Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 10, 19 mai 2022, n° 19/16018

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 10, 19 mai 2022, n° 19/16018
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/16018
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 24 juin 2019, N° 17/06990
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/16018 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQU2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny – RG n° 17/06990

APPELANTE

ALTERALIA

Association loi 1901 anciennement dénommée « ALJ 93 », SIREN n°353 556 319,

agissant poursuite et diligence de son Président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me My-kim YANG PAYA de la SCP SEBAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P498

INTIMEE

OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT SAINT- OUEN HABITAT PUBLIC

Etablissement public local à caractère industriel et commercial

immatriculé au R.C.S. sous le n° 279 300 131 00034

pris en la personne de son Directeur général en exercice, Monsieur [X] [J]

dont le siège est situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christophe LONQUEUE de la SCP LONQUEUE – SAGALOVITSCH – EGLIE-RICHTERS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, ayant procédé par dépôt, devant Madame Florence PAPIN, Présidente, chargée du rapport et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte de l’affaire dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Madame Clarisse GRILLON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

Suivant acte sous seing privé en date du 30 novembre 2011, Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat (sous la désignation de propriétaire) et l’Association pour le Logement des Jeunes 93 – ALJ93 (sous la désignation de gestionnaire) ont conclu une convention de gestion – prévoyant notamment en son article 1 – que le propriétaire s’engage à confier en gestion notamment les 150 logements, dont Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat acquerra la propriété dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) auprès de la SCI Saint Ouen – Parvis des Bateliers – Groupe Nexity avec laquelle il va passer un contrat de réservation.

Suivant actes sous seing privés en date des 14 et 31 décembre 2012, Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat et l’Association pour le Logement des Jeunes 93 – ALJ93 ont conclu respectivement avec le GIC et Astria des conventions de financement et de réservation de logements, destinés au financement de l’opération de construction en VEFA de la résidence sociale pour jeunes actifs précitée à finalité locative comprenant les 150 logements collectifs précités.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mai 2015, Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat a informé l’Association pour le Logement des Jeunes 93 – ALJ93 de son intention de résilier la convention du 30 novembre 2011.

Par courrier en date du 20 mai 2015, l’Association pour le Logement des Jeunes 93 – ALJ93 a fait savoir à Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat qu’elle considérait que cette rupture brutale de la convention de gestion du 30 novembre 2011 lui causait de nombreux préjudices, notamment financier, d’image et d’exploitation, justifiant leur indemnisation.

Par courrier en réponse en date du 23 juin 2015, Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat a entendu rappeler à l’Association pour le Logement des Jeunes 93 – ALJ93 que la convention de gestion précitée prévoyait une condition suspensive fixée au 30 septembre 2012, qui n’avait pas été levée.

Par procès-verbal en date du 22 avril 2016, le conseil d’administration de l’Association pour le Logement des Jeunes 93 – ALJ93 a adopté une résolution prévoyant le changement de ses statuts, et notamment sa dénomination devenant l’association Alteralia.

Par procès-verbal en date du 5 décembre 2016, le conseil d’administration de l’association Alteralia, devant le maintien par Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat de sa décision de résilier la convention de gestion du 30 novembre 2011, a fait assigner Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat devant le tribunal de grande instance de Bobigny en réparations de ses préjudices.

C’est dans ce contexte que, par exploit d’huissier en date du 28 juin 2017, l’association Alteralia a fait assigner Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Le tribunal de grande instance de Bobigny, par jugement du 25 juin 2019 :

— Déclare l’association Alteralia recevable, mais partiellement bien-fondée en ses prétentions,

— Dit que Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat a renoncé à la condition suspensive stipulée à l’article 8 de la convention de gestion en date du 30 novembre 2011,

— Dit que Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat a engagé sa responsabilité contractuelle en rompant unilatéralement la convention de gestion en date du 30 novembre 2011 le liant à l’association Alteralia,

— Condamne Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat à payer à l’association Alteralia la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant directement de la faute retenue à l’encontre de Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat, assortie des intérêts de retard calculés au taux légal à compter de la présente décision,

— Déboute l’association Alteralia du surplus de ses demandes en paiement de dommages-intérêts, et de sa demande d’astreinte,

— Condamne Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat à payer à l’association Alteralia la somme de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute du surplus de ses demandes de ce chef ,

— Déboute Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

— Condamne Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat aux entiers dépens de l’instance,

— Déboute l’association Alteralia du surplus de ses prétentions, et notamment de sa demande en paiement des sommes de 5.384.865,83 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, de 222.101,85 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires, et du surplus de ses demandes au titre du préjudice moral.

