Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 23 mars 2012, n° 10/11168

  • Protection au titre du droit sui generis·
  • Investissement financier substantiel·
  • Usage à titre d'information·
  • Usage à titre de marque·
  • Communication tardive·
  • Contrefaçon de marque·
  • Marque communautaire·
  • Base de données·
  • Rejet de pièces·
  • Reproduction

Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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Arnaud Touati Et Christina Salassidis · Actualités du Droit · 11 octobre 2017

Lexbase · 17 mars 2015
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 2, 23 mars 2012, n° 10/11168
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/11168
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 avril 2010, N° 08/12802
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 9 avril 2010, 2008/12802
  • Cour de cassation, 10 février 2015, J/2012/26023
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : RYANAIR
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 4168721 ; 338301
Classification internationale des marques : CL16 ; CL28 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL42
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 décembre 2022
Référence INPI : M20120191
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 23 MARS 2012

(n° 085, 23 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/11168.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2010 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section – RG n° 08/12802.

APPELANTE :

Société de droit irlandais RYANAIR LIMITED

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 2] (IRLANDE),

représentée par Maître Didier BOLLING de la SCP BOLLING-DURAND-LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480,

assistée de Maître Véronique DAHAN, toque P 438, et de Maître Virginie BERNARD, toque E 436, substituant Maître Kami HAERI du Cabinet AUGUST & DEBOUZY, avocat au barreau de PARIS.

INTIMÉE :

S.A.S. OPODO

prise en la personne de son Président,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par Maître Anne-Laure GERIGNY FRENEAUX de la SELARL RECAMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148,

assistée de Maître Guillaume TEISSONNIERE de l’AARPI TEISSONNIERE – SARDAIN – CHEVE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1111.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 2 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Benjamin RAJBAUT, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

E X P O S É D U L I T I G E

La société de droit irlandais RYANAIR Limited est une compagnie aérienne à bas prix indiquant vendre ses vols aux consommateurs sans intermédiaire, principalement via son site internet www.ryanair.com et être titulaire de la marque communautaire verbale 'RYANAIR’ n° 4 168 721 déposée le 13 décembre 2004 en classes 16, 28, 35 à 39 et 42 et de la marque communautaire semi-figurative 'RYANAIR’ n° 338 301 déposée le 21 août 1996, régulièrement renouvelée depuis, en classes 16, 35 à 39 et 42.

La SAS OPODO, immatriculée auprès du registre des opérateurs de voyages et de séjours sous le numéro IM092100091, exploite un service en ligne dédié à la vente de séjours, chambres d’hôtels, billets d’avion et autres produits touristiques, accessible en France à partir des adresses www.opodo.fr et www.vivacances.fr.

La société RYANAIR, constatant, en juin 2007, que la société OPODO offrait aux internautes, sans son autorisation, la possibilité de réserver des sièges sur ses vols en ayant, selon elle, développé un système de capture de données, assignait celle-ci en responsabilité contractuelle, violation des droits du producteur de bases de données, contrefaçon de marques, concurrence déloyale et parasitisme.

Par jugement contradictoire du 09 avril 2010 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a :

— dit n’y avoir lieu à rejet de pièces,

— rejeté l’intégralité des demandes de la société RYANAIR,

— dit qu’en diffusant un communiqué de presse le 28 janvier 2008, la société RYANAIR a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société OPODO,

— condamné la société RYANAIR à payer à la société OPODO la somme de 30.000 € en réparation du préjudice né de ces actes,

— condamné la société RYANAIR à payer à la société OPODO la somme de 7.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples,

— condamné la société RYANAIR aux entiers dépens.

La société RYANAIR Limited a interjeté appel de ce jugement le 27 mai 2010.

Vu les dernières conclusions n° 3 signifiées le 13 janvier 2012 par lesquelles la société de droit irlandais RYANAIR Limited prie la cour de :

— la déclarer recevable en son appel et en toutes ses demandes,

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 09 avril 2010 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

— constater qu’elle bénéficie de la protection sui generis des producteurs de bases de données sur sa base de données de billetterie au sens de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle,

— constater que la société OPODO, société éditrice des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, extrait et reproduit de manière systématique des parties substantielles de sa base de données de billetterie au sens des articles L 342-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ou à tout le moins que de tels actes répétés et systématiques excèdent manifestement les conditions normales d’utilisation de sa base de données,

— dire que les actes d’extraction et de réutilisation commis par la société OPODO sont illicites et constituent une violation de ses droits sur sa base de données au sens des dispositions combinées des articles L 341-1 et L 342-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,

— constater que la société OPODO, société éditrice des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, reproduit sans autorisation les marques communautaires 'Ryanair’ n° 338301 et 4168721 sur le site internet opodo.fr,

— dire que les agissements de la société OPODO constituent des actes de contrefaçon au sens des articles L 716-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,

— constater que la société OPODO, société éditrice des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, présentée comme 'intermédiaire', lui impose une distribution de ses services que celle-ci n’a pas sollicitée,

— dire que la société OPODO viole les dispositions des conditions d’utilisation du site www.ryanair.com, qui lui sont pleinement opposables, en permettant aux voyageurs de réserver, par l’intermédiaire de ses sites internet www.opodo.fr (auquel renvoie le site www.opodo.be) et www.vivacances.fr, des billets d’avion RYANAIR,

— dire que la société OPODO ne justifie pas, en tout état de cause, d’un droit à ce que lui soit imposé un intermédiaire ou distributeur dans la vente de ses billets d’avion, sans son consentement, et qu’elle viole ses droits à distribuer en direct ses services de transport – droits opposables à la société OPODO en tout état de cause, indépendamment des conditions générales d’utilisation du site www.ryanair.com,

— dire que la violation par la société OPODO des dispositions visant les conditions d’utilisation du site www.ryanair.com et/ou de ses droits à distribuer en direct des services de transport, sans intermédiation, et de s’opposer à la vente au travers des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr de ses services de transport, désorganise et parasite ses activités et la concurrence de manière déloyale,

— constater que les pratiques commerciales trompeuses, résultant notamment de la violation des réglementations en matière d’information du consommateur sur les prix, et les pratiques de publicité comparative illicite de la société OPODO renforcent la désorganisation et le parasitisme de la distribution de ses services,

— constater l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle d’OPODO, comme formulée après l’expiration du délai de trois mois après publication de ce communiqué, en application de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 et en tout état de cause, dire que son communiqué de presse du 24 janvier 2008 n’est pas dénigrant à l’égard de la société OPODO,

En conséquence, à titre principal :

— condamner la société OPODO, en réparation du préjudice causé par l’extraction frauduleuse des données contenues dans sa base de données de billetterie, au visa des articles L 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, à des dommages-intérêts d’un montant équivalent au montant des frais et commissions perçus (frais de dossier, frais d’émission, frais de traitement, frais de réservation, frais de livraison, commissions) sur la vente, par l’intermédiaire des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, de ses billets depuis la date de première extraction et réutilisation, sur ces sites, des données de sa base de données,

— condamner provisoirement la société OPODO, en réparation du préjudice causé par l’extraction frauduleuse de sa base de données, à la somme de 860.000 €, dans l’attente de déterminer judiciairement le montant de ces frais et commissions comme précisé ci-après,

— condamner la société OPODO, en réparation du préjudice moral causé par la contrefaçon des marques communautaires 'Ryanair’ au visa des articles L 716-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, à des dommages-intérêts d’un montant de 150.000 €,

— dire que la violation par la société OPODO de ses droits de distribution, dont il résulte une désorganisation et un parasitisme de ses activités et une concurrence déloyale devra cesser et être réparée, à titre principal, au visa de l’article 1147 du code civil, comme étant causée par le non respect des conditions d’utilisation du site www.ryanair.com et, à titre subsidiaire, au visa de l’article 1382 du code civil, comme étant causée par la violation de ses droits à distribuer en direct ses services de transport, voire comme faits distincts de toute violation d’un droit de distribution si, par extraordinaire, la cour considérait que les conditions d’utilisation du site www.ryanair.com ne sont pas opposables à la société OPODO,

