Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.

  • Indication géographique protégée bayerisches bier·
  • Annulation partielle validité de la marque·
  • Atteinte à la valeur patrimoniale de l'igp·
  • Sursis à statuer validité de la marque·
  • Atteinte à l'indication géographique·
  • Annulation partielle responsabilité·
  • Préjudice économique ou commercial·
  • Pratiques commerciales trompeuses·
  • Indication geographique protégée·
  • Indication géographique protégée

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La marque 8.6 Gold Bavaria est annulée en ce qu’elle désigne notamment les bières. Son dépôt et son exploitation portent atteinte aux droits conférés par l’IGP Bayerishes Bier dont elle constitue, au sens de l’article 13, § 1, b) du règlement (UE) n° 1151/2012, une évocation du fait de la présence du terme "Bavaria". Ce terme, qui occupe une place centrale au sein de la marque, est suffisamment visible pour attirer l’attention du consommateur. Celui-ci, même s’il n’est ni latiniste ni germanophone, percevra la proximité visuelle et phonétique des termes "Bavaria" et "Bavière". Au plan conceptuel, il associera le terme "Bavaria" à un distributeur qu’il connaît, mais aussi à une zone géographique réputée pour sa production de bières. Le consommateur sera par conséquent amené à supposer que le produit concerné vient de la Bavière ou qu’il est produit en utilisant les méthodes de brassage bavaroises et qu’il possède les caractéristiques requises pour bénéficier de l’IGP. Pour les mêmes motifs, la marque porte atteinte aux droits issus de l’enregistrement antérieur de l’IGP, au visa de l’article L. 711-4 du CPI dans sa version applicable au litige. Par ailleurs, l’adoption de la marque doit être considérée comme légalement interdite au sens de l’article L. 711-3 b) du CPI et de nature à induire le consommateur en erreur sur la provenance géographique des produits. En effet, le terme "Bavaria" constitue l’un des éléments de la marque. La bière commercialisée sous cette marque est connue du public, non comme invoqué par son titulaire sous le seul signe "8.6", mais en association de celui-ci avec le terme litigieux "Bavaria". En revanche, l’exploitation de la marque incriminée ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse. La demanderesse ne rapporte pas la preuve de l’impact des atteintes sur l’attitude des consommateurs. À cet égard, la société poursuivie justifie amplement de l’identité propre de ses bières produites selon une méthode de brassage à fermentation basse et appréciées comme des bières "fortes", identité qu’elle a choisi d’ancrer dans un univers "rock et rebelle" éloigné de l’image plus traditionnelle attachée aux brasseurs bavarois. Elle justifie également du pouvoir attractif élevé dont bénéficient ses bières auprès du consommateur français (8e position parmi les dix bières les plus vendues en 2014 dans les grandes et moyennes surfaces françaises).

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J.P. Karsenty & Associés · 3 janvier 2023

CA Paris, 16 mars 2021, RG n°20/12991 L''association Bayerischer Brauerbund, qui a pour objet la protection de l'IGP « BAYERISCHES BIER », a intenté une action en nullité de la marque française postérieure semi-figurative « 8.6 GOLD BAVARIA » visant des bières néerlandaises et détenue par la société Bavaria. Le tribunal a accueilli les demandes de l'association, et la société Bavaria a interjeté appel. La Cour d'appel confirme l'annulation de la marque « 8.6 GOLD BAVAIA » et retient la contrefaçon de l'IGP «BAYERISCHES BIER ». Tout d'abord, la Cour d'appel rejette la demande de question …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 16 mars 2021, n° 20/12991
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/12991
Publication : PIBD 2021, 1160, IIIM-5
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 9 décembre 2016, 2014/16395
  • Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2019, 2017/01496
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : 8.6 Gold Bavaria
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3640660
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : 8189896 ; 1051133
Classification internationale des marques : CL32
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : M20210072
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 16 mars 2021

Pôle 5 – Chambre 1 Numéro d’inscription au répertoire général : 20/12991 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCK5M

Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de Paris – 3e chambre 3e section – RG 14/16395

APPELANTE

Société SWINKELS FAMILY BREWERS N.V. VENANT AUX DROITS DE BAVARIA N.V. Société de droit néerlandais, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège De Stater 1 5737 RV LIESHOUT (PAYS-BAS) Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 Assistée de Me Jehan-Philippe JACQUEY de la SELARL GILBEY LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0112

INTIMÉE

Société BAYERISCHER BRAUERBUND E.V. Association de droit allemand Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Oskar von Miller Ring 1 D 80333 MUNICH (ALLEMAGNE) Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515 Assistée de Me Marie-Emmanuelle HAAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1596

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Isabelle DOUILLET, présidente, Françoise BARUTEL, conseillère, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine A ARRÊT : • Contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine A, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*** COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Isabelle DOUILLET, présidente, Françoise BARUTEL, conseillère, Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine A

ARRÊT : • Contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine A, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE L’association BAYERISCHER BRAUERBUND, créée en 1880 et domiciliée à Munich, est un groupement représentant plus de 90 % des brasseurs de la Bavière dont l’objet, tel que défini par ses statuts, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

est notamment de protéger et développer la réputation de la bière produite dans cette région, ainsi que de défendre la dénomination « BAYERISCHES BIER » en Allemagne et à l’étranger.

Elle est identifiée comme le 'groupement demandeur’ dans la demande d’enregistrement de l’indication géographique protégée (IGP) « BAYERISCHES BIER » du 26 janvier 1994, laquelle indique, à son paragraphe 4, le cahier des charges associé à la demande de protection pour les différents types de bières en relation avec le système de contrôle et la désignation de la structure devant l’exercer, un décret de 1516 précisant par ailleurs les ingrédients autorisés dans le brassage d’une bière en Allemagne. L’IGP « BAYERISCHES BIER » a été enregistrée le 28 juin 2001.

L’association BAYERISCHER BRAUERBUND est autorisée à opposer les droits sur l’IGP « BAYERISCHES BIER » pour la bière, résultant du règlement (CE) n° 1347/2001 du Conseil du 28 juin 2001 publié le 5 juillet 2001, et de la protection accordée par les dispositions du règlement (CE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires ayant abrogé le règlement (CE) n° 510/2006 du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, qui s’était lui-même substitué au règlement (CE) n° 2081/92 du 14 juillet 1992.