Par déclaration d’appel du 31 juillet 2019, l’association Alteralia a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 28 avril 2020, l’association Alteralia, appelante, demande à la cour d’appel de Paris, de :

Vu les anciens articles 1134, 1135, 1147, 1149, 1150, 1153, 1171 et 1315 du code civil,

Vu les articles 1103, 1104,1193, 1217, 1231-1 1231-6, 1344-1 et 1231-7 nouveaux du code civil,

Vu les articles 263, 515 et 700 du code de procédure civile,

Vu l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution,

— Déclarer recevable l’association Alteralia en son appel du jugement rendu le 25 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny ;

— Confirmer la décision rendue le 25 juin 2019 en ce que le tribunal de grande instance de Bobigny a :

o Dit que Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat a renoncé à la condition suspensive stipulée à l’article 8 de la convention de gestion en date du 30 novembre 2011,

o Dit que Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat a engagé sa responsabilité contractuelle en rompant unilatéralement la convention de gestion en date du 30 novembre 2011 le liant à l’association Alteralia,

o Condamné Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat à payer à l’association Alteralia la somme de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

o Débouté Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

o Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

o Condamné Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat aux entiers dépens de l’instance.

— Infirmer la décision rendue le 25 juin 2019 en ce que le tribunal de grande instance de Bobigny a :

o Déclaré l’association Alteralia recevable, mais partiellement bien fondée en ses prétentions ;

o Condamné Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat à payer à l’association Alteralia la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant directement de la faute retenue à l’encontre de Saint-Ouen Habitat Public ' Office Public de l’Habitat, assortie des intérêts de retard calculés au taux légal à compter de la présente décision ;

o Débouté l’association Alteralia du surplus de ses demandes en paiement de dommages-intérêts, et de sa demande d’astreinte ;

o Condamné Saint-Ouen Habitat Public ' Office Public de l’Habitat aux entiers dépens de l’instance ;

o Débouté l’association Alteralia du surplus de ses prétentions, et notamment de sa demande en paiement des sommes de 5.384.865,83 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, de 222.101,85 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires, et du surplus de ses demandes au titre du préjudice moral.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

— Condamner Saint-Ouen Habitat Public à payer à Alteralia dans les quinze jours suivant la signification de l’arrêt la somme de 5.384.865,83 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la résiliation abusive de la convention de gestion en date du 30 novembre 2011 ;

— Condamner Saint-Ouen Habitat Public à payer à Alteralia la somme de 222.101,85 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires ;

— Condamner Saint-Ouen Habitat Public à payer à Alteralia la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral ;

— Condamner Saint-Ouen Habitat Public à une astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter du seizième jour suivant la signification de l’arrêt ;

— Dire que la cour pourra procéder, en suite de sa décision, à la liquidation de l’astreinte.

A titre subsidiaire :

— Ordonner la désignation d’un expert judiciaire qu’il lui plaira avec mission de :

o se rendre en tous lieux, sièges sociaux ou locaux, bureaux des personnes morales ou physiques mentionnées ;

o se faire communiquer tous documents échangés entre les personnes précitées concernant les opérations conclues dans le cadre de la conclusions de la convention de gestion du 30 novembre 2011 permettant de déterminer les conditions des opérations développées dans le cadre de la présente procédure ;

o se faire communiquer tous documents nécessaires à la détermination des postes de préjudices développés par Alteralia dans la présente procédure ;

o fixer les différents postes de préjudices subis par Alteralia ;

o dire que les constatations et avis de l’expert seront consignés dans un rapport qui sera déposé au greffe de la cour dans les 6 mois de sa saisine ;

o fixer la provision à consigner au greffe à titre d’avance sur les honoraires de l’expert, dans tel délai de l’ordonnance à venir.

