Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 3, 27 septembre 2019, n° 17/07967

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 3, 27 sept. 2019, n° 17/07967
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/07967
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne, 6 mars 2017, N° 11-15-000699
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/07967 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EGC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2017 -Tribunal d’Instance de NOGENT-SUR-MARNE – RG n° 11-15-000699

APPELANTE

Madame [C] [T]

Née le [Date anniversaire 1] 1959 à SAINT-MALO (35400)

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-laure AGNOUX, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,

toque : D0356

INTIMEE

LA CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES CHIRURGIENS

DENTIS TES ET DES SAGES FEMMES (CARCDSF)

SIRET : 775 671 985 00072

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée et ayant pour avocat par Me Patrick MCKAY de la SELARL MCKAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0514

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe JAVELAS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Claude TERREAUX, Président

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Philippe JAVELAS, Conseiller et par Viviane REA, Greffière présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 3 octobre 1986, la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes, devenue la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et des sages-femmes, ci-après CARCDSF, a donné à bail à Mme [T] et M. [H], un appartement et deux emplacements de stationnement dans un immeuble sis [Adresse 5].

Ayant été informée que les locataires semblaient avoir quitté les lieux, la CARCDSF a sollicité et obtenu du tribunal d’instance de Nogent sur Marne la désignation d’un huissier de justice, qui a constaté que l’appartement n’était manifestement plus habité depuis longtemps.

Par acte d’huissier de justice du 21 septembre 2015, la CARCDSF a fait assigner Mme [T] et M. [H] devant le tribunal d’instance de Nogent sur Marne aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat de bail et la condamnation des locataires au paiement d’une dette locative et d’une indemnité d’occupation.

Par jugement réputé contradictoire et assorti de l’exécution provisoire du 7 mars 2017, le tribunal d’instance de Nogent sur Marne a essentiellement :

— prononcé la résiliation du bail,

— autorisé l’expulsion des occupants à défaut de départ volontaire,

— dispensé la CARCDSF d’avoir à respecter le délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de quitter les lieux,

— condamné Mme [T] à payer à la CARCDSF une indemnité mensuelle d’occupation de 754 euros à compter de la date du jugement et jusqu’à la libération effective des lieux,

— débouté Mme [T] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

— condamné Mme [T] à régler les dépens et une indemnité de 300 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Mme [T] a relevé appel de cette décision le 13 avril 2017.

Dans le dispositif de ses conclusions, notifiées par la voie électronique le 11 juillet 2017, Mme [T], appelante, prie la Cour de :

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— débouter la CARCDSF de ses demandes,

— condamner la CARCDSF à payer à Mme [T] : 5 572, 12 euros en réparation de son préjudice de jouissance, 971 euros de frais d’hôtel, 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,

— condamner la CARCDSF aux dépens et à payer à Mme [T] une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La CARCDSF, bailleresse intimée, dans le dispositif de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 10 août 2017, prie la Cour de :

— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— débouter Mme [T] de ses demandes,

— condamner Mme [T] aux dépens et à payer à la CARCDSF une indemnité de 3 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 6 juin 2019

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la résiliation du bail

Mme [T], appelante, fait valoir que :

— son contrat de bail ne prévoit aucune obligation en matière d’occupation du logement,

— dès lors, une prétendue inoccupation prolongée des lieux ne peut justifier la résiliation du bail,

— elle conteste l’inoccupation du logement depuis 2008 : le logement a, en effet, été occupé jusqu’en février 2014 et les constatations de l’huissier de justice, comme le témoignage de la gardienne sont contestables,

— le fait que l’appartement soit meublé et n’ait fait l’objet d’aucun déménagement démontre qu’il n’a pas été abandonné, comme le soutient la bailleresse,

— Mme [T] a dû être hospitalisée en juin 2014 et, ignorant la durée prévisible de son absence, elle a été amenée à couper l’électricité au compteur, laisser son réfrigérateur vide et ouvert, laisser ses plantes sans eau ni soins,

— Mme [T], qui paye régulièrement son loyer et n’a pas déménagé, n’a contrevenu à aucune des obligations que lui impose son bail, qui n’exige nullement une obligation continue du logement, et il n’existe, de ce fait, aucun motif de résiliation du bail.

La CARCDSF, bailleresse intimée, rétorque que :

— l’appartement a été donné à bail à titre de résidence principale, et doit, de ce fait, être occupé au moins huit mois par an, comme le prescrit l’article 2, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989,

— le logement est inoccupé depuis neuf ans, comme en témoigne la très faible consommation d’eau des occupants (35 mètres cubes en neuf années),

— l’occupation du logement n’est nullement démontrée par les locataires,

— Mme [T] réside, en fait, dans la maison de ses parents ; elle n’a toujours pas réintégré le logement qui lui a été donné à bail et n’a jamais démontré l’intention de le faire.

Sur ce

Le bail consenti à Mme [T] est soumis à la loi n°82-526 du 22 juin 1982 relative aux locaux à usage d’habitation à laquelle il fait référence.

Dès lors, et comme le souligne à bon droit Mme [T], les dispositions de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, dans leur rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, indiquant que la loi s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation qui constituent la résidence principale du preneur ne sont pas applicables en l’espèce.

Pour autant, les dispositions de la loi du 22 juin 1982 ne s’appliquent qu’aux locaux affectés à l’habitation principale du preneur, les résidences secondaires n’entrant pas dans le champ d’application de cette loi en raison du fait que le droit fondamental à l’habitat affirmé par l’article 1er de la loi ne concernent pas les résidences secondaires (Cass. 3eme civ.29 novembre 1983 ; cass. 3eme civ. 6 novembre 1991, n°90-15.923).

