Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 6 avril 2021, n° 19DA02232

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 2e ch., 6 avr. 2021, n° 19DA02232
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 19DA02232
Décision précédente : Tribunal administratif de Lille, 22 juillet 2019, N° 1607753
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Hautmont a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la délibération du 23 juin 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre a approuvé le pacte financier et fiscal de solidarité entre cette communauté d’agglomération et ses communes membres pour la période 2016-2020, ensemble la décision du 16 août 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1607753 du 23 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 septembre 2019 et 18 février 2021, la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre, représentée par Me F A, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de la commune de Hautmont ;

3°) de mettre à sa charge une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales,

— le code général des impôts ;

— la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 ;

— la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

— la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

— le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

— les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

— et les observations de Me D C, représentant la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre, de Me E B, représentant la commune de Hautmont.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre interjette régulièrement appel du jugement du 23 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 23 juin 2016 par laquelle le conseil communautaire a approuvé le pacte financier et fiscal de solidarité entre cette communauté d’agglomération et ses communes membres pour la période 2016-2020, ensemble la décision du 16 août 2016 rejetant son recours gracieux.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes du VI de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l’espèce : " L’établissement public de coopération intercommunale, autre qu’une communauté urbaine, qu’une métropole, que la métropole de Lyon ou qu’un établissement public de coopération intercommunale mentionné au 5° du I de l’article 1379-0 bis, soumis aux dispositions du I peut instituer au bénéfice de ses communes membres et, le cas échéant, d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre limitrophes une dotation de solidarité communautaire, dont le principe et les critères de répartition sont fixés par le conseil communautaire statuant à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Le montant de cette dotation est fixé librement par le conseil de l’établissement public de coopération intercommunale. Elle est répartie en tenant compte prioritairement de l’importance de la population et du potentiel fiscal ou financier par habitant, les autres critères étant fixés librement par le conseil. () / Lorsqu’il s’agit d’une communauté urbaine, d’une métropole ou de la métropole de Lyon ou lorsque l’établissement public de coopération intercommunale est signataire d’un contrat de ville tel que défini à l’article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, il définit les objectifs de péréquation et de renforcement des solidarités financière et fiscale entre ses communes membres sur la durée du contrat de ville. L’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre s’engage, lors de la signature du contrat de ville, à élaborer, en concertation avec ses communes membres, un pacte financier et fiscal de solidarité visant à réduire les disparités de charges et de recettes entre ces dernières. Ce pacte tient compte des efforts de mutualisation des recettes et des charges déjà engagés ou envisagés à l’occasion des transferts de compétences, des règles d’évolution des attributions de compensation, des politiques communautaires poursuivies au moyen des fonds de concours ou de la dotation de solidarité communautaire ainsi que des critères retenus par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour répartir, le cas échéant, les prélèvements ou reversements au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. () A défaut d’avoir élaboré un tel pacte au plus tard un an après l’entrée en vigueur du contrat de ville, l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou la collectivité territoriale concernée est tenu d’instituer, au profit des communes concernées par les dispositifs prévus dans ce contrat de ville, une dotation de solidarité communautaire, dont le montant est au moins égal à 50 % de la différence entre les produits des impositions mentionnées au I et aux 1 et 2 du I bis du présent article au titre de l’année du versement de la dotation et le produit de ces mêmes impositions constaté l’année précédente. Cette dotation est répartie selon les critères de péréquation définis aux alinéas suivants, afin de réduire les disparités de ressources et de charges entre les communes. / Ces critères sont déterminés notamment en fonction : / a. de l’écart du revenu par habitant de la commune au revenu moyen par habitant de l’établissement public de coopération intercommunale ; / b. de l’insuffisance de potentiel fiscal ou financier par habitant de la commune au regard du potentiel fiscal ou financier communal moyen par habitant sur le territoire de l’établissement public de coopération intercommunale. / Des critères complémentaires peuvent être choisis par le conseil () ".

3. Il résulte de ces dispositions que le pacte financier et fiscal de solidarité, dont l’adoption est obligatoire, engage la politique communautaire en matière de solidarité financière et fiscale en prévoyant sa planification sur la durée du pacte, s’agissant notamment de l’évolution des transferts de charges et de recettes entre les communes membres. Son adoption soustrait en outre l’établissement public de coopération intercommunale concerné à l’obligation d’instituer une dotation de solidarité communautaire dont les modalités de calcul et de répartition sont définies par les dispositions précitées du VI de l’article 1609 nonies C du code général des impôts. Par suite, compte tenu de son objet et de ses effets, et nonobstant la circonstance que, par lui-même, il n’emporte aucun transfert de charges ou de recettes, le pacte financier et fiscal de solidarité, qui ne se borne pas à définir un cadre dépourvu de toute portée juridique mais participe à la mise en oeuvre de la politique de solidarité au sein de la communauté d’agglomération, doit être regardé comme un acte faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir. La fin de non-recevoir tirée de l’absence de caractère décisoire de la délibération attaquée doit, dans ces conditions, être écartée.

4. Par ailleurs, la commune de Hautmont, en tant que commune membre de la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre et signataire du contrat de ville, a un intérêt à agir contre le pacte financier et fiscal de solidarité, qui, ainsi qu’il vient d’être dit, a pour objet de déterminer l’évolution de la politique de solidarité au sein de la communauté d’agglomération. La fin de non-recevoir tirée du défaut d’un tel intérêt doit, par suite, être écartée.