La société de droit néerlandais BAVARIA (désormais SWINKELS) se présente comme une entreprise familiale indépendante, spécialisée depuis plus de trois siècles dans le brassage et la commercialisation de bières. Elle est établie à Lieshout dans une région qu’elle décrit comme accueillant, selon une tradition ancienne, des familles de brasseurs. Elle précise produire une bière à fermentation basse selon la méthode dite 'méthode viennoise ou bavaroise’ ou 'méthode de Pilzen’ et utiliser la dénomination 'BAVARIA’ depuis près de 100 ans.

Elle a déposé, le 31 mars 2009, la marque française semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 09 3 640 660 (ci-après la marque 660) dont l’enregistrement a été publié le 4 septembre 2009 pour désigner en classe 32 les produits de Bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre ; apéritifs sans alcool ; essences pour la préparation de boissons ; pastilles et poudres pour boissons gazeuses ; préparations pour faire des boissons ; moût de malt ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques'; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons.

Simultanément à son dépôt de marque française, la société BAVARIA a déposé le même signe pour des produits identiques, à titre de marque de l’Union Européenne semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 008 189 896. L’association BAYERISCHER Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

BRAUERBUND a formé opposition à la demande de marque de l’Union européenne, le 22 janvier 2010, pour les produits de bières, en invoquant l’article 8.4 du règlement (CE) n° 207/2009, ce qui a conduit au retrait total par la société BAVARIA de sa demande de marque de l’Union européenne et à la clôture de la procédure d’opposition le 3 mai 2010.

Le 10 septembre 2010, la société BAVARIA a procédé à l’extension de la marque internationale semi-figurative 'BAVARIA’ n° 1051133 déposée pour des produits en classe 32, soit les bières, bières sans alcool, en revendiquant une protection en France.

L’enregistrement international n° 1051133 désignant la France pour les produits de bières, bières sans alcool en classe 32 a été publié le 21 octobre 2010. L’association BAYERISCHER BRAUERBUND a formulé des observations auprès de l’INPI par lettre du 21 décembre 2010 et formé opposition. Le 4 février 2011, l’INPI a notifié un refus provisoire en France de cet enregistrement pour motifs absolus, sur le fondement des articles L. 712-7 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, aux motifs notamment que 'le terme « BAVARIA » évoque incontestablement, en raison de sa proximité avec le terme « BAYERISCHES » l’indication géographique protégée « BAYERISCHES BIER »' et constitue par conséquent une imitation de ladite indication’ et qu’ainsi 'le signe déposé « BAVARIA » doit être refusé à l’enregistrement en ce qu’il est constitué d’un élément dont l’utilisation est légalement interdite comme contrevenant aux dispositions des articles 13 et 14 du Règlement (CE) n° 510/2006', concluant que 'le signe déposé en ce qu’il est constitué du terme « BAVARIA » faisant référence à l’indication géographique « BAYERISCHES BIER » est de nature à tromper le public sur la nature et l’origine des produits’ en laissant entendre qu’ils bénéficient de l’indication protégée. La procédure a été clôturée le 29 août 2013 du fait de la renonciation par la société BAVARIA à la partie française de l’enregistrement international n° 1051133, objet de l’opposition.

Invoquant l’usage fréquent de « Bavaria » ou « Bavarian » en Bavière pour signifier « Bayern » ou « Bayerisch », ainsi que l’appartenance à cette région pour les bières ou pour d’autres activités, et le fait que d’autres bières ont toujours revendiqué leur origine bavaroise en apposant la mention « Bayerisch » sur leurs étiquettes et emballages, et estimant que la société BAVARIA tentait de s’approprier le terme « Bavaria » pour désigner de la bière alors même qu’elle avait connaissance du règlement (CE) n° 1347/2001 du Conseil du 28 juin 2001, l’association BAYERISCHER BRAUERBUND, suivant acte du 22 août 2014, l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir prononcer la nullité de la marque française semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 et obtenir des mesures indemnitaires.

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Par jugement du 9 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société BAVARIA,

— dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer sur les demandes de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND et de soumettre à la Cour de Justice de l’Union Européenne les questions préjudicielles posées par la société BAVARIA,

— dit qu’en déposant et en exploitant la marque française '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre, la société BAVARIA a porté atteinte aux droits sur l’IGP 'BAYERISCHES BIER’ au préjudice de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND,

— dit que l’exploitation de la marque française '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre, constitue une contrefaçon de l’IGP 'BAYERISCHES BIER’ au préjudice de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND,

— dit que l’exploitation de la marque française '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières; moût de bière, extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre, constitue une pratique commerciale trompeuse,

— prononcé l’annulation de la marque française semi-figurative '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 en ce qu’elle désigne en classe 32 les produits de bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre,

— dit que le jugement devenu définitif sera inscrit au registre national des marques tenu par l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente,

— fait interdiction à la société BAVARIA de faire usage de la marque française '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre,

— condamné la société BAVARIA à payer à l’association BAYERISCHES BRAUERBUND une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l’atteinte portée à l’IGP 'BAYERISCHES BIER',

— débouté l’association BAYERISCHES BRAUERBUND du surplus de ses demandes indemnitaires,

— rejeté les demandes de publication,

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— rejeté les demandes présentées au titre de la procédure abusive,

— condamné la société BAVARIA aux dépens, dont distraction au profit de Me Marie-Emmanuelle HAAS conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et à verser à l’association BAYERISCHER BRAUERBUND une somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

La société BAVARIA a fait appel de ce jugement.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2018.

L’affaire a été plaidée le 7 novembre 2018 et à l’issue des débats, la cour a proposé aux parties une mesure de médiation.

Par un arrêt du 15 janvier 2019, la cour, au vu de l’accord donné par toutes les parties, a ordonné une mesure de médiation.

Les parties ayant souhaité poursuivre la médiation selon un mode conventionnel, une ordonnance de retrait du rôle a été rendue le 17 décembre 2019 par le conseiller de la mise en état.

La médiation n’ayant pas permis aux parties de trouver un accord mettant fin au litige, la société SWINKELS FAMILY BREWERS, venant aux droits de la société BAVARIA, a saisi la cour par déclaration du 15 septembre 2020.

