Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 17 décembre 2019, n° 19/00539

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 3e ch. com., 17 déc. 2019, n° 19/00539
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/00539
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

3e Chambre Commerciale

ARRÊT N° 551

N° RG 19/00539 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PPN6

E NANTES SARL

C/

M. F Z

M. H A

M. X-AF B

M. J C

M. L D

M. L Y

M. O P

AA AB SA

AG – AH SCP

SCP DELAEREPHILIPPE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Amoyel Vicquelin

Me Lhermitte

Me Le Berre Boivin

Me Bourges

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur,

GREFFIER :

Madame AC AD AE, lors des débats et madame Q R lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Novembre 2019

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 17 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

E NANTES SARL, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 499 602 613, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :

[…]

[…]

Représentée par Me Aude MARQUIS substituant Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me X-Emmanuel KUNTZ, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur F Z, directeur administratif et financier de la SASU T U du 07.02.2007 au 01.02.2011

[…]

[…]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me H LANDON, plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur H A, président directeur général de la société Holding T INDUSTRIES et président de la Société T U du21.07.2005 au 11.10.2010

[…]

[…]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me H LANDON, plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur X-AF B, administrateur et actionnaire de la société Holding T INDUSTRIES

[…]

[…]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me H LANDON, plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur J C, administrateur et actionnaire de la société Holding T INDUSTRIES

[…]

[…]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me H LANDON, plaidant, avocat au barreau de PARIS

SCP AG – AH, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société T U

[…]

[…]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me H LANDON, plaidant, avocat au barreau de PARIS

SCP W V, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société T U, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me H LANDON, plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur L D, actionnaire de la Société AA AB

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Clémentine TOUSSAINT substituant Me Cédric PUTIGNY RAVET de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, plaidant, avocats au barreau de PARIS

AA AB SA, administrateur et actionnaire de la Société Holding T INDUSTRIES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :

[…]

L 1882 LUXEMBOURG

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me L JENSELME de la SCP DERRIENNIC ET ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur L Y

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Aurélien KAOUS substituant Me Emmanuel BENOIT de la SCP DERRIENNIC ASSOCIES, plaidant, avocats au barreau de PARIS

FAITS ET PROCEDURE

Courant 2005, la SAS T U (ci-après T U) rachetait une fonderie de silicium située à Nantes dans le quartier de la Chantrerie, les locaux de l’entreprise ayant alors été acquis par la SCI T La Chantrerie'; T U devait y exercer une activité de fabrication de composants électroniques.

Suivant contrat du 5 juin 2008, la SCI cédait ces locaux à la SARL E Nantes (ci-après E) et ce, au prix de 15,8 millions d’euros.

Le même jour, E donnait les locaux à bail à T U pour une durée initiale de douze ans moyennant un loyer annuel de 1,54 million d’euros.

Par jugement du 10 décembre 2008, le tribunal de commerce de Nantes ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l’égard de T U, désignant à cette occasion Me Bidan en qualité d’administrateur et la SCP AG-AH en qualité de mandataire.

Dès le début de l’année 2009, E déplorait des arriérés dans le règlement de ses loyers.

Alors que Me Bidan entendait continuer le bail tout en sollicitant la diminution du loyer, les parties ne parvenaient pas à s’entendre.

Par jugement du 7 juillet 2010 et sur proposition des organes de la procédure collective, le tribunal de commerce arrêtait le plan de continuation de T U, prévoyant notamment l’apurement du passif sur une période de dix ans'; il était alors mis fin aux fonctions d’administrateur judiciaire de Me Bidan, celui-ci étant désormais désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan, la SCP AG-AH étant maintenue dans ses fonctions de mandataire pour achever les opérations de vérification des créances.

Poursuivant le recouvrement de ses loyers, E saisissait le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 1er septembre 2010, constatait l’acquisition de la clause résolutoire et condamnait T U à payer à E une provision de 1.826.212,10 € à valoir sur les loyers demeurés impayés selon décompte arrêté au 31 mars 2010, le juge des référés condamnant également T U au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer antérieur à compter du 1er avril 2010 et jusqu’à la libération effective des lieux.

Successivement les 24 septembre, 25, 26, 29 octobre, 2 et 14 décembre 2010, E faisait procéder à des saisies-attribution sur les comptes bancaires de T U, parvenant ainsi à se faire régler, sur le fondement de l’ordonnance du 1er septembre 2010, une somme totale de 1.871.728,20 € en principal, intérêts et frais.

