Cour d'appel de Poitiers, 2e chambre, 16 janvier 2024, n° 23/01127

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 2e ch., 16 janv. 2024, n° 23/01127
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 23/01127
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de La Rochelle, 27 avril 2023, N° 23/01127
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 21 janvier 2024
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°10

CL/KP

N° RG 23/01127 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GZOK

[P]

C/

S.E.L.A.R.L. EKIP'

S.A.R.L. CAP OUEST [Localité 10]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 16 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01127 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GZOK

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 28 avril 2023 rendue par le Juge commissaire de LA ROCHELLE.

APPELANT :

Monsieur [I] [P]

né le [Date naissance 1] 1953

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu COUTAND de la SCP GOMBAUD COMBEAU COUTAND, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. EKIP’ représentée par Maître [A] [F] [M]) es-qualités de Liquidateur nommée dans la procédure de liquidation judiciaire de la SARLU COLOR WATCH France [Adresse 2] en date du 31/05/2018 sur conversion du redressement judiciaire ouvert le 27/03/2018

[Adresse 8]

[Localité 5]

Défaillante

S.A.R.L. CAP OUEST [Localité 10] représentée par son gérant en exercice

[Adresse 9]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant THOMAS & ASSOCIES , avocat au barreau de LA ROCHELLE.

PARTIEINTERVENANTE :

Madame [B] [W] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4],

Intervenante Volontaire

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 20 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

— REPUTE CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par jugement en date du 27 mars 2018, le tribunal de commerce de La Rochelle a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société à responsabilité limitée Color Watch France.

Par jugement en date du 31 mai 2018, celle-ci a été convertie en liquidation judiciaire, et la société d’exercice libérale à responsabilité limitée Ekip prise en la personne de Madame [A] [F]-[C] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Color Watch France.

Le 4 juin 2018 un procès-verbal de carence a été dressé par Maître [D] [H], commissaire-priseur désigné au dossier, ayant pour origine les déclarations de Monsieur [I] [P], dirigeant social de la société Color Watch France, qui avait indiqué que l’entreprise ne disposait plus d’aucun actif à l’ouverture de la procédure.

En octobre 2022, la société à responsabilité limitée Cap Ouest [Localité 10] a pris contact avec Maître [F]-[M], lui indiquant que le navire Fleur de Mer, qui avait fait l’objet de multiples transferts de propriété, dépendait depuis 2014 de l’actif de la société Color Watch France, joignant à sa déclaration le certificat d’enregistrement du navire délivré par les affaires maritimes.

La société Cap Ouest [Localité 10] a indiqué également à Maître [F]-[M] que le navire Fleur de Mer se trouvait sur son parc depuis plus de 10 ans, que les factures de gardiennage impayées s’élevaient à la somme de 11.020.00 euros toutes taxes comprises (ttc), et que le navire était hors service.

La société Cap Ouest a ajouté souhaiter trouver une solution rapide pour se débarrasser de ce navire qui encombrait son parc depuis de nombreuses années.

Les parties se sont rapprochées pour trouver une issue amiable et un protocole d’accord a pu être finalisé.

Le 3 février 2023, la Selarl Ekip ès qualités a saisi le juge commissaire du tribunal de commerce de La Rochelle d’une requête aux fins d’être autorisée à signer le protocole d’accord transactionnel susdit.

En dernier lieu, la société Color Watch France a demandé de débouter la Selarl Ekip ès qualités et la société Cap Ouest de l’ensemble de leurs demandes, et de condamner la société Cap Ouest à verser à Monsieur [P] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, Monsieur [P] a demandé de débouter la société Ekip ès qualités et la société Cap Ouest de l’ensemble de leurs demandes et de condamner la seconde à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance contradictoire en date du 28 avril 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce de La Rochelle a :

— constaté que le navire Fleur de Mer dépendait de l’actif de la liquidation judiciaire de la société Color Watch France ;

— débouté la Selarl Ekip de sa demande de régularisation d’un protocole transactionnel avec la société Cap Ouest [Localité 10], aucune facture de celle-ci émise au nom de la société Color Watch France ne justifiant un tel protocole;