— condamner la société OPODO, en réparation des agissements déloyaux et parasitaires commis par la société OPODO consécutifs à la distribution illicite de ses services de transport, au visa de l’article 1147 du code civil et, subsidiairement de l’article 1382 du code civil, à des dommages-intérêts d’un montant équivalent au chiffre d’affaires perdu par elle sur la vente des services optionnels et des prestations accessoires à la vente de billets, calculé par référence au chiffre d’affaires moyen réalisé sur ces prestations par billet vendu ou par passager (soit 8,56 €), tous canaux de distribution confondus, au cours des trois derniers exercices comptables (2007/2008, 2008/2009, 2009/2010), multiplié par le nombre de billets vendus par l’intermédiaire des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr depuis la date de première commercialisation de ses billets,

— condamner provisoirement la société OPODO, en réparation des agissements déloyaux et parasitaires commis par la société OPODO consécutifs à la distribution illicite de ses services de transport, à la somme de 614.000 € dans l’attente de la détermination judiciaire de son préjudice au titre du chiffre d’affaires perdu sur les services optionnels et les prestations accessoires,

— condamner la société OPODO, au titre du préjudice spécifique correspondant à la dévalorisation du site internet ryanair.com et à la dépréciation de son image de marque du fait des agissements déloyaux et parasitaires commis par OPODO, à la somme de 1.000.000 €, ce montant s’ajoutant à la somme qui sera judiciairement et définitivement évaluée par expert pour compenser la perte de chiffre d’affaires sur les services optionnels et prestations annexes,

— ordonner la nomination de tel expert, qu’il plaira à la cour, ayant pour mission :

— de se rendre au siège social de la société OPODO ou dans tous établissements de cette société,

— de se faire remettre tous documents permettant de déterminer la date de mise en ligne des sites vivacances.fr et opodo.fr, la date de première extraction et réutilisation de la base de données de RYANAIR et la date de première commercialisation, par l’intermédiaire de ces sites, de billets RYANAIR,

— de se faire remettre tous documents permettant de déterminer le montant des frais et commissions perçus sur la vente de billets RYANAIR, par l’intermédiaire des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, comptabilisés, sous quelque intitulé que ce soit (commissions, frais de dossier, frais d’émission, frais de réservation, frais de traitement, frais de livraison notamment) et par quelque entité juridique que ce soit (la société OPODO ou toute autre entité du groupe OPODO), ce depuis la première date de commercialisation par l’intermédiaire des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, de billets RYANAIR,

— de se faire remettre tous documents permettant de déterminer le nombre de billets RYANAIR vendus, par l’intermédiaire des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, année par année, ce depuis la première date de commercialisation, par l’intermédiaire de ces sites, de billets RYANAIR,

— de consulter tous ordinateurs, au siège de la société OPODO ou dans tous établissements de cette société, à l’effet de rechercher les informations sus visées, ce au besoin, avec l’assistance de tout expert informatique et en système d’information,

— et, sur la base de cet examen, dresser un rapport qui devra être déposé à la cour, dans le délai qu’il lui appartiendra de fixer, certifiant :

— le préjudice subi par la société RYANAIR du fait de l’extraction illicite de sa base de données, équivalent aux commissions et frais (frais de dossier, frais d’émission, frais de traitement, frais de réservation, frais de livraison, commissions) perçus sur la vente de ses billets, par quelque entité que ce soit au sein du groupe OPODO, par l’intermédiaire des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, depuis la date de première extraction réutilisation, sur ces sites, des données de la base de données de RYANAIR,

— le préjudice subi par la société RYANAIR du fait des agissements déloyaux et parasitaires commis par la société OPODO consécutifs à la distribution illicite des services de transport de RYANAIR, ce préjudice équivalent au chiffre d’affaires perdu par la société RYANAIR sur ses services optionnels et ses prestations accessoires, déterminé par référence au chiffre d’affaires moyen réalisé sur ces prestations par la société RYANAIR par billet vendu (soit 8,56 €), tous canaux de distribution confondus, au cours des trois derniers exercices comptables (2007/2008, 2008/2009, 2009/2010), multiplié par le nombre de billets vendus par l’intermédiaire des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr depuis la première date de commercialisation des billets RYANAIR.

En tout état de cause, de :

— ordonner la cessation immédiate de toute extraction des données contenues dans sa base de données de billetterie et la suppression de toute référence aux marques communautaires 'Ryanair’ et aux vols commercialisés par elle sur les sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, ou sur tous autres sites édités et/ou exploités par la société OPODO, ce sous astreinte de 1.500 € par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— débouter la société OPODO de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— ordonner la publication d’un communiqué reprenant le dispositif de l’arrêt à intervenir, en totalité ou par extrait, dans quatre publications à son choix et aux frais de la société OPODO dans la limite de la somme de 5.000 € HT par publication, toute publication étant opérée par elle,

— ordonner la publication d’un communiqué reprenant le dispositif de l’arrêt à intervenir, en totalité ou par extrait, dans les premiers 300 pixels de la page d’accueil des sites www.opodo.fr et www.vivacances.fr, dans un cadre qui ne saurait être inférieur à 300 x 300 pixels, avec une taille de police qui ne saurait être inférieure à celle utilisée pour décrire les 'rubriques’ des dits sites, pour une durée minimum de trois mois, toute publication étant opérée par elle, ou avec l’assistance de la société OPODO, dans un délai de huit jours suivant la signification de l’arrêt, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard,

— condamner la société OPODO à lui payer la somme de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce incluant les frais des constats de Me [A], huissier de justice.

Vu les dernières conclusions n° 3 signifiées le 26 janvier 2012 par lesquelles la SAS OPODO prie la cour de :

A titre principal,

— déclarer irrecevables les demandes de la société RYANAIR fondées sur l’application cumulée des articles 1147 et 1382 du code civil,

— constater que les demandes de la société RYANAIR fondées sur une prétendue violation de son droit sui generis sont mal fondées,

— constater que les demandes de la société RYANAIR fondées sur une prétendue violation de son droit de marque sont mal fondées,

A titre subsidiaire, si les demandes de la société RYANAIR au titre des articles 1147 et 1382 du code civil sont déclarées recevables,

— constater qu’elle n’a commis aucun acte susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société RYANAIR,

— constater qu’elle est une agence de voyages immatriculée auprès du registre des agents de voyages et qu’elle ne commet aucun acte déloyal ou parasitaire à l’égard de la société RYANAIR,

— constater qu’en vendant ses billets d’avion aux clients de son site, la société RYANAIR ne subit aucun préjudice réel,

— débouter la société RYANAIR de l’intégralité de ses demandes,

— confirmer le jugement rendu le 09 avril 2010 par le tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu’il l’a déboutée de se demandes de publication et a fixé à 30.000 € le montant des dommages et intérêts, et statuant à nouveau sur ces points :

— la déclarer bien fondée en son appel incident,

— constater qu’en diffusant son communiqué de presse en date du 28 janvier 2008, la société RYANAIR a violé les dispositions de l’article L 121-8 du code de la consommation et a commis un acte de concurrence déloyale à son encontre,

— condamner la société RYANAIR à lui payer la somme de 150.000 € au titre des préjudices d’image et commerciaux subis par elle,

— ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans les conditions suivantes :