Sur déclaration de cessation des paiements déposée le 7 décembre 2010, le tribunal de commerce de Nantes, statuant par jugement du 15 décembre 2010, prononçait la liquidation judiciaire de T U, désignant alors la SCP AG-AH et la SCP V W en qualité de co-liquidateurs, de même que Me Bidan en qualité d’administrateur avec mission d’assister la débitrice dans les actes relatifs à la gestion de l’entreprise.

Alors que la date de cessation des paiements avait initialement été fixée au 7 décembre 2010, celle-ci devait finalement être reportée au 10 septembre 2010 et ce, à l’issue d’une procédure qui devait trouver son épilogue par un arrêt de la cour de cassation rendu le 16 janvier 2019.

Entre-temps et se prévalant de cette date reportée au 10 septembre 2010, les co-liquidateurs de T U saisissaient le tribunal de commerce de Nantes d’une action tendant à l’annulation des saisies-attribution pratiquées par E postérieurement à cette date, ceux-ci se prévalant à cet effet des dispositions de l’article L 632-2 alinéa 2 du code de commerce relatives au sort des saisies-attribution intervenues au profit de ceux qui avaient connaissance de la cessation des paiements'; ils sollicitaient également de voir déclarer E responsable de la résolution du plan de continuation de T U ainsi que de son placement en liquidation judiciaire et, par suite, de la voir condamner au paiement d’une indemnité de 49.483.843 € correspondant au montant total du passif déclaré.

En défense, E faisait assigner en intervention forcée :

— M. F Z, directeur administratif et financier de T U du 07.02.2007 au 01.02.2011,

— M. H A, président directeur général de la société holding T Industries et président

de la T U du 21.07.2005 au 11.10.2010,

— M. L Y, dirigeant de T U à partir du 12 octobre 2019,

— M. X-AF B, administrateur et actionnaire de la société holding T Industries,

— M. J C, administrateur et actionnaire de la société holding T Industries,

— la société AA AB, administrateur et actionnaire de la société holding T Industries,

— M. O P, représentant de la société AA AB,

— M. L D, actionnaire de la société AA AB,

pour que soient constatées leurs fautes de gestion ou leur responsabilité délictuelle afin que, le cas échéant, ceux-ci soient condamnés à la garantir de toutes condamnations'; en outre, E, qui s’opposait à l’annulation des saisies-attribution auxquelles elle avait fait procéder, sollicitait en tout état de cause, pour le cas où elle serait condamnée à devoir rembourser les sommes y afférentes, que soit prononcée la compensation entre lesdites sommes et celles que T U restait lui devoir au titre de son arriéré locatif.

Par jugement du 18 octobre 2013, le tribunal ':

— déclarait Me Bidan, en qualité d’administrateur judiciaire de T U, irrecevable à agir en responsabilité à l’encontre de E ';

— déclarait nulles et de nul effet les saisies-attribution pratiquées à la demande de E les 24 septembre, 25, 26, 29 octobre, 2 et 14 décembre 2010' ;

— condamnait en conséquence E au remboursement de la somme totale de 1.871.728,20 € ';

— prononçait la compensation entre cette somme et celles restant dues par T U à E au titre des loyers échus et de l’indemnité d’occupation, tels qu’ils seraient arrêtées à l’issue des procédures en cours devant le tribunal de grande instance de Paris’ ;

— déboutait la SCP AG-AH et la SCP V W, co-liquidateurs judiciaires de T U, de leur demande de dommages-intérêts au titre de la responsabilité de E dans l’échec du plan de continuation';

— condamnait E à leur payer, ès qualités, une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’ ;

— déclarait irrecevable l’action en garantie engagée par E à l’encontre des actionnaires et dirigeants de T U ';

— condamnait E à payer à MM. H A, F Z, J C, X-AF B, L D, L Y, ainsi qu’à la société AA AB, chacun, une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ';

— condamnait E à leur payer en outre, à chacun, une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’ ;

— déboutait M. Y de sa demande d’amende civile’ ;

— condamnait E aux dépens.

Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 29 octobre 2013, E interjetait appel de ce jugement,

Par ordonnance du 28 janvier 2015, prorogée par ordonnance du 22 juin 2016, le conseiller de la mise en état ordonnait le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en fixation de la date de cessation des paiements de T U.

