Cour d'appel de Paris, 3 juillet 2015, n° 13/06963

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 03 JUILLET 2015

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/06963

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2013 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2012F00500

APPELANTE

SAS SET ENVIRONNEMENT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Thomas GHIDINI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0115

Représentée par Me Patrice AMIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : A15

INTIMEE

SA SOCIETE FRANCAISE D’EXPERTISE INFORMATIQUE ET DE X – S.F.E.I.R., agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Représentée par Me Georges JENSELME de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre

Paul André RICHARD, Conseiller XXX,

B-C D, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Paul-André RICHARD, Conseiller XXX, aux lieu et place de Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Président, empêché, et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société SET ENVIRONNEMENT (SET) , qui a pour objet la dépollution environnementale, le traitement des déchets, a fait développer dans le cadre de son activité un programme informatique de gestion de son activité appelé 'FM v20'. Ayant décidé de commercialiser ce programme sur la base de l’outil informatique métier de la S.A FRANCAISE d’EXPERTISE INFORMATIQUE et de X (SFEIR), société de services informatiques, ces deux société ont signé le 3 octobre 2011 un contrat d’une durée de trois mois renouvelables ayant pour objet la réalisation par cette dernière d’un progiciel spécifique, pour le prix de 246.543€ TTC ; la société SET a crée une structure juridique dédiée à la future commercialisation de cet outil informatique la société APIDEA, chargée conjointement avec la société SET de suivre le projet.

Estimant que ce prix est forfaitaire et se plaignant de nombreux dysfonctionnements, la société SET a refusé de payer les factures exigibles au 24 mai 2012.

Par acte d’huissier du 31 juillet 2012, la société SFEIR a fait assigner la société SET devant le Tribunal de commerce d’EVRY, qui par jugement du 13 mars 2013 a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

— condamné la société SET ENVIRONNEMENT à verser à la société SFEIR la somme de 195.418,82€ TTC en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2012,

— débouté la société SFEIR de sa demande de capitalisation des intérêts,

— condamné la société SET à payer la somme de 5.000€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon écritures signifiées le 8 juillet 2013, la société SET, appelante, sollicite :

— l’infirmation du jugement entrepris,

— le rejet des prétentions de la société SFEIR,

— la résiliation du contrat informatique aux torts de cette dernière,

— la condamnation de la société SFEIR à lui rembourser la somme versée de 99.289,27€ TTC, et à lui régler la même somme à titre de dommages et intérêts,

— la condamnation de la société SET à lui payer la somme de 20.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions signifiées le 9 septembre 2013, la société SFEIR, intimée, réclame :

— la confirmation du jugement querellé,

— la condamnation de la société SET à lui payer la somme de 10.000€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société SET reproche à la société SFEIR une inexécution de ses obligations en ce qu’elle n’a pas respecté le délai de réalisation et le prix au forfait prévus en application de l’article 1793 du Code civil et en ce que les prestations n’ont pas été exécuté de manière satisfaisante, selon elle ; elle excipe également d’une absence de livraison ou recette du travail, d’un défaut de visibilité de l’état d’avancement des prestations par rapport aux factures reçues, d’une absence d’évolution du champ contractuel, de difficultés rencontrées par son prestataire à propos d’un manque de personnel compétent, d’une absence d’information de modification de l’enveloppe globale.

La société SFEIR réplique que le cahier des charges n’est pas entré dans le champ contractuel, que la convention porte sur la réalisation d’un progiciel sur la base d’un logiciel pré-existant conçu pour répondre aux besoins spécifiques de la société SET, que la seule qualification essentielle est celle en 'mode Agile’ et une facturation en mode régie lesquelles entraînent des conséquences juridiques, que la validation conjointe des évolutions ressort des comptes-rendus des comités de pilotage, qu’elle a pleinement satisfait à son obligation de conseil, ainsi qu’à celle de soumettre à la recette les livrables, qu’enfin aucune date précise n’a été prévue pour finaliser le projet.

Avant de signer le contrat du 3 octobre 2011, la société APIDEA a transmis à la société SFEIR divers cahiers des charges relatifs à plusieurs modules (modules Agenda, DAF, Facturation client, Communication Hierarchie, des besoins fonctionnels SIRH) exprimant les besoins de la cliente, à la suite desquels la société SFEIR a établi un rapport d’audit de 43 pages exposant le contexte général, des généralités sur le système d’information, des architectures fonctionnelle, logicielle et technique, une analyse de la méthodologie, de la documentation , du développement et du modèle de données et enfin des préconisations, dont l’objectif était de transmettre un transfert à un moindre coût de la maîtrise d’oeuvre du périmètre applicatif à un prestataire externe.

