Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 3, 18 décembre 2019, n° 19/13848

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 3, 18 déc. 2019, n° 19/13848
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/13848
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 3 juin 2019, N° 15/12223
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2019

(n° , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/13848 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJG4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/12223

APPELANTE

SARL L’AP, prise en la personne de son représentant légal y domicilié en cette qualité.

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 514 130 715

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250, avocat postulant

Assistée de Me Mathieu CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1768, avocat plaidant

INTIMÉES

Madame [U] [V] épouse [S]

née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 1] ( MAROC )

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Assistée de Me Sarah LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0471, avocat plaidant

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représentée par son syndic

la S.A. Cabinet CRAUNOT, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 331 014 449

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Frédérica WOLINSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0038

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 7 juillet 1995, Mme [U] [V] épouse [S] et M. [C] [S] ont donné à bail des locaux commerciaux à la société R.G.B. sis [Adresse 3]mple et [Adresse 1]sement à compter du 13 juillet 1995.

Par acte notarié du 5 octobre 2007, ledit bail a fait l’objet d’un renouvellement pour une durée de 9 années à compter du 13 juillet 2007.

Par acte du 12 juin 2009, la société R.G.B a cédé partie de son fonds de commerce au profit de la société L’AP. L’acte énonce en préambule que le cédant a pour activité 'restaurant, brasserie, salon de thé, café, bar’ et que dans le cadre de cette activité, après avoir exploité un fonds de commerce de bar restaurant, il a poursuivi une activité de débit de boissons (sans modification de la destination contractuelle des locaux) dans deux locaux situés l’un et l’autre [Adresse 3] et [Adresse 1]'. La cession porte sur la partie du fonds de commerce exploité dans l’un des locaux.

Par acte d’huissier de justice du 5 novembre 2014, Mme [U] [V] épouse [S] a délivré à la société L’AP un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à effectuer les travaux de remise en état de la devanture la façade de l’immeuble côté [Adresse 1] sous le contrôle de l’architecte de l’immeuble dans le délai d’un mois.

Par jugement en date du 4 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

DECLARE l’intervention volontaire du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3] recevable,

CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial portant sur le local situé [Adresse 3] et [Adresse 1] sont réunies à la date du 5 décembre 2014,

DIT que le bail est résilié de plein droit à compter du 5 décembre 2014,

CONDAMNE la société L’AP à remettre en l’état, à ses frais, conformément au bail et sous le contrôle de l’architecte de la copropriété, la façade des lieux loués dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et à défaut d’exécution dans le délai de 2 mois, sous astreinte de 100 euros par jour pendant trois mois,

REJETE la demande de liquidation de l’astreinte par le tribunal,

REJETE les demandes du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 3]) visant à cesser d’utiliser la partie du lot 2, à savoir la pièce du 1er étage, à usage de cuisine et à cesser toute cuisson de plats chauds et de crêpes sous astreinte,

CONDAMNE la société L’AP à payer au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 3] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts,

CONDAMNE la société L’AP à payer Mme [U] [V] épouse [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société L’AP à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETE le surplus des demandes,

ORDONNE l’exécution provisoire,

CONDAMNE la société L’AP aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de faire.

Par déclaration du 29 juillet 2019, la SARL L’AP a interjeté appel de ce jugement.

Après autorisation en date du 31 juillet 2019, par acte d’huissier de justice signifié le 7 août 2019, la SARL L’AP a assigné à jour fixe Mme [V] épouse [S] et le SDC DU [Adresse 3].

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 octobre 2019, la SARL L’AP demande à la cour de :

Vu les travaux réalisés par l’AP,

Vu l’absence de délivrance de la chose louée conforme à sa destination contractuelle

Vu le commandement de faire,

Vu le règlement de copropriété lequel défini la devanture de boutique comme une partie privative,

Vu les pièces versées au débat,

Vu les articles 1729 et 2224 du code civil,

Vu l’article 564 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

— Déclarer la société L’AP recevable et bien-fondée en son appel,

— Y faisant droit ;

— Réformer en toutes ses dispositions critiquées le jugement du Tribunal d’instance (sic) de Paris du 04 juin 2019,

— Débouter Mme [S] de sa demande de rejet des demandes au visa de l’article 954 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau ;

A TITRE PRINCIPAL :

Sur la fin de non-recevoir des demandes de Mme [S] et du syndicat des copropriétaires :

— Constater que les travaux sur la façade ont été effectués en juillet 2009,

— Constater que Mme [S] et le syndicat des copropriétaires connaissent la réalisation des travaux depuis l’origine en juillet 2009,

— Constater que le commandement de faire date du 5 novembre 2014,

— Constater qu’il s’est écoulé plus de cinq ans entre la connaissance des travaux incriminés par les demandeurs principaux et volontaire en première instance et la date du commandement de faire,

— Dire et juger que les actions fondées en application d’un bail commercial sont prescrites par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil,

— Dire et juger en conséquence que les demandes de Mme [S] sont prescrites, intervenant plus de 5 ans après avoir eu connaissance des faits incriminés,

— Déclarer en conséquence la demande de L’AP en fin de non-recevoir de l’action de Mme [S] recevable et bien-fondée,

— Infirmer en conséquence le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il fait droit aux demandes de Mme [S],

— Débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

— Dire et juger que l’action en intervention volontaire du syndicat des copropriétaires est également prescrite au visa de l’article 2044 du code civil,

— Déclarer en conséquence la demande en fin de non-recevoir de l’intervention volontaire du syndicat de copropriétaires recevable et bien-fondée,

— Infirmer en conséquence le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il fait droit aux demandes du syndicat des copropriétaires,

— Débouter en conséquence le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Sur la nullité du commandement de faire :

