Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 25 mars 2021, n° 19/01978

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Chronologie de l’affaire

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www.lbvs-avocats.fr · 26 avril 2021

Transaction : Avis de valeur, prêt relais et RCP de l'agent immobilier La cour d'appel de Rouen, dans un arrêt du 25 mars 2021 n°19-01978, retient la responsabilité d'un agent immobilier qui avait surévalué son avis de valeur pour consécutivement vendre un bien à ces mêmes propriétaires avec le concours d'un prêt relais assis sur cette estimation. La cour retient le défaut de loyauté de l'agence et son défaut d'information et de conseil. Pour les magistrats celle-ci ne pouvait, en qualité de professionnel, ne pas être consciente de l'incidence de l'évaluation annoncée sur la décision …

 

Cabinet Neu-Janicki · 25 avril 2021

L'agent immobilier, mandaté pour vendre une maison d'habitation, a manqué tant à son devoir de loyauté qu'à son obligation d'information et de conseil en évaluant le bien en cause à 400000 euros alors que les mandants n'ont pu finalement le vendre qu'au prix de 242000 euros, 25 mois plus tard, et qu'ils avaient acquis un autre bien par l'entremise de cet agent immobilier, pour un prix de 309000 euros. Cette évaluation constituait un élément déterminant pour les propriétaires qui ont financé leur acquisition au moyen d'un prêt relais qu'ils comptaient rembourser après la vente de …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 25 mars 2021, n° 19/01978
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 19/01978
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Le Havre, 3 avril 2019, N° 17/00409
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/01978 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IFUH

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 25 MARS 2021

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

[…]

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 04 Avril 2019

APPELANTE :

S.A.R.L. TRISTANT IMMOBILIER

[…]

76430 SAINT-ROMAIN DE COLBOSC

représentée et assistée par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du HAVRE

INTIMES :

Monsieur Z X

[…]

[…]

Madame A B épouse X

[…]

76430 SAINT-AUBIN-ROUTOT

représentés et assistés par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE, substitué par Me Pauline KERGLONOU, avocat au barreau du HAVRE, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Janvier 2021 sans opposition des avocats devant Madame MANTION, Conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme BRYLINSKI, Présidente

Mme MANTION, Conseillère

M. CHAZALETTE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 07 Janvier 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mars 2021

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 25 Mars 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme BRYLINSKI, Présidente et par M. GUYOT, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Les époux X étaient propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation situé à […]. Souhaitant procéder à la vente de ce bien, ils ont sollicité la société Tristant Immobilier (Sarl), qui a estimé, par courrier du 14 juin 2012, que leur maison présentait une valeur d’environ 400.000€ net vendeur.

Un mandat de vente a alors été régularisé pour un montant de 410.000€ auprès de ladite agence.

Le 15 juin 2012, les époux X se sont portés acquéreurs, par l’intermédiaire de la société Tristant Immobilier, d’une maison d’habitation située à […], pour un prix de 309.000€, le compromis de vente étant réitéré par acte notarié du 15 octobre 2012.

Leur maison ne trouvant pas acquéreur, les époux X se sont rapprochés d’autres agences immobilières, qui ont indiqué que le prix estimé 400.000€ était trop élevé. Les époux X ont donc accepté des baisses de prix successives et sont parvenus à la vente de leur maison le 14 novembre 2014, pour un prix de 242.000€.

Ayant souscrit un prêt relais auprès de la banque LCL pour un montant de 331.000€, ils ont mis en demeure la société Tristant Immobilier par lettre recommandée du 10 novembre 2015 d’avoir à réparer leur préjudice financier.

Ayant reçu une réponse négative de son conseil, les époux X, par acte signifié le 22 février 2017 ont fait assigner la société Tristant Immobilier afin de voir engager sa responsabilité contractuelle en raison d’un manquement à son obligation de conseil, et obtenir la réparation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance du Havre a :

— condamné la SARL Tristant Immobilier à verser à M. et Mme X la somme de 82.638,10€ au titre de l’indemnisation de la perte de chance ;

— condamné la SARL Tristant Immobilier à verser à M. et Mme X la somme de 5.000€ au titre de la réparation de leur préjudice moral ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné la SARL Tristant Immobilier à verser aux époux X la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la SARL Tristant Immobilier aux entiers dépens.