Cette date ayant été définitivement fixée au 10 septembre 2010 par suite d’un arrêt de la cour de cassation du 16 janvier 2019, l’appel interjeté à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Nantes du 18 octobre 2013 était ré-enrôlé le 24 janvier 2019.

E notifiait ses dernières conclusions le 4 novembre 2019, MM. Z, A, B, C, les SCP AG-AH et V W les leurs le 5 novembre 2019, la société AA AB le 5 novembre 2019, M. D le 16 octobre 2019, enfin M. Y le 16 octobre 2019.

Bien qu’ayant été intimé, M. O P, représentant de la société AA AB, ne constituait pas devant la cour.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 7 novembre 2019.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

E demande à la cour de :

Vu les articles L121-2, R 121-1 et R 211-10 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu les articles L 622-13, 622-17, L 622-20, L 626-3, L 626-5, L 631-1, L 631-20-1, L 632-2 , L 641-4, L 641-13, L 651-2, L 662-3, R 621-25, R 626-7et R 626-8 du code de commerce,

Vu l’article 1382 ancien du code civil,

1 / Sur le sort des saisies-attribution ':

A titre principal,

— INFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré nulles les saisies-attribution effectuées par E les 24 septembre, 25, 26, 29 octobre, 2 et 14 décembre 2010' ;

Statuant à nouveau,

— DIRE ET JUGER qu’il n’est pas démontré que E ait eu connaissance de l’état de cessation des paiements de T U aux jours où elle a pratiqué les saisies-attribution’ ;

— DIRE ET JUGER valables lesdites saisies-attribution’ ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que E avait connaissance de l’état de cessation des paiements de T U aux jours où elle a pratiqué les saisies’ :

— DIRE ET JUGER que la cour fera usage de son pouvoir souverain et ne prononcera pas la nullité des saisies au visa de l’article L 632-2 du code de commerce ';

En conséquence,

— INFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré nulles lesdites saisies-attribution’ ;

Statuant à nouveau,

— les DIRE ET JUGER valables ';

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait nulles et de nul effet les saisies litigieuses :

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a prononcé la compensation entre les sommes correspondantes et celles dues à E au titre des loyers échus et de l’indemnité d’occupation, telles qu’elles seront arrêtées à l’issue des procédures en cours devant le tribunal de grande instance de Paris ;

2 / Sur les demandes indemnitaires des liquidateurs judiciaires’ :

A titre principal,

— DIRE ET JUGER que E n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la liquidation judiciaire de T U’ ;

— DIRE ET JUGER que les liquidateurs judiciaires ne justifient pas des préjudices qu’ils invoquent ';

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts des liquidateurs judiciaires fondées sur l’article 1382 du code civil';

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait E responsable à l’égard de la liquidation judiciaire,

— PRONONCER la compensation entre toute condamnation éventuelle de E et les créances de cette dernière à l’encontre de T U, notamment au titre de l’exécution du bail ';

3 / Sur la responsabilité des actionnaires et dirigeants de T U ':

— INFIRMER le jugement en ce qu’il a jugé E irrecevable en ses demandes indemnitaires ';

— l’INFIRMER en ce qu’il a condamné E à indemniser les actionnaires et dirigeants de T U pour procédure abusive ';

Statuant à nouveau,

— DIRE ET JUGER E recevable et bien fondée à agir en responsabilité civile délictuelle à l’égard des actionnaires et dirigeants de T U’ ;

— DIRE ET JUGER que ces actionnaires et dirigeants engagent leur responsabilité civile délictuelle à l’égard de E ';

— les CONDAMNER à garantir E de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre en application de l’arrêt à intervenir ';

4 / Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens’ :

— INFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné E en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

— CONDAMNER les liquidateurs judiciaires ès-qualités à payer à E la somme de 30.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL AB LITIS conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

MM. Z, A, B, C, la SCP AG-AH et la SCP V W prises en leurs qualités de co-liquidateurs de T U, demandent à la cour de :

— confirmer le jugement du 18 octobre 2013 en ce qu’il a annulé les saisies-attribution pratiquées par E sur le fondement de l’article L 632-2 du code de commerce ';