— Constater que le commandement de faire du 5 novembre 2014 est imprécis et ne permet pas à la société L’AP de déterminer l’objet du commandement,

— Dire et juger que le commandement de faire du 5 novembre 2014 est nul et de nul effet,

— Infirmer en conséquence le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il a déclaré recevables et bien fondées les actions de Mme [S] et du syndicat des copropriétaires,

A TITRE SUBSIDIAIRE

Si la Cour d’Appel venait à considérer que la demande de Mme [S] n’est pas prescrite et que le commandement de faire, rédigé en termes imprécis, demeure valable, il est demandé à la Cour d’Appel de :

Sur les demandes du syndicat des copropriétaires :

— Constater que le règlement de copropriété du 31 juillet 1951 définit à l’article 1 er chapitre 1er la notion de parties communes,

— Constater que le règlement de copropriété écarte expressément de la notion de partie commune les devantures et fermeture de devanture pour les boutiques,

— Dire et juger en conséquence que la devanture est une partie privative,

— Constater que la société L’AP a échangé une partie fixe de la devanture par une fenêtre,

— Dire et juger en conséquence que les travaux effectués par la société L’AP sur sa devanture ne nécessitaient pas l’accord de la copropriété,

— Infirmer le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire du syndicat des copropriétaires,

— Dire et Juger que le syndicat des copropriétaires est dépourvu d’intérêt à agir, les travaux ne concernant que les parties privatives, et qu’il n’existe aucun lien suffisant avec les demandes de Mme [S],

— Déclarer irrecevable et mal fondée l’action volontaire du syndicat des copropriétaires, faute d’intérêt à agir,

— A titre infiniment subsidiaire, si la Cour d’Appel considère l’intervention volontaire du syndicat recevable, il est demandé de confirmer le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande en interdiction de la pose et d’utilisation d’une cuisine dans le lot n°2,

— Et de Confirmer le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande en interdiction de cuisson compte tenu de l’activité contractuelle de restauration visée au bail commercial,

Sur les demandes de Mme [S] :

A titre principal :

— Constater que le bail commercial fixe en son article 4 précisément la liste des travaux pour lesquels une autorisation du bailleur est nécessaire,

— Constater que ne figurent pas dans cette liste limitative les travaux sur la devanture,

— Constater que le règlement sanitaire départemental est antérieur au bail commercial de 1995,

— Constater que le bailleur a, en tout état de cause, accepté les travaux de modification de la devanture effectués par la société L’AP et ce afin de satisfaire à son obligation de délivrance de la chose louée au regard de sa destination contractuelle,

— Constater que dans son assignation en référé, Mme [S] a reconnu en se prévalant des dispositions de remise en état en fin de bail visées à l’article 4 du bail commercial, avoir autorisé la société L’AP à effectuer les travaux incriminés,

— Dire et juger en conséquence que la société L’AP n’a pas violé les dispositions de l’article 4 du bail commercial,

— Infirmer le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il a déclaré recevables et bien fondées les actions en acquisition de la clause résolutoire et résiliation du bail commercial pour violation de l’article 4 du bail commercial, alors même que lesdits travaux ont été réalisés avec l’autorisation du bailleur de l’aveu judiciaire, même de ce dernier,

— Débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, les travaux ayant été autorisés et qu’aucune violation au bail commercial n’est imputable à l’AP.

A titre infiniment subsidiaire :

Si la Cour d’Appel venait à considérer que les travaux incriminés constituent une violation de l’article 4 du bail commercial, il est demandé à la Cour de :

— Constater la double violation par le bailleur de son obligation de délivrance de la chose loué conforme à sa destination, au visa de l’article 1729 du code civil,

— Constater que les locaux donnés à bail commercial ne satisfont pas à la destination de

restauration du bail commercial, faute de gaine d’extraction, ni à celle d’habitation faute de logement décent avec douche,

— Dire et juger que le bailleur a violé son obligation de délivrance de la chose louée conforme à sa destination,

— Constater que les travaux incriminés n’ont été réalisés qu’en raison du défaut de délivrance de la chose louée,

— Constater la mauvaise foi du bailleur en notifiant son commandement de faire,

— Dire et juger que les travaux incriminés constituent une exception d’inexécution aux obligations de délivrance de la chose louée conforme à sa destination contractuelle du bailleur, sans lesquels le fonds est inexploitable,

— Dire et juger que la société L’AP est bien fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution aux obligations du bailleur de délivrer des locaux conformes à leur destination, afin de justifier la réalisation des travaux incriminés,

— Dire et juger que la remise en état de la devanture par la société l’AP entraînera ispo facto les locaux impropres à leur destination contractuelle, et l’AP ne pourra plus jouir des lieux et poursuivre l’exploitation de son fonds de commerce,

— Infirmer en conséquence le jugement du 04 juin 2019 en ce qu’il a déclaré recevables et bien fondées les actions en acquisition de la clause résolutoire et résiliation du bail commercial du bailleur pour violation de l’article 4 du bail commercial, alors même que le bailleur n’a pas délivré les lieux loués conforme à leur destination contractuelle,

— Suspendre en conséquence les effets du commandement de faire les travaux signifié à l’AP et les effets de la clause résolutoire en découlant jusqu’à la délivrance par le bailleur d’un local conforme à sa destination de restaurant et d’habitation,

— Condamner Mme [S] à l’installation d’une gaine d’extraction dans les locaux qu’elle donne en location à la société L’AP à usage de restauration dans les deux mois de l’arrêt de la cour d’appel à intervenir, et ce sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

— Prendre acte que dès l’installation de la gaine d’extraction par Mme [S] rendant les locaux conformes à leur destination contractuelle, la société L’AP procédera à la remise en état de sa devanture dans les 2 mois suivant la réception de locaux conformes à sa destination contractuelle,