La société Tristant Immobilier a formé appel de ce jugement, par déclaration reçue le 10 mai 2019 au greffe de la cour.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées 7 août 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Tristant Immobilier demande à la cour de :

— la recevoir en son appel ;

— réformer la décision entreprise ;

— débouter les consorts X de toutes leurs demandes, fins et conclusions;

— les condamner au paiement de la somme de 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les condamner en tous les dépens.

Les époux X, intimés, aux termes de leurs dernières écritures en date du 29 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

— débouter la SARL Tristant Immobilier de ses demandes, fins et conclusions;

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Havre le 4 avril 2009 ;

— condamner la SARL Tristant Immobilier à régler aux époux X la somme de 2.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la même aux dépens.

DISCUSSION:

1°) Sur la mise en cause de la responsabilité de la société Tristant Immobilier:

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ancien,

Il ressort des pièces produites et des débats que les époux X ont fait appel à la société Tristant Immobilier pour l’évaluation de plusieurs biens immobiliers situés à […] (76 430), à savoir deux parcelles de terrain et leur maison d’habitation, située […].

Après visite de lieux, M. C D, gérant de la société Tristant Immobilier a évalué ces

différents biens à:

—  110.000€ net vendeur pour le lot A ( terrain)

—  105.000€ pour le lot 2 ( terrain ) et a écrit dans un courrier adressé le 14 juin 2012 aux propriétaires ' A la suite de ma dernière visite (…) je suis en mesure d’estimer la valeur de votre bien immobilier.

J’ai tenu compte pour l’estimation de ce bien de sa situation, de l’état général, des surfaces (tant habitables, que du terrain), ainsi que des éléments de confort et des prestations.

Je vous confirme par conséquent, aprés examen de tous les éléments qui caractérisent votre bien, avoir retenu une valeur vénale d’environ 400.000€ net vendeur.'

Les époux X, retraités, exposent qu’eu égard à l’estimation et au gain escompté par la vente de leur maison d’habitation, ils ont régularisé le 15 juin 2012, un compromis par l’intermédiaire de la société Tristant Immobilier, afin d’acquérir une maison d’habitation construite en plein pied et de taille plus modeste, sis à […],[…], pour un montant de 309 000€, financé par recours à un prêt relais qui leur a été consenti le 28 juillet 2012 par la Banque LCL pour un montant de 331 000€ remboursable sur une durée de 18 mois.

L’acquisition ayant été définitivement conclue selon acte notarié en date du 15 octobre 2012, les époux X indiquent qu’ils ont donné mandat exclusif en vue de la vente de leur habitation située […] à la société Tristant Immobilier mais qu’au terme du mandat d’exclusivité, leur maison n’était pas vendue et pire, aucune visite n’avait été effectuée.

Par lettre du 24 août 2012, les époux X ont adressé un courrier à la société Tristant Immobilier l’informant qu’à l’échéance du mandat de vente avec exclusivité accordé le 14 juin précédent, ils entendaient revenir à une simple mandat de vente sans exclusivité.

Bien que les conditions du mandat exclusif ne soient pas contestées, il est notable que le mandat le plus ancien produit remonte au 25 septembre 2012 , peu de temps avant l’acte authentique d’achat signé par les époux X en date du

15 octobre 2012, et que ces derniers ont donné mandat de vente sans exclusivité à la société Tristant Immobilier au prix net vendeur de 390.000€.

Par ailleurs, l’appelante ne fournit aucune pièce justifiant des visites qu’elle a pu ou non organiser, ce qui accrédite la version des époux X qui ont dû faire appel à d’autres agences immobilières pour parvenir à vendre leur bien le

14 novembre 2014 au prix de 242.000€.

Ils estiment donc qu’ils ont été convaincus d’acquérir un bien à des conditions financières qui se sont avérées plus lourdes que celles escomptées eu égard à la surévaluation du bien mis en vente par la société Tristant Immobilier, qui est ainsi parvenue à les convaincre d’acquérir rapidement un nouveau bien par son intermédiaire ce qui lui a permis de percevoir une commission, les époux X ayant pour leur part à faire face au remboursement de leur prêt relais sur une période plus importante ce qui a généré un coût supplémentaire.