Parution du communiqué suivant en police Times new roman 12 dans la rubrique 'Nouvelles’ du site internet Ryanair.com dédié au public français sous l’intitulé 'Publication judiciaire’ : 'Par décision en date du …, la société RYANAIR a été condamnée par la Cour d’appel de Paris pour avoir commis un acte de concurrence déloyale à l’encontre de la SAS OPODO caractérisé par la diffusion d’un communiqué de presse en date du 28 janvier 2008 violant les dispositions de l’article L 121-8 du Code de la consommation relatives à la publicité comparative. La société RYANAIR a été condamnée à payer à la SAS OPODO la somme de … € à titre de dommages-intérêts et la somme de … au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La publication judiciaire, la condamnation aux dépens ont également été ordonnées par la Cour d’appel de Paris’ ;

Parution du communiqué suivant en police Times new roman 12 dans Le Figaro, Les Echos, Le Quotidien du tourisme, aux frais exclusifs de RYNAIR, et dans la limite de 5.000 € par insertion dans chacun des quotidiens, sous l’intitulé 'Publication judiciaire’ : 'Par décision en date du …, la société RYANAIR a été condamnée par la Cour d’appel de Paris pour avoir commis un acte de concurrence déloyale à l’encontre de la SAS OPODO caractérisé par la diffusion d’un communiqué de presse en date du 28 janvier 2008 violant les dispositions de l’article L 121-8 du Code de la consommation relatives à la publicité comparative. La société RYANAIR a été condamnée à payer à la SAS OPODO la somme de … € à titre de dommages-intérêts et la somme de … au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La publication judiciaire, la condamnation aux dépens ont également été ordonnées par la Cour d’appel de Paris’ ;

Les dites parutions devront être effectuées dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard ;

La parution du communiqué sur le site internet de la société RYANAIR est ordonnée pour une période ininterrompue de 30 jours à compter de la mise en ligne du dit communiqué ; à défaut de parution du communiqué dans le délai imparti par la cour et nonobstant l’application d’astreintes éventuellement dues par la société RYANAIR, la période de parution du communiqué sera portée à 60 jours ininterrompus à compter de la date de mise en ligne du dit communiqué.

— condamner la société RYANAIR à lui payer la somme de 50.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société RYANAIR aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26 janvier 2012.

Vu les conclusions de procédure signifiées le 30 janvier 2012 par lesquelles la société RYANAIR Limited prie la cour de :

— constater que les conclusions n° 3 de la société OPODO ont été régularisées tardivement le jour de la clôture de la procédure le 26 janvier 2012 et qu’elles soulèvent de nombreux nouveaux moyens de défense sur plus de dix nouvelles pages,

— constater que les pièces n° 25 à 32 ont été régularisées postérieurement à l’audience de clôture de la procédure qui s’est tenue le 26 janvier 2012 à 13 heures,

— constater que les pièces n° 25 à 32 produites par la société OPODO postérieurement à l’audience de clôture rapportent des éléments de fait anciens ou ayant pu être constatés bien avant le 15 décembre 2011 et ne répondent pas à des moyens soulevés par elle dans ses conclusions n° 3 du 11 janvier 2012,

— constater qu’elle est dans l’impossibilité de répondre aux nouveaux moyens soulevés par la société OPODO dans ses conclusions n° 3 et à ses nouvelles pièces n° 25 à 32, l’audience de plaidoiries se tenant et devant être maintenue au 02 février 2012,

— constater que ces circonstances constituent des manoeuvres déloyales de la part de la société OPODO qui sont contraires aux principes de loyauté des débats, de respect du contradictoire et du droit au procès équitable,

— constater que ces circonstances justifient que les conclusions n° 3 de la société OPODO ainsi que ses pièces n° 25 à 32 soient rejetées,

— rejeter en conséquences les conclusions n° 3 de la société OPODO régularisées tardivement le 26 janvier 2012 ainsi que ses nouvelles pièces n° 25 à 32.

Vu les conclusions de procédure en réponse signifiées le 02 février 2012 par lesquelles la SAS OPODO prie la cour de :

A titre principal :

— déclarer la société RYANAIR irrecevable à soulever une atteinte au principe du contradictoire à défaut d’avoir sollicité une révocation de l’ordonnance de clôture,

— constater qu’elle n’a pas bénéficié du temps utile pour répondre à l’ensemble des arguments contenus dans les conclusions n° 3 de la société RYANAIR,

— prononcer la révocation de l’ordonnance de clôture intervenue le 26 janvier 2012 et ce faisant rabattre la clôture au 02 février 2012, date des plaidoiries,

A titre subsidiaire :

— débouter la société RYANAIR de sa demande de rejet des débats de ses conclusions d’appel n° 3 régularisées le 26 janvier 2012,

A titre infiniment subsidiaire si la cour rejetait ses conclusions du 26 janvier 2012 :

— rejeter des débats les pièces et conclusions d’appel n° 3 de la société RYANAIR signifiées le 11 janvier 2012.

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

I : SUR LA PROCÉDURE :

Considérant qu’il ressort des pièces de la procédure que la société RYANAIR, partie demanderesse et appelante, a signifié ses dernières conclusions le 13 janvier 2012, lesquelles par leur importance et le développement des moyens et arguments avancés, nécessitaient une réponse de la société OPODO, partie défenderesse et intimée.

Considérant que les conclusions de la société OPODO signifiées le 26 janvier 2012, jour de l’ordonnance de clôture, ne se différencient de ses précédentes conclusions du 15 décembre 2011 qu’en ce qu’elles répondent aux moyens et arguments présentés par la société RYANAIR dans ses propres conclusions du 13 janvier 2012 sans soulever des prétentions ou des moyens nouveaux ; qu’elles n’appelaient donc pas de réponse particulière de la part de la société RYANAIR qui, au demeurant, n’a pas sollicité une révocation de l’ordonnance de clôture pour pouvoir y répliquer.

Considérant dès lors que les conclusions de la société OPODO signifiées le 26 janvier 2012 ne sont qu’une réplique aux conclusions adverses, de peu antérieures, et qu’elles ne portent pas atteinte au principe du contradictoire ; que la société RYANAIR sera donc déboutée de sa demande de rejet desdites conclusions.

Considérant que, de ce fait, la demande infiniment subsidiaire de la société OPODO en rejet des conclusions de la société RYANAIR du 12 janvier 2012 en cas de rejet de ses propres conclusions du 26 janvier 2012 devient sans objet.

Considérant d’autre part qu’il n’est pas contesté par la société OPODO que les pièces n° 25 à 32 figurant au bordereau annexé à ses conclusions du 26 janvier 2012 n’ont pas été communiquées à la société RYANAIR antérieurement à l’ordonnance de clôture ; que la société OPODO demande la révocation de l’ordonnance de clôture du 26 janvier 2012 et le report de la clôture au 02 février 2012, jour des plaidoiries, en soutenant qu’elle n’a pas disposé du temps utile pour déposer ses dernières pièces en réponse aux conclusions de la société RYANAIR.

Mais considérant que les pièces n° 25 à 29 sont des documents largement antérieurs à l’ordonnance de clôture, remontant, pour le plus ancien, à l’année 2005 ; que le constat d’huissier objet de la pièce n° 30 est daté du 25 janvier 2012, donc également antérieur à l’ordonnance de clôture ; que la pièce n° 31, intitulée 'Analyse des constats RYANAIR', n’est pas datée et n’apparaît pas comme n’ayant pu être obtenue que postérieurement à l’ordonnance de clôture ; qu’enfin la pièce n° 32 n’est qu’une 'suggestion de questions préjudicielles’ dont la société OPODO ne tire au demeurant aucune conséquence puisqu’elle ne présente aucune demande de question préjudicielle.

Considérant dans ces conditions, qu’il n’existe aucune cause grave postérieure à l’ordonnance de clôture du 26 janvier 2012 susceptible de justifier la demande de révocation de celle-ci présentée par la société OPODO qui en sera donc déboutée.