En tout état de cause,

— Condamner Saint-Ouen Habitat Public à payer à Alteralia la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 17 juin 2020, l’établissement Public Saint-Ouen Habitat Public – Office Public de l’Habitat, intimé, demande à la cour d’appel de Paris, de :

Vu l’article 1134 du code civil.

Vu les articles 1150 et 1153 du code civil

Vu la convention de gestion.

— Infirmer le jugement rendu le 25 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny en ce que les premiers juges ont :

— Déclaré l’association Alteralia partiellement bienfondée en ses prétentions,

— Dit que Saint-Ouen Habitat Public a renoncé à la condition suspensive stipulée à l’article 8 de la convention de gestion en date du 30 novembre 2011,

— Dit que Saint-Ouen Habitat Public a engagé sa responsabilité contractuelle en rompant unilatéralement la convention de gestion en date du 30 novembre 2011 le liant à l’association Alteralia,

— Condamné Saint-Ouen Habitat Public à payer à l’association Alteralia la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant directement de la faute retenue à l’encontre de Saint-Ouen Habitat Public, assortie des intérêts de retard calculés au taux légal à compter de la présente décision,

— Condamné Saint-Ouen Habitat Public à payer à l’association Alteralia la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Débouté Saint-Ouen Habitat Public de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— Condamné Saint-Ouen Habitat Public aux entiers dépens de l’instance.

Statuant à nouveau :

— Juger l’association Alteralia infondée en ses demandes,

— Débouter l’association Alteralia de l’ensemble de ses demandes,

— Débouter l’association Alteralia de sa demande tendant à voir l’OPH Saint-Ouen Habitat Public condamné à lui verser la somme de 5.384.865,83 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

— Débouter l’association Alteralia de sa demande tendant à voir l’OPH Saint-Ouen Habitat Public condamné à lui verser la somme de 222.101,85 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires,

— Débouter l’association Alteralia de sa demande tendant à voir l’OPH Saint-Ouen Habitat Public à lui verser la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral,

— Débouter l’association Alteralia de sa demande d’expertise financière,

— Débouter l’association Alteralia de sa demande d’astreinte,

— Débouter l’association Alteralia de sa demande tendant à voir l’OPH Saint-Ouen Habitat Public condamné à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

— Condamner l’association Alteralia à verser à l’OPH Saint-Ouen Habitat Public la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1- Sur la résiliation de la convention de gestion du 30 novembre 2011 :

L’appelante demande la confirmation de la décision déférée qui a considéré que Saint-Ouen habitat public en poursuivant l’accomplissement de la condition suspensive postérieurement à la date du 30 septembre 2012 en avait tacitement prorogé le terme de sorte qu’elle ne pouvait aujourd’hui se prévaloir de la caducité de la convention.

Elle soutient que Saint-Ouen habitat public a conclu les conventions de financement les 14 décembre 2012, 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013 avec l’État, le conseil régional d’Île-de-France, et la ville de Saint-Ouen, que l’acquisition des biens a été réalisée le 23 mai 2013 et le permis de construire obtenu le 8 août 2012 et que plusieurs réunions ont eu lieu afin de discuter des modalités d’organisation.

Elle en déduit qu’en rompant la convention unilatéralement, [Localité 3] habitat public a commis une faute qu’elle doit réparer.

L’établissement Public Saint- Ouen habitat soutient :

— que la convention de gestion était caduque au motif qu’avant le 30 septembre 2012, aucun acte de vente en état de futur achèvement n’était signé et que la condition était donc défaillie,

— que lorsque la condition suspensive est stipulée dans l’intérêt exclusif de l’une des parties, celle-ci peut seule s’en prévaloir et qu’il était fondé à tirer toutes les conséquences de la non réalisation de la condition suspensive et à constater la caducité de la convention de gestion,

— qu’ainsi le contrat était devenu rétroactivement inexistant, toute poursuite des relations contractuelles devant s’analyser comme une opération nouvelle,

— qu’une éventuelle renonciation au bénéfice d’une condition suspensive doit intervenir dans le délai fixé pour sa réalisation,

— que la caducité est acquise quand bien même le bénéficiaire y renoncerait ultérieurement,

— que dès lors aucune faute ne peut lui être reprochée, l’appelante ne pouvant revendiquer les conséquences d’une convention caduque et qui n’a jamais pris effet entre les parties.