Sur la légalité de la délibération litigieuse :

5. Ainsi qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre s’engage, lors de la signature du contrat de ville, à élaborer, en concertation avec ses communes membres, un pacte financier et fiscal de solidarité visant à réduire les disparités de charges et de recettes entre ces dernières. Ce pacte tient compte des efforts de mutualisation des recettes et des charges déjà engagés ou envisagés à l’occasion des transferts de compétences, des règles d’évolution des attributions de compensation, des politiques communautaires poursuivies au moyen des fonds de concours ou de la dotation de solidarité communautaire ainsi que des critères retenus par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour répartir, le cas échéant, les prélèvements ou reversements au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.

6. D’une part, contrairement à ce que soutient la communauté d’agglomération de Maubeuge-Val de Sambre, une commune peut, à l’appui d’un recours dirigé contre la délibération du conseil communautaire approuvant un pacte financier et fiscal de solidarité, invoquer des moyens tirés de la conformité de ce pacte au regard des dispositions précitées du code général des impôts qui régissent son contenu. Le juge de l’excès de pouvoir exerce, sur la conformité de ce pacte au regard de ces dispositions, un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

7. D’autre part, il résulte des dispositions de l’article 1609 nonies C du code général des impôts rappelées au point 5 que le pacte financier et fiscal de solidarité, dont l’adoption est obligatoire, doit « viser » à réduire les disparités de charges et de recettes entre les communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale en exposant les mesures existantes ou envisagées à cette fin, et ne saurait par suite se borner à exposer, de façon statique, les dispositifs existants en la matière. Le pacte financier et fiscal de solidarité doit envisager, notamment, d’un point de vue dynamique, l’évolution prévisible des charges et des recettes résultant des transferts de compétences, des règles d’évolution des attributions de compensation, des politiques communautaires poursuivies au moyen des fonds de concours ou de la dotation de solidarité communautaire ainsi que des critères retenus par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour répartir, le cas échéant, les prélèvements ou reversements au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.

8. En l’espèce, si, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, le pacte litigieux évoque les « leviers » que constitue chacun de ces aspects, il se borne, dans une très large part, à faire état de la situation existante, sans comporter aucune mesure concrète relative à l’évolution souhaitée ou attendue des transferts de charges et de recettes. Il suit de là qu’en s’abstenant de définir, même succinctement, les conditions dans lesquelles doit être organisée la solidarité entre les communes membres de la communauté d’agglomération, le pacte financier et fiscal de solidarité de la communauté d’agglomération de Maubeuge-Val de Sambre ne répond pas aux exigences des dispositions précitées de l’article 1609 nonies C du code général des impôts et est ainsi entaché d’illégalité, nonobstant la circonstance, non établie et au demeurant inopérante, selon laquelle ce pacte avait vocation à être ultérieurement complété.

9. Il résulte de ce qui précède que la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 23 juin 2016.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

10. Aux termes de l’article L. 5211-28-4, III, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 : « () / A défaut d’avoir adopté un pacte financier et fiscal au plus tard un an après l’entrée en vigueur du contrat de ville, l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre soumis aux dispositions fiscales de l’article 1609 nonies C du code général des impôts ou la métropole de Lyon est tenu d’instituer, au profit des communes concernées par les dispositifs prévus dans ce contrat de ville, et tant qu’aucun pacte financier et fiscal n’a été adopté, une dotation de solidarité communautaire, dont le montant est au moins égal à 50 % de la différence entre les produits des impositions mentionnées au I et aux 1 et 2 du I bis du même article 1609 nonies C au titre de l’année du versement de la dotation et le produit de ces mêmes impositions constaté l’année précédente. Cette dotation est répartie dans les conditions définies au II du présent article. / () ».

11. L’annulation de la délibération du 23 juin 2016 approuvant le pacte financier et fiscal de solidarité de la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre implique qu’un tel pacte est réputé n’avoir jamais existé. Si, en application des dispositions citées au point précédent, la communauté d’agglomération serait dès lors tenue d’instituer, à compter du 26 juin 2016, soit un an après l’entrée en vigueur du contrat de ville signé le 26 juin 2015, une dotation de solidarité communautaire obligatoire au profit des communes concernées par les dispositifs prévus dans le contrat de ville, calculée conformément à ces dispositions, il résulte de l’instruction que la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre avait par ailleurs adopté une dotation de solidarité communautaire facultative dont ont bénéficié les communes membres. Par suite, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre à la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre d’inscrire à l’ordre du jour de son conseil communautaire l’adoption d’une dotation de solidarité communautaire obligatoire.

12. Il résulte par ailleurs de l’instruction, et il n’est pas sérieusement contesté par la commune de Hautmont, que celle-ci a perçu, au cours des années 2016 à 2019, au titre de la dotation de solidarité communautaire facultative, une somme totale de 463 516,12 euros nettement supérieure à celle qu’elle aurait perçue au titre de la dotation de solidarité communautaire obligatoire imposée en l’absence d’adoption du pacte financier et fiscal, qui se serait élevée à la somme totale de 117 494 euros. Par suite, les conclusions de la commune de Hautmont tendant à ce que lui soit versée la différence entre le montant de la dotation de solidarité communautaire facultative qu’elle a perçu et le montant qu’elle aurait dû percevoir en application de ces dispositions, jusqu’à l’adoption d’un nouveau pacte financier et fiscal, sont dépourvues d’objet et doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Hautmont, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Hautmont présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d’agglomération de Maubeuge-Val de Sambre est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Hautmont sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre et à la commune de Hautmont.

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N°19DA022326

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