— confirmer la condamnation de E au paiement de la somme de 1.871.728,20 € à titre de dommages intérêts avec intérêts légaux à compter du 3 mai 2011, date de l’exploit introductif d’instance’ ;

Vu les articles L 622-20, L 622-7 I et L 641-3 du code de commerce,

— infirmer le jugement et dire que la condamnation à dommages intérêts qui ne bénéficie qu’aux créanciers de la liquidation judiciaire ne peut se compenser avec les créances de E sur T U ';

Vu les articles 1382 et 1383 ancien du code civil,

— infirmer le jugement et dire et juger que les saisies-attribution annulées constituent une faute de malveillance en ce qu’elles avaient également pour but d’aboutir à la liquidation judiciaire de T U ';

— en conséquence, condamner E au paiement de la somme de 49.483.843 € à titre de dommages-intérêts sauf à parfaire ou à diminuer respectivement des créances définitivement admises du bailleur et du produit de la vente des actifs d’exploitation ';

Vu l’article 2224 du code civil,

— dire prescrite l’action en responsabilité civile délictuelle de la société E à l’encontre de MM. Z, A, B, C’ ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné E à payer à MM. Z, A, B, C la somme de 1.000 € pour procédure abusive’ ;

Vu l’article 559 du code de procédure civile,

— condamner E à payer à MM. Z, A, B, C la somme de 6.000 € pour appel abusif’ ;

— condamner E à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SCP AG-AH et à Me W, la somme de 25.000 €, et à MM. Z, A, B, C, chacun, la somme de 2.500 € ';

— condamner E en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP LHERMITTE, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

M. Y demande à la cour de :

Vu le code de commerce, notamment ses articles L 622-20, L 641-4, L 651-2 et L 651-3,

Vu le code civil, notamment ses articles 1139, 1147, 1153, 1382 et 1383,

Vu le code de procédure civile, notamment ses articles 32-1, 9, 122, 126-3, 908, 952 et 700,

A TITRE LIMINAIRE,

— CONSTATER que E n’a formé aucune prétention à l’encontre de M. Y dans le dispositif de ses conclusions d’appel initialement régularisées le 27 décembre 2013 et n’a pas sollicité l’infirmation du jugement entrepris concernant les dispositions relatives à M. Y dans le dispositif de ses conclusions d’appel du 27 décembre 2013 qui ont été régularisées dans le délai de trois mois pour former des prétentions en appel ';

— CONSTATER que E ne sollicitait pas dans ses conclusions régularisées le 27 décembre 2013 l’infirmation du jugement entrepris concernant les dispositions relatives à M. Y’ ;

— CONSTATER que E n’a nullement élargi le périmètre de son appel ni sollicité l’infirmation du jugement entrepris concernant les dispositions relatives à M. Y dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile';

— CONSTATER que les dispositions de l’article 952 du code de procédure civile ainsi que de l’article 908 du même code ne permettent pas à E d’élargir ses moyens et prétentions dans le cadre des conclusions récapitulatives et au-delà du délai fixé par l’article 908 du code de procédure civile’ ;

— CONSTATER que, par conclusions d’appel en date du 14 avril 2014, E s’est expressément désistée de ses demandes à l’encontre des dirigeants de T U dont fait partie M. Y’ ;

EN CONSEQUENCE,

— DIRE que la cour ne peut statuer sur une quelconque prétention de E relative à M. Y et que E n’est pas recevable et, dans tous les cas, mal fondée à former en appel une quelconque demande à l’encontre de M. Y ainsi qu’à solliciter l’infirmation du jugement concernant les dispositions relatives à celui-ci’ ;

— DECLARER irrecevable l’ensemble des demandes formées à l’encontre de M. Y';

— REJETER toute prétention contraire’ ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a considéré que E n’a pas qualité pour agir à l’encontre de M. Y et, en conséquence, a déclaré l’action en garantie engagée par E à son encontre irrecevable et l’a rejetée’ ;

— DECLARER irrecevables l’ensemble des demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de M. Y ';

— REJETER toute prétention contraire’ ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

— DEBOUTER E de toute demande de condamnation à l’encontre de M. Y, aucune faute n’ayant été commise par celui-ci et, dans tous les cas, le lien de causalité faisant défaut’ ;

[…],

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné E à indemniser M. Y à hauteur de 1.000 € pour procédure abusive en y ajoutant une somme de 19.000 € et, en conséquence, condamner E à payer à M. Y une somme totale de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive’ ;

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné E à payer une somme de 3.000 € à M. Y au titre de l’article 700 du code de procédure civile en y ajoutant une somme de 17.000 € et, en conséquence, condamner E à payer à M. Y une somme totale de 20.000 € à ce titre’ ;

— CONDAMNER E aux entiers frais et dépens d’appel dont distraction au profit de la Selarl Luc BOURGES conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ';

— REJETER l’ensemble des demandes, fins et prétentions contraires.