L’affaire a été réinscrite au rôle de la cour et plaidée de nouveau le 3 février 2021, la composition de la cour ayant été modifiée depuis l’arrêt ordonnant la médiation. Dans ses dernières conclusions numérotées 3 transmises le 3 juillet 2018, la société SWINKELS FAMILY BREWERS (ci-après, SWINKELS) (précédemment BAVARIA), demande à la cour :
- de juger la société BAVARIA recevable et bien fondée en son appel,

— de juger l’association BAYERISCHER BRAUERBUND irrecevable, à tout le moins mal fondée, en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter,

— d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté l’association BAYERISCHER BRAUERBUND de certains chefs de préjudice invoqués et des mesures de publication qu’elle sollicitait,

— statuant à nouveau,

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— de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse apportée par la Cour de Justice de l’Union Européenne à la question préjudicielle suivante :

'Quelle est la portée des expressions « la marque BAVARIA / the trade mark BAVARIA / the name BAVARIA », aux points (3) et (4) du Règlement (CE) 1347/2001 ? Ces mentions doivent-elles s’entendre de la liberté pour Bavaria d’enregistrer et d’exploiter, ou de faire enregistrer et exploiter, dans le commerce, le signe distinctif BAVARIA, pris en tant que tel, ou doivent-elles être interprétées comme ne visant que certains enregistrements de marques existant à la date d’entrée en vigueur du Règlement, et dans l’affirmative, lesquels ?''

— en toute hypothèse :

— de juger que le signe litigieux objet de l’enregistrement de marque française complexe n° 660 ne porte pas atteinte à l’IGP « BAYERISCHER BIER »,

— de condamner l’association BAYERISCHER BRAUERBUND à verser à la société BAVARIA la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— d’ordonner, et ce à titre de complément de dommages et intérêts, la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société BAVARIA et aux frais exclusifs et avancés de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 15 000 euros,

— d’ordonner également à titre de complément de dommages et intérêts, la publication a minima d’extraits dispositif de l’arrêt à intervenir, sur la page d’accueil du site Internet www.bayrisch-bier.de, et ce dans une police de caractères identique au contenu de cette page, sans qu’il ne soit nécessaire d’utiliser le menu déroulant de ladite page d’accueil, et ce pour une durée d’un mois, et sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, la cour se réservant le droit de liquider directement l’astreinte,

— de condamner l’association BAYERISCHER BRAUERBUND à verser à la société BAVARIA la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner l’association BAYERISCHER BRAUERBUND en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Jeanne BAECHLIN en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

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Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 18 septembre 2018, l’association de droit allemand BAYERISCHER BRAUERBUND demande à la cour :
- de dire la société BAVARIA irrecevable et à tout le moins mal fondée en son appel et en toutes ses demandes, fins moyens et prétentions,

— de juger l’association de droit allemand BAYERISCHER BRAUERBUND recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions et en son appel incident,

— en conséquence,

— statuant à nouveau,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a :

— rejeté la demande de la société BAVARIA de surseoir à statuer pour poser la question préjudicielle en interprétation du règlement (CE) 1347/2001 à la Cour de Justice de l’Union Européenne,

— annulé la marque française semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660, déposée et enregistrée en violation de ses droits sur l’IGP « BAYERISCHES BIER » pour les bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt, bière de gingembre,

— dit que, conformément aux articles R. 714-2 et R. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, la décision à intervenir sera inscrite au registre national des marques tenu par l’INPI, à l’initiative du greffier ou de la partie la plus diligente, aux frais de la société BAVARIA,

— dit la société BAVARIA responsable d’actes de contrefaçon de l’IGP « BAYERISCHES BIER », au préjudice de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND,

— dit que la société BAVARIA est l’auteur de pratiques commerciales trompeuses telles que définies et interdites par le code de la consommation et a engagé sa responsabilité à ce titre,

— interdit, sous astreinte, tout usage de la marque française semi- figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt, bière de gingembre,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’association de droit allemand BAYERISCHER BRAUERBUND de certaines demandes,

— si, par extraordinaire, la demande d’annulation de la marque française semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

n’était pas confirmée, en tant qu’évocation de l’IGP « BAYERISCHES BIER », sur le fondement de l’article 13.1 (b) du règlement UE 1151/2012 :

— à titre subsidiaire, dire et juger que la marque semi-figurative '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 caractérise l’imitation de l’IGP « BAYERISCHES BIER », au sens de l’article 13.1 (b) du règlement (CE) n° 1151/2012,

— à titre plus subsidiaire, dire et juger que l’usage de la marque '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 caractérise une utilisation commerciale directe ou indirecte de l’IGP « BAYERISCHES BIER » pour les bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt, bière de gingembre, au sens de l’article 13.1 (a) du règlement (CE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012,

— à titre encore plus subsidiaire, dire et juger que l’usage de la marque '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 caractérise une utilisation commerciale directe ou indirecte de l’IGP « BAYERISCHES BIER » pour les bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt, bière de gingembre, au sens des articles 13.1 (c) ou (d) du règlement (CE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012,

— sur les pratiques commerciales trompeuses :

— de juger la société BAVARIA responsable de tromperie sur l’origine des bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt, bière de gingembre vendus sous la marque française semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660, en vertu de l’article 643-2 du code rural et de la pêche maritime et du code de la consommation et engage la responsabilité civile de la société BAVARIA au préjudice de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND,

— sur les dommages et intérêts :

— de condamner la société BAVARIA à payer à l’association BAYERISCHER BRAUERBUND :

— une somme de 50 000 €, en réparation des conséquences économiques négatives et des bénéfices de contrefaçon réalisés par la société BAVARIA au détriment,

— une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts du fait du dommage causé par la tromperie sur l’origine et la nature des produits vendus sous la marque française semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660, telle que protégée et telle qu’exploitée,

— une somme de 30 000 € en réparation de son préjudice moral, du fait de l’atteinte portée à l’IGP « BAYERISCHES BIER », Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI


- de condamner la société BAVARIA à la publication de la décision à intervenir, sur la page d’accueil de ses sites www.bavaria86.com, www.bavaria.com, et www.bavariacorporate.com et www.swinkelsfamilybrewers.com, dont les noms de domaine sont enregistrés au nom de la société BAVARIA, ainsi que sur la page d’accueil de deux sites au choix de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND, en caractères Arial 10, en français et dans une traduction en anglais, pendant deux mois à compter du prononcé de la décision à intervenir et dans 3 journaux de son choix, aux frais avancés de la société BAVARIA, à hauteur de la somme de 3 000 € maximum par insertion,

— sur les mesures d’interdiction :

— de soumettre l’interdiction de tout usage de la marque française semi-figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt, bière de gingembre à une astreinte en cas de non-respect de la décision à intervenir,

— d’interdire, sous astreinte, tout usage de la marque française semi- figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières, moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt, bière de gingembre, telle qu’exploitée, en France, sous la forme de la pièce 14,

— de juger que les astreintes seront d’un montant de 2 000 € par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant le prononcé de la décision à intervenir, qu’elles seront définitives et productrices d’intérêt au taux légal, avec capitalisation, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil et que la cour se réservera la liquidation des astreintes qu’elle aura prononcées,

— en tout état de cause,

— de condamner la société BAVARIA à verser à l’association BAYERISCHER BRAUERBUND la somme de 20 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner la société BAVARIA aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Marie-Emmanuelle Haas, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS,

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Sur les chefs non critiqués du jugement La cour constate que le jugement déféré n’est pas contesté en ce qu’il a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société BAVARIA (désormais SWINKELS) tirée de la forclusion par tolérance en raison de l’existence d’une marque antérieure identique et en ce qu’il a dit n’y avoir lieu de soumettre à la Cour de Justice de l’Union Européenne la question préjudicielle (2°) posée par la société BAVARIA (SWINKELS).