— Constater l’absence de délivrance par le bailleur d’un logement décent,

— Constater que la résiliation du bail ne peut être prononcée en application de l’article 1719 du code civil,

— Infirmer le jugement du 04 juin 2019 en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail commercial,

— Condamner Mme [S] à l’installation d’une douche afin de rendre décent le logement donné en location,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

— Infirmer le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il a condamné la société l’AP au paiement de dommages et intérêts pour préjudice subi par les travaux effectués sur la devanture, le préjudice n’étant pas rapporté ni par Mme [S] ni par le syndicat des copropriétaires,

— Infirmer le jugement du 4 juin 2019 en ce qu’il a mis à la charge de la société l’AP les dépens et des frais d’article 700 du cpc envers les demandeurs,

— Condamner Mme [S] et le syndicat des copropriétaires à payer chacun la somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du cpc,

— Condamner Mme [S] et le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens tant de première instance que d’instance d’appel, avec distraction au profit de Me Chollet sur le fondement de l’article 699 du cpc.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 novembre 2019, Mme [V] épouse [S] demande à la cour de :

Vu les articles 56, 122, 550, 560, 564, 700, 788 et 954 suivants du Code de procédure civile,

Vu l’article L. 145-41, alinéa 1 er , du Code de commerce,

Vu l’article 25b de la loi n°65157 du 10 juillet 1965,

Vu les articles 1134, 1184,1341-1 (ancien article 1166), 1728, 1729, 1185 et 2224 du Code civil,

Vu la jurisprudence citée et les pièces produites aux débats

A titre liminaire

— REJETER toutes demandes du Syndicat des Copropriétaires tendant à la condamnation de Mme [S] ;

— CONSTATER que la société l’AP n’a pas exécuté le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 4 juin 2019 ;

— DIRE que Mme [S] n’est pas prescrite à se prévaloir :

* ni du percement de la cloison extérieure en violation des disposition contractuelles les liant (2013),

* ni du changement de destination du local à usage d’habitation du premier étage (2017),

A titre principal,

— CONFIRMER le jugement du 4 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a :

° CONSTATÉ que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial portant sur le local situé [Adresse 3] et [Adresse 1] sont réunies à la date du 5 décembre 2014,

° JUGÉ que le bail est résilié de plein droit à compter du 5 décembre 2014,

° CONDAMNÉ la société L’AP à remettre en l’état, à ses frais, conformément au bail et sous le contrôle de l’architecte de la copropriété, la façade des lieux loués ;

Statuant à nouveau, conformément à l’article 550 & 560 du Code de procédure civile en ce qu’elle est l’accessoire de la demande principale et son complément nécessaire

— ORDONNER en conséquence l’expulsion de la société L’AP et de tout occupant de son chef à compter du mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et le règlement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu’à son départ effectif ;

— INFIRMER le jugement du 4 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a ordonné la remise en état dans un délai de 2 mois, et à défaut d’exécution dans ce délai à compter de la signification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 3 mois ;

Et Statuant à nouveau,

— REJETER les demandes suivantes de l’appelante sur le fondement de l’article 954 du code de procédure civile et d’en tirer toutes conséquences :

Sur la fin de non-recevoir des demandes de Mme [S] et du syndicat des copropriétaires :

° Constater que les travaux sur la façade ont été effectués en juillet 2009,

° Constater que Mme [S] et le syndicat des copropriétaires connaissent la réalisation des travaux depuis l’origine en juillet 2009,

° Constater que le commandement de faire date du 5 novembre 2014,

° Constater qu’il s’est écoulé plus de cinq ans entre la connaissance des travaux incriminés par les demandeurs principaux et volontaire en première instance et la date du commandement de faire,

° Dire et juger que les actions fondées en application d’un bail commercial sont prescrites par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil,

° Dire et juger en conséquence que les demandes de Mme [S] sont prescrites, intervenant plus de 5 ans après avoir eu connaissance des faits incriminés,

° Dire et juger que l’action en intervention volontaire du syndicat des copropriétaires est également prescrite au visa de l’article 2044 du code civil,

Sur la nullité du commandement de faire :

° Constater que le commandement de faire du 5 novembre 2014 est imprécis et ne permet pas à la société L’AP de déterminer l’objet du commandement,

° Dire et juger que le commandement de faire du 5 novembre 2014 est nul et de nul effet,

Sur les demandes du syndicat des copropriétaires :

° Constater que le règlement de copropriété du 31 juillet 1951 définit à l 'article 1er chapitre 1er la notion de parties communes,

° Constater que le règlement de copropriété écarte expressément de la notion de partie commune les devantures et fermetures de devanture pour les boutiques,

° Dire et juger en conséquence que la devanture est une partie privative,

° Constater que la société L’AP a échangé une partie fixe de la devanture par une fenêtre,

° Dire et juger en conséquence que les travaux effectués par la société L’AP sur sa devanture ne nécessitaient pas l’accord de la copropriété,

° Dire et Juger que le syndicat des copropriétaires est dépourvu d’intérêt à agir, les travaux ne concernant que les parties privatives, et qu’il n’existe aucun lien suffisant avec les demandes de Mme [S],

Sur les demandes de Mme [S] :

A titre principal :

° Constater que le bail commercial fixe en son article 4 précisément la liste des travaux pour lesquels une autorisation du bailleur est nécessaire,

° Constater que ne figurent pas dans cette liste limitative les travaux sur la devanture,

° Constater que le règlement sanitaire départemental est antérieur au bail commercial de 1995,

