sauf à parfaire au titre des pertes d’exploitation,

*256.765 euros sauf à parfaire représentant le remboursement des comptes courants,

*10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les dysfonctionnements des appareils Cap Scan,

à titre subsidiaire

— de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société Eurocom Systems,

— de voir fixer la créance de la société Cap Esthetic au passif de la société Eurocom Systems représentée par la Selafa MJA en la personne de Maître H C ès qualités de liquidateur à hauteur des sommes suivantes :

*14.591,20 euros au titre du remboursement du droit d’entrée,

*94.448,12 euros pour le remboursement du prix d’achat du concept,

*119.497 euros correspondant au remboursement des investissements spécifiques non amortis,

*47.840 euros et 876,67 euros représentant le remboursement de l’appareil Cap Epil et des lunettes de protection,

*6.714 euros pour le remboursement du stock surévalué,

*1.640,90 euros en vue du remboursement des redevances versées,

*91.182 euros sauf à parfaire au titre des pertes d’exploitation,

*256.765 euros sauf à parfaire représentant le remboursement des comptes courants,

*10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les dysfonctionnements des appareils Cap Scan,

— de voir fixer la créance de la société Cap Esthetic au passif de la société Eurocom Systems représentée par la Selafa MJA en la personne de Maître H C ès qualités de liquidateur à hauteur de 16.000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner en terme de salaires afin qu’elle puisse les rétrocéder à son gérant Monsieur Y-K,

— de dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l’assignation valant mise en demeure avec capitalisation des intérêts échus par application de l’article 1154 du code civil,

— de condamner la société Eurocom Systems, représentée par la Selafa MJA en la personne de Maître B C ès qualités de liquidateur au paiement d’une somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 28 mai 2009, la Selafa MJA représentée par Maître H C en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Eurocom Systems, intimée formant appel incident, demande de :

— déclarer mal fondée la société Sur Mesure Minceur en son appel, l’en débouter,

— confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a constaté la résiliation du contrat conclu entre les parties, débouté la société Sur Mesure Minceur de ses demandes et l’a condamnée à payer une indemnité de 6.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, l’attributaire de cette condamnation étant désormais la Selafa MJA ès qualités,

— débouter la société Sur Mesure Minceur de sa demande de fixation de créance,

déclarer recevable et bien fondée la Selafa MJA ès qualité en son appel incident,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Eurocom Systems, aujourd’hui représentée par la Selafa MJA ès qualités, de sa demande,

— condamner la société Sur Mesure Minceur à lui payer ès qualités en la personne de Maître B C la somme de 51.450 euros.

La Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de nullité du contratde franchise

Considérant que la société Sur Mesure Minceur fait valoir que le consentement de M. Y K a été vicié par l’ensemble des manquements commis par la société Eurocom Systems dans la phase précontractuelle et que si celui-ci été loyalement informé, il n’aurait pas signé le contrat de franchise; qu’elle estime que le franchiseur a violé l’obligation de s’assurer de la fiabilité économique du projet d’ouverture d’un centre 'Cap Silhouette’ à Annecy, que ce dernier lui a remis un document précontractuel incomplet en ce qu’il ne déterminait pas les perspectives de développement du marché et un compte d’exploitation prévisionnel irréaliste comme ne reposant sur aucun paramètre de la ville d’Annecy ; qu’il a encore occulté la faible rentabilité du réseau ;

Que le liquidateur de la société Eurocom Systems objecte que l’obligation préalable à la charge du franchiseur a été parfaitement accomplie par le franchisé, d’autant plus que ce dernier a été mis en possession des éléments d’information un an avant la conclusion du contrat; qu’il réplique que le grief tenant aux chiffres du compte de résultat prévisionnel est inopérant, puisqu’il a été établi avec la collaboration de Monsieur Y-K ;

Considérant que selon l’article 1er de la loi du 31 décembre 1989, dite loi Doubin, devenu l’article L 330-3 du code de commerce ' toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité pour l’exercice de son activité est tenue , préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.

Ce document précise notamment, l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat’ ;

Que l’article R 330-1 du même Code dispose 'le document prévu au 1er alinéa de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1989 doit contenir les informations suivantes: une présentation de l’état général et local du marché des produits devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché’ ;

Qu’aux termes de l’article 4 du contrat de franchise signé par les parties tenant à 'l’assistance du franchiseur préalablement à l’ouverture du centre', 'le franchiseur s’engage à apporter son assistance et ses services au franchisé dans le cadre de la mise en place de son point de vente, comprenant notamment

1) l’étude de l’implantation et de l’emplacement choisi, (..)