— ordonné la vente aux enchères publiques en l’état du navire Fleur de Mer se trouvant actuellement sur le parc de la société Cap Ouest Angoulins ;

— commis pour ce faire Maître [D] [H], commissaire de justice, [Adresse 7] ;

— débouté Monsieur [P] de sa demande tendant à la condamnation de la société Cap Ouest au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné la notification de la présente ordonnance à la diligence du greffe par lettre recommandée avec accusé de réception à :

— Monsieur [X]-[P] [I], [Adresse 2],

— La société Cap Ouest [Localité 10], [Adresse 9] ;

En simple envoi à :

— la selarl Ekip’ prise en la personne de Maître [A] [F]-[M], [Adresse 8],

— Maître [D] [H], [Adresse 7],

— Maître [L] [T], [Adresse 3]

— passé les frais et dépens de la présente décision en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Le 15 mai 2023, Monsieur [P] a relevé appel de cette décision, en intimant la Selarl Ekip ès qualités et la société Cap Ouest.

Le 8 juin 2023, Monsieur [P] a signifié sa déclaration d’appel à la Selarl Ekip ès qualités à sa personne.

Le 23 juin 2023, Monsieur [P] a signifié sa déclaration d’appel à la société Cap Ouest Ekip ès qualités à sa personne.

Le 4 septembre 2023, Madame [B] [W] [P] est intervenue volontairement à l’instance.

Le 10 novembre 2023 à 17 heures 34, Monsieur [P] et Madame [P] ont demandé d’infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle avait:

— constaté que le navire 'Fleur de Mer’ dépendait de l’actif de la liquidation judiciaire de la société Color Watch France ;

— ordonné la vente aux enchères publiques en l’état du navire 'Fleur de Mer’ se trouvant actuellement sur le parc de la société Cap Ouest Angoulins ;

— commis pour ce faire Maître [D] [H], commissaire de justice, [Adresse 7] ;

— débouté Monsieur [P] de sa demande tendant à la condamnation de la société Cap Ouest au titre des frais irrépétibles;

Statuant à nouveau,

— condamner la société Cap Ouest à leur verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances ;

— débouter la société Cap Ouest et la Selarl Ekip ès qualités de l’ensemble de leurs demandes ;

— déclarer recevable l’intervention volontaire de Madame [B] [P] ;

— confirmer l’ordonnance déférée pour le surplus.

Le 12 novembre 2023, la société Cap Ouest a demandé de :

— juger irrecevable et mal fondé l’appel et les demandes de Monsieur [P];

En tout état de cause:

— confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle avait déclaré la société Color Watch France, propriétaire du bateau QuikSilver 750 Fleur de Mer ;

— juger nulle, inexistante, et en tout état de cause inopposable la pseudo-cession du 3/01/2018 entre Monsieur [P] et sa fille [B] [W] ;

— infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle avait :

— débouté la Selarl Ekip de sa demande d’autorisation de signature du protocole signé par la société Cap Ouest le 18/01/2023 ;

— ordonné la vente aux enchères du bateau QuikSilver 750 Cruiser Fleur de Mer ;

— statuant à nouveau, autoriser la Selarl Ekip à régulariser le protocole transactionnel signé par elle-même le 18/01/2023 pour mettre fin au litige et permettre la clôture de la procédure collective ;

— débouter Monsieur [P] de toutes ses demandes ;

— débouter Madame [P] de toutes ses demandes ;

— condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

— condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2023.

Par message sur le réseau privé virtuel avocat en date du 22 novembre 2023, la cour a invité les parties à présenter pour le 28 novembre 2023 au plus tard leurs observations sur les moyens suivants relevés d’office par la cour, tenant à :

— l’irrecevabilité de l’appel incident formé par la société Cap Ouest, ensuite de l’éventuelle irrecevabilité de l’appel principal de Monsieur [P], dans l’hypothèse où cet appel incident n’aurait pas été formé dans les délais pour relever appel principal ;

— l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de Madame [B] [W] [P] comme suite à l’irrecevabilité de l’appel principal et l’irrecevabilité de l’appel incident.