L’article 1176 du code civil, applicable en l’espèce, dispose que : 'lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixé, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé.'

La défaillance d’une ou plusieurs conditions suspensives entraîne la caducité, même si l’acte ne le prévoit pas.

Lorsque la condition est stipulée dans le seul intérêt de l’une des parties, seule cette partie peut se prévaloir de la caducité attachée à la défaillance de la condition.

Il peut y avoir renonciation à se prévaloir de l’automaticité de la caducité mais elle doit être explicite et résulter d’actes manifestant une volonté claire et non équivoque.

Par acte sous-seing-privé en date du 30 novembre 2011, Saint- Ouen habitat public a confié à Alteralia la gestion d’une résidence sociale composée de 150 logements pour jeunes disposant de ressources modestes pour une durée de 20 ans à effet de la mise en service des bâtiments prévue pour le mois de juillet 2015, convention reconductible tacitement par périodes successives de 10 ans.

En son article huit, cette convention prévoyait « la prise d’effet de la présente convention est suspendue à la condition suspensive au bénéfice du propriétaire : acquisition des biens objet des présentes en l’état de futur achèvement par le propriétaire auprès de la SCI Saint-Ouen ' parvis des bateliers, elle-même liée à l’obtention d’un permis de construire définitif et des financements de l’État, du conseil régional d’Île-de-France et de la ville de Saint-Ouen. Cette condition devra être réalisée au plus tard le 30 septembre 2012 ».

Il n’est pas contesté que St Ouen Habitat public a conclu les conventions de financement les 14 décembre 2012, 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013 avec l’État, le conseil régional d’Île-de-France, et la ville de [Localité 3], que l’acquisition des biens a été réalisée le 23 mai 2013, le permis de construire ayant été précédemment obtenu le 8 août 2012 donc que la condition suspensive n’était pas réalisée dans le délai prévu à cet effet par la convention.

Il y a lieu de préciser que l’association ALJ 93 était partie aux différentes conventions de financement précitées.

Le courrier de rupture adressé par lettre recommandée, le 12 mai 2015, à l’association ALJ 93 par le directeur général de St Ouen Habitat public est ainsi formulé : 'comme nous vous en avons informé, nous vous confirmons notre volonté de résilier la convention de gestion qui nous lie à ce jour et ce avant réception du nouvel ensemble immobilier'.

La poursuite des démarches auxquelles ALJ 93 était associée et les termes de ce courrier démontrent de façon claire et non équivoque que St Ouen Habitat public, dans l’intérêt duquel la condition suspensive avait été stipulée, avait renoncé à se prévaloir de sa caducité et considérait que la convention était toujours en vigueur puisqu’il entendait la résilier.

Ce n’est qu’ultérieurement par courrier du 23 juin 2015, que suite à la contestation de l’association ALJ 93, le directeur de St Ouen Habitat public a fait état de la condition suspensive, St Ouen Habitat public précisant ne pas être pas opposé à indemniser cette dernière de ses préjudices éventuels.

Dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que la convention de gestion en date du 30 novembre 2011 n’était pas caduque.

La décision déférée est confirmée de ce chef.

2- Sur la responsabilité contractuelle et la réparation du dommage :

Alteralia soutient que Saint-Ouen habitat public a résilié de manière abusive le contrat à durée déterminée, que son préjudice matériel doit être indemnisé sur le fondement de l’article 1147 du Code civil et se calculer sur la durée de la convention de gestion soit 20 ans, période pendant laquelle elle aurait dû bénéficier des fruits de l’exploitation de la résidence.

Elle considère qu’il y a eu un dol dans la mesure où [Localité 3] habitat public s’est volontairement délié de ses engagements contractuels et qu’elle est fondée à demander la réparation de l’intégralité de son préjudice prévisible directement causé par l’inexécution ainsi que de son préjudice imprévisible, que doivent être réparés la perte subie (qui incluent les coûts qui ont été encourus par elle) ainsi que le gain manqué.