Considérant en conséquence que les pièces n° 25 à 32 telles qu’énumérées au bordereau annexé aux conclusions de la société OPODO du 26 janvier 2012 seront écartées des débats pour ne pas avoir été communiquées antérieurement à l’ordonnance de clôture du 26 janvier 2012.

II : SUR LA PROTECTION DE LA BASE DE DONNÉES DE LA SOCIÉTÉ RYANAIR :

Considérant que la société RYANAIR fait valoir qu’elle a constitué une base de données contenant l’ensemble des informations nécessaires à ses clients et à son activité et qu’elle bénéficie à ce titre de la protection sui generis prévue aux articles L 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle transposant en droit interne la directive 96/9/CE du Parlement Européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données.

Considérant que la société RYANAIR fait encore valoir, au visa de la décision rendue le 09 novembre 2004 par la Grande Chambre de la CJUE (The British Horseracing Board), qu’il est indifférent que la personne qui est à l’initiative de la création de la base de données soit également à l’origine des données qu’elle contient et que la protection sui generis est octroyée dès lors que le producteur de base de données justifie avoir déployé des investissements quantitativement et qualitativement substantiels pour constituer la base ou vérifier ou présenter les données qui y sont contenues.

Considérant que la société RYANAIR déclare verser aux débats des factures, des attestations et une note d’étude de M. [I] [N] démontrant, selon elle, qu’elle consacre des investissements financiers, matériels et humains importants pour constituer sa base, en vérifier le contenu, la présenter et la rendre accessible par l’intermédiaire de l’application informatique en ligne bookryanair.com.

Considérant que la société RYANAIR soutient que, dès lors, la société OPODO ne peut, sans autorisation de sa part, extraire systématiquement et de manière répétée les données contenues dans sa base de données et présentées sur son site Internet www.bookryanair.com et les reproduire intégralement sur son propre site www.opodo.fr et que, ce faisant, cette société porte atteinte à ses droits de producteur de base de données en s’appropriant indûment son travail et ses efforts et en réutilisant à son profit le contenu de cette base de manière à pouvoir commercialiser ses billets et en tirer de substantiels profits.

Considérant que, pour sa part, la société OPODO fait d’abord valoir que la société RYANAIR ne détaille à aucun moment la structure de sa base et les données qui y sont contenues, se contentant d’explications techniques sur son infrastructure logicielle et matérielle et qu’en ne distinguant pas clairement ce qui relève du périmètre de la base de données de ce qui relève du périmètre des programmes liés à la fabrication et au fonctionnement de la base de données, elle ne met pas la cour dans la possibilité d’apprécier tout investissement substantiel de la société RYNAIR au sens du droit sui generis des bases de données.

Considérant que la société OPODO fait encore valoir que la société RYANAIR ne rapporte pas la preuve d’investissements autonomes de la création des éléments de sa base, tant pour la constitution de cette dernière que pour sa vérification ou encore sa présentation.

Considérant que la société OPODO soutient qu’à supposer même que la société RYANAIR puisse se prévaloir du droit sui generis des bases de données, elle n’a effectué aucune extraction d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base de données de la société RYANAIR qui est accessible au public, l’opération de la société OPODO constituant une simple consultation de données sans appropriation puisque la vente des billets est directement effectuée sur le système de réservation de la société RYANAIR.

Considérant enfin que la société OPODO soutient que la société RYANAIR ne prouve aucune extraction ou réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de sa base, qui excéderait manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données au sens de l’article L 342-2 du code de la propriété intellectuelle.

L’existence d’une base de données protégeable par le droit sui generis :

Considérant que la société RYANAIR fonde son action sur les articles L 341-1 à L 343-4 du code de la propriété intellectuelle ; qu’en application des dispositions de l’article L 341-1, le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection spécifique (qualifiée de sui generis) du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel.

Considérant que ces dispositions sont la transposition, en droit français, de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 dont l’objectif, selon son 39ème considérant, est 'de protéger les fabricants de bases de données contre l’appropriation des résultats obtenus de l’investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu'.

Considérant que la société RYANAIR a fait procéder, le 21 juillet 2011, à une étude technique confiée à M. [I] [N], expert en technologies de l’information et des communications, que cette pièce (n° 44 de la société RYANAIR), régulièrement produite aux débats, a été soumise à la discussion contradictoire de la part de la société OPODO qui a fait procéder, le 18 décembre 2011, à sa propre étude technique critique par M. [Y] [R], expert en informatique, pièce également produite aux débats (pièce n° 24 de la société OPODO).

Considérant qu’il ressort de ces études et des pièces produites que la société RYANAIR développe un site internet, www.ryanair.com, à partir duquel l’internaute peut accéder à l’ensemble de ses services d’informations générales, de gestion de réservation et vente de billets de transport aérien, de vente de prestations optionnelles et de billetterie et vente de prestations annexes.

Considérant que pour la commercialisation de ses services, l’internaute est automatiquement redirigé sur un service web spécifique, www.bookryanair.com, application informatique de billetterie et de paiement sécurisé reposant sur un système de gestion de bases de données alimenté et organisé pour ce type de billetterie à partir de données multiples.

Considérant que le système www.bookryanair.com repose ainsi sur diverses sources d’information figurant dans des bases de données distinctes relatives à la billetterie (vols, aéroports, horaires, tarifs, sièges disponibles, etc) et aux prestations annexes (hôtellerie, location de véhicules, etc).

Considérant que l’expert de la SAS OPODO estime que ce qui caractérise une base de données est d’abord son autonomie où les données sont compilées, indexées et architecturées en un corpus unique et qu’une billetterie n’est pas une entité en soi dès lors que les données qu’elle contient n’ont pas pour finalité de communiquer une information mais seulement de permettre la vente des billets.

Considérant que selon cet expert l’ensemble des vols de la société RYANAIR n’est ni collecté, ni rassemblé pour constituer un produit susceptible d’être exploité indépendamment d’une application de billetterie aérienne et que les données du système de billetterie ne sont pas des données collectées, émanant de tiers, mais des données créées par elle à partir des vols qu’elle met en place et commercialise.

Considérant que l’article L 112-3, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle définit la base de données comme étant un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.

Considérant que les informations stockées par la société RYANAIR sont relatives à ses vols, ses horaires, ses disponibilités et ses tarifs ; qu’il s’agit d’une source de données indépendantes, organisées et structurées de manière à pouvoir être facilement manipulées en vue de leur consultation individuelle par les internautes souhaitant acheter un billet de transport aérien pour une destination et une période particulières.

Considérant en outre qu’il importe peu que la constitution d’une base de données soit liée à l’exercice de l’activité principale de la société RYANAIR, également créatrice des éléments contenus dans cette base, tout producteur d’une base de données ayant un intérêt à investir dans le champ de son activité.

Considérant en conséquence que ces données et informations constituent bien une base de données au sens de l’article L 112-3, dernier alinéa précité, pouvant être protégée par le droit sui generis des articles L 341-1 à L 343-4.

L’existence d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel pour la constitution, la vérification ou la présentation de la base de données :

Considérant que la CJUE, dans quatre arrêts du 09 novembre 2004 (affaire The British Horseracing Board Ltd et a. c/ William Hill Organization Ltd – affaires Fixtures Marketing Ltd c/ Oy Veikkaux Ab, Svenska Spel AB et Organismos prognostikon agonon podosfairou AE), a dit pour droit que 'la notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1 de la directive (…) doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base', à l’exclusion des 'moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données’ ; que la 'notion d’investissement lié à la vérification du contenu de la base de données (…) doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci', à l’exclusion des 'moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d’éléments par la suite rassemblés dans une base de données'.