Le 23 novembre 2023, la société Cap Ouest a déposé une note en délibéré.

Le 24 novembre 2023, Monsieur [P] et Madame [P] ont déposé une note en délibéré.

MOTIVATION :

Sur la recevabilité de l’action de Monsieur [P] et sur la recevabilité de son appel :

Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l’article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Selon l’article 122 du même code, constituent des fins de non recevoir tout moyen tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel notamment que le défaut de qualité ou le défaut d’intérêt.

Selon l’article 123 du même code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.

Selon l’article 125 du même code, les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours, ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours; le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Selon l’article 546 du code de procédure civile, alinéa 1,

Le droit d’appel appartient toute partie qui y a intérêt si elle n’y a pas renoncé.

Il se déduit de ce texte que le droit d’appel appartient à ceux qui ont été parties en première instance (Cass. com., 19 novembre 2003., Bull. n°173).

Selon l’article L. 641-9 du code de commerce, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercées pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, sauf droit propre de ce dernier.

la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu’il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu’elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci.

Les dispositions relatives au dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire n’entraînent pas une privation de propriété de celui-ci

C’est ainsi que le débiteur liquidation judiciaire peut contester les décisions du commissaire autorisant la vente de biens lui appartenant (Cass. com., 28 janvier 2004, n°01-13.422).

Selon l’article R. 642-37-3 du même code,

Les ordonnances rendues en application de l’article L. 642-19 sont, à la diligence du greffier, notifiées au débiteur et communiquées par lettre simple aux contrôleurs.

Les recours contre ces décisions sont formés devant la cour d’appel.

Selon l’article L. 642-24 du même code,

Le liquidateur peut, avec l’autorisation du juge commissaire et le débiteur entendu ou dûment appelé, compromettre et transiger sur toutes les contestations qui intéressent collectivement les créanciers mêmes sur celles qui sont relatives à des droits et actions immobiliers.

Si l’objet du compromis ou de la transaction est d’une valeur indéterminée où excède la compétence en dernier ressort du tribunal, le compromis ou la transaction est soumise à l’homologation du tribunal.

Selon l’article R. 642-41 du même code,

Lorsque en application de l’article L. 642-24, il y a lieu pour le juge commissaire, d’autoriser le liquidateur à compromettre ou à transiger, le greffier convoque le débiteur à l’audience 15 jours avant celle-ci en joignant à cette convocation la copie de la requête du liquidateur.

Si le compromis la transaction doit être soumise à l’homologation du tribunal, le débiteur est convoqué dans les mêmes conditions.

Bien qu’il soit dessaisi de ses droits et actions par l’effet du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire, le débiteur dispose d’un droit propre à former un recours contre l’ordonnance autorisant le liquidateur à signer une transaction, dès lors que cette dernière a, notamment, pour objet la cession d’un actif dépendant de la liquidation judiciaire (Cass. com., 24 janvier 2018, n°16-50.033, publié).

Lorsque le débiteur est une personne morale, c’est son représentant légal qui la représente en justice et peut donc exercer les voies de recours ouvertes contre le débiteur.

S’agissant des sociétés à responsabilité limitée, c’est le gérant qui représente la société en justice.

La déclaration d’appel fait ressortir que Monsieur [P] ne se prévaut pas de sa qualité de gérant de la société France Color Watch, placée en liquidation judiciaire.

Et de même, dans ses écritures, il ne se prévaut pas plus de cette qualité.

Ainsi, il y aura lieu de relever que ce dernier a relevé appel en son nom personnel.

Or, le débiteur en procédure collective est la société France Color Watch, et non pas lui-même.

Et la circonstance que le juge-commissaire ait convoqué Monsieur [P] à son audience, et lui ait notifié sa décision, ne fait pas acquérir à ce dernier, pris en son personnel, la qualité de partie à la procédure ayant pour seul objet d’autoriser le liquidateur à transiger au nom de la société débitrice, alors qu’il ne pouvait venir à la procédure qu’en représentation de celle-ci.