Elle fait valoir :

— qu’elle a engagé pour les besoins d’ouverture des frais à hauteur de 138'857,83 € (les salaires et les charges patronales, les frais de fonctionnement, les charges 2015),

— qu’elle devait percevoir les redevances payées par les résidents représentant annuellement la somme de 710'000 €,

— que la rupture la prive du bénéfice de plusieurs subventions,

— que son bénéfice annuel aurait dû s’élever à 262'313,90 € ce qui lui permet de prétendre sur une période de 20 ans à la somme de 5'384'865,83 €,

— que son exercice clos le 31 décembre 2014 fait état de pertes s’élevant à 207'919,96 €,

et qu’elle a dû revoir sa communication, prendre une nouvelle identité suite à la rupture de la convention ce dont elle demande réparation hauteur de 14 180,89 €,

— que son préjudice moral peut s’évaluer à 50'000 €.

Saint – Ouen habitat soutient qu’aucune faute dolosive, qui suppose intention de nuire, ne peut lui être reproché et que l’inexécution de la convention ne peut donner lieu qu’à la réparation du préjudice prévisible, et que, quand bien même un dol serait retenu, seul le préjudice actuel, certain et direct peut faire l’objet d’une réparation.

Il fait valoir :

— que concernant les pertes subies, les prétendues charges afférentes ne sont pas démontrées, les bulletins de salaire produits n’étant pas probants dès lors qu’il n’est pas démontré que

les salariés concernés aient été affectés au projet litigieux et qu’elle ne peut faire valoir des charges pour une période antérieure à la prise d’effet du contrat fixé au jour de la réception des constructions achevées,

— que s’agissant des frais de fonctionnement : il n’est pas démontré que les pénalités d’annulation d’un photocopieur sont en relation avec l’inexécution de la convention de gestion de même l’achat d’une licence informatique supplémentaire, ainsi que les charges, dont il est demandé le paiement, directement affectées à la gestion de la résidence,

— qu’elle ne démontre pas qu’elle aurait de manière certaine obtenu les subventions dont elle fait état, celles-ci ne constituant pas un droit acquis,

— qu’en ce qui concerne la perte de gains, elle n’explicite pas les données de son calcul, ne peut présupposer du nombre d’occupations effectives ni de la réalité des paiements opérés par les résidents, le budget produit pour un autre établissement ne faisant ressortir aucun bénéfice financier, l’activité exercée n’étant pas une activité lucrative et faisant naître des charges importantes contrebalançant les éventuels produits perçus,

— que concernant la demande de dommages-intérêts compensatoires, le lien de causalité entre le déficit dont il est fait état et la résidence objet du litige n’est pas établi,

— qu’elle ne démontre pas le préjudice d’image dont elle fait état ni que sa situation a été fragilisée ni que le changement de dénomination soit la conséquence de la rupture de la convention.

La cour adopte les motifs pertinents du premier juge en ce qu’il a considéré que la responsabilité contractuelle de St Ouen Habitat Public est engagée ce dernier étant tenu à un devoir de loyauté envers l’association Alteralia et ne pouvant unilatéralement et, en dehors de toute faute de son cocontractant prévue à son article 16, rompre la convention les liant encore le 12 mai 2015 avant la réception des bâtiments qui devait intervenir dans les prochains mois selon le courrier de résiliation.

La faute dolosive implique la volonté délibérée de méconnaitre son obligation même si ce refus n’est pas dicté par l’intention de nuire. Elle conduit à écarter les limitations de responsabilité légales et le dommage imprévisible devient réparable.

Cependant en application de l’article 1151 du code covil, même en cas de faute dolosive, le créancier ne peut demander réparation que du préjudice qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de son obligation.

Le premier juge a retenu la faute dolosive et il y a lieu de confirmer la décision déférée de ce chef en adoptant ses motif pertinents.

*Sur la demande au titre du préjudice financier :

Il est sollicité par l’appelante les salaires et charges patronales affectés à cette opération.

Elle ne produit cependant que quelques bulletins de salaires sans rapporter la preuve que ces salariés étaient effectivement affectés à l’opération litigieuse, leurs contrats de travail n’étant pas communiqués et la pièce 13 ( tableau des charges) ayant été rédigée par elle.