Considérant que ce droit sui generis n’est donc pas destiné à stimuler la création de données mais à rentabiliser l’investissement affecté à la constitution d’un ensemble informationnel ; qu’il appartient à la société RYANAIR de justifier que les investissements qu’elle invoque sont bien relatifs à la collecte de données, à la mise à jour de sa base et à son architecture en les distinguant de ceux concernant la billetterie et la gestion des vols.

Considérant que de ce fait, les factures de licence pour l’utilisation du logiciel NETLINE (pièce n° 7 de la société RYANAIR) sont sans intérêt dans le cadre du présent litige puisque, comme l’indique d’ailleurs la société RYANAIR, ce logiciel sert à la création des données et non pas à la constitution de la base de données, seule protégeable par le droit sui generis.

Considérant qu’outre l’étude de M. [I] [N] précitée, la société RYANAIR produit, pour justifier des investissements qu’elle invoque, les factures émises par la société NAVITAIRE, son prestataire de services spécialisé dans le domaine aérien (pièce n° 7 bis) et trois attestations de salariés dont deux (celles de M. [X] [S], pièce n° 20 et de M. [B] [D], pièce n° 13) n’apportent aucun éclairage sur les investissements invoqués par la société RYANAIR pour constituer sa base de données, seule l’attestation de M. [C] [W] (pièce n° 21) pouvant être retenue comme l’a d’ailleurs pris en compte l’expert [N] dans son étude, ainsi que les factures de la société NAVITAIRE.

Considérant que l’expert [N] indique que l’application bookryanair.com a été élaborée et mise en oeuvre par cette société et son prestataire de service, la société NAVITAIRE ; que cette application collecte les besoins et informations de l’internaute puis interroge la base de données principale et les bases de données annexes afin d’assembler différentes informations spécifiques et conjoncturelles, procédant ensuite à des suggestions d’offres de services et à la présentation de celles-ci de façon interactive, puis à l’enregistrement des réservations et options, à la validation de prise de connaissance des conditions générales, au paiement par Internet et à l’édition des billets.

Considérant que cet expert précise que ce système s’appuie sur un dispositif spécialisé de gestion de bases de données conçu par la société NAVITAIRE qui fournit les moyens, héberge et exploite ce dispositif et met à la disposition de la société RYANAIR son expérience, son savoir-faire et ses ressources humaines.

Considérant que l’expert de la société RYANAIR retient trois catégories d’investissements effectués par cette société en matière de système d’informatique :

—  1) l’investissement en matière de systèmes de gestion commerciale et marketing, dont la réalisation et la gestion de son site internet www.ryanair.com,

—  2) l’investissement dans le système de billetterie sur internet, dont la conception, la réalisation et la gestion du dispositif bookryanair.com,

—  3) l’investissement dans la partie back office du dispositif de billetterie principalement confiée à la société NAVITAIRE.

Considérant qu’au terme de son étude, il en conclut que la société RYANAIR dépense environ 465.000 € par mois pour ce dispositif de réservation et de vente reposant principalement sur un serveur d’application www.bookryanair.com et sur un système de gestion de bases de données spécifique, sécurisé et performant, nécessitant des investissements considérables et des prestations d’assistance externe, notamment auprès de la société NAVITAIRE.

Considérant toutefois que cet expert envisage la notion de base de données sous son aspect purement informatique (lot d’informations stockées dans un dispositif informatique et manipulées par un logiciel appelé système de gestion de base de données) alors qu’il ressort de la définition donnée par l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle, que la protection sui generis des bases de données ne se limite pas aux bases de données informatisées et qu’en conséquence le terme 'base de données’ doit s’entendre dans son langage courant (toute source importante de données).

Considérant ainsi que – comme l’indiquent tant l’expert de la société RYANAIR lui-même que M. [G] [T], salarié de la société NAVITAIRE dans son attestation du 07 octobre 2010 produite par la société RYANAIR (pièce n° 35) – l’outil fourni par la société NAVITAIRE est un système de gestion de bases de données, qu’il s’agit donc d’un logiciel permettant d’organiser, de contrôler et de consulter la base de données et non pas d’une base de données au sens de l’article L 112-3 susvisé.

Considérant que les deux premières catégories d’investissements retenues par cet expert ne sont relatives qu’au système de gestion commerciale et à la billetterie et non pas pour la fabrication ou la production d’une base de données au sens commun du terme ; que l’expert inclut ainsi le coût des systèmes d’exploitation qui ne sont rien d’autre que les logiciels destinés à permettre le fonctionnement d’un ordinateur et qu’en ce qui concerne le coût d’hébergement du dispositif de gestion sur trois plate-formes, il ne procède à aucune ventilation entre ce qui relèverait de la gestion de la billetterie et ce qui ressortirait de la production d’une base de données au sens de l’article L 112-3.

Considérant dès lors que ces catégories d’investissements sont sans rapport avec des investissements relatifs à la collecte d’éléments existants et à leur rassemblement dans une base de données ou avec des investissements destinés à assurer la fiabilité de la base de données et à permettre le contrôle de son contenu.

Considérant qu’en ce qui concerne ses rapports avec la société NAVITAIRE, si la société RYANAIR produit 219 factures (pièce 7 bis) établies par cette société pour un montant total de 15.651.488 € sur une période de 4 ans et 1 mois, le contrat établi entre ces deux sociétés n’est pas produit aux débats et le propre expert de la société RYANAIR reconnaît ne pas y avoir eu accès.

Considérant que bien que ces factures, rédigées en langue anglaise, n’aient pas été traduites, l’expert de la société OPODO qui les a analysées indique, sans être formellement contredit, qu’elles recouvrent à la fois la mise à disposition de matériels et d’infrastructures informatiques dédiés à la société RYANAIR, l’hébergement de cette infrastructure dans les locaux de NAVITAIRE, les licences d’exploitation des logiciels de base, l’exploitation et l’administration du dispositif, les frais de support et de maintenance sans opérer une répartition des sommes entre ce qui constitue le coeur de métier de la société RYANAIR et ce qui relève de l’éventuelle production ou fabrication d’une base de données au sens commun de l’article L 112-3.

Considérant en conséquence que l’analyse de l’ensemble des éléments produits aux débats par la société RYANAIR ne permet pas à la cour d’apprécier si les investissements qu’elle invoque comme ayant été réalisés exclusivement pour la base de données l’ont réellement été à cette seule fin.

Considérant dès lors que faute de justifier d’investissements financiers, matériels et humains substantiels dans la constitution, la vérification ou la présentation de sa base de données, la société RYANAIR ne peut bénéficier de la protection sui generis du producteur de base de données prévue par l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle et que, de ce fait, les moyens et arguments de cette société relatives à son droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation systématique du contenu de sa base, tel que prévu par l’article L 342-1, ne sont pas pertinents.

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande présentée par la société RYANAIR au titre de l’atteinte aux droits du producteur d’une base de données

III : SUR LA CONTREFAÇON DE LA MARQUE 'RYANAIR’ :

Considérant que la société RYANAIR soutient qu’en proposant à la vente des vols RYANAIR en reproduisant à l’identique, sans son autorisation, les marques communautaires 'Ryanair’ n° 338 301 (semi-figurative) et n° 4 168 721 (verbale), la SAS OPODO viole ses droits de propriété intellectuelle.

Considérant qu’elle fait valoir qu’en commercialisant ses services liés aux billets d’avion de RYANAIR, la SAS OPODO utilise sans son autorisation les marques 'Ryanair’ en tant que marque dans la vie des affaires pour commercialiser ses propres services ('frais d’émission’ et autres) et non pas à titre d’information et viole ainsi les dispositions de l’article 9 du règlement n° 40/94 du 20 décembre 1993, codifié à l’article 9 du règlement 207/2009 du 26 février 2009.