° Constater que le bailleur a, en tout état de cause, accepté les travaux de modification de la devanture effectués par la société L’AP et ce afin de satisfaire à son obligation de délivrance de la chose louée au regard de sa destination contractuelle,

° Constater que dans son assignation en référé, Mme [S] a reconnu en se prévalant des dispositions de remise en état en fin de bail visées à l 'article 4 du bail commercial, avoir autorisé la société L’AP à effectuer les travaux incriminés,

° Dire et juger en conséquence que la société L’AP n’a pas violé les dispositions de l’article 4 du bail commercial,

A titre infiniment subsidiaire :

° Constater la double violation par le bailleur de son obligation de délivrance de la chose loué conforme à sa destination, au visa de l’article 1729 du code civil,

° Constater que les locaux donnés à bail commercial ne satisfont pas à la destination de restauration du bail commercial, faute de gaine d’extraction, ni à celle d’habitation faute de logement décent avec douche,

° Dire et juger que le bailleur a violé son obligation de délivrance de la chose louée conforme à sa destination,

° Constater que les travaux incriminés n’ont été réalisés qu’en raison du défaut de délivrance de la chose louée,

° Constater la mauvaise foi du bailleur en notifiant son commandement de faire,

° Dire et juger que les travaux incriminés constituent une exception d’inexécution aux obligations de délivrance de la chose louée conforme à sa destination contractuelle du bailleur, sans lesquels le fonds est inexploitable,

° Dire et juger que la société L’AP est bien fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution aux obligations du bailleur de délivrer des locaux conforme à leur destination, afin de justifier la réalisation des travaux incriminés,

° Dire et juger que la remise en état de la devanture par la société l’AP entraînera ipso facto les locaux impropres à leur destination contractuelle, et l’AP ne pourra plus jouir des lieux et poursuivre l’exploitation de son fonds de commerce,

° Constater l’absence de délivrance par le bailleur d’un logement décent,

° Constater que la résiliation du bail ne peut être prononcée en application de l’article 1719 du code civil

— ORDONNER la remise en état dans un délai de 15 jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour rejetterait l’acquisition de la clause résolutoire :

— PRONONCER la résiliation judiciaire du bail commercial ;

— ORDONNER en conséquence l’expulsion de la société L’AP et de tout occupant de son chef à compter du mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et le règlement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu’à son départ effectif ;

— ORDONNER la remise en état de la cloison extérieure dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, sous la surveillance de l’architecte de la copropriété dont les honoraires pour ce faire seront à sa charge;

— INFIRMER le jugement du 4 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a ordonné la remise en état dans un délai de 2 mois, et à défaut d’exécution dans ce délai à compter de la signification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 3 mois ;

— REJETER les demandes suivantes de l’appelante sur le fondement de l’article 954 du code de procédure civile et d’en tirer toutes conséquences :

Sur la fin de non-recevoir des demandes de Mme [S] et du syndicat des copropriétaires :

° Constater que les travaux sur la façade ont été effectués en juillet 2009,

° Constater que Mme [S] et le syndicat des copropriétaires connaissent la réalisation des travaux depuis l’origine en juillet 2009,

° Constater que le commandement de faire date du 5 novembre 2014,

° Constater qu’il s’est écoulé plus de cinq ans entre la connaissance des travaux incriminés par les demandeurs principaux et volontaire en première instance et la date du commandement de faire,

° Dire et juger que les actions fondées en application d’un bail commercial sont prescrites par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil,

° Dire et juger en conséquence que les demandes de Mme [S] sont prescrites, intervenant plus de 5 ans après avoir eu connaissance des faits incriminés,

° Dire et juger que l’action en intervention volontaire du syndicat des copropriétaires est également prescrite au visa de l’article 2044 du code civil,

Sur la nullité du commandement de faire :

° Constater que le commandement de faire du 5 novembre 2014 est imprécis et ne permet pas à la société L’AP de déterminer l’objet du commandement,

° Dire et juger que le commandement de faire du 5 novembre 2014 est nul et de nul effet,

Sur les demandes du syndicat des copropriétaires :

° Constater que le règlement de copropriété du 31 juillet 1951 définit à l 'article 1er chapitre 1er la notion de parties communes,

° Constater que le règlement de copropriété écarte expressément de la notion de partie commune les devantures et fermeture de devanture pour les boutiques,

° Dire et juger en conséquence que la devanture est une partie privative,

° Constater que la société L’AP a échangé une partie fixe de la devanture par une fenêtre,

° Dire et juger en conséquence que les travaux effectués par la société L’AP sur sa devanture ne nécessitaient pas l’accord de la copropriété,

° Dire et Juger que le syndicat des copropriétaires est dépourvu d’intérêt à agir, les travaux ne concernant que les parties privatives, et qu’il n’existe aucun lien suffisant avec les demandes de Mme [S],

Sur les demandes de Mme [S] :

A titre principal :

° Constater que le bail commercial fixe en son article 4 précisément la liste des travaux pour lesquels une autorisation du bailleur est nécessaire,

° Constater que ne figurent pas dans cette liste limitative les travaux sur la devanture,

° Constater que le règlement sanitaire départemental est antérieur au bail commercial de 1995,

° Constater que le bailleur a, en tout état de cause, accepté les travaux de modification de la devanture effectués par la société L’AP et ce afin de satisfaire à son obligation de délivrance de la chose louée au regard de sa destination contractuelle,

° Constater que dans son assignation en référé, Mme [S] a reconnu en se prévalant des dispositions de remise en état en fin de bail visées à l 'article 4 du bail commercial, avoir autorisé la société L’AP à effectuer les travaux incriminés,

° Dire et juger en conséquence que la société L’AP n’a pas violé les dispositions de l’article 4 du bail commercial,