Sur les demandes de la société BAVARIA (SWINKELS) de transmission à la CJUE d’une question préjudicielle et de sursis à statuer La société appelante soutient que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal et ce que défend l’association intimée, le considérant 3 du préambule du règlement (CE) n° 1347/2001 décrit la marque 'BAVARIA', ainsi que l’ensemble des signes commerciaux comportant le mot BAVARIA, quand bien même ils seraient postérieurs au règlement, comme insusceptibles de prêter à confusion avec l’IGP « BAYERISCHES BIER ». Selon elle, les termes 'la marque BAVARIA/ the trade mark BAVARIA / the name BAVARIA’ utilisés au considérant 3 du règlement n° 1347/2001 ont une portée large, comprenant le signe BAVARIA utilisé comme dénomination sociale, nom commercial, noms de domaine et aussi les déclinaisons de ses enregistrements de la marque BAVARIA pour identifier ses produits. Elle fait valoir que si le Conseil de l’Union européenne avait voulu limiter le considérant 3 du règlement à des enregistrements de marque précis, il se serait référé précisément à ces enregistrements et n’aurait pas utilisé la forme générique, au singulier, 'la marque BAVARIA', et qu’une interprétation contraire reviendrait à la priver de l’usage d’une dénomination qu’elle exploite depuis près d’un siècle, sous différentes formes, à titre notamment de dénomination sociale et de marque, cette marque devant inévitablement évoluer dans sa présentation en même temps que les codes commerciaux et les attentes du consommateur. Elle argue que l’ambiguïté qui existe manifestement dans l’esprit de l’intimée et du tribunal sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1347/2001 concernant la nature des signes distinctifs qui seraient couverts par les expressions 'la marque BAVARIA’ (version française du règlement), 'the trademark BAVARIA’ et 'the name BAVARIA’ (version anglaise) aux considérants 3 et 4 dudit règlement impose de solliciter l’interprétation de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Elle ajoute que la question à transmettre à la CJUE est nouvelle et pertinente dans le cadre du présent litige puisque l’article 13 paragraphe 1 du règlement n° 1151/2012 dont se prévaut l’intimée vise, aux points (b) à (d) les imitations, évocations ou autres faits qui donneraient lieu à une confusion dans l’esprit du consommateur ou Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

seraient de nature déceptive ou trompeuses, alors que, selon elle, le considérant 3 du règlement n° 1151/2001 prévoit sans réserve que la coexistence de l’IGP « BAYERISCHES BIER » et de « la marque BAVARIA » ne peut induire le public en erreur et ce, nonobstant la renommée éventuelle de Bavaria.

L’intimée demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de la société Bavaria de surseoir à statuer pour poser la question préjudicielle à la CJUE, arguant que l’appelante construit son argumentation sur une citation tronquée du règlement 1347/2001, sème la confusion sur le statut des marques antérieures à la création de l’IGP et celles qui lui sont postérieures et que la question dont la transmission est sollicitée n’est pas pertinente, la cour n’ayant pas besoin, pour trouver une issue au litige, d’interprétation complémentaire du règlement (CE) 1347/2001 dont les dispositions sont suffisamment claires.

Ceci étant exposé, l’alinéa 2 de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que : ' La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l’interprétation des traités,

b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

(')'.

En l’espèce, les considérants 2, 3 et 4 du règlement (CE) n° 1347/2001 du Conseil du 28 juin 2001 complétant l’annexe du règlement (CE) n° 1107/96 de la Commission relatif à l’enregistrement des indications d’origine géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, énoncent :

'(2) Suite à la notification de la demande d’enregistrement par les autorités allemandes de la dénomination 'Bayerisches Bier’ en tant qu’indication géographiquement protégée, les autorités néerlandaises et danoises ont communiqué à la Commission l’existence de marques, incluant ladite dénomination, utilisées pour de la bière.

(3) Les informations transmises permettent de constater l’existence de la marque 'Bavaria’ ainsi que le caractère valable de cette marque ; en outre, il a été considéré qu’en vertu des faits et des informations Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

disponibles, l’enregistrement de la dénomination 'Bayerisches Bier’ n’est pas de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit. De ce fait l’indication géographique 'Bayerisches Bier’ et la marque 'Bavaria’ ne se trouvent pas dans la situation visée au paragraphe 14 du règlement (CEE) n° 2081/92.

(4) L’usage de certaines marques, par exemple, la marque néerlandaise 'Bavaria’ ainsi que la marque danoise 'Hoker Bajer', peut se poursuivre nonobstant l’enregistrement de l’indication géographique 'Bayerisches Bier’ dans la mesure où elles remplissent les conditions prévues à l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 2081/92.'

Par ailleurs, il est constant que le dépôt litigieux de la marque '8.6 GOLD BAVARIA', intervenu le 31 mars 2009, soit sous l’empire du règlement n° 510/2006 du 20 mars 2006, doit se voir appliquer le règlement UE n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, qui l’a remplacé.

Le paragraphe 1 de l’article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 prévoit :

' Les dénominations enregistrées sont protégées contre :

a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ;

b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation » ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients

c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit ;

d) toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. (…)'.

L’article 14 du même règlement prévoit : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

'1. Lorsqu’une appellation d’origine ou une indication géographique est enregistrée au titre du présent règlement, l’enregistrement d’une marque dont l’utilisation enfreindrait l’article 13, paragraphe 1, et qui concerne un produit de même type est refusé si la demande d’enregistrement de la marque est présentée après

1: Mise en gras ajoutée.

la date de dépôt auprès de la Commission de la demande d’enregistrement relative à l’appellation d’origine ou à l’indication géographique.

Les dispositions du présent paragraphe s’appliquent sans préjudice des dispositions de la directive 2008/95/CE.