Considérant que la société RYANAIR précise que l’article R 322-4 du code de l’aviation civile, invoqué par la SAS OPODO pour justifier de l’utilisation de sa marque, ne prime pas sur le droit des marques et ne peut pas autoriser des agissements interdits par le code de la propriété intellectuelle et que les exceptions prévues à l’article 12 du règlement n° 207/2009 précité qui permettent à un tiers, dans certaines circonstances précises, de faire usage d’une marque dans la vie des affaires, ne sont pas applicables en l’espèce.

Considérant que la société RYANAIR en conclut qu’en modifiant les options pour ses billets, lorsque l’internaute réserve une assurance proposée par OPODO, en ne suggérant pas d’options de paiement gratuit et en ajoutant des frais qui n’existent pas, la SAS OPODO porte atteinte aux autres fonctions essentielles des marques et commet ainsi des actes de contrefaçon lui occasionnant un préjudice important.

Considérant que pour sa part, la SAS OPODO affirme ne porter aucunement atteinte à la fonction essentielle des marques 'Ryanair’ qu’elle reprend pour désigner non pas ses propres produits et services mais bien les services de la société RYANAIR ; qu’en outre, l’article R 322-4 du code de l’aviation civile qui est une disposition d’ordre public impose, sous peine de sanctions administratives, la communication aux consommateurs de l’identité du transporteur aérien.

Considérant que la SAS OPODO ajoute que, conformément à l’article 12 du règlement n° 207/2009, alinéa a), la société RYANAIR ne peut lui interdire l’usage dans la vie des affaires de son nom et, partant, d’une marque nominative reproduisant son nom telles les marques communautaires par elle invoquées, dans la mesure où l’usage de la marque 'Ryanair’ est nécessaire pour indiquer la destination des services proposés par elle.

Considérant que l’article R 322-4 du code de l’aviation civile dispose que toute personne qui commercialise des titres de transport aérien informe le consommateur, pour chaque tronçon de vol, de l’identité du transporteur contractuel et, le cas échéant, du transporteur de fait, cette information devant être communiquée par écrit ou par voie électronique dès que l’identité du transporteur effectif est connue et au plus tard lors de la conclusion du contrat de transport aérien ; que l’article R 330-20 du même code sanctionne le non respect de cette disposition par une amende administrative.

Considérant que ces dispositions particulières d’ordre public qui s’imposent aux agences de voyage doivent prévaloir sur des dispositions plus générales.

Considérant par ailleurs que l’article L 713-6, b) du code de la propriété intellectuelle autorise l’usage de la marque d’autrui comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine.

Considérant qu’il résulte de l’application combinée de ces dispositions que la société OPODO avait l’obligation de communiquer au consommateur l’identité de la compagnie aérienne RYANAIR et pouvait, pour ce faire et sans qu’il y ait eu de confusion, reproduire les deux signes litigieux à titre d’information sur le nom de la compagnie et non pas à titre de marques.

Considérant de ce fait que la contrefaçon de marque n’est pas établie et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté la société RYANAIR de son action en contrefaçon de marque.

IV : SUR L’ACTION EN RESPONSABILITÉ CIVILE DE LA SOCIÉTÉ RYANAIR :

Considérant qu’en invoquant des faits de violation par la SAS OPODO de ses droits de distribution entraînant une désorganisation et un parasitisme de ses activités ainsi qu’une concurrence déloyale, la société RYANAIR agit en responsabilité civile contre cette société, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle en raison de la violation des conditions d’utilisation de son site Internet et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité délictuelle en raison de la violation de ses droits à distribuer en direct ses services de transport.

Considérant que ces demandes sont donc recevables dans la mesure où elles ne sont pas présentées cumulativement mais alternativement, l’action en responsabilité délictuelle n’étant faite qu’à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour considérerait que les conditions d’utilisation du site Internet www.ryanair.com ne seraient pas opposables à la SAS OPODO.

L’action en responsabilité contractuelle :

Considérant que la société RYANAIR soutient que tout internaute se rendant sur son site Internet www.ryanair.com serait contractuellement lié par les 'conditions d’utilisation du site Web de Ryanair’ dont l’article 3 indique que l’internaute n’est pas autorisé à utiliser ce site web à des fins autres que privées et non commerciales et que l’utilisation d’un système ou d’un logiciel automatique pour extraire des données de ce site ou du site www.bookyanair.com à des fins commerciales est interdite.

Considérant toutefois qu’il ressort notamment du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 21 septembre 2010 à la requête de la société RYANAIR (pièce 31 de son dossier) que ce document prétendument contractuel ne figure pas en page d’accueil du site Internet www.ryanair.com (copie d’écran page 10 du procès-verbal) et que ce n’est que si l’internaute souhaite simplement poursuivre la consultation du site en cliquant sur le lien 'Rechercher des vols’ qu’il est invité au préalable à cocher une case en regard de la mention 'J’ai lu et accepté les Termes d’utilisation du site Internet Ryanair’ dont les termes, reproduits en annexe 2 du procès-verbal de constat, ne sont accessibles qu’en cliquant sur l’hyperlien 'Termes d’utilisation du site Internet Ryanair'.

Considérant que le simple fait de se rendre sur un site Internet afin de consulter celui-ci sans encore présenter une quelconque demande telle qu’une commande ou une réservation ne saurait engager l’internaute dans des liens contractuels avec la société propriétaire de ce site ; qu’en l’absence, à ce stade de la consultation, de toute demande de la part de l’internaute et de toute offre de la part du propriétaire du site, il n’existe aucune relation de nature contractuelle.

Considérant qu’il ressort du procès-verbal de constat d’huissier susdit que ce n’est qu’après avoir pu consulter les destinations et horaires et avoir fait le choix de son vol que l’internaute est invité, avant de pouvoir réserver son billet d’avion avec la société RYANAIR, à cocher une case en regard de la mention 'J’ai lu et j’accepte les Termes et conditions de voyage et les Conditions d’utilisation du site Web. Tout voyage est soumis aux conditions générales de transport des passagers et des bagages de Ryanair'.

Considérant que les 'Termes et conditions de voyage', reproduits en annexe 8 du procès-verbal de constat, les 'Conditions d’utilisation du site Web', reproduites en annexe 9 (dont il convient de relever qu’elles sont rédigées en langue anglaise en contravention de la loi n° 94-665 du 04 août 1994 relative à l’emploi de la langue française) et les 'Conditions générales de transport des passagers et des bagages de Ryanair', reproduites en annexe 10, ne peuvent donc s’appliquer qu’à l’internaute qui entend conclure avec la société RYANAIR un contrat de transport aérien de personne par la réservation d’un billet pour une destination et une date précises.

Considérant que l’internaute qui effectue sa réservation à partir du site de la SAS OPODO est, en fin de consultation, renvoyé sur le site web de la société RYANAIR (page 49 du procès-verbal de constat) où sa réservation est finalement concrétisée entre cette société et cet internaute ; que la SAS OPODO, qui intervient comme intermédiaire, titulaire d’une licence d’agent de voyage, reste un tiers à ce contrat de réservation de billet d’avion dont les stipulations ne lui sont donc pas opposables.

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société RYANAIR au titre d’une responsabilité contractuelle de la SAS OPODO.

L’action en responsabilité délictuelle :

Considérant qu’à titre subsidiaire, la société RYANAIR invoque son droit à maîtriser la distribution de ses services en s’opposant à l’intervention d’une agence de voyage et agit en responsabilité délictuelle à l’encontre de la SAS OPODO qui, en permettant aux consommateurs de réserver sur son site des billets Ryanair malgré l’interdiction formulée par celle-ci depuis 2007, désorganise et parasite très sérieusement la distribution de ses services et nuit gravement à sa réputation commerciale en la concurrençant de manière déloyale.