A titre infiniment subsidiaire :

° Constater la double violation par le bailleur de son obligation de délivrance de la chose loué conforme à sa destination, au visa de l’article 1729 du code civil,

° Constater que les locaux donnés à bail commercial ne satisfont pas à la destination de restauration du bail commercial, faute de gaine d’extraction, ni à celle d’habitation faute de logement décent avec douche,

° Dire et juger que le bailleur a violé son obligation de délivrance de la chose louée conforme à sa destination,

° Constater que les travaux incriminés n’ont été réalisés qu’en raison du défaut de délivrance de la chose louée,

° Constater la mauvaise foi du bailleur en notifiant son commandement de faire,

° Dire et juger que les travaux incriminés constituent une exception d’inexécution aux obligations de délivrance de la chose louée conforme à sa destination contractuelle du bailleur, sans lesquels le fonds est inexploitable,

° Dire et juger que la société L’AP est bien fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution aux obligations du bailleur de délivrer des locaux conforme à leur destination, afin de justifier la réalisation des travaux incriminés,

° Dire et juger que la remise en état de la devanture par la société l’AP entraînera ipso facto les locaux impropres à leur destination contractuelle, et l’AP ne pourra plus jouir des lieux et poursuivre l’exploitation de son fonds de commerce,

° Constater l’absence de délivrance par le bailleur d’un logement décent,

° Constater que la résiliation du bail ne peut être prononcée en application de l’article 1719 du code civil

En tout état de cause,

— DÉBOUTER l’appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures,

— DECLARER la société L’AP irrecevable en sa demande nouvelle d’enjoindre à Mme [S] de placer une gaine d’extraction dans les locaux sis [Adresse 1],

subsidiairement la débouter de sa demande faute pour Mme [S] de disposer des pouvoirs pour ce faire ;

encore plus subsidiairement, dire que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] sera condamné à garantir Mme [S] de toutes les éventuelles condamnations à ce titre,

— DECLARER la société L’AP irrecevable en sa demande nouvelle tendant à voir Mme [S] condamnée à installer une douche dans le local d’habitation ;

— DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures,

subsidiairement, si Mme [S] devait être condamnée à une remise en état de la devanture du fonds de commerce donné à bail, dire que la société L’AP est condamnée à la garantir de toutes les condamnations à ce titre,

— CONDAMNER in solidum les parties succombantes à rembourser les frais irrépétibles engagés par Mme [S] à hauteur de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— CONDAMNER in solidum les parties succombantes aux entiers dépens en ce compris les frais d’huissier de justice pour le commandement de faire et l’assignation introductive de l’instance au fond dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDI AVOCATS en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 16 octobre 2019, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3] demande à la cour de:

A titre principal,

— CONFIRMER le jugement du 4 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a :

° CONSTATÉ que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial portant sur le local situé [Adresse 3] et [Adresse 1] sont réunies à la date du 5 décembre 2014,

° JUGÉ que le bail est résilié de plein droit à compter du 5 décembre 2014,

° CONDAMNÉ la société L’AP à remettre en l’état, à ses frais, conformément au bail et sous le contrôle de l’architecte de la copropriété, la façade des lieux loués ;

Y ajoutant

Vu les articles 325 et 330 du Code de procédure civile,

— DIRE l’intervention volontaire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], recevable et bien fondée ;

Vu l’article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965,

— DIRE et JUGER que l’action réelle du syndicat tendant à la remise en état de la façade et à la cessation du 1er étage à usage de cuisine du restaurant n’est pas prescrite ;

— PRONONCER la résiliation judiciaire du bail commercial du 7 juillet 1995 ayant fait l’objet d’un renouvellement du 5 octobre 2007 et d’une cession de bail au profit de la société L’AP ;

Y ajoutant

— ORDONNER l’expulsion de la société L’AP et de tous occupants de son chef avec l’assistance d’un huissier, d’un serrurier et avec l’usage de la force publique si besoin est et sous astreinte de 500€ par jour de retard ;

Vu les dispositions du RCP, (sic)

Vu la loi n° 2002-276 du 27 février 2012,

Vu le règlement sanitaire de la ville de [Adresse 3],

Vu l’arrêté du 79-561 du 20 novembre 1979,

Vu l’article 25b de la loi n°65157 du 10 juillet 1965,

— CONDAMNER in solidum Mme [S] et la société L’AP à procéder à la remise en état de la façade de l’immeuble sis [Adresse 1], sous la surveillance de l’architecte de la copropriété dont les honoraires pour ce faire seront à sa charge et aux frais exclusifs des défenderesses, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant de l’arrêt à intervenir ;

— CONDAMNER in solidum Mme [S] et la société L’AP à cesser d’utiliser la partie du lot 2, à savoir la pièce du 1er étage, à usage de cuisine de son établissement sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir ;

Vu les attestations concordantes des occupants de la copropriété,

Vu le trouble manifestement illicite subi par les occupants de la copropriété du fait des nuisances sonores et olfactives,

Vu les articles 31, 63, 64-2, 66 et 130.3 du Règlement Sanitaire de la Ville de [Adresse 3],

— CONDAMNER in solidum Mme [S] et la société L’AP à cesser toute cuisson de plats chauds et de crêpes sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir ;

— CONDAMNER in solidum Mme [S] et la société L’AP à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;

— CONDAMNER in solidum Mme [S] et la société L’AP à rembourser les frais irrépétibles engagés par le syndicat des copropriétaires à hauteur de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— LES CONDAMNER in solidum aux entiers dépens.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et que les demandes tendant à voir dire, juger et constater ne constituent pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l’intervention volontaire aux débats du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] :

Aux termes de l’article 325 du code de procédure civile l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En l’espèce, l’action initiée par Mme [U] [V] épouse [S] a pour origine les travaux effectués par la société L’AP sur la devanture de l’immeuble et les prétentions du syndicat des copropriétaires qui, en vertu des dispositions de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, a qualité pour agir en justice contre quiconque pour la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble, se rattache à l’évidence aux prétentions de la demanderesse par un lien suffisant.