2. Sans préjudice de l’article 6, paragraphe 4, une marque dont l’utilisation enfreint l’article 13, paragraphe 1, et qui a été déposée, enregistrée, ou acquise par l’usage dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, de bonne foi sur le territoire de l’Union, avant 2: Mise en gras ajoutée. la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection relative à l’appellation d’origine ou à l’indication géographique, peut continuer à être utilisée et renouvelée pour ce produit nonobstant l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique, pour autant qu’aucun motif de nullité ou de déchéance, au titre du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ou de la directive 2008/95/CE, ne pèse sur la marque. En pareil cas, l’utilisation tant de l’appellation d’origine protégée ou de l’indication géographique protégée que des marques concernées est autorisée.'

Il se déduit de l’ensemble de ces dispositions, d’une part, que la marque BAVARIA mentionnée au considérant 3 du règlement n° 1347/2001 concerne une marque précise, appréciée en tant que telle par le Conseil ('Les informations transmises permettent de constater l’existence de la marque 'Bavaria’ ainsi que le caractère valable de cette marque', soit, dans la version anglaise, 'The information provided confirms the existence of the name 'Bavaria’ as a valid trade mark') et existant à la date d’entrée en vigueur de ce règlement du 28 juin 2001 qui a enregistré l’indication géographique protégée 'BAYERISCHES BIER', et non pas tout signe distinctif BAVARIA, et notamment toute déclinaison de la marque BAVARIA qui serait ultérieurement déposée par la société BAVARIA, et d’autre part, qu’un conflit entre l’IGP et une marque postérieure à l’enregistrement de cette IGP, comme en l’espèce, doit se régler en faisant application Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

du paragraphe 1 de l’article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 et du paragraphe 1 de l’article 14 du même règlement.

Par ailleurs, la société SWINKELS ne peut soutenir qu’aux termes du règlement n° 1347/2001, le Conseil de l’Union Européenne aurait expressément indiqué, de manière générale et sans réserve, que la coexistence entre les dénominations 'Bayerisches Bier’ et 'Bavaria’ ne peut induire le consommateur en erreur quant à l’identité des produits respectifs ('l’enregistrement de la dénomination « Bayerisches Bier » n’est pas de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit. De ce fait l’indication géographique « Bayerisches Bier » et la marque « Bavaria » ne se trouvent pas dans la situation visée au paragraphe 3 de l’article 14 du règlement (CEE) n° 2081/92"), de sorte que la réciproque s’imposerait également, selon laquelle la marque BAVARIA ne pourrait prêter à confusion avec l’IGP 'Bayerisches Bier'. En effet, dans un arrêt du 2 juillet 2009 (Aff. C- 343/07), la CJUE, répondant à une question préjudicielle posée par la cour d’appel de Turin (Italie) à l’occasion d’une procédure opposant la société BAVARIA à l’association BAYERISCHER BRAUERBUND, a dit que 'la circonstance que l’article 1er du règlement n° 1347/2001 a enregistré la dénomination «Bayerisches Bier» en tant qu’IGP et que son troisième considérant constate que ladite IGP et la marque Bavaria ne se trouvent pas dans la situation visée à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 ne saurait avoir une incidence sur l’examen des conditions pour permettre une coexistence entre ladite marque et ledit IGP, telles que prévues à l’article 14, paragraphe 2, dudit règlement’ (§ 123) et 'En particulier, l’absence de risque de confusion dans l’esprit du consommateur, au sens de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92, entre la dénomination en cause et la marque préexistante n’exclut pas que l’usage de cette dernière puisse relever d’un cas de figure visé à l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement ou encore que ladite marque puisse encourir l’un des motifs de nullité ou de déchéance prévus respectivement aux articles 3, paragraphe 1, sous c) et g), ainsi que 12, paragraphe 2, sous b), de la première directive 89/104' (§ 124).

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société BAVARIA (désormais SWINKELS) tendant à la transmission à la CJUE de la question préjudicielle (2°) susvisée portant sur le sens des expressions 'la marque BAVARIA/ the trade mark BAVARIA / the name BAVARIA’ utilisés aux considérants 3 et 4 du règlement n° 1347/2001 et au prononcé d’un sursis à statuer.

Sur la demande de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND en annulation de la marque '8.6. GOLD BAVARIA’ n° 660 de la société BAVARIA (SWINKELS)

Sur la demande en ce qu’elle est fondée sur les articles 13 paragraphe 1 et 14 paragraphe 1 du règlement n° 1151/2012 Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Pour conclure à l’absence d’imitation ou d’évocation de l’IGP par sa marque '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660, la société appelante soutient que le terme 'BAVARIA n’est qu’un élément parmi d’autres de sa marque et ne constitue pas un élément dominant et distinctif puisqu’il est reproduit dans une taille sensiblement inférieure aux autres éléments composant la marque, les éléments dominants étant les chiffres 8 et 6 inscrits dans une typographie spécifique, séparés d’un point rouge, au centre de la canette, et attirant immédiatement l’attention du consommateur, alors que le terme BAVARIA se fond au sein de l’ensemble complexe, avec d’autres éléments tels que le blason da la famille SWINKELS et la mention 'Anno 1719' en haut de la cannette, la mention 'Special Gold Bier’ et le titrage alcoolique, ainsi que des ornementations en fond. Elle ajoute que les dénominations en présence n’ayant en commun que la séquence d’attaque BA, la marque contestée, à supposer même qu’elle soit dominée par le terme BAVARIA, ne peut évoquer l’IGP invoquée pour le consommateur français moyen qui n’est pas un latiniste ni un germanophone accompli. Elle rappelle que les considérants 3 et 4 du préambule du règlement n° 1347/2001 excluent de manière générale que la coexistence entre « BAYERISCHES BIER » et BAVARIA puisse induire le consommateur en erreur quant à la qualité des produits respectifs. Elle argue encore qu’il n’y a pas d’atteinte à l’IGP dans la mesure où le terme BAVARIA constitue un simple rappel de sa dénomination sociale et n’est pas utilisé à titre de marque, cette fonction étant remplie par les chiffres « 8.6 ». Elle plaide enfin que le consommateur n’est pas induit en erreur car l’origine hollandaise de ses produits est clairement indiquée sur la cannette.