Si la société Tristant Immobilier est bien fondée à faire valoir qu’une évaluation n’a pas valeur d’expertise, elle engage néanmoins la responsabilité de son auteur dès lors qu’elle émane d’un professionnel de l’immobilier qui doit être en mesure de fournir une évaluation la plus proche possible du prix du marché, les époux X produisant pour leur part, une attestation établie le 12 juillet 2016 par M. E F, agent imùmobilier, qui relate avoir visité les lieux en début

d’année 2013 et avoir précisé que la valeur du pavillon se situait aux environs de 250.000€, valeur proche de la valeur de vente conclue le 14 novembre 2014 au prix de 242.000€.

La société Tristant Immobilier qui conteste cette évaluation, au motif qu’il existait une crise de l’immobilier en 2013, ne fournit aucun élément précis quant à l’évaluation de biens similaires dans le même secteur en fin d’année 2012 et postérieurement, la seule référence à la valeur du bien acquis par les époux X étant inssufisante.

Par ailleurs, la proximité de la date d’achat par les époux X d’un bien situé dans la même commune qu’ils ont acquis au prix de 302.000€ y compris les frais de vente soit un prix net vendeur de 280.000€ et le mode de financement utilisé (prêt relais) permettent de retenir comme déterminante de leur engagement, l’évaluation fournie par la société Tristant Immobilier.

Or, celle-ci ne pouvait en qualité de professionnel ne pas être consciente de l’incidence de l’évaluation annoncée sur la décision des époux X de se rendre immédiatement acquéreurs par recours à une prêt relais, une vente rapide de leur bien leur laissant espérer le remboursement aussi rapide leur prêt relais et la réalisation d’une plus value sur l’immeuble vendu.

Ainsi, les époux X caractérisent suffisamment le défaut de loyauté de la société Tristant Immobilier et son manquement à son obligation d’information et de conseil, qui justifie sa condamnation à des dommages et intérêts.

2)) Sur l’évaluation du préjudice des époux X:

L’opération de vente et de rachat d’un bien s’est déroulée dans des conditions préjudiciables aux époux X en ce que la vente de leur bien ayant été retardée, ils ont dû conclure avec la Banque LCL un avenant en date du 8 avril 2014, pour le remboursement de leur prêt relais qui a généré des intérêts supplémentaires pour un montant de 5644,84€ et le coût d’une assurance de 866,23€.

Toutefois, la perte de chance de conclure un acte d’achat à de meilleures conditions ne correspond pas à une part aussi importante que celle allouée par le tribunal ( 90% de la différence entre le prix de vente espéré de leur précédent bien et le prix d’acquisition de leur nouveau bien).

En effet, les époux X ne prétendent pas avoir acquis un bien qui aurait été surévalué, la perte de chance indemnisable correspondant au fait qu’ils auraient pu différer leur décision et renoncer à faire appel à un professionnel, s’ils avaient eu connaissance de la valeur réelle de leur bien alors qu’ils ont fait appel à la société Tristant Immobilier afin de bénéficier d’une conseil objectif, celui-ci leur ayant facturé une commission sur l’acquisition de leur nouvelle habitation ; les dommages et intérêts résultant de la perte de chance de ne pas contracter deevront être évalués à la somme de 22.000€ outre les frais ci-dessus soit au total 28.511,07€.

Par ailleurs, les époux X ont subi un préjudice moral correspondant à la perte de confiance qu’ils ont ressentie légitimement et qui les a obligés à multiplier leurs démarches auprès d’autres professionnels pour parvenir à la vente de leur bien, la mise en vente au prix initial ayant été de nature à dissuader les candidats acquéreurs.

Ce préjudice a justement été évalué par le tribunal à la somme de 5000€.

3°) Sur les frais et dépens:

La société Tristant Immobilier qui succombe sera tenues aux entiers dépens et ne saurait de ce fait prétendre à une quelconque indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la cour ayant réduit le montant des indemnités prononcées, il n’y pas lieu d’ajouter à la

condamnation de la société Tristant Immobilier prononcée de ce chef par le tribunal au profit des époux X.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par décision rendue contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Tristant Immobilier aux époux X la somme de 82.638,10€ au titre de l’indemnisation de la perte de chance ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Tristant Immobilier à payer à les époux X la somme de 28.511,07€ au titre de la perte de chance ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Condamne la société Tristant Immobilier aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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