Or cette analyse s’impose d’autant plus que Monsieur [P] ne se prévaut d’aucun droit qui lui soit personnel, et notamment d’aucune propriété sur le navire objet de la cession envisagée dans le protocole transactionnel soumis à l’autorisation du juge-commissaire.

Car il avait soutenu, dès la première instance, que depuis le 3 janvier 2018, ce navire était la propriété exclusive de Madame [B] [W] [P].

Ainsi, Monsieur [P] pris en son personnel, qui n’était pas partie à la procédure suivie en première instance devant le juge-commissaire, n’avait pas intérêt et qualité à relever appel de l’ordonnance rendue par celui-ci.

Il y aura donc lieu de déclarer irrecevable l’appel formé par Monsieur [P] à l’encontre de l’ordonnance déférée.

Sur la recevabilité de l’appel incident de la société Cap Ouest :

Selon l’article R. 661-3 alinéa 1er du code de commerce, sauf dispositions contraires, le délai d’appel des parties est de 10 jours à compter de la notification qui leur a faite notamment des ordonnances du juge commissaire.

Selon l’article 550 du code de procédure civile,

Sous réserve des articles 905- 2, 909 et 910, l’appel incident ou l’appel provoqué peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l’interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l’appel principal n’est pas lui-même recevable ou s’il est caduc.

La cour peut condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de former suffisamment tôt leur appel incident ou provoqué.

Selon l’article 909 du code de procédure civile,

L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévue à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Selon l’article 910 du même code,

L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande d’intervention forcée à son encontre lui a été notifiée pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.

Il résulte de l’article 550 du code de procédure civile que l’appel incident ou provoqué, même formé hors délai pour interjeter appel à titre principal, est recevable dès lors que l’appel principal est recevable (Cass. 2e civ., 9 janvier 2014, n°12-27.109, Bull., II; n°2).

Si l’appel principal est irrecevable, et que l’appel incident ou provoqué a été formé postérieurement à l’expiration du délai pour agir à titre principal, cet appel incident ou provoqué n’est pas lui-même recevable (Cass. 2e civ., 31 mai 2001, n°99-13.260).

Si l’appel principal est irrecevable, et que l’appel incident provoqué a lui-même été formé dans le délai pour former un appel principal, cet appel incident ou provoqué est alors lui-même recevable comme valant appel principal (Cass. 2e civ., 7 décembre 1994, n°92-22.110, Bull., II, n°253).

La cour d’appel doit alors mentionner les constatations de fait qui permettent de vérifier si l’appel incident a, ou non, été interjeté dans le délai d’appel (Cass. com., 21 janvier 2003, n°99-20.309).

Mais en application de l’article 680 du code de procédure civile, l’absence de mention ou la mention erronée dans l’acte de notification d’un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour effet ne pas faire courir le délai de recours, de sorte que doit figurer dans la notification d’un jugement rendu en premier ressort l’indication que l’avocat constitué par l’appelant ne peut être qu’un avocat admis à postuler devant un tribunal de grande instance dépendant du ressort de la cour d’appel concernée (Cass. 2e civ., 4 septembre 2014, n°13-23.016, Bull. 2014, II, n°176).

Le 15 mai 2023, Monsieur [P] a relevé appel principal de l’ordonnance susdite.

Mais la cour vient de déclarer irrecevable l’appel principal formé par Monsieur [P].

Il ressort des premières écritures de la société Cap Ouest du 4 août 2023 que celle-ci, réclamant notamment l’infirmation de l’ordonnance déférée en ce qu’elle avait rejeté la demande d’autorisation de signature du protocole transactionnel et en ce qu’elle avait ordonné la vente aux enchères du navire litigieux, a relevé appel incident.

Mais il ressort du dossier de la procédure, produite par la société Cap Ouest elle-même, que l’ordonnance critiquée lui a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mai 2023 à son exacte adresse [Adresse 9] à [Localité 11], dont l’accusé de réception a été signé par son destinataire le 3 mai suivant.