Si le syndicat des copropriétaires ne peut exercer l’action oblique que dans l’hypothèse où le bailleur n’agit pas à l’encontre de son locataire, il peut en revanche se joindre à son action.

En outre, en l’espèce, le syndicat des copropriétaires agit également à l’encontre de Mme [V], copropriétaire, en application de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, aux fins d’obtenir sa condamnation à remettre en état la façade de l’immeuble, modifiée sans autorisation par la société locataire.

L’intervention volontaire aux débats du syndicat des copropriétaires sera dès lors déclarée recevable et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire :

Le commandement visant la clause résolutoire délivré le 5 novembre 2014 concerne les travaux de transformation de la devanture de l’immeuble côté [Adresse 1] que le bailleur reproche à la société L’AP d’avoir effectués en violation de la clause 4 du bail du 7 juillet 1995 énonçant que le preneur ne peut faire dans les lieux loués aucun changement de distribution, d’installation, aucune démolition aux constructions, aucun percement de murs, de cloisons ou de planchers, aucune construction sans l’autorisation expresse et par écrit du bailleur.

La société L’AP fait valoir que les travaux d’aménagement de la devanture ont été exécutés en juillet 2009 ; que le commandement visant la clause résolutoire, d’avoir à remettre cette devanture en l’état, n’ayant été délivré que le 5 novembre 2014 alors que tant le bailleur que le syndicat des copropriétaires ont eu connaissance desdits travaux dès le mois de juillet 2009, la demande tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire est prescrite en l’absence d’acte interruptif de prescription.

Mme [U] [V] épouse [S] reproche à la société L’AP de ne justifier ni de la date à laquelle les travaux litigieux ont été exécutés ni de la date à laquelle ces travaux ont été portés à la connaissance du bailleur.

La cour relève que la société L’AP produit aux débats le devis établi le 24 juin 2009 relatif à la fourniture et la pose d’un châssis en aluminium ainsi que la facture des travaux correspondants datée du 12 août 2009. Les pièces du dossier et notamment les quittances produites par la société L’AP et un courrier de M. [B], occupant de l’immeuble, établissent par ailleurs que M. [S] qui résidait avec son épouse au [Adresse 5], assurait la gestion directe de son bien et se rendait sur place. L’attestation de M. [M], entrepreneur qui a effectué les travaux de rénovation du local relate qu’en septembre 2009, M. [S] s’est rendu sur le chantier.

Il se déduit de ces constatations que le bailleur a eu connaissance de la pose de la devanture en cause au plus tard en septembre 2009 sans qu’il ne puisse tenter de tirer argument du fait que les travaux n’étaient pas terminés à cette date, la facture du 12 août 2009 établissant qu’à cette date la pose du châssis était effectuée.

Plus de cinq années se sont ainsi écoulées entre le mois de septembre 2009 et le 5 novembre 2014, date de signification du commandement visant la clause résolutoire sans que le bailleur ne puisse se prévaloir d’un acte interruptif de prescription. Mme [U] [V] épouse [S] sera en conséquence déclarée irrecevable comme prescrite à se prévaloir desdits travaux pour mettre en oeuvre la clause résolutoire du bail et le jugement qui a constaté l’acquisition de la clause résolutoire infirmé de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire du bail :

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du bail, Mme [U] [V] épouse [S] invoque les travaux de transformation de la devanture entrepris par la société L’AP sans autorisation et les nuisances olfactives et sonores en résultant. Elle reproche également à la société locataire d’avoir aménagé un laboratoire de préparation culinaire pour son activité commerciale au 1er étage des lieux loués alors que ce lot érigé en cuisine est défini par le bail comme un local à usage d’habitation. Elle ajoute que la transformation de ce local d’habitation en cuisine est à l’origine d’un sinistre dégât des eaux survenu dans le local jouxtant celui de la société L’AP au rez-de-chaussée, située à l’aplomb de la cuisine qu’elle a aménagée.

La société L’AP oppose à Mme [U] [V] épouse [S] la non-conformité des locaux donnés à bail constituant un manquement du bailleur à son obligation de délivrance dont il ne peut s’affranchir par une clause du bail. Elle fait valoir en effet que les locaux à usage de bar, restaurant, plats à emporter, traiteur ne peuvent être exploités conformément à leur destination contractuelle en l’absence de gaine d’extraction satisfaisant au règlement sanitaire départemental de [Adresse 3] ; qu’elle ne peut être contrainte d’exercer une autre activité au regard de la clause de destination ; que les travaux entrepris n’ont été réalisés que pour pallier le défaut de conformité des lieux, en accord avec le bailleur. Elle ajoute par ailleurs que la pièce au premier étage ne répond pas à la définition du logement décent définie par le décret du 30 janvier 2002 en l’absence de douche et dément que ce local constitue un laboratoire de préparation de la crêperie, soutenant que l’existence d’une table de cuisson n’est pas de nature à remettre en cause son affectation à usage d’habitation.

Le syndicat des copropriétaires sollicite la résiliation du bail sur le fondement de l’action oblique invoquant à la fois les manquements de la société L’AP aux clauses du bail et au règlement de copropriété, soutenant que son action n’est pas prescrite.

