Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 27 février 2013, n° 2012/04542

  • Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale·
  • Actes incriminés commis sur le territoire français·
  • Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Appropriation de l'effort d'autrui·
  • Survenance ou révélation d'un fait·
  • Personnalité juridique distincte·
  • Action en concurrence déloyale·
  • Titulaire du nom de domaine·
  • Demande nouvelle en appel·
  • Concurrence parasitaire

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le fait pour les défenderesses d’avoir utilisé un mannequin ayant présenté des collections de la demanderesse ne saurait caractériser une faute à leur encontre, alors qu’il n’est justifié d’aucune exclusivité.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 27 févr. 2013, n° 12/04542
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2012/04542
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 24 novembre 2011, N° 10/09501
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 25 novembre 2011, 2012/04542
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20130044
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 27 FEVRIER 2013

Pôle 5 – Chambre 1 Numéro d’inscription au répertoire général : 12/04542

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/09501

APPELANTE SA CELINE prise en la personne de son Directeur général […] 75001 PARIS Représentée par la SELARL De CANDE – B (Me Julien B) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0265) assistée de Me Julien B de la SELARL De CANDE – B (avocat au barreau de PARIS, toque : P0265)

INTIMÉES SARL ZARA France prise en la personne de son gérant […] 75012 PARIS Représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne B) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) assistée de Me Muriel ANTOINE L (avocat au barreau de PARIS, toque : R064)

Société INDITEX prise en la personne de ses représentants légaux Avenida de la Diputacion Edificio INDITEX 15142 ARTEIXO LA CORUNA ESPAGNE Représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne B) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) assistée de Me Muriel ANTOINE L (avocat au barreau de PARIS, toque : R064)

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 15 janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Mme Brigitte CHOKRON, Conseillère Madame Anne-Marie GABER, Conseillère qui en ont délibéré Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement contradictoire du 25 novembre 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Paris, signifié le 10 février 2012,

Vu l’appel interjeté le 9 mars 2012 par la société CÉLINE,

Vu les dernières conclusions du 10 octobre 2012 de la société appelante,

Vu les dernières conclusions du 6 décembre 2012 des sociétés ZARA France (ci-après dite ZARA) et

INDITEX, intimées et incidemment appelantes,

Vu l’ordonnance de clôture du 18 décembre 2012,

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société CÉLINE, ayant découvert l’offre en vente par la société ZARA d’un modèle de jupe constituant, selon elle, la reproduction des caractéristiques de son modèle de la collection été 2010, a fait assigner la société ZARA et son fournisseur, la société de droit espagnol INDITEX, les 21 et 25 juin 2010, devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire ;

Qu’aux termes du jugement dont appel, les premiers juges ont, pour l’essentiel, dit que le modèle de jupe- trapèze commercialisé par la société CÉLINE ne peut bénéficier de la protection au titre du livre I du Code de la propriété intellectuelle, retenu << qu’aucun acte de concurrence déloyale n’est caractérisé>> concernant cette jupe, et que tout risque de confusion est exclu, et même toute association entre les autres vêtements en cause ;

Considérant que la société CÉLINE conteste l’appréciation du tribunal en ce qui concerne les actes de concurrence déloyale, réitérant ses demandes de ce chef ; qu’elle maintient que les intimées, professionnelles averties du monde de la mode :

— auraient adopté une conduite déloyale et parasitaire constante en imitant, saison après saison, ses créations, qui connaîtraient un succès certain, pour offrir une garde robe 'CÉLINE’ à moindre coût à ses clientes,

— surveilleraient ses présentations au public pour proposer ensuite, à des prix très inférieurs, des modèles proches, ce qui caractériserait une politique de suivisme, aux fins de bénéficier indûment de son identité de maison de couture, du style particulier de ses modèles et de ses efforts ;

Considérant que les sociétés intimées invoquent, tout d’abord, l’irrecevabilité des prétentions adverses, concernant un manteau aux manches en cuir de la collection hiver 2010, un sac cabas bicolore de la collection printemps été 2011, et un escarpin à talon compensé de la collection hiver 2012, comme nouvelles en cause d’appel ;

Qu’il sera rappelé que, selon jugement entrepris, la société CÉLINE incriminait, outre la jupe susvisée, un modèle de robe bicolore comme reproduisant un top à manches courtes de la collection printemps été 2010 et <<'plus généralement les modèles qui présentent de troublantes ressemblances’ avec ceux de ses collections été 2010, hiver 2010, printemps 2001 et été 2011>> ;

Que même si le manteau et le sac, communiqués en première instance n’apparaissent pas avoir été explicitement opposés dans les écritures, ni examinés par les premiers juges, il ne saurait être admis que les prétentions concernant ces deux modèles sont nouvelles au sens de l’article 564 du Code de procédure civile, alors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges ;