3) l’aide à l’élaboration du dossier de financement du franchisé, incluant des indications quant à l’élaboration d’un compte de résultat prévisionnel et de trésorerie correspondant à la propre expérience de la société Franchiseur’ ;

Qu’au cas particulier le franchiseur a remis à M. Y A le 14 octobre 2004 un document intitulé DIP, auquel est annexé une étude de marché pour l’implantation d’un centre d’amincissement 'Cap Silhouette’ à Annecy afin de ' déterminer le chiffre d’affaires potentiel d’un centre d’amincissement 'Cap Silhouette’ qui serait situé à Annecy ' ;

Mais considérant que cette étude de marchés contenant 3 pages n’a pas un caractère sérieux; qu’en effet les années retenues pour l’analyse de l’évolution de la population sont celles de 1982, 1990 et 1999, soit 5 ans avant la remise du document; que de même l’activité de la population, le taux de chômage ou le revenu moyen par habitant sont ceux de l’année 1999; qu’aucune donnée récente sur la population d’Annecy n’a été fournie à M. Y A, qu’aucune information ne lui a été donnée sur la répartition de la population par catégories socio-professionnelles et sur le nombre exact de centres concurrents sous enseigne nationale ; que la comparaison faite par le franchiseur entre la zone d’attraction du centre de Paris et celle de la ville d’Annecy n’est pas pertinente, alors qu’il aurait du établir une comparaison avec une autre ville de province similaire; que n’apparaît pas non plus dans ce document une étude des perspectives de développement du marché, tous éléments qui auraient permis d’éclairer utilement la réflexion de M. Y A sur l’importance du risque commercial qu’il prenait, sur la viabilité ou non de son projet; que seule la société Eurocom Systems, grâce à sa connaissance du marché général de l’amincissement et de l’épilation et de la rentabilité de chacun des centres de son réseau pouvait, en établissant une véritable étude du marché local, donner à M. Y A, qui n’avait aucune expérience dans la création d’entreprise sous franchise, une information loyale le mettant en mesure d’apprécier la performance ou la rentabilité future du centre qu’il projetait d’ouvrir ;

Qu’il convient de rappeler que si la loi ne met pas à la charge du franchiseur une étude du marché local , en revanche dans le cas où une telle information est donnée, la loi met à la charge du franchiseur une présentation sincère du marché local ;

Que par ailleurs le compte d’exploitation prévisionnel joint à cette étude de marché faisait apparaître pour le centre d’Annecy un chiffre d’affaires de 25.174 € par mois, de 302.094 € par an et un résultat de 41.481 € ; que ces chiffres prévisionnels étaient grossièrement erronés puisque trois fois et demi supérieurs à ceux qui seront réalisés; qu’ainsi en 2005, la société Sur Mesure Minceur a enregistré une chiffre d’affaires moyen mensuel de 10.266 € et de 123.198 € pour l’année par projection, ce qui représente un écart de 60 % avec le compte d’exploitation prévisionnel; que ce chiffre d’affaires était donc largement surévalué notamment par rapport aux statistiques des centres de gestion agrées dans le secteur des industries de beauté et d’amincissement en France (qui était en 2003 de 73.923 € par an) et également par rapport à la réalité du marché de la ville d’Annecy, à ses spécificités ;

Que la société Eurocom Systems ne peut prétendre que ce compte d’exploitation a été établi en commun avec M. Y A; que la mention manuscrite ajoutée par ce dernier 'ce prévisionnel a été établi avec ma collaboration’ signifie seulement qu’il a donné au franchiseur le montant de son apport personnel (87.316 €) et le montant de son emprunt bancaire (177.277 € remboursable sur 7 ans au taux de 5,5 %) ; que l’ensemble des autres chiffres portés sur ce compte d’exploitation (hormis ceux susmentionnés) ne peuvent émaner que du franchiseur qui seul connaît les charges d’un tel établissement ;