S’il devait se rattacher à l’appel principal, déclaré irrecevable, l’appel incident de la société Cap Ouest, ainsi formé seulement par conclusions du 4 août 2023, devrait être déclaré irrecevable comme tardif.

Mais la notification à la société Cap Ouest de l’ordonnance déférée, fait en outre apparaître l’indication que le délai d’appel est de 10 jours à compter de la communication ou de réception de la réception de sa communication, et que celui doit être formé au greffe de la cour d’appel de céans, par l’intermédiaire d’un avocat.

Or, l’indication afférente à ces formalités de recours ne mentionne pas que celui-ci doit être exercé par l’intermédiaire d’un avocat admis à postuler à la cour de céans.

Ainsi, le caractère incomplet des modalités de recours figurant sur la notification adressée à l’intimée n’a pas fait courir à l’égard de cette dernière le délai y afférent.

Dès lors, l’appel exercé par la société Cap Ouest doit s’analyser non pas comme un appel incident, mais comme un appel principal exercé dans l’observation du délai qui y est attaché.

Il y aura donc lieu de déclarer recevable l’appel formé par la société Cap Ouest.

Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de Madame [B] [W] :

Selon l’article 325 du même code, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions initiales par un lien suffisant.

Selon l’article 328 du même code, l’intervention volontaire est principale ou accessoire.

Selon l’article 329 du même code, l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.

Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.

Le sort de l’intervention principale n’est pas lié à celui de l’action principale lorsque l’intervenant principal se prévaut d’un droit propre qu’il est seul habilité à exercer.

L’intervention n’est donc pas affectée par l’irrecevabilité de la demande principale.

Selon l’article 331 du même code, l’intervention forcée se définit comme la mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation par toute partie en droit d’agir contre lui à titre principal, ou par une partie ayant intérêts à lui rendre le jugement commun.

Il importe peu à cet égard que l’intervention ait le même objet que la demande initiale.

Selon l’article 554 du même code, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

L’intervention volontaire à hauteur d’appel n’est subordonnée qu’à la seule existence d’un intérêt par celui qui la forme et d’un lien suffisant avec les prétentions originaires.

Elle n’est pas subordonnée à l’irrecevabilité de l’appel principal pour défaut d’intérêt à agir (Cass. 2e civ., 11 avril 2013, n° 12-18.931), ou pour tardiveté (Cass. 3e civ., 16 mai 2019, n°17-27.474, publié).

Pour intervenir volontairement à l’instance d’appel, Madame [B] [W] se prévaut de sa propriété sur le navire objet de la cession dont l’autorisation a été sollicitée au juge commissaire depuis le 3 janvier 2018.

Elle se prévaut ainsi d’un droit qui lui est propre sur le bien litigieux, de telle sorte qu’elle forme une intervention à titre principal.

Au surplus, il sera relevé que l’ordonnance du juge-commissaire, frappée d’appel, ne lui pas été notifiée.

Sa demande est donc recevable.

Sur le fond du litige:

Sur la vente aux enchères :

Selon les articles 4 et 5 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Le liquidateur de la société Color Watch avait saisi le juge commissaire d’une demande tendant à l’autoriser à signer avec la société Cap Ouest un protocole aboutissant à la cession à cette dernière du navire alors considéré comme propriété et actif de la société Color Watch.

Le premier juge a débouté le liquidateur de cette demande, mais encore a ordonné la vente aux enchères publiques de ce navire.

Or, aucune des parties n’avait saisi le juge-commissaire de cette dernière demande.

Le premier juge a ainsi modifié l’objet du litige dont les parties l’avaient saisi, en statuant sur une prétention qui n’avait pas été formulée devant lui, sans qu’au surplus, il apparaisse que celui-ci ait soumis la décision y afférente à la discussion contradictoire préalable des parties.

Il y aura donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la vente aux enchères publiques du navire Fleur de Mer se trouvant actuellement sur le parc de la société Cap Ouest Angoulin, et a défini les modalités de cette vente.

Sur la personne propriétaire du navire objet de la transaction litigieuse :

La propriété d’un bien se prouve par tous moyens; c’est ainsi que la production d’une facture d’achat au nom de la concubine suffit à établir le droit de propriété de celle-ci sur les meubles appartenant se trouvant au domicile de son concubin (Cass. 1ère ci., 11 janvier 2000, n°97-15.406, publié).