La société AA AB demande à la cour de :

A titre principal,

— DECLARER irrecevables les conclusions signifiées le 14 octobre 2019 par E ;

A tout le moins,

— DECLARER irrecevable l’appel en garantie de E en ce qu’il est dirigé à l’encontre de AA AB ';

— CONFIRMER le jugement entrepris ;

En tout état de cause,

— DIRE et JUGER que E n’apporte aucune preuve justifiant le bien-fondé de son appel en garantie à l’encontre de AA AB’ ;

— DEBOUTER E de toutes ses demandes dirigées à l’encontre de AA AB ';

— CONDAMNER E à verser à AA AB une somme de 5.000 € du fait du caractère abusif des procédures engagées contre cette dernière ;

— CONDAMNER E à verser à AA AB une somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNER E aux entiers dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Enfin, M. D demande à la cour de :

Vu les articles L 622-20, R 622-18, L 651-2 et L 651-3 du code de commerce,

Vu l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce,

Vu les articles 32-1, 559, 700, 908 et 954 du code de procédure civile,

A TITRE LIMINAIRE :

— DIRE ET JUGER que E ne forme aucune prétention à l’encontre de M. D et ne sollicite pas l’infirmation du jugement entrepris concernant les dispositions relatives à M. D dans le dispositif de ses conclusions d’appel initialement régularisées le 27 décembre 2013 dans le délai de trois mois pour former des prétentions d’appel ;

— DIRE ET JUGER que E ne forme aucune prétention à l’encontre de M. D et ne sollicite pas l’infirmation du jugement entrepris concernant les dispositions relatives à M. D dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile ;

— DIRE ET JUGER que E n’est pas recevable à élargir le périmètre de son appel, ni à solliciter l’infirmation du jugement concernant les dispositions relatives «'aux actionnaires et dirigeants de T'» postérieurement au délai de l’article 908 du code de procédure civile ;

EN CONSEQUENCE’ :

— DIRE ET JUGER que la cour ne peut statuer sur une quelconque prétention de E relative à M. D et qu’elle n’est pas recevable et, en tout cas, mal fondée, à former une quelconque demande à l’encontre de M. D';

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

— DEBOUTER E de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré l’action en garantie engagée par E à l’encontre de M. D irrecevable ;

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné E à indemniser M. D pour procédure abusive et, allant au-delà, porter le montant des condamnations spécifiques au caractère abusif de la procédure de première instance à la somme de 50.000 €';

— DIRE ET JUGER que l’appel de E à l’encontre de M. D est abusif ;

— CONDAMNER E à payer à M. D une somme de 5.000 € pour appel abusif ;

— CONFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné E au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, allant au-delà, porter le montant des condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 20.000 € ;

— CONDAMNER E aux entiers dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et argumentations des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande formée par les co-liquidateurs de T U tendant à l’annulation des saisies-attribution pratiquées les 24 septembre, 25, 26, 29 octobre, 2 et 14 décembre 2010 à l’initiative de E’ :

L’article L 632-2 du code de commerce dispose en son deuxième alinéa, dans sa rédaction applicable aux saisies-attribution litigieuses, que «'tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu’il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci.'»

Or, il est constant que les six saisies-attributions litigieuses ont été pratiquées après la cessation des paiements de T U, dont il convient de rappeler qu’elle a été irrévocablement fixée au 10 septembre 2010, consécutivement à l’arrêt de la cour de cassation du 16 janvier 2019 qui a définitivement clos le débat sur ce point.