Qu’en définitive, la société Eurocom Systems en communiquant à M. Y A des informations incomplètes, trop anciennes sur la composition de la clientèle potentielle, en omettant de l’ informer sur les perspectives de développement du réseau, sur les caractéristiques locales du marché dont dépendaient les chances de réussite de l’implantation et du développement de l’agence, en fournissant un compte d’exploitation prévisionnel totalement irréaliste et déconnecté de la réalité économique de la ville d’Annecy, dans la phase précontractuelle, a privé ce dernier de la possibilité d’apprécier la rentabilité de l’entreprise et de se forger valablement une opinion sur l’opportunité d’investir dans cette ville et a donc vicié son consentement , en l’induisant en erreur sur les perspectives de rentabilité du commerce qu’il envisageait d’exploiter, alors même qu’en l’absence de toute expérience commerciale dans ce domaine sa confiance à l’égard du franchiseur était déterminante de son engagement ; que M. Y A n’aurait jamais réalisé un placement financier d’une telle importance s’il avait su que le chiffre d’affaires ne lui permettrait en aucun cas de faire face aux charges ; que sur le fondement de l’article 1116 du code civil, la nullité du contrat de franchise doit être prononcée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la pertinence des autres moyens de nullité tirés de l’occultation de la faible rentabilité du réseau ou d’un défaut de prudence; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant que la Cour ayant fait droit à la demande principale de l’appelante, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire en résiliation du contrat.

Sur les conséquences de l’annulation

Considérant qu’il convient de remettre les parties dans la situation qui aurait été la leur si elles n’avaient pas contracté, sans préjudice de l’indemnité qui peut être allouée en réparation du dommage causé au cocontractant victime d’un dol ;

Que la créance de la société Sur Mesure Minceur à l’égard de la société Eurocom Systems est constituée par toutes les sommes que la société Eurocom Systems a reçues en exécution du contrat, à savoir :

—  14.591,20 € au titre du droit d’entrée,

—  1.640,90 € pour les redevances versées,

—  94.448,12 € représentant le prix d’achat du concept ;

Qu’il convient également de prendre en compte les dépenses se rapportant aux travaux d’agencement et investissements spécifiques non amortis, sans lesquelles le contrat de franchise n’aurait pas pu être conclu , sans toutefois que les frais de constitution de la société et la totalité des immobilisations corporelles puissent être comprises dans ses dépenses; qu’à ce titre et au vu des factures versées et du bilan seule une somme de 114.816 € ; peut être retenue; que de même la créance de la société Sur Mesure Minceur sera composée des frais de transaction, d’enregistrement du droit au bail et de rédaction de l’acte de cession du droit au bail à hauteur d’une somme globale de 13.145 €, compte tenu des pièces justificatives produites ;

Que le franchisé, commerçant indépendant, est responsable de sa gestion; qu’en conséquence ne peuvent incomber à la société Eurocom Systems la charge de la totalité des pertes d’exploitation pendant 14 mois, du remboursement de l’emprunt de 130.000 € contracté par la société Sur Mesure Minceur ou du compte courant, le remboursement des appareils utilisés pendant l’exploitation ou une indemnisation pour leur dysfonctionnement et le remboursement du stock d’origine ; que celle-ci doit seulement indemniser la société Sur Mesure Minceur de la perte de chance d’avoir pu faire un meilleur emploi économique de ses fonds ;

Que la Cour estime disposer d’éléments suffisants d’appréciation pour évaluer ce préjudice à la somme de 50.000 € ; qu’il ne saurait être fait droit à la demande complémentaire en dommages et intérêts correspondant au manque à gagner du gérant M. Y A ;

Qu’en définitive, la créance de la société Eurl Sur Mesure Minceur (et non Cap Esthétic ainsi que figurant dans le dispositif de ses conclusions du 2 février 2011) s’élève à la somme globale de 288.641,22 € ;

Qu’en application de l’article L 622-3 du code de commerce le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire arrête le cours des intérêts au taux légal et tous intérêts de retard et majorations; que la demande visant les intérêts au taux légal à compter de l’assignation et l’application de l’article 1154 du code civil ne saurait donc être accueillie ;

Considérant qu’eu égard à la solution donnée au litige, la demande de la Selafa MJA ès qualités en paiement d’une somme de 51.450 € à titre d’indemnité forfaitaire en raison de la résiliation anticipée du contrat de franchise ne saurait prospérer; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que l’équité commande en vertu de l’article 700 du code de procédure civile d’allouer à la société Sur Mesure Minceur une indemnité de 6.000 €.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement dont appel, à l’exception du rejet de la demande en paiement formée par la société Eurocom Systems,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de franchise signé le 17 mars 2005 entre la société Eurocom Systems et la société Sur Mesure Minceur sur le fondement de l’article 1116 du Code civil,

Fixe la créance de la société Sur Mesure Minceur au passif de la société Eurocom Systems à la somme globale 288.641,22 € ,

Condamne la Selafa MJA représentée par Me C en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Eurocom Systems à payer à la société Eurl Sur Mesure Minceur la somme de 6.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes des parties,

Condamne la Selafa MJA en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Eurocom Systems aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier

XXX

La Présidente

C. PERRIN

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