C’est à celui qui invoque la fictivité d’un acte qu’il appartient de le prouver.

C’est afin d’assurer la publicité de la propriété et de l’état des navires que le décret n°67-967 du 247 octobre 1967 prescrit la tenue de fichiers d’inscription des navires, comportant pour chacun d’eux une fiche matricule sur laquelle figurent différentes informations, ainsi que certains actes, parmi lesquels ceux qui sont translatifs de propriété, et exige que l’acte de francisation contienne tous les renseignements figurant sur la fiche matricule.

Il s’ensuit que ne viole pas ce texte une cour d’appel qui a écarté l’argumentation selon laquelle seules les mentions de la fiche matricule et l’acte de francisation feraient preuve de la propriété du navire (Cass. com., 11 décembre 2007, n°06-17.260, Bull. IV, n°262).

Il ressort des écritures de l’appelante et de l’intervenante volontaire que Madame [B] [W] se présente comme la fille de Monsieur [I] [P].

Madame [B] [W] se prévaut de sa qualité de propriété sur le navire litigieux depuis le 3 janvier 2018, en se prévalant d’un acte de cession y afférent.

Mais la société Cap Ouest lui objecte la fictivité ou la fausseté d’un tel acte, en observant que le navire y afférent n’a fait l’objet des formalités administratives d’enregistrement qu’à des dates très postérieures.

De manière liminaire, il sera observé que l’intimé n’a pas observé la procédure d’inscription de faux à titre incident, conformément à l’article 306 du code de procédure civile.

Dès lors, le moyen tiré de la fausseté de la cession litigieuse opposé par la société Cap Ouest ne pourra manifestement pas prospérer.

L’intimée se prévaut d’un certificat d’enregistrement délivré par le ministère de la Mer à la date du 21 octobre 2022, faisant ressortir qu’à cette date, le navire litigieux était la propriété de la société Color Watch France.

Il ressort de l’historique des mises à jour concernant le navire enregistré auprès des services des affaires maritimes que la société Color Watch en est devenue depuis le 15 octobre 2014 son dernier propriétaire enregistré auprès de ce service.

Madame [B] [W] a produit:

— le formulaire de l’acte de vente du navire litigieux daté du 3 janvier 2018, par lequel Monsieur [I] [X]-[P] lui a cédé la propriété du navire litigieux, étant observé que l’édition du formulaire y afférent date du mois de janvier 2022, selon la mention figurant en bas de page ;

— la facture manuscrite à son nom y afférente, comportant la même date, établie à l’en-tête de la société Color Watch, et signée par son gérant d’alors Monsieur [I] [X], faisant état d’une cession consentie au prix d’un euro ;

— un avis de mise en recouvrement en date du 17 janvier 2022, par lequel l’administration des douanes lui réclame paiement au titre des droits de francisation et de navigation pour le navire litigieux au titre de l’année 2021;

— un certificat d’enregistrement à son nom du dit navire (comprenant sa francisation et son immatriculation) délivré par le ministère de la Mer le 10 mai 2023.

Au regard de ces éléments, il y a lieu d’observer que les formalités auprès de l’administration relatives à la mutation de propriété du bien sont très postérieures à la mutation alléguée du 3 janvier 2018, et même sont très postérieures au 27 mars 2018, date de liquidation judiciaire de la société Color Watch.

Mais le seul défaut d’accomplissement des formalités administratives de transfert de propriété d’un navire n’a d’incidence que dans les rapports de ce dernier avec l’administration.

Car à défaut de demande d’un certificat d’enregistrement par l’acquéreur dans le mois suivant sa vente, le vendeur demeure considéré par l’administration comme toujours propriétaire, et comme tel redevable de la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel jusqu’à enregistrement de la mutation de propriété.