Quant à la connaissance que E avait de cet état de cessation des paiements, il résulte amplement, ainsi que les premiers juges l’ont justement relevé, des conclusions déposées par E elle-même dans le cadre des instances qu’elle avait engagées pour voir mettre fin au plan de continuation de T U': la cour relèvera notamment les écrits suivants’ :

— conclusions du 21 septembre 2010': «'['] il n’est pas discuté que l’exécution du paiement par provision de la somme de 1.826.212,10 € [soit le montant de la condamnation prononcée par ordonnance de référé du 1er septembre 2010] placerait T U en liquidation judiciaire puisqu’à l’évidence elle n’en a pas les moyens [']'»' ; à cet égard, la cour observe que ces conclusions sont antérieures à l’ensemble des saisies-attribution contestées’ ;

— conclusions déposées pour l’audience du 24 novembre 2010': un paragraphe entier est consacré à «'la constatation de l’état de cessation des paiements de la société T U devant conduire à la liquidation judiciaire'»' ; par ailleurs, E y écrit que «'cet état est manifestement caractérisé'» puisque, «'depuis le 1er septembre 2010, [T U] n’est pas en mesure de régler son passif échu et notamment sa condamnation par provision au paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant de 1,8 million d’euros'» ';

— conclusions du 14 décembre 2010': «'Il est manifeste que [T U] est en état de cessation des paiements depuis le 1er septembre 2010. En conséquence, au 1er décembre, jour du dépôt de la requête, T U était, de manière manifeste, en état de cessation des paiements depuis 90 jours'».

A cet égard, si E évoque aujourd’hui qu’il ne s’agissait à l’époque que de présomptions, et non d’une certitude de sa part, elle ne les a pas moins affirmées avec beaucoup de conviction lorsqu’elle a tenté d’obtenir le prononcé de la liquidation judiciaire après s’être rendu compte que ses voies d’exécution ne suffiraient pas à apurer sa créance.

Au surplus, et en répétant à six reprises ses saisies, E avait nécessairement conscience de l’incapacité de T U à faire face au passif avec son actif disponible, puisque la première saisie n’avait pas permis d’apurer intégralement la dette.

Par ailleurs, il convient de rappeler que E avait obtenu du juge-commissaire, par ordonnance du 22 juillet 2009, sa désignation en qualité de contrôleur au redressement judiciaire de T U, qualité qui lui conférait le droit, dans l’intérêt collectif des créanciers et en application de l’article L 621-11, de prendre connaissance de tous les documents transmis à l’administrateur et au mandataire.

Or, il est établi que E a exercé ce droit puisque le procureur de la République a même estimé qu’elle l’avait dénaturé en l’exerçant dans son seul intérêt personnel, d’où la requête en révocation qu’il a déposée à son encontre le 21 octobre 2010, dont il résulte que E a usé, et même abusé, de sa qualité de contrôleur pour accéder à «'tous les documents et renseignements qui pouvaient lui être utiles'», notamment «'l’état des créances déclarées puis admises au passif de la procédure'» ou encore «'la réponse des créanciers à la consultation prévue à l’article L 626-7'», E ayant eu

ainsi accès à des informations privilégiées qui lui ont permis de se convaincre, avant même de mettre en oeuvre ses voies d’exécution, de l’état de cessation des paiements de T U.

C’est même parce qu’elle a eu connaissance de cet état qu’elle s’est empressée de saisir ce qui pouvait encore l’être, avant que la liquidation intervienne et mette fin à toute rentrée financière.

Enfin, aucune conséquence ne saurait être tirée du fait que T U ait attendu le 6 décembre 2010 pour déclarer son état de cessation des paiements, la seule circonstance que E ait su elle-même, antérieurement à cette date, que cet état était caractérisé, suffisant à justifier l’annulation des saisies pratiquées en violation de l’article L 632-2.

A cet égard, et s’il est constant que l’annulation demeure facultative, E ne justifie pas en quoi il ne devrait pas y être procédé, alors qu’il est constant qu’elle s’est fait régler des sommes très importantes en contravention avec les règles de la procédure collective'; ainsi, et quand bien même se prévaut-elle d’une priorité légale de paiement au titre de l’article L 622-17, encore fallait-il qu’elle fasse valoir ses droits dans le respect des procédures applicables, en l’occurrence en assignant T U en liquidation judiciaire.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a annulé les saisies-attribution litigieuses et condamné en conséquence E à payer à la liquidation judiciaire la somme de 1.871.728,20 € en remboursement du produit de ces saisies irrégulières.