Il s’ensuit que, même si Mme [T] n’est soumise par le bail qui lui a été consenti à aucune obligation de durée d’occupation, elle était tenue d’affecter le local qui lui a été donné à bail à son habitation principale, ce qui suppose une occupation des lieux, sinon permanente, du moins effective et continue, une utilisation du logement comme simple pied-à-terre ne satisfaisant pas à la condition d’occupation effective du logement (Cass.3eme civ. 14 janvier 2016, n°14-23.621).

En l’espèce, la bailleresse verse aux débats un constat d’huissier de justice, établi le 25 novembre 2014, faisant apparaître que l’appartement présente l’aspect d’un débarras et non d’un lieu d’habitation, qu’il est impossible de circuler en raison du fort encombrement, que la salle de bains est entièrement inaccessible, que les courriers les plus récents trouvés sur les lieux et dont les locataires sont les destinataires remontent à l’année 2008 et que l’appartement n’est manifestement plus habité depuis longtemps.

Les constatations de l’huissier de justice sont corroborées par les consommations d’eau insignifiantes – 35 mètres cubes en neuf années – sur la période considérée et par le témoignage de la gardienne de l’immeuble, qui affirme que, depuis son arrivée en 2008, elle n’a jamais vu personne entrer ou sortir de l’appartement dont Mme [T] est locataire.

Mme [T] conteste le procès-verbal d’huissier de justice et le témoignage de la gardienne de l’immeuble, sans établir pour autant avoir occupé le logement qui lui a été donné à bail : le fait qu’elle ait fait procéder à la réexpédition de son courrier ne prouve pas une occupation effective des lieux loués ; elle ne justifie pas davantage que les ennuis de santé auxquels elle a pu être affrontés depuis 2014 seraient de nature à justifier une inoccupation du logement depuis 2008 ni même depuis 2014, la décision de résider dans la maison de ses parents, décédés en 2010, résultant d’un choix personnel de sa part.

Il résulte de ce qui précède qu’il est démontré par la bailleresse que le logement donné à bail à Mme [T] n’est pas affecté à l’habitation principale de cette dernière et que Mme [T] n’occupe pas effectivement les lieux.

Ces manquements sont, compte tenu de la durée non justifiée de l’inoccupation, suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.

C’est pourquoi le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail, et consécutivement, ordonné l’expulsion de Mme [T] et de M. [H], dispensé la bailleresse d’avoir à respecter le délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de quitter les lieux, et condamné Mme [T] au paiement d’une indemnité d’occupation.

S’agissant du montant de l’indemnité d’occupation, fixée par le premier juge à la somme mensuelle de 754 euros, la bailleresse sollicite dans le corps de ces écritures qu’elle soit fixée à la somme de 903, 80 euros. Toutefois, cette demande n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions d’appel, dans lequel la bailleresse sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. Il ne sera donc pas statué sur cette demande, la Cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif (Cass.3eme civ, 2 juin 2016).

II) Sur les demandes de dommages et intérêts formées à titre reconventionnel par Mme [T] (5 572,12 euros au titre du préjudice de jouissance, 971 euros en remboursement de frais d’hôtel, 5 000 euros en réparation de son préjudice moral

Mme [T] fait grief à sa bailleresse de l’avoir privée d’accès à son logement pendant plusieurs mois, en changeant la serrure de l’appartement sans qu’elle en soit informée, et soutient qu’elle a été contrainte de dormir deux nuits à l’hôtel, et à subi un important préjudice moral.

L’intimée s’oppose à cette demande en soulignant qu’ignorant l’adresse de Mme [T], que cette dernière a toujours refusé de communiquer, et n’ayant jamais été destinataire d’une demande de remise des nouvelles clefs de l’appartement, aucune faute ne peut lui être imputée, comme l’a exactement relevé le premier juge.

Sur ce

Le premier juge a relevé que Mme [T] avait refusé de communiquer à sa bailleresse, aux forces de l’ordre, même à l’audience de plaidoirie devant le premier juge, toute autre adresse que celle du bien loué, en sorte que le fait qu’elle n’ait pu accéder à son logement entre décembre 2015 et juin 2016, ne pouvait être imputé à faute à la bailleresse.

Mme [T], après avoir constaté, lors d’une visite inopinée effectuée un an après le procès-verbal de constat de l’huissier de justice, le changement de la serrure de la porte d’entrée suite à l’ouverture forcée à laquelle l’huissier de justice a procédé, ne justifie pas avoir sollicité de sa bailleresse la remise des nouvelles clés de sa porte d’entrée ni communiqué son adresse d’hébergement, comme elle le prétend.

Mme [T] ne peut prétendre qu’elle ignorait, lors de sa première visite inopinée au mois de novembre 2015, que la serrure de la porte d’entrée avait été changée, dès lors que le procès-verbal d’huissier de justice établi un an plus tôt mentionnait qu’il avait été procédé à l’ouverture forcée de l’appartement par le serrurier requis et réquisitionné.

L’intimée démontre, en revanche, avoir autorisé, dès le 18 janvier 2016, la gardienne de l’immeuble à remettre les clefs de l’appartement à Mme [T] (pièce n°7).

Par suite, Mme [T] ne saurait utilement prétendre au remboursement des loyers acquittés entre les mois de décembre 2015 et juin 2016, ainsi que des deux nuits passées à l’hôtel ni être indemnisée du préjudice moral dont elle fait état.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [T] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

III) Sur les demandes accessoires

Mme [T], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans les dépens, étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Déboute Mme [C] [T] de ses demandes ;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile, condamne Mme [C] [T] à payer à la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et des sages-femmes une indemnité de 1 500 euros ;

Condamne Mme [C] [T] aux dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT

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