Aux termes du bail, les lieux loués sont destinés à l’exploitation de bar, restaurant, plats à emporter, traiteur. Ils comportent au rez-de chaussée une boutique à usage commercial et à l’étage une pièce à usage d’habitation, la location étant considérée pour le tout et indivisément comme à usage commercial et interdiction étant faite au preneur d’utiliser à un titre quelconque la partie habitation des locaux loués pour les besoins de son commerce.

Il est constant que les travaux effectués par la société L’AP affectent la devanture de la boutique définie comme partie privative par le règlement de copropriété. Cependant, ce même règlement de copropriété énonce en son chapitre II article premier que les occupants ne pourront rien faire qui puisse nuire à la bonne tenue de l’immeuble ; que les portes d’entrée des appartements, les fenêtres, les persiennes, les garde-corps, barres d’appui des fenêtres, balcons, même la peinture et tout ce qui contribue à l’harmonie de l’immeuble ne pourront être modifiés bien que constituant une partie exclusive, sans le consentement de la majorité des propriétaires.

Pour autant, la seule l’exécution des travaux litigieux en l’absence d’autorisation de l’assemblée générale ne peut constituer un motif de résiliation du bail dès lors que Mme [U] [V] épouse [S] a été déclarée irrecevable comme prescrite à s’en prévaloir et que le syndicat des copropriétaires qui entend exercer les droits et actions du bailleur sur le fondement de l’action oblique, est par voie de conséquence prescrit à invoquer ce moyen.

Il résulte en revanche des pièces du dossier et notamment de l’ordre du jour de la convocation d’assemblée générale du 30 mai 2013 que les occupants de l’immeuble se plaignent des nuisances causées par la transformation de la devanture du local commercial créant une grande ouverture vitrée donnant aux clients un accès direct pour commander et être servis sans entrer dans le local, ces problèmes de nuisances étant à nouveau inscrits à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 25 juin 2014. Ces griefs sont étayés par un courrier de M. [K] faisant état des nuisances olfactives l’empêchant d’ouvrir sa fenêtre pendant les horaires d’ouverture de la crêperie, l’attestation de M. [Q] visant également les nuisances olfactives et les fumées rendant impossible l’ouverture de ses fenêtres situées au-dessus de la zone de cuisson jusque tard dans la soirée, outre la présence fréquente d’insectes, l’attestation de Mme [O] reprenant les plaintes de son locataire faisant état d’importantes nuisances sonores, à savoir bruit de voix, de casseroles, de moteurs, vibrations, ainsi que des nuisances olfactives et la présence d’insectes en provenance de la cuisine adossée à la cloison mitoyenne réduite à sa plus simple épaisseur.

Ces éléments caractérisent le manquement de la société L’AP à son obligation de jouissance paisible des lieux loués sans qu’elle puisse faire grief aux intimés de ne pouvoir quantifier l’ampleur des nuisances sonores par des rapports de mesures.

Il ressort par ailleurs du rapport de visite établi le 11 juin 2019 par le cabinet d’architecture Villa que la pièce du premier étage est utilisée comme laboratoire de préparation de la crêperie alors que le bail lui fait expressément interdiction d’utiliser la pièce de l’étage pour les besoins de son commerce.

Il est constant que les lieux loués ne comportent aucun système d’extraction de l’air vicié et des odeurs conforme à la réglementation.

Certes, le bailleur, tenu de délivrer un local conforme à la destination contractuelle du bien, sans qu’une clause d’acceptation par le preneur des lieux dans l’état où ils se trouvent ne l’en décharge, doit, sauf stipulations expresses contraires, réaliser les travaux de mise en conformité aux normes qu’exige l’exercice de l’activité du preneur même si elle est différente de celle à laquelle les lieux étaient antérieurement destinés, dès lors qu’elle est autorisée par le bail.

Cependant en l’espèce, le bail qui avait autorisé la société R.G.B. à effectuer, sous la surveillance de l’architecte de l’immeuble, tous travaux destinés à faire communiquer les lieux objet du bail avec les locaux dans lesquels elle exerçait son activité, et ce afin d’agrandir sa salle de restaurant, stipule expressément un transfert sur le preneur des travaux rendus nécessaires à l’inadaptation de l’activité envisagée et nécessaires pour mettre en conformité le bien loué avec la réglementation, et ce alors que la clause de destination est suffisamment large pour permettre l’exploitation de plusieurs activités, si bien que le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance en ne délivrant pas un local muni d’un dispositif d’extraction d’air vicié, indispensable à l’exercice de l’activité de restauration,

Il résulte de ces constatations que la société L’AP ne peut se prévaloir d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance pour atténuer la gravité de son manquement à son obligation de jouissance paisible des lieux.

Elle ne peut davantage pour justifier de l’usage qu’elle fait de la pièce située à l’étage arguer du fait qu’elle ne répond pas aux exigences du décret 30 janvier 2002 sur les caractéristiques du logement décent, ces dispositions ayant vocation à s’appliquer uniquement aux locaux loués à usage d’habitation principale, ce qui n’est nullement soutenu en l’espèce.

En définitive, compte tenu de la gravité et de la persistance des manquements de la société L’AP à son obligation de jouissance paisible des lieux loués, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du bail et d’ordonner son expulsion et celle de tous occupants avec l’assistance de la force publique sans qu’il y ait lieu cependant de prévoir une astreinte, le recours à la force publique constituant une contrainte suffisante.

Il convient par ailleurs de fixer au montant du loyer et des charges l’indemnité d’occupation due jusqu’à parfaite libération des lieux.

Sur la remise en état des lieux :

Cette demande est formée tant par Mme [U] [V] épouse [S] que par le syndicat des copropriétaires.