Sur la demande de compensation’ :

Se prévalant à la fois des dispositions de l’article L 622-17 qui lui accordent une priorité légale de paiement des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture, et de l’ordonnance de référé du 1er septembre 2010 (d’ailleurs confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 avril 2011) qui lui a accordé une provision à valoir sur les loyers postérieurs au jugement d’ouverture, E demande à bénéficier d’une compensation entre cette somme et celle, de même montant, que la cour vient de la condamner à rembourser par suite de l’annulation des saisies-attribution qu’elle a pratiquées dans des conditions irrégulières.

Cette demande ne saurait prospérer, étant en effet observé’ :

— qu’en application de l’article L 622-20, les sommes recouvrées à l’issue des actions introduites par le mandataire dans l’intérêt collectif des créanciers entrent dans le patrimoine du débiteur, soit pour être affectées à la continuation de l’entreprise selon les modalités prévues pour l’apurement du passif en cas de redressement, soit pour être réparties entre tous les créanciers en cas de liquidation ';

— que de telles dispositions font obstacle à ce qu’une compensation puisse intervenir entre la dette mise à la charge de E, et la créance de celle-ci envers la liquidation.

Au surplus, la cour observe que E se prévaut d’une créance contractuelle alors que la liquidation judiciaire se prévaut d’une créance résultant de l’annulation des actes de saisie ; dès lors, leurs faits générateurs reposant sur des fondements différents, ces créances ne sont pas connexes, de telle sorte qu’elles ne sauraient se compenser entre elles.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la demande indemnitaire formée par la liquidation à l’encontre de E’ :

Comme en première instance, les liquidateurs de T U font valoir que E est responsable de la liquidation judiciaire, non seulement pour avoir pratiqué abusivement des saisies-attribution interdites par la loi, mais également pour avoir tout mis en 'uvre afin que le

redressement judiciaire échoue, les intimés sollicitant finalement la condamnation de E au paiement d’une somme de 49.483.843 € à titre de dommages-intérêts correspondant au montant cumulé du passif déclaré, s’opposant au surplus à toute compensation.

Cependant, et ainsi que les premiers juges l’ont justement observé’ :

— même s’il est constant que E s’est toujours opposée à la poursuite du plan de continuation, pour autant elle avait des raisons légitimes de le faire, étant en effet rappelé qu’elle n’était plus payée de ses loyers depuis de nombreux mois et ce, en dépit de la priorité légale de paiement prévue par l’article L 622-17' ;

— que dans ces conditions, et à l’exception des saisies-attribution qu’elle a pratiquées à tort à une époque où elle n’en avait plus le droit, E était fondée à intenter toutes les procédures propres à lui permettre d’être réglées de ses créances.

Ainsi, aucune des procédures intentées par elle ne traduit un abus dans l’exercice des droits de la créancière, a fortiori une intention de nuire à T U.

Par ailleurs et s’agissant des saisies-attributions elles-mêmes, si fautives soient-elles, elles n’ont pas provoqué la liquidation judiciaire de T U, alors en effet qu’il est avéré que l’état de cessation des paiements était déjà caractérisé avant même qu’elles aient été mises en 'uvre.

Elles n’ont pas même contribué à aggraver le passif de la société, puisque n’ayant pas eu d’autre objet que de permettre le règlement de loyers déjà largement échus, payables à leur échéance nonobstant la procédure collective, et devenus exigibles en exécution de l’ordonnance de référé.

En réalité, le seul grief qui puisse être reproché à E est précisément de ne pas avoir provoqué plus tôt une liquidation judiciaire qui s’avérait inéluctable alors en effet que T U n’était pas en mesure de régler ses loyers courants, E étant en droit, dès lors, d’assigner T U en liquidation judiciaire sans avoir à attendre que la société elle-même en prenne l’initiative trois mois plus tard seulement.

Il en résulte que E n’a pas de responsabilité dans la survenance de la liquidation et ne saurait, a fortiori, être tenue au paiement de dettes inhérentes à celle-ci , puisque n’ayant nullement contribué à leur constitution ni même à leur majoration.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les liquidateurs de leur demande indemnitaire dirigées à l’encontre de E.