Que s’agissant de la commercialisation en 2012 d’un escarpin il s’agit incontestablement de la survenance d’un fait nouveau depuis le jugement de 2011 ayant déjà statué sur l’action en concurrence déloyale d’autres modèles, et qui peut, en conséquence, être valablement incriminée pour la première fois en cause d’appel ;

Qu’il n’y a donc pas lieu à irrecevabilité ;

Considérant que les intimées réitèrent leur demande de mise hors de cause, au motif qu’il ne serait pas prouvé qu’elles auraient commercialisé en France les articles incriminés, la société appelante fondant son action sur des éléments issus d’un site internet 'www.zara.com’ auquel elles seraient étrangères ;

Que les premiers juges ont exactement relevé que l’implication des sociétés ZARA FRANCE et INDITEX dans l’exploitation de ce site supposait une appréciation au fond, de sorte que leur mise en cause ne pouvait prospérer ;

Qu’en revanche, s’il n’est pas réellement discuté que ce site s’adresse à un public français et comprend

dans sa dénomination la marque 'ZARA’ propriété de la société INDITEX, ni que le numéro de la société exploitant ce site est commun à la société ZARA France et qu’au 31 août 2011 la société INDITEX apparaît comme registrant du nom de domaine, il résulte des propres pièces de l’appelante, en particulier d’une commande passée sur ce site (pièce 104) et de procès verbaux de constat des 23 mars et 7 juin 2010 (pièces 30 et 63), que 'Zara’ est un nom commercial sous lequel exerçait une société irlandaise ITX E-commerce et qu’à l’époque des constats le nom de domaine appartenait à une société espagnole ZARA ESPANA SA, entités juridiques distinctes des intimées que la société appelante n’a pas cru devoir mettre en cause ;

Que le seul fait que les articles commandés et expédiés par une société tierce comportent une étiquette intérieure mentionnant la dénomination INDITEX ou la marque ZARA ne saurait suffire à prouver que les intimées ont vendus les produits présentés sur le site internet précité ;

Qu’à défaut par l’appelante de prouver que la commercialisation reprochée, réalisée sur ce site, est imputable aux intimées ou de justifier d’une autre diffusion des vêtements ou accessoires incriminés (pages 19, 26, 27, 32, 33, 34, 35 et 37 de ses écritures), savoir : un top et une robe avec une bande noire au niveau des épaules, un pantalon taille haute, un short cuir, une robe bicolore bleue et blanche, une robe à grandes poches, un chemisier à poches poitrine, une jupe bicolore lin naturel et bande noire, une robe à volants, une robe, une jupe et un chapeau avec des rayures bleues, noires et vertes, des robes courtes munies de deux grandes poches dans la découpe ou plaquées avec fermeture éclair sur toute la longueur et un modèle de sac, qui, selon elle, reproduiraient des articles de ses collections printemps, été, hiver 2010 et printemps, été 2011, aucune faute de ces chefs ne saurait être caractérisée à l’encontre des sociétés ZARA FRANCE et INDITEX ;

Considérant que si les modèles de jupes en cuir en cause ne sont, par ailleurs, toujours pas produits en original, ce qui relève d’une appréciation au fond, il convient d’examiner les éléments pouvant permettre de les identifier ; qu’à cet égard la reproduction d’une photographie extraite d’une page de 'VOGUE. COM', éditée en 2010 (pièce 3) montre que la jupe revendiquée comprend une ceinture ; qu’à supposer qu’elle puisse être rattachée de manière certaine au modèle facturé en pièce 124, dépourvu de ceinture selon le croquis annexé, la reproduction du modèle de jupe ZARA incriminé sur l’extrait d’un blog, de la même année, ne saurait suffire à démontrer que ce produit lui-ci s’inspirerait 'largement de l’esprit […] Céline’ ; qu’au contraire cette reproduction montre une jupe 'Zara’ d’apparence banale, sans poches visibles contrairement au modèle invoqué, et dont le seul élément particulier paraît être la ceinture, laquelle ne rappelle d’aucune manière celle de la jupe 'Céline’ ; qu’ainsi aucune faute des intimées ne saurait être retenue sur ce point ;

Considérant que les autres vêtements 'Céline’ qui demeurent opposés, produits en original, consistent en une jupe trapèze gansée de cuir, une robe à lacets, deux robes trench de la collection été 2010 et un manteau aux manches en cuir de la collection hiver 2010, les intimées prétendant que les vêtements incriminés seraient, en tout état de cause, très éloignés de leurs caractéristiques particulières ;