Si les sociétés SET et SFEIR n’ont pas formellement considéré que ces deux documents (cahier des charges et audit) étaient entrés dans le champ contractuel, elles ont précisé en page 17 dudit contrat signé par elles, que l’ensemble des fonctionnalités à réaliser ont été recensées à partir des cahiers des charges précités et en page 18 que 'les charges du projet ont été évaluées à partir du cahier des charges et des réponses données lors des différentes sessions de travail', de sorte qu’il est toujours possible de s’y référer pour analyser, à leur lumière, certaines clauses contractuelles qui se révéleraient obscures.

Dans la synthèse de la proposition financière du contrat du 3 octobre 2011 au point 5, il est prévu que le prix est de 246.543€ TTC correspondant aux trois fonctions suivantes du projet : 'Proxy Product Owner, Désendettement technique, Réalisation des évolutions programmation, Tests unitaires, Documentation technique’ pour une charge totale définie de 259,50 jours. Les modalités de paiement sont ainsi fixées : 'une facturation mensuelle au temps passé sur un modèle 'regie’ avec une validation de présence sur la base d’un compte rendu d’activité (CRA) soumis à la validation de Set Environnement'. En page 18, de ce contrat, il est également précisé que la prestation démarrera le 5 octobre 2011 pour une durée de trois mois renouvelables.

La société SET n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 1793 du code civil relatif au marché à forfait, qui ne s’appliquent qu’au marché afférent à la construction de bâtiment conclu avec le propriétaire du sol, auquel ne peut être comparé un contrat de prestations de services informatiques.

Elle ne peut pas davantage prétendre qu’il convient de distinguer le mode de fixation du prix de la prestation et le mode de règlement de celui-ci, dès lors que le contrat ne fait nullement une telle distinction. La circonstance qu’il était prévu un prix qui pouvait être revu à la baisse était seulement lié à l’hypothèse où le projet serait livré 'avant la tenue des délais', sans autre précision, de sorte qu’il ne peut être tiré aucune conséquence juridique de cette clause.

Il est prévu au contrat du 3 octobre 2011 que la facturation est établi au temps passé sur un modèle’ régie’ ; il convient de rappeler que de manière courante, les travaux en régie ont pour signification les travaux d’un entrepreneur dont la facturation est fondée sur le nombre d’heures de main d’oeuvre passées, ce que ne peut ignorer la société SET, en sa qualité de professionnel.

Cette analyse du coût en fonction des heures passées est confortée par la teneur du compte rendu du comité de pilotage du 30 novembre 2011 aux termes duquel la société SFEIR a fait remarquer 'qu’au fil de la complétude du besoin, des fonctionnalités non prévues initialement sont venues compléter le backlog (visibles via la colonne hors périmètre initial. Dans le cas où cela aurait un impact de dépassement sur le budget initial alloué, SFEIR d’engage à en aviser SET, à l’avance'.

De même dans le compte rendu du 1er février 2012 au chapitre relatif au risque, il est précisé au paragraphe 'Evolution du périmètre : Impact du hors périmètre sur les délais et budget’ ;

La société SET ne saurait sérieusement critiquer ces documents en ce qu’il seraient unilatéraux car même s’ils sont rédigés par la société SFEIR, le président de la société SET participait à tous les comités de pilotage, et celle-ci en a été, en son temps, destinataire et aurait du les contester si elle estimait qu’ils contrefaisaient la réalité.

Enfin par mail du 9 mars 2012 Z A (société APIDEA) a écrit 'conformément aux conclusions de notre réunion de mercredi, nous achevons d’arbitrer sur l’ensemble du Backlog (sorte de reste à faire) ce que nous souhaitons prendre impérativement dans le solde du budget initial contracté par SET'.

Ainsi l’ensemble de ces documents établissent clairement d’une part, le fait que le prix convenu de 246.543€ TTC n’était pas un prix forfaitaire mais constituait une enveloppe au temps passé à ajuster selon les prestations à accomplir et des prestations supplémentaires se révélant au fur et à mesure, dont la société SET faisait le choix, d’autre part que la société SFEIR a pris un engagement formel d’informer la société SET d’un dépassement du budget, ce qui est conforme à l’article 4.2 du contrat qui stipule qu''un des objectifs est la tenue de délais pour un budget défini lors de la réunion du 22 septembre 2011, que la société SFEIR fournira de manière régulière une forte visibilité sur l’avancement du projet afin qu’APIDEA puisse arbitrer sur les priorités des itérations à venir'.

Ainsi la société SFEIR avait le devoir d’avertir la société SET d’un dépassement sur le budget initial et devait aussi 'mettre en place dans le backlog une rubrique hors périmètre initial’ pour les stories non estimées dans l’estimation du chiffrage de départ', pour attirer l’attention de sa cliente sur le dépassement du budget.