Sur la demande de E tendant à être garantie par les actionnaires et dirigeants de T U’ :

Bien que persistant à soutenir que ceux-ci ont une «'responsabilité évidente'» dans la survenance de la liquidation judiciaire, E conclut également que dès lors que sa propre responsabilité ne serait pas retenue, elle renoncerait également à solliciter leur condamnation'; précisant sa pensée, elle ajoute que «'les demandes formées à l’égard des dirigeants et actionnaires de T U ne s’entendent que dans l’hypothèse où la décision déférée serait infirmée en ce qu’elle a jugé que E n’engage pas sa responsabilité à l’égard de la liquidation judiciaire'».

Il résulte de ce qui précède que la demande formée par E à l’encontre des dirigeants et actionnaires de T Electronic n’est que subsidiaire. Les demandes de dommages-intérêts formés contre E ayant été rejetées, il n’y a donc pas lieu d’examiner les demandes subsidiaires formées par elle, ni même leur recevabilité.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et appel abusif ':

Pour condamner E à payer à chacun des dirigeants et actionnaires de T U une indemnité de 1.000 € pour procédure abusive, le tribunal a retenu qu’il ressortait de la qualité et de la quantité des moyens juridiques développés par la société qu’elle ne pouvait manquer de savoir que son action à l’encontre de ces personnes était irrecevable.

Pour autant, la cour rappelle que le caractère abusif d’une action en justice ne se mesure pas à l’aune des perspectives de la voir déclarer recevable ou irrecevable, mais seulement en fonction de la preuve, à la charge de celui qui l’invoque, que l’instance a été engagée dans des conditions telles qu’elles caractérisent une faute ou un abus dans l’exercice du droit d’agir en justice.

Or, cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce, étant en effet rappelé que ce n’est pas E qui est à l’origine de la présente instance, mais les liquidateurs judiciaires de T U qui l’ont assignée, non seulement en remboursement des sommes saisies-attribuées dans les conditions précitées, mais également en paiement d’une indemnité de 49 millions d’euros en comblement de passif, E ayant pu, dans ces conditions et sans commettre d’abus de droit, choisir d’appeler en garantie les dirigeants et actionnaires de T U, dont plusieurs faisaient d’ailleurs cause commune avec les liquidateurs.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné E au paiement des indemnités précitées.

Il sera par ailleurs confirmé en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande tendant à l’application d’une amende civile.

Y ajoutant et pour les mêmes raisons, la cour déboutera l’ensemble des dirigeants et actionnaires de leurs demandes indemnitaires formées au titre d’un appel prétendument abusif qui n’est pas davantage caractérisé.

Sur les autres demandes’ :

Le contexte de l’affaire justifie que E soit dispensée de toute condamnation au titre des frais irrépétibles, le jugement devant être infirmé en ce sens.

Enfin, partie globalement perdante, E supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour’ :

— infirme le jugement en ce qu’il a :

* ordonné la compensation entre la condamnation de la société E Nantes à payer une somme de 1.871.728,20 € à la liquidation judiciaire de la société T U et les sommes dues par celle-ci à la société E Nantes au titre des loyers échus et indemnités d’occupation tels qu’ils seront arrêtés à l’issue des procédures en cours devant le tribunal de grande instance de Paris';

* déclaré irrecevable l’action en garantie engagée par la société E Nantes à l’encontre des dirigeants et actionnaires de la société T U';

* condamné la société E Nantes à payer aux SCP AG-AH et V W, en leurs

qualités de co-liquidateurs de la société T U, une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

* condamné la société E Nantes à payer à MM. Z, A, B, C, D, Y ainsi qu’à la société AA AB, à chacun, une indemnité de 1.000 € pour procédure abusive';

— statuant à nouveau de ces chefs d’infirmation :

* déboute la société E Nantes de sa demande de compensation';

* dit n’y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires relatives à l’action en garantie ;

* déboute MM. Z, A, B, C, D, Y ainsi que la société AA AB de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive;

* déboute les SCP AG-AH et V W, en leurs qualités de co-liquidateurs de la société T U, MM. Z, A, B, C, D, Y ainsi que la société AA AB de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

— confirme le jugement pour le surplus ;

— y ajoutant,

* déboute MM. Z, A, B, C, D, Y ainsi que la société AA AB de leurs demandes de dommages-intérêts pour appel abusif ;

* déboute les SCP AG-AH et V W, en leurs qualités de co-liquidateurs de la société T U, MM. Z, A, B, C, D, Y ainsi que la société AA AB de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

* condamne la société E Nantes aux dépens de la procédure d’appel.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 17 décembre 2019, n° 19/00539