Que les premiers juges ont exactement relevé, compte tenu des éléments produits, que la jupe trapèze gansée 'Céline', revendiquée comme la plus emblématique de la collection été 2010 (page 40 des écritures de l’appelante), reprend des éléments connus et que celle vendue par la société ZARA France, versée aux débats, comporte, nonobstant une couleur comparable, des éléments propres, notamment à l’avant (poches gansées verticales avec ligne arrondie d’un surpiqûres, et surpiqûres entourant des passants) ne conférant pas l’effet épuré de la jupe Céline mais donnant un aspect de fantaisie produisant une impression d’ensemble différente ; que la société ZARA est fondée à préciser que l’effet de la jupe 'Céline', très courte, arrondie sur les côtés, dans une matière lui conférant une certaine rigidité, rappelant la forme d’un 'abat jour', est absent du modèle ZARA plus droit et plus long, même si des publications ont pu faire état, ce qui ne saurait être déterminant , de ressemblances entre ces modèles, étant observé qu’aucun élément ne permet de supposer que les intimées auraient pu maîtriser de telles informations et que d’autres publications indiquent, à l’inverse, que l’appelante s’inspirerait de créations préexistantes ;

Qu’il ressort également de la comparaison à laquelle la cour s’est livrée que le modèle 'Céline’ de robe à lacet revendiqué montre une robe très ample dépourvue de col, ras du cou, avec des surpiqûres de poches arrondies associées à une impression de grande poches carrées, traduisant un effet d’ensemble, totalement absent de la robe lacée 'Zara’ de forme droite avec col, légèrement décolletée, sans poches, ni évocation de poches, laquelle ne saurait ainsi rappeler le modèle revendiqué dont il n’est au surplus pas démontré qu’il présente une notoriété particulière ;

Que, de même, la robe trench 'Céline', sans manche, visée en page 26 des écritures de l’appelante, reprend le devant d’un 'trench coat', alors à la mode, comportant une double ligne de boutons visibles et un large col, se distinguant essentiellement par un système de ceinture croisée dans le dos composé dans sa partie inférieure de deux morceaux reliés à sa partie haute, par bouton, parti pris singulier totalement inexistant de la forme banale du dos et de la ceinture de la robe sans manche incriminée produite en original (pouvant seule être prise en compte, dès lors qu’il n’est pas justifié de la commercialisation -hors le site internet précité-d’un autre modèle de robe trench au demeurant non reproduit dans les écritures de l’appelante) ; que le modèle 'Zara’ produit ne ressemble pas plus à un second modèle trench 'Céline', versé aux débats qui présente également dans le dos une découpe particulière, totalement inexistante dans le modèle 'Zara’ ;

Que le manteau aux manches en cuir 'Céline’ de la collection hiver 2010 opposé présente la forme d’un pardessus ou loden dépourvu de boutons, tout comme le manteau 'Zara’ avec manches en simili cuir ; que toutefois l’absence de bouton pour des veste ou manteau était connue, ainsi qu’il résulte de la pièce 70 des intimées, et l’appelante ne dénie pas sérieusement l’apposition à la même époque de manches en cuir sur un blouson (en fait de forme veste-manteau) ; qu’en tout état de cause, aucun élément ne permet de retenir que, dans l’esprit du public pertinent, un manteau à manches en cuir sans boutonnage était susceptible d’évoquer le modèle 'Céline', d’autant qu’il n’est justifié d’aucune promotion spéciale de ce vêtement ;

Considérant que l’appelante invoque enfin un modèle d’escarpin à talon compensé de sa collection hiver 2012 ; que si l’escarpin 'Zara’ incriminé présente une allure globalement similaire, en dépit d’un talon nettement moins large au sol, aucune pièce ne permet de supposer que le modèle 'Céline’ a une notoriété particulière, alors que le talon compensé est connu et qu’il est justifié d’une tendance de la mode aux chaussures compensées en 2012 ;

Considérant, en définitive, qu’aucune évocation d’article 'CÉLINE’ dans l’esprit du consommateur de mode féminine ne s’avère en fait caractérisée à raison de la commercialisation imputable aux intimées ; qu’aucun fait de concurrence déloyale ou parasitaire ni de suivisme ne saurait donc être retenu à leur charge, alors qu’il n’est pas réellement démontré qu’elles auraient cherché dans le cadre de leur commercialisation de plus d’un millier d’articles par saison, non pas à profiter librement pour une saison déterminée de courants ou tendances éphémères de la mode, mais à bénéficier indûment d’une identité de collection ou d’une notoriété de modèles particuliers, ou, plus généralement, des efforts de l’appelante ; qu’il sera ajouté que le fait pour les intimées d’avoir pu utiliser un mannequin ayant présenté des collections de l’appelante ne saurait pas plus caractériser une faute à leur encontre, alors qu’il n’est justifié d’aucune exclusivité ;

Que toutes les demandes formées par l’appelante au visa de l’article 1382 du Code civil seront, en conséquence, rejetées et la décision entreprise confirmée sur ce point ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne la société CÉLINE aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, et dit n’y avoir lieu à nouvelle application de l’article 700 du dit Code au titre des frais irrépétibles d’appel.

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