Si le bailleur est prescrit à fonder une demande d’acquisition de clause résolutoire ou de résiliation judiciaire du bail sur l’exécution des travaux réalisés sur la devanture faute d’avoir exercé son action dans le délai de cinq ans, l’article 4 du bail énonce cependant qu’il aura toujours le droit même s’il a autorisé les travaux de préférer le rétablissement des lieux dans leur état primitif aux frais exclusifs du preneur. Le bail étant résilié par la présente décision, Mme [U] [V] épouse [S] est recevable à solliciter la remise en état de la devanture.

La demande de remise en état formée par le syndicat des copropriétaires en vue de faire respecter le règlement de copropriété est soumise à la prescription décennale de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965. Elle a été formée aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 février 2018 en suite de son intervention volontaire aux débats devant le tribunal de grande instance, étant observé qu’il n’est pas établi que le syndicat a eu connaissance de l’exécution desdits travaux avant la préparation de l’assemblée générale des copropriétaires du 26 juin 2013. Aucune prescription ne peut ainsi être opposée à sa demande de remise en état.

Comme il a été relevé ci-dessus, le règlement de copropriété prévoit que tout ce qui contribue à l’harmonie de l’immeuble ne peut être modifié bien que constituant une partie privative sans le consentement de la majorité des propriétaires.

Il ne saurait valablement être soutenu par la société L’AP que la fenêtre coulissante qu’elle a installée en remplacement d’une vitrine fixe et le changement de couleur des parties fixes de la devanture sont dépourvus d’incidence sur l’harmonie de l’immeuble et pouvaient être modifiées sans autorisation préalable de l’assemblée générale. Il convient donc de la condamner à remettre les lieux en état.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il condamne la société L’AP à remettre la devanture dans son état initial sans qu’il y ait lieu de modifier le montant de l’astreinte fixée. Il convient cependant, conformément à la demande du syndicat des copropriétaires, de fixer une nouvelle astreinte plus comminatoire dans les termes du dispositif.

Mme [U] [V] épouse [S], responsable de la violation du règlement de copropriété par son locataire sera condamnée in solidum avec la société L’AP à procéder à cette remise en état sans qu’il y ait lieu cependant de prononcer dès à présent une astreinte à son égard dès lors qu’elle n’a pas en l’état la jouissance des lieux, la société L’AP étant condamnée à la garantir de la condamnation ainsi mise à sa charge.

Sur la demande reconventionnelle de la société L’AP :

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société L’AP sera déboutée de ses demandes de condamnation de Mme [U] [V] épouse [S] à l’exécution de travaux.

Sur les demandes du syndicat des copropriétaires au titre de l’usage de la pièce du lot 1er étage et de la cessation de toute cuisine de plats chauds et de crêpes :

Le bail étant résilié, ces demandes sont devenues sans objet dès lors que la société L’AP n’a plus de titre d’occupation des locaux en cause.

Sur la demande de dommages-intérêts du syndicat des copropriétaires :

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation in solidum de la société L’AP et de Mme [U] [V] épouse [S] à lui payer une somme de 20.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les nuisances.

Comme le relève le premier juge, le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage s’applique aux occupants d’un immeuble en copropriété et le syndicat des copropriétaires peut invoquer l’existence d’un trouble anormal de voisinage subi collectivement par les copropriétaires.

Les nuisances sonores et olfactives générées par la transformation des lieux par la société L’AP justifient la condamnation de celle-ci au paiement d’une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé tant en ce qui concerne l’évaluation du préjudice subi que le rejet de la demande de dommages-intérêts formée à l’encontre de Mme [U] [V] épouse [S] qui, dès qu’elle a été informée des nuisances générées par l’activité de son locataire l’a mis en demeure, lui a délivré un commandement visant la clause résolutoire et a initié une procédure en référé puis une procédure au fond.

Sur les demandes accessoires :

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l’autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La société L’AP qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel et la condamnation prononcée à son encontre au titre des frais irrépétibles sera confirmée.

Il est de plus équitable de la contraindre à participer à concurrence de 2.500 euros aux frais irrépétibles exposés en cause d’appel par chacun des intimés.

Enfin il convient d’autoriser la distraction des dépens d’appel au profit de la SELARL BDL AVOCATS en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il :

— constate que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial portant sur le local situé [Adresse 3] et [Adresse 1] sont réunies à la date du 5 décembre 2014,

— dit que le bail est résilié de plein droit à compter du 5 décembre 2014,

Infirmant de ce chef, statuant à nouveau et y ajoutant,

— déclare prescrite la demande formée par Mme [V] tendant à l’acquisition de la clause résolutoire,

— déclare recevables les demandes formée par Mme [U] [V] épouse [S] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] tendant à la remise en état de la devanture,

— prononce la résiliation judiciaire du bail commercial portant sur le local situé [Adresse 3] et [Adresse 1] à compter de ce jour,

Ordonne l’expulsion de la société L’AP et de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique, dans le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte de ce chef,

Condamne la société L’AP au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges, à compter de la résiliation, jusqu’à libération effective des lieux,

Condamne Mme [U] [V] épouse [S] in solidum avec la société L’AP à remettre dans l’état où elle se trouvait à la date de conclusion bail, à ses frais, et sous le contrôle de l’architecte de la copropriété, la devanture des lieux loués,

Condamne la société L’AP à garantir Mme [U] [V] épouse [S] de la condamnation prononcée au titre de la remise en état de la devanture,

Assortit la condamnation de la société L’AP à remettre la devanture dans son état initial d’une astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, et pour une durée de trois mois,

Condamne la société L’AP à payer à Mme [U] [V] épouse [S] et au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 2.500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société L’AP aux dépens d’appel,

Autorise la distraction des dépens au bénéfice de la SELARL BDL AVOCATS.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 3, 18 décembre 2019, n° 19/13848