Considérant que la société RYANAIR fait valoir que la SAS OPODO offre le même service de réservations de billets et le même type de prestations accessoires et que le seul objet de la licence d’agent de voyage qu’elle s’est octroyée (illégalement selon la société RYANAIR) est de la concurrencer.

Considérant que la société RYANAIR ajoute que la SAS OPODO publie des informations mensongères en faisant supporter aux consommateurs qui réservent des billets sur son site des commissions et des surcharges de prix sans les en informer, ce qui facilite et aggrave encore la désorganisation de sa propre distribution et la désavantage dans la concurrence.

Considérant que la société RYANAIR en conclut que par ces agissements, la SAS OPODO la prive d’un revenu substantiel correspondant à la vente et/ou la présentation à partir de son site de prestations accessoires (assurance voyage, location de voitures, hébergement …) ou de services optionnels (embarquement prioritaire, alerte SMS, paiement sans frais, assistance pour personne handicapée à l’aéroport, enregistrement de bagages hors format …).

Considérant que la SAS OPODO fait valoir que la seule restriction à la commercialisation de billets d’avion provient de la loi qui a réglementé la profession d’agent de voyage et que ce n’est pas elle qui vend les billets, mais la société RYANAIR sans remettre en cause le modèle de distribution de cette dernière.

Considérant en effet, que conformément aux dispositions des articles L 211-1 et L 211-18 du code du tourisme, la seule restriction légale à la commercialisation de billets d’avion en ligne est constituée par l’obligation d’être immatriculé au registre des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours prévu par l’article L 141-3 du dit code ; que tel est bien le cas de la SAS OPODO ainsi qu’elle en justifie.

Considérant que la société RYANAIR ne prouve pas autrement que par ses propres allégations que la SAS OPODO se serait 'octroyée illégalement’ sa licence d’agent de voyage dans le seul but de la concurrencer déloyalement.

Considérant dès lors qu’en vertu du principe général de la liberté du commerce et de l’industrie, le fait pour une compagnie aérienne de vendre directement ses billets d’avion ne saurait lui permettre d’interdire unilatéralement à une agence de voyage, régulièrement immatriculée, de proposer ces mêmes billets à la vente dans le cadre de sa propre activité professionnelle.

Considérant au surplus que la société RYANAIR ne justifie pas en quoi l’activité de la SAS OPODO désorganiserait la distribution de ses services, étant rappelé que l’achat et la réservation du billet sont effectués sur le site de la société RYANAIR et non pas par la SAS OPODO qui ne facture que des frais annexes au titre de sa propre rémunération.

Considérant en effet que la société RYANAIR ne produit à cet effet (pièce n° 52 de son dossier) qu’une lettre de réclamation émanant d’un consommateur allemand ayant effectué une réservation en septembre 2011 à partir d’un site allemand (www.cheapfares.de) sans aucun rapport avec la SAS OPODO.

Considérant qu’en ce qui concerne les revenus engendrés par la présentation sur le site de la société RYANAIR, de prestations accessoires à sa vente de billets d’avion, telles que la réservation de chambres dans des établissements hôteliers ou la location de voiture, il convient de noter qu’une telle activité relève des dispositions de l’article L 211-1 du code du tourisme, lesquelles sont ignorées par la société RYANAIR.

Considérant en tout état de cause, que l’activité d’intermédiaire de la SAS OPODO ne prive pas la société RYANAIR de ces revenus ainsi que de ceux engendrés par la présentation de services optionnels dans la mesure où, ainsi que cela ressort notamment du procès-verbal de constat d’huissier des 02 et 03 décembre 2009 (pièce n° 20 du dossier de la SAS OPODO), ces offres sont reprises dans le courriel de confirmation de réservation adressé par la SA RYANAIR au consommateur ayant effectué sa commande par l’intermédiaire de la SAS OPODO ; qu’il lui suffit en effet de cliquer sur les liens hypertexte correspondants figurant sur ce courriel pour accéder à ces offres et y souscrire, s’il le souhaite.

Considérant qu’en ce qui concerne les allégations d’informations mensongères quant aux prix pratiqués par la SAS OPODO, cette dernière justifie que les prix des billets d’avion sont rigoureusement identiques à ceux proposés par la société RYANAIR sur son propre site pour la même destination à la même date (ainsi un Paris-Rome pour 225,54 € aller-retour ou un Paris-Dublin pour 159,47 € aller-retour, frais d’administration inclus), les comparaisons effectuées par la société RYANAIR n’étant pas pertinentes soit qu’il s’agisse d’une simple impression d’écran sans garantie d’authenticité (pièce n° 15 de la société RYANAIR), soit que les opérations effectuées par huissier sur les deux sites n’aient pas été identiques (tel que le choix du mode de paiement pouvant engendrer des frais supplémentaires selon la carte de crédit sélectionnée).

Considérant que la SAS OPODO, comme tout agent de voyage, n’agit pas comme mandataire des sociétés de transport de personne dont elle commercialise les billets par son activité d’intermédiaire et ne perçoit aucune rémunération de leur part ; qu’elle peut dès lors licitement facturer des frais de dossier ou proposer sa propre assurance annulation en distinguant, comme elle le fait sur son site, ces frais supplémentaires du prix du billet.

Considérant que le consommateur est ainsi suffisamment informé du coût total de sa commande passée par l’intermédiaire de la SAS OPODO et qu’il a toujours la possibilité, s’il ne souhaite pas payer ces frais distincts, de se rendre sur le site de la compagnie de transport pour y acheter directement son billet.

Considérant enfin que si la société RYANAIR est un transporteur aérien de passagers à bas prix (low cost), tel n’est pas le cas de la SAS OPODO qui est une agence de voyage en ligne permettant aux consommateurs de comparer les prix des différentes sociétés de transport et d’effectuer une réservation par son intermédiaire ; que, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, loin de détourner la clientèle de la société RYANAIR, la SAS OPODO lui apporte au contraire des clients nouveaux sans qu’il puisse être retenu à son encontre de quelconques faits de concurrence déloyale ou de parasitisme.

Considérant que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société RYANAIR fondée sur la responsabilité contractuelle et délictuelle pour des faits de concurrence déloyale.

V : SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS DE LA SAS OPODO :

Considérant que le 24 janvier 2008 la société RYANAIR a diffusé le communiqué suivant :

'RYANAIR BLOQUE OPODO ET CONSEILLE AUX PASSAGERS D’EVITER LES AGENTS DE VOYAGE EN LIGNE QUI LES ARNAQUENT ; SEUL RYANAIR GARANTIT LES TARIFS LES PLUS BAS.

Ryanair, la compagnie aérienne à bas coûts, leader en Europe, annonce aujourd’hui (le jeudi 24 janvier 2008) qu’il va bloquer opodo.fr et les autres agents de voyage en ligne qui trompent les voyageurs en vendant des billets d’avion Ryanair sur leurs sites. Ces agents non autorisés triplent souvent les tarifs proposés sur www.ryanair.com et ne donnent pas le choix aux passagers d’utiliser notre service gratuit d’enregistrement en ligne.

Opodo est tenu par un consortium de compagnies aériennes à tarifs élevés, comme Air-France, Alitalia, Bristih Airways, Iberia et Aer Lingus. La vente de billets Ryanair est illégale et non autorisée en dehors du site www.ryanair.com.

[F] [H], Directeur de la communication de Ryanair déclare aujourd’hui :

Ryanair fait de la vente directe, les passagers devraient donc éviter les agents de voyage en ligne qui les arnaquent en leur imposant des surcharges à des prix exorbitants et trompent les passagers. Nous avons écrit à ces agents de voyage en ligne en leur demandant d’arrêter immédiatement de berner les passagers avec la vente illégale et non autorisée de billets Ryanair… Ryanair se décide aujourd’hui à agir car :

1) Le coût des surcharges est excessif – les prix sont souvent triplés

2) Ils n’informent pas les passagers des changements d’horaire

3) Ils ne proposent pas aux passagers de pré-enregistrer leurs bagages en ligne

4) Ne proposent pas aux voyageurs d’utiliser le service gratuit Ryanair d’enregistrement en ligne.