L’association intimée demande la confirmation du jugement, rappelant que le dépôt de la marque litigieuse est postérieur à la création de l’IGP. Elle fait valoir que l’appelante tente en vain de démontrer l’absence d’un risque de confusion, alors qu’est invoquée l’évocation de l’IGP par la marque litigieuse au sens de l’article 13 paragraphe 1 b) du règlement n° 1151/2012, et qu’il y a évocation dès lors que le consommateur peut associer la dénomination BAVARIA à la bière bavaroise, les éléments figuratifs de la marque litigieuse n’affectant pas le caractère essentiel et immédiatement perceptible du terme BAVARIA qui est l’élément dominant de la marque litigieuse. A titre subsidiaire, l’intimée invoque l’imitation de l’IGP par la marque litigieuse en relevant que le terme BAVARIA, élément dominant de la marque, est le nom latin et anglais de la Bavière, d’où provient la bière bavaroise, traduction française de l’IGP « BAYERISCHES BIER ». A titre plus subsidiaire, elle prétend qu’il existe une utilisation commerciale de l’IGP antérieure au sens de l’article 13 paragraphe 1 a) du règlement, et à titre encore plus subsidiaire, que la marque litigieuse a un caractère trompeur au sens des articles 13 paragraphe 1 c) et d) du même règlement, à défaut pour les produits concernés d’être produits en Bavière.

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Il est rappelé que le point c) du paragraphe 1 de l’article 13 du règlement n° 1151/2012 prévoit que 'Les dénominations enregistrées sont protégées contre : (…) b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l 'origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation » ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients'.

En l’espèce, comme les premiers juges l’ont retenu, si le terme BAVARIA occupe visuellement une place relativement secondaire dans la marque litigieuse au regard d’autres éléments très apparents, tels la forme de la cannette, les chiffres 8.6 au-dessus de l’élément verbal GOLD, l’étiquette argentée, la couleur or, il est néanmoins reproduit dans une police noire et grasse et occupe une place centrale, juste en dessous de l’étiquette argentée sur laquelle figure la mention purement descriptive '8.6 GOLD’ faisant référence au degré d’alcool de la bière et à la couleur dorée de cette boisson, et il est ainsi suffisamment visible pour appeler l’attention du consommateur. Ce consommateur, même s’il n’est ni latiniste ni germanophone, outre qu’il percevra la proximité visuelle et phonétique du terme BAVARIA et du terme BAVIERE, associera au plan conceptuel ce terme BAVARIA, certes à un distributeur qu’il connaît, mais aussi à une zone géographique, la Bavière, réputée pour sa production de bières et sa très célèbre fête de la bière qui a lieu chaque année à Munich, et sera par conséquent amené à supposer que le produit concerné vient de la Bavière ou qu’il est produit en utilisant les méthodes de brassage bavaroises et qu’il possède les caractéristiques requises pour bénéficier de l’IGP 'BAYERISCHES BIER'. La société BAVARIA (SWINKELS) prétend que le terme BAVARIA est secondaire ou accessoire mais son argumentation est démentie par la publicité qu’elle a mise en œuvre pour la promotion en France d’une bière '8.6 BAVARIA HOLLAND BIER', avec le slogan 'Hollandaise, comme son nom ne l’indique pas’ qui fait clairement référence à la Bavière et au pouvoir évocateur du terme BAVARIA.

Il peut donc être considéré que la marque '8.6 GOLD BAVARIA’ porte atteinte aux droits conférés par l’IGP dont il constitue au sens de l’article 13 paragraphe 1 b) du règlement n° 1151/2012, une évocation du fait de la présence du terme BAVARIA renvoyant à la Bavière.

Sans qu’il y ait lieu d’examiner le surplus de l’argumentation de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND invoqué à titre subsidiaire, relativement à l’application des points a) b) (en ce qu’il vise l’imitation de l’IGP) c) et d) du paragraphe 1 de l’article 13 du règlement n° 1151/2012, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit qu’en déposant et en exploitant la marque française '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre, la société BAVARIA (SWINKELS) a porté atteinte aux droits sur l’IGP Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

'BAYERISCHES BIER’ au préjudice de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND.

L’annulation de la marque est donc encourue de ce chef, en application de l’article 14 paragraphe 1 du même règlement, en ce qu’elle désigne les bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre.

Sur la demande en ce qu’elle est fondée sur les articles L.711-3 b) et c) et L.714-3 (dans leur version applicable à l’espèce) du code de la propriété intellectuelle L’appelante soutient que l’intimée est irrecevable à invoquer les dispositions du livre VII du code de la propriété intellectuelle, notamment l’article L. 714-3 dudit code, afin d’obtenir l’annulation de la marque litigieuse puisque le signe BAVARIA n’est pas utilisé à titre de marque, ses produits étant connus en France sous le signe « 8- 6 », et qu’en toute hypothèse, l’usage de la dénomination BAVARIA n’est pas susceptible d’induire le consommateur en erreur sur la provenance de la bière commercialisée sous la marque n° 660 pour les raisons développées précédemment.

L’intimée répond que la marque est illicite pour les motifs absolus prévus aux articles L. 711-3 b) et c) et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle puisque la marque litigieuse est contraire à l’ordre public, qu’elle ressemble à l’IGP et qu’elle est trompeuse.

En application de l’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à l’espèce, 'Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :

(…)

b) Contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou dont l’utilisation est légalement interdite ;

c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service', l’article L. 714-3 du même code prévoyant qu’ 'Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4. (…) La décision d’annulation a un effet absolu'.

Le terme BAVARIA constitue l’un des éléments de la marque semi- figurative litigieuse, protégée et exploitée par la société BAVARIA (SWINKELS). Celle-ci soutient que sa bière commercialisée sous cette marque est en réalité connue du public sous le seul signe '8.6', mais les pièces qu’elle produit au soutien de cette argumentation montrent au contraire l’association systématique du signe 8.6 et du terme BAVARIA (cf. notamment extraits de sites internet : ses pièces Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

13 'Un petit goût d’absinthe dans la Bavaria 8.6' ; 14 'Retour à 8,6 degrés pour la Bavaria 8.6' ; 15 'Nouveau look pour la 8.6 Red de Bavaria’ ; 16 'La 8.6 de Bavaria repasse en ce moment à 8,6 degrés’ ; 18 '8.6 by Bavaria est devenue une marque incontournable du rayon bières …' ; la pièce 61 concernant une bière '8.6 Original’ est une page internet intitulée 'BAVARIA'). Les pièces 62 et 63 communiquées en appel, qui montrent diverses bières 8.6 sans aucune mention du terme BAVARIA, extraites d’un site internet www.86beer.com et de la page Facebook '8.6' et non datées, sont, elles, sujettes à caution.

Au regard des développements qui précèdent, l’adoption de la marque litigieuse doit être considérée comme légalement interdite et de nature à induire le consommateur en erreur sur la provenance géographique de la bière commercialisée sous la marque la marque française semi- figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660.

Le jugement doit être confirmé de ce chef également.

L’annulation de la marque est donc également encourue de ce chef, en application de l’article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu’elle désigne les bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre.