Elle sollicite les charges 2015 qui auraient été affectées à cette action.

Cependant la preuve n’est pas rapportée, par une pièce régulièrement visée dans ses conclusions, que l’annulation de la commande Toshiba et que la facture CERI ( frais de licence) étaient relatives à du matériel affecté à la résidence quartier des docks à [Localité 3], l’association Alteralia gèrant plusieurs résidences.

Pour justifier de la somme demandée de 262.313,90 euros x 20 (ans), l’association se fonde notamment sur sa pièce 21, budget prévisionnel établi par elle-même et sur le budget du pôle éducatif d’Aubervillers destiné à accueillir des jeunes confiés par l’ASE, établissement par conséquent non comparable de par son financement par le conseil général au prix de journée et les subventions perçues, l’établissement litigieux étant destiné à accueillir des ' jeunes disposant de ressources modestes, notamment en première occupation pour le relogement des jeunes occupant le foyer jeunes travailleurs dit Cara', activité liée à plusieurs aléas (notamment le taux d’occupation et la solvabilité des locataires).

Concernant les subventions dont elle prétend avoir été privée, elle ne justifie pas qu’elle avait déjà obtenu l’allocation de subventions concernant l’établissement litigieux ; il convient également d’observer qu’une subvention ne peut jamais être considérée comme acquise pour une durée de 20 ans et est destinée à venir compenser des charges, une association loi 1901 n’ayant par nature pas vocation à générer des bénéfices dans la proportion qui est soutenue par l’appelante.

Dès lors le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte pour le surplus, à juste titre, débouté l’association Alteralia de sa demande au titre de son préjudice financier, dont la preuve n’est pas rapportée par elle qu’il est en lien de causalité direct et certain avec la rupture fautive de la convention avant sa prise d’effet.

*Sur la demande de dommages et intérêts compensatoires :

L’association Alteralia fonde sa demande sur les dispositions de l’article 1153 alinéa 4 du code civil devenu l’article 1231-6 nouveau du code civil selon lesquelles le créancier auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts de sa créance.

L’association Alteralia soutient que les pertes de son association lors de l’exercice clos le 31 décembre 2014 seraient imputables à la rupture alors que la convention a été rompue ultérieurement en mai 2015 et que le bilan au 31 décembre 2015 de l’association fait ressortir un bénéfice de 63.720,17 euros.

Elle soutient avoir dû changer de communication et de nom, ce dont il est résulté des frais, sans rapporter la preuve que ces frais soient en lien de causalité direct et certain avec la rupture.

Dès lors, c’est à juste titre que le premier juge l’a déboutée de sa demande de ce chef.

* Sur la demande subsidiaire d’expertise de l’association Alteralia :

L’expertise n’étant pas destinée à suppléer la carence de preuve d’une partie, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire d’expertise de l’association Alteralia au titre de son préjudice financier.

*Sur le préjudice moral :

L’association Alteralia soutient qu’elle a subi un préjudice d’image et de réputation.

Cependant il n’est pas rapporté la preuve que la rupture, antérieure à la prise d’effet de la convention et qui n’était pas fondée sur un manquement de l’association Alteralia, ait été à l’orignie du préjudice d’image et de réputation invoqué.

Pour autant, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que la rupture, fautive par sa brutalité, est à l’origine d’un préjudice moral pour l’association qu’il a justement évalué à la somme de 25.000 euros.

La décision déférée est confirmée de ce chef, y compris dans son rejet de la demande d’astreinte.

3- Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens.

La condamnation de l’OPH 'Saint Ouen Habitat’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile est minorée à 5.000 euros en première instance.

A hauteur d’appel, l’OPH 'Saint Ouen Habitat’ est condamné aux dépens et à payer à l’association Alteralia la somme de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise sauf en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute l’association Alteralia de sa demande d’expertise,

Condamne l’OPH 'Saint Ouen Habitat’ à verser à l’association Alteralia une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

Condamne l’OPH 'Saint Ouen Habitat’ aux dépens de l’appel,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 10, 19 mai 2022, n° 19/16018