Et la circonstance que l’acte de vente du navire ait fait l’objet d’une nouvelle rédaction à compter de janvier 2022, date de mise en ligne du formulaire y afférent sur le site du ministère de la Mer, notamment dans l’optique de réalisation des formalités administratives de mutation, n’emporte pas la fictivité de cette cession, résultant notamment de la facture susdite du 3 janvier 2018.

Avec la société Cap Ouest, il conviendra d’observer que l’acte de vente du 3 janvier 2018 désigne comme vendeur Monsieur [P], sans une quelconque mention relative à la société Color Watch.

Mais il ressort de la facture du même jour que celle-ci est rédigée à l’en-tête de la société Color Watch, et qu’elle comporte la signature de Monsieur [P], précédée de la mention 'gérant'.

Ainsi, cette facture fait la preuve suffisante de la propriété de Madame [W] sur le navire litigieux, sans qu’il puisse lui être fait grief à cet égard de la particulière tardiveté avec laquelle celle-ci s’est enquise des formalités administratives de mutation, quand bien même celles-ci ont pris place près de 4 ans après l’ouverture de la procédure collective touchant son précédant propriétaire la société Color Watch.

Il est ainsi établi que la société Color Watch n’est pas propriétaire du navire litigieux.

Dès lors, la demande du mandataire liquidateur tendant à être autorisé à signer le protocole transactionnel tendant à la cession à la société Cap Ouest du dit navire ne peut pas prospérer.

Il y aura donc lieu de débouter le liquidateur judiciaire de sa demande de régularisation du protocole transactionnel avec la société Cap Ouest, et l’ordonnance sera infirmée pour avoir :

— constaté que le dit navire dépendait de l’actif de la liquidation judiciaire de la société Color Watch ;

— débouté la Selarl Ekip de sa demande de régularisation d’un protocole transactionnel avec la société Cap Ouest [Localité 10], aucune facture de celle-ci émise au nom de la société Color Watch France ne justifiant un tel protocole.

Sur les demandes indemnitaires respectives des parties :

Le droit d’ester en justice ne dégénère en abus qu’avec la caractérisation d’une intention dolosive ou malicieuse, ou d’une faute lourde équivalent au dol.

Il appartient à celui déclarant avoir essuyé un préjudice de le démontrer.

Madame [B] [W] sollicite la condamnation de la société Cap Ouest à lui payer une indemnité de 5000 euros.

Elle soutient avoir été harcelée par la société Cap Ouest pour obtenir le paiement des factures dont cette dernière se prévalait sur le navire à l’égard duquel celle-ci ne détenait aucun titre.

Mais les pièces qu’elle a versées ne démontrent en aucune manière les faits de harcèlement dirigés contre sa personne, qu’elle impute à la société Cap Ouest, qui ne lui a adressé aucun courrier, facture ou relance, alors que c’est elle-même qui est intervenue volontairement à la procédure et encore à hauteur d’appel.

Il y aura donc lieu de débouter Madame [W] de sa demande de dommages-intérêts.

* * * * *

L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a débouté Monsieur [P] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, et pour avoir passé ses frais et dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Aucune considération d’équité ne conduira à allouer à quiconque d’indemnité de procédure, et toutes les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Succombant en ses prétentions, Monsieur [P] sera condamné aux entiers dépens des deux instances.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare irrecevable l’appel principal formé par Monsieur [I] [P];

Déclare recevable l’appel formé par la société à responsabilité limitée Cap Ouest [Localité 10] ;

Déclare recevable l’intervention volontaire de Madame [B] [W] [P];

Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau:

Déboute la société à responsabilité limitée Cap Ouest [Localité 10] de sa demande tendant à voir autoriser la société d’exercice libéral à responsabilité limitée Ekip, prise en la personne de Madame [A] [F]-[C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Color Watch France, à régulariser le protocole transactionnel signé par elle-même le 18 janvier 2023 pour mettre fin au litige et permettre la clôture de la procédure collective ;

Déboute Madame [B] [W] [P] de sa demande à titre de dommages-intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne Monsieur [I] [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel. Selon l’article L. 642-19 du même code, alinéa un :

Le juge commissaire soit ordonne

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Poitiers, 2e chambre, 16 janvier 2024, n° 23/01127