Ces sites peuvent doubler, voire tripler le prix d’un billet Ryanair (…). Les passagers doivent savoir qu’il n’y a qu’un seul site où les tarifs les plus bas sont garantis : www.ryanair.com.'

Considérant que la SAS OPODO affirme que ce communiqué est dénigrant en prétendant qu’elle arnaquerait, tromperait ou bernerait les passagers en triplant le prix des billets et qu’elle serait 'tenue par un consortium de compagnies aériennes à tarifs élevés’ et que ces propos sont mensongers, la comparaison effectuée sur les prix n’étant pas objective.

Considérant que la SAS OPODO considère qu’il s’agit d’une publicité comparative ne respectant pas les dispositions de l’article L 121-8 du code de la consommation, constitutive d’un acte de concurrence déloyale à son encontre.

Considérant que la société RYANAIR soutient que les critiques formulées dans ce communiqué, à supposer qu’elles soient répréhensibles, ne pouvaient être constitutives que d’une diffamation relevant de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et non pas de l’article 1382 du code civil et que, conformément aux dispositions de l’article 65 de la dite loi, l’action de la SA OPODO est prescrite depuis le 24 avril 2008.

Considérant que la société RYANAIR soutient, subsidiairement, que ce communiqué n’est pas abusif à l’égard de la SAS OPODO et qu’elle n’a commis aucune faute.

Mais considérant que par ce communiqué, la société RYANAIR affirme être la seule à pratiquer les tarifs les plus bas pour ses billets d’avion par rapport aux agents de voyage en ligne et, tout particulièrement, la SAS OPODO expressément citée ; que pour ce faire elle se livre à une publicité trompeuse au sens de l’article L 121-8 du code de la consommation en dénigrant la SAS OPODO (prétendument tenue par un consortium de compagnies aériennes pratiquant des tarifs élevés), l’accusant d’arnaquer les passagers par la vente illégale de billets Ryanair, le triplement des prix et l’absence d’information sur les services, allégations fausses ainsi qu’il l’a été analysé précédemment.

Considérant que les allégations contenues dans ce communiqué, lesquelles visent expressément la SAS OPODO, n’ont pour objet que de porter le discrédit sur son offre de services dans le but clairement indiqué de détourner la clientèle de la SAS OPODO en portant atteinte à sa réputation, qu’il s’agit bien de faits constitutifs de concurrence déloyale relevant de l’article 1382 du code civil et non pas d’une diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et qu’ainsi l’action de la société OPODO n’est pas prescrite.

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société RYANAIR du fait de ce communiqué et l’a condamné à payer à la SAS OPODO la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, correctement évaluée compte tenu des éléments de la cause.

Considérant en revanche qu’il convient d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas ordonné, à titre de mesure réparatrice complémentaire, la publication de sa décision.

Considérant en effet que le communiqué de la société RYANAIR a fait l’objet d’une large diffusion, notamment sur Internet, que la seule allocation de dommages et intérêts est insuffisante à réparer intégralement le préjudice subi par la SAS OPODO du fait de ce communiqué ; qu’il sera ainsi fait droit à ses demandes de publication d’un communiqué, dans les termes figurant au dispositif du présent arrêt, d’une part sur le site Internet de la société RYANAIR pendant une durée de trente jours et d’autre part dans les journaux Le Figaro, Les Echos et Le Quotidien du tourisme aux frais de la société RYANAIR, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 5.000 € HT (soit 15.000 € au total), ce dans le mois de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire, pour chacune des deux insertions, de 1.000 € par jour de retard passé ce délai et ce, pendant une durée de quatre mois, la cour ne se réservant pas la liquidation de ces astreintes relevant de la compétence du juge de l’exécution.

Considérant que la parution du communiqué sur le site Internet de la société RYANAIR sera portée à une durée de soixante jours ininterrompus en cas de non insertion dans le délai imparti, nonobstant l’application de l’astreinte éventuellement due.

VI ; SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant qu’il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique de la partie condamnée, d’allouer à la SAS OPODO la somme de 40.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance.

Considérant que la société RYANAIR, partie perdante en son appel, ne pourra qu’être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Considérant que, pour les mêmes motifs, la société RYANAIR sera condamnée au paiement des dépens d’appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de première instance.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.

Déboute la société de droit irlandais RYANAIR Limited de sa demande de rejet des conclusions de la SAS OPODO signifiées le 26 janvier 2012.

Déclare sans objet la demande infiniment subsidiaire de la SAS OPODO en rejet des conclusions de la société RYANAIR du 12 janvier 2012 en cas de rejet de ses propres conclusions du 26 janvier 2012.

Déboute la SAS OPODO de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 26 janvier 2012.

Écarte des débats les pièces n° 25 à 32 telles qu’énumérées au bordereau annexé aux conclusions de la SAS OPODO du 26 janvier 2012 pour ne pas avoir été communiquées antérieurement à l’ordonnance de clôture du 26 janvier 2012.

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il n’a pas fait droit aux mesures de publication de la décision sollicitées par la SAS OPODO, infirmant partiellement de ce chef et statuant à nouveau :

Ordonne la parution du communiqué suivant pendant une durée de trente jours, en police Times New Roman 12, dans la rubrique 'Nouvelles’ du site Internet www.ryanair.com, sous l’intitulé 'Publication judiciaire’ :

'Par décision en date du 23 mars 2012, la société RYANAIR a été condamnée par la cour d’appel de Paris pour avoir commis un acte de concurrence déloyale à l’encontre de la SAS OPODO caractérisé par la diffusion d’un communiqué de presse en date du 28 janvier 2008. La société RYANAIR a été condamnée à payer à la SAS OPODO la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 40.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La publication judiciaire et la condamnation aux dépens ont également été ordonnées par la cour d’appel de Paris.'

Dit que cette insertion devra intervenir dans le mois de la signification du présent arrêt sous astreinte provisoire de MILLE EUROS (1.000 €) par jour de retard passé ce délai, ce pendant une durée de quatre mois.

Dit qu’à défaut de parution du communiqué dans le délai imparti et nonobstant l’application de l’astreinte éventuelle due, la période de parution du communiqué sera portée à soixante jours ininterrompus à compter de la date de mise en ligne du communiqué.

Ordonne la parution du communiqué suivant en police Times New Roman 12 dans les journaux Le Figaro, Les Echos, Le Quotidien du tourisme, aux frais de la société RYANAIR sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) HT, soit au total QUINZE MILLE EUROS (15.000 €) HT, sous l’intitulé 'Publication judiciaire’ :

'Par décision en date du 23 mars 2012, la société RYANAIR a été condamnée par la cour d’appel de Paris pour avoir commis un acte de concurrence déloyale à l’encontre de la SAS OPODO caractérisé par la diffusion d’un communiqué de presse en date du 28 janvier 2008. La société RYANAIR a été condamnée à payer à la SAS OPODO la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 40.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La publication judiciaire et la condamnation aux dépens ont également été ordonnées par la cour d’appel de Paris.'

Dit que cette insertion devra intervenir dans le mois de la signification du présent arrêt sous astreinte provisoire de MILLE EUROS (1.000 €) par jour de retard passé ce délai, ce pendant une durée de quatre mois.

Dit n’y avoir lieu à se réserver la liquidation de ces astreintes.

Condamne la société RYANAIR à payer à la SAS OPODO la somme de QUARANTE MILLE EUROS (40.000 €) au titre des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens.

Déboute la société RYANAIR de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société RYANAIR aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 23 mars 2012, n° 10/11168