Sur la demande en ce qu’elle est fondée sur les articles L. 711-4 d) et L. 714-3 (dans leur version applicable à l’espèce) du code de la propriété intellectuelle L’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose que 'Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

(…)

d) A une appellation d’origine protégée ou à une indication géographique (…)' Pour les motifs qui ont été exposés, la marque française semi- figurative en couleurs '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 porte atteinte aux droits issus de l’enregistrement antérieur de l’indication géographique protégée « BAYERISCHES BIER ».

L’annulation de la marque est donc également encourue de ce chef, en application de l’article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu’elle désigne les bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre.

Le jugement doit être confirmé sur ce point également. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Il sera également confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation de la marque française semi-figurative '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 en ce qu’elle désigne en classe 32 les produits de bières ; moût de bière ; extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre.

Sur la demande de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND en contrefaçon de l’IGP 'BAYERISCHES BIER’ Pour demander l’infirmation du jugement qui a reconnu l’existence d’actes de contrefaçon, la société BAVARIA (SWINKELS) soutient que le risque de confusion n’est nullement démontré par l’association BAYERISCHER BRAUERBUND.

L’article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l’Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur.

Pour l’application du présent chapitre, on entend par « indication géographique » : (…)

c) Les appellations d’origine et les indications géographiques protégées en vertu du droit de l’Union européenne ;

Sont interdits la production, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique'.

Les développements qui précèdent sur l’application des articles 13 paragraphe et 14 paragraphe 1 du règlement n° 1151/2012 conduisent à retenir l’existence d’une atteinte portée à l’IGP « BAYERISCHES BIER » constitutive de contrefaçon au sens de l’article L. 722-1, le risque de confusion résultant, comme il a été dit, du fait que le consommateur associera le terme BAVARIA de la marque litigieuse à la Bavière et aux méthodes de brassage protégées par l’IGP 'BAYERISCHES BIER'.

Sur les demandes de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND relatives aux pratiques commerciales trompeuses

Sur la demande en ce qu’elle est fondée sur les dispositions du code de la consommation prohibant les pratiques commerciales déloyales et trompeuses Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La société appelante conteste les actes de tromperie sur l’origine des bières commercialisées sous la marque n° 660 retenus par le tribunal. Rappelant que BAVARIA correspond à sa dénomination sociale, elle fait valoir qu’elle fait usage de cette dénomination depuis près 100 ans, soit bien antérieurement à l’IGP revendiquée, et prétend ne pas avoir cherché à tromper le public mais revendiquer fièrement l’origine hollandaise de ses produits et avoir construit une identité propre aux antipodes de l’image plus classique attribuée aux brasseurs bavarois. Elle soutient que les bières hollandaises en général et ses produits « 8-6 » bénéficient d’un pouvoir attractif fort en France alors que l’intimée ne démontre pas que la dénomination « BAYERISCHES BIER » bénéficie d’une renommée dans ce pays.

L’association répond que la mention BAVARIA incorporée dans la marque française semi-figurative en couleurs n° 660 constitue une fausse indication d’origine des produits marqués, puisqu’ils ne sont pas originaires de Bavière, et que cette marque induit le consommateur en erreur sur une caractéristique essentielle du produit concerné.

L’article L. 121-1 du code de la consommation, dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2016, qui reprend l’ancien article L. 120-1, dispose :

'Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.

Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses 1:

Mises en gras ajoutées.

définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7".

L’article L. 121-2 du même code, dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2016, qui reprend l’ancien article L. 121-1, dispose : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

'Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (…)'. Il résulte de ces dispositions que la caractérisation de pratiques commerciales déloyales, dont font partie les pratiques commerciales trompeuses, suppose que soit établie une altération ou une possibilité d’altération du comportement économique du consommateur induite par les faits reprochés et que cette altération soit substantielle.

Force est de constater qu’en l’espèce, l’association BAYERISCHER BRAUERBUND ne fait pas cette démonstration, n’alléguant pas même une telle altération dans ses conclusions. À cet égard, le tribunal a constaté à juste titre l’absence d’élément démontrant l’impact et la portée des atteintes relevées sur l’attitude des consommateurs. La cour relève par ailleurs que la société BAVARIA (SWINKELS) justifie amplement par les pièces qu’elle verse aux débats de l’identité propre de ses bières produites selon une méthode de brassage à fermentation basse et appréciées comme des bières 'fortes’ (cf. notamment ses pièces 43 et 45), identité qu’elle a choisi d’ancrer dans un univers 'rock et rebelle’ éloigné de l’image plus traditionnelle attachée aux brasseurs bavarois, et du pouvoir attractif élevé dont elles bénéficient auprès du consommateur français (cf. sa pièce 11 faisant état de ce que sa bière 8.6 figure en 8e position parmi les dix bières les plus vendues en 2014 dans les grandes et moyennes surfaces françaises).

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a dit que l’exploitation de la marque française '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières; moût de bière, extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre, constitue une pratique commerciale trompeuse.

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Sur la demande en ce qu’elle est fondée sur l’article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime L’article L.643-2 du code rural et de la pêche maritime dispose que : ' L’utilisation d’indication d’origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d’affaiblir la notoriété d’une dénomination reconnue comme appellation d’origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l’utilisation abusive d’une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d’origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties'.

C’est à juste raison que le tribunal a écarté l’application de ce texte qui vise 'l’utilisation d’indication d’origine ou de provenance’ et non son évocation comme en l’espèce.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les mesures réparatrices

Sur les demandes indemnitaires La société appelante estime que les dommages et intérêts alloués à l’intimée au titre de l’atteinte à la valeur de l’IGP sont excessifs, rappelant que cette dernière est une association à but non-lucratif, et que la réalité de son préjudice patrimonial n’est aucunement établie, d’autant que depuis 2014, le conditionnement de ses produits a changé. Elle conteste la valeur probante des pièces communiquées par l’intimée pour établir la réalité de son préjudice et approuve le tribunal pour avoir rejeté les demandes au titre d’un préjudice moral ou commercial.