La société SFEIR ne peut s’exonérer de son obligation de conseil, en se prévalant d’un co-pilotage du contrat en mode Agile, puisque cette obligation avait été contractuellement définie.

Or elle ne justifie pas avoir créé immédiatement cette rubrique 'Hors périmètre initial’ et ce n’est que lors du compte rendu du 1er février 2012 qu’elle relévera à la rubrique 'Faits Marquants’ que 'le nombre de jours en régie prévu initialement pour Cédric Assignon a été consommé. Le besoin en proxy product owner étant toujours avéré, il faut prévoir un nouveau bon de commande avec un nombre de jours à définir par SET’ et à la rubrique 'Risques’ 'un impact du hors périmètre sur les délais et budget', sans d’ailleurs préciser l’étendue de cet impact.

De même ce n’est que sur demande du 28 février 2012 de la société SETqui s’inquiète du cumul des facturations et du pourcentage atteint d’objectifs en correspondance, que la societé SFEIR réplique qu’avec 75% de budget consommé, l’avancement est de 62% de l’ensemble des stories chiffré ce jour inclus dans le périmètre initial, 67% de l’application existante a été désendettée, 65 jours de travaux ont été réalisés hors périmètre initial.

Ainsi il est démontré qu’elle n’ a pas pleinement satisfait à son obligation de conseil, en ne créant pas la rubrique litigieuse, en attirant très tardivement l’attention de sa cliente sur le dépassement du budget seulement en février et mars 2012 alors qu’elle s’était engagée à y procéder constamment.

La société SET lui reproche également de n’avoir pas rempli son obligation de soumettre les livrables à la recette, du fait de ses propres difficultés.

Les parties ont fait le choix des méthodes Agiles, processus de développement de logiciels mettant l’accent sur l’organisation du projet, qui consistent à développer et à livrer des développements de manière itérative toutes les deux semaines. Pour chaque itération les représentants de la société SET ont redéfini les fonctionnalités spécifiques permettant de réaliser les développements et de les livrer sur la plate-forme dédiée afin d’en effectuer la recette.

Or il ressort du compte rendu du 30 novembre 2011, qu’il manque dans l’équipe de la société SFEIR un troisième développeur, ce qui constitue un facteur de retard imputable à la société de prestations informatiques. De même le 1er mars 2012, celle-ci admet que les objectifs de l’itération 8 n’ont pas été atteints compte tenu de la différence entre le code source du CD transmis en début de mission et la version de l’application en production, cause technique dont elle est seule responsable.

Dans une correspondance du 29 mars 2012, la société SET reconnaît des livraisons intermédiaires au fur et à mesure de l’avancement du projet, mais se plaint de n’avoir quasiment jamais pu accéder à la plate forme sans rencontrer des dysfonctionnements techniques rendant impossible les tests aux dates annoncées.

Si l’ensemble des mails échangés entre les parties (pièces n°4 de la société SET) montre l’existence de quelques dysfonctionnements au fur et à mesure de la mission, la preuve est également apportée qu’ils ont été assez rapidement résolus .(mail de M. Y du 1er mars 2012, mail du 29 mars 2012 envoyé à cette personne).

La société SET ne peut pas davantage se plaindre d’un non respect des délais, puisque si un délai de trois mois avait bien été initialement prévu, ce délai était contractuellement renouvelable dans des conditions indéfinies , de sorte qu’aucun manquement à cet égard ne saurait être imputé à la société SFEIR.

En définitive, il ressort des pièces produites que la société SFEIR a réalisé correctement les prestations souhaitées pour un montant de 195.418,82€ TTC, mais que des prestations supplémentaires ont consommé de nombreux jours et partie du budget, sans que la société SFEIR, professionnel en matière informatique, ait rempli totalement comme elle s’y était engagée son devoir de conseil, pour permettre à la société SET de se rendre compte que dans ces conditions le projet ne pourrait pas arriver à son terme au prix initialement fixé. En raison de ce manquement, la Cour estime qu’une réfaction sur le prix doit être accordé à hauteur de 20%. La société SET devra en conséquence payer à la société SFEIR la somme de 156.335,05€, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la lettre recommandée de mise en demeure du 24 mai 2012, qui n’est pas produit aux débats.

L’équité commande d’allouer à la société SFEIR une somme de 5.000€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 13 mars 2013 par le Tribunal de commerce d’EVRY en toutes ses dispositions, hormis sur le montant de la condamnation,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société SET Environnement à verser à la société FRANCAISE d’EXPERTISE INFORMATIQUE et de X (SFEIR) la somme de 156.335,05€ TTC majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la lettre recommandée du 24 mai 2012, outre celle de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société SET ENVIRONNEMENT aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Pour le Président empêché,

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Textes cités dans la décision

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