Cour administrative d'appel de Marseille, 15 juillet 2020, n° 18MA04302

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 15 juill. 2020, n° 18MA04302
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 18MA04302
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 17 mai 2018, N° 1605447, 1605448, 1705980

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL mf DE MARSEILLE

N° 18MA04302

___________

MNISTRE DE L’ACTION RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET DES COMPTES PUBLICS

c/ SARL Planet

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme Y

Rapporteur

___________

La cour administrative d’appel de Marseille M. X

Rapporteur public 3ème chambre ___________

Audience du 25 juin 2020 Lecture du 15 juillet 2020 ___________

19-01-01-05 C

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Planet a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1605447, 1605448, 1705980 du 18 mai 2018 le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge demandée.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 18 septembre 2018, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Planet la somme de 739 517 euros.



Il soutient que :

- la retenue à la source sur les redevances en cause a été légalement appliquée en vertu des dispositions combinées des articles 92 et 182 B du code général des impôts ;

- les sommes en litige constituent des redevances au sens des articles 12 de la convention fiscale du 30 novembre 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Nouvelle-Zélande et de l’accord du 25 juillet 1977 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Malte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2018, la SARL Planet conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat la somme de 18 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que ;

- les moyens soulevés par le ministre de l’action et des comptes publics ne sont pas fondés ;

- l’administration devait recourir à la procédure de répression des abus de droit pour écarter les contrats conclus en 2011 et 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Y,

- les conclusions de M. X, rapporteur public,

- et les observations de Me Weller, représentant la SARL Planet.



Considérant ce qui suit :

1. La SARL Planet, qui exerce une activité de distribution de programmes sportifs à destination de clubs de fitness, a fait l’objet de deux vérifications de comptabilité à l’issue desquelles, par des propositions de rectification des 4 décembre 2014 et 2 mars 2015 selon la procédure contradictoire, l’administration lui a notifié des rappels de retenue à la source, au titre des années 2011 à 2014. Le ministre de l’action et des comptes publics fait appel du jugement du 18 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déchargé la SARL Planet des rappels de retenue à la source mis à sa charge.

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer – en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office – si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.

Sur la loi fiscale nationale :

3. Aux termes de l’article 182 B du code général des impôts : « I Donnent lieu à l’application d’une retenue à la source lorsqu’ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente : (…) / b. Les produits définis à l’article 92 et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d’auteur, ceux perçus par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales au sens des articles L623-1 à L623-35 du code de la propriété intellectuelle ainsi que tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés ; / c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France. (…)

». Il résulte de ces dispositions que les sommes payées par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes morales qui n’ont pas dans ce pays d’installations professionnelles permanentes, donnent lieu à