L’intimée répond que la société BAVARIA (SWINKELS) n’établit pas avoir modifié le conditionnement de ses bières. Rappelant qu’une association peut avoir une activité commerciale et subir un préjudice économique, elle plaide que la contrefaçon de l’IGP par la marque '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 et la tromperie sur l’origine des produits lui causent un préjudice résultant d’un manque à gagner important lié à une baisse du volume de ses ventes au cours des dernières années en raison de l’exploitation intensive de la marque litigieuse en France et à la communication très active réalisée par la société BAVARIA sur ses produits. Elle ajoute qu’elle-même a réalisé des campagnes de promotion et de sensibilisation auprès du public pour communiquer sur les qualités de la bière bavaroise (à hauteur de 1 790 000 € pour les années 2009 à 2014) et que la contrefaçon des droits sur l’IGP porte inévitablement atteinte à la valeur de cette IGP. Elle relève par ailleurs que l’appelante a réalisé des bénéfices importants du fait de Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

l’atteinte aux droits dont elle dispose sur son IGP en réalisant des économies d’investissements, notamment promotionnels, la réputation en France de la bière produite en Bavière étant très répandue. Elle prétend enfin avoir subi un préjudice moral lié au fait que la commercialisation de la bière sous la marque litigieuse déprécie la valeur de son IGP.

L’article L.722-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que 'Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1 ° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée'.

C’est à juste raison, pour des motifs adoptés, que le tribunal a rejeté la demande formée au titre du préjudice commercial, estimant, au vu notamment des variations dans l’évolution des volumes de vente invoqués par la société SWINKELS au cours de la période 2009/2014 et de l’augmentation régulière de ses exportations au cours de la même période, qu’aucune corrélation ne peut être opérée entre l’exploitation de la marque litigieuse et l’évolution de la place occupée par la bière produite en Bavière sur le marché français. Il sera ajouté que, comme le souligne la société appelante, l’association ne peut sans contradiction lui reprocher de déployer d’importants efforts de communication, dont la réalité résulte à suffisance des pièces au dossier, et de profiter indûment des investissements promotionnels qu’elle-même a réalisés.

En revanche, l’association BAYERISCHER BRAUERBUND a subi du fait de la contrefaçon de l’IGP un préjudice patrimonial tenant, comme l’a relevé le tribunal, à la diminution de la valeur économique du titre nécessairement affectée par l’évocation de l’origine géographique protégée par une marque concurrente laissant supposer que les produits qu’elle désigne en bénéficient.

L’appréciation de cette atteinte doit néanmoins tenir compte du fait qu’à partir de 2014, la société BAVARIA a progressivement fait évoluer le conditionnement de ses produits, et donc la forme sous laquelle elle fait usage de la marque litigieuse, qui a ainsi, en 2014, fait apparaître Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

le mot BAVARIA en lettres blanches, au-dessus de la mention HOLLAND BIER, en bas de la cannette et non plus en partie centrale (pièce 14 de l’intimée) et qui, depuis octobre 2017 au moins, laisse toute la place au signe 8.6 dans l’étiquette argentée/blanche, sous lequel la société BAVARIA (SWINKELS) décline désormais sa gamme de bières, le mot BAVARIA étant relégué en tous petits caractères au bas de la cannette au sein de la mention 'Brewed by Bavaria Brewery’ (pièce 45 de l’intimée). Il doit être tenu compte également de la circonstance que l’atteinte portée à l’IGP résulte en l’occurrence spécifiquement du terme BAVARIA au sein de la marque litigieuse et que ce terme constituait la dénomination sociale de la société appelante depuis près de 100 ans. Ces considérations conduisent la cour à fixer à la somme de 20 000 € le montant des dommages et intérêts devant réparer le préjudice patrimonial subi par l’association BAYERISCHER BRAUERBUND du fait de l’atteinte à la valeur de l’IGP.

Le jugement sera réformé en ce sens.

La cour constate que l’association invoque au titre du préjudice moral une dépréciation de la valeur de son IGP, laquelle est déjà indemnisée au titre du préjudice patrimonial. Le tribunal a rejeté à juste raison ce chef de demande.

Le rejet de la demande relative à la violation des dispositions du code de la consommation prohibant les pratiques commerciales déloyales et trompeuses entraîne le débouté quant à la demande indemnitaire associée. Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de ce chef.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en sa mesure d’interdiction ordonnée à l’encontre de la société BAVARIA (désormais SWINKELS) concernant l’usage de la marque litigieuse, telle que résultant de son dépôt. Il n’y a pas lieu d’ordonner d’astreinte eu égard au fait que la société BAVARIA (SWINKELS) a, comme on l’a dit, modifié le conditionnement de ses bières de sorte que le mot BAVARIA n’occupe plus la place centrale.

Le jugement sera confirmé également en ce qu’il a rejeté la demande d’interdiction portant sur l’usage du signe décrit ci-dessus, constaté en 2014 (pièce 14 de l’intimée), les premiers juges ayant exactement retenu qu’une telle interdiction aurait pour conséquence de priver la société BAVARIA de la possibilité de faire état de sa dénomination sociale. La cour constate que si la dénomination sociale a changé, le terme BAVARIA n’est pas utilisé en place centrale, dans le signe figurant sur la pièce 14, de sorte que l’évocation de l’IGP ne se trouve pas démontrée.

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Le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de publication de l’association BAYERISCHER BRAUERBUND.

Sur les demandes de la société BAVARIA (SWINKELS) pour procédure abusive et de publication Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande formée par la société BAVARIA pour procédure abusive et à la débouter de la même demande formée au titre de la procédure d’appel.

Sera également rejetée sa demande tendant à la publication du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles Les parties succombant chacune sur une partie de ses prétentions en appel, les dépens afférents à l’exercice de cette voie de recours seront partagés par moitié et chacune conservera la charge de ses frais non compris dans les dépens exposés devant la cour, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :

— dit que l’exploitation de la marque française '8.6 GOLD BAVARIA’ n° 660 pour les bières; moût de bière, extraits de houblon pour la fabrication de la bière ; bière de malt ; bière de gingembre, constitue une pratique commerciale trompeuse,

— condamné la société BAVARIA à payer à l’association BAYERISCHES BRAUERBUND une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l’atteinte portée à l’IGP 'BAYERISCHES BIER',

Statuant à nouveau de ces chefs,

— déboute l’association BAYERISCHES BRAUERBUND de ses demandes au titre des pratiques commerciales déloyales et trompeuses fondées sur les dispositions du code de la consommation,

— condamne la société SWINKELS FAMILY BREWERS à payer à l’association BAYERISCHES BRAUERBUND une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l’atteinte portée à l’IGP 'BAYERISCHES BIER',

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Y ajoutant,

Déboute la société SWINKELS FAMILY BREWERS (précédemment BAVARIA) de ses demandes de publication et pour procédure abusive,

Partage les dépens d’appel par moitié entre les parties et dit que chacune conservera la charge de ses frais non compris dans les dépens exposés devant la cour,

Dit que cet arrêt une fois devenu définitif sera inscrit au registre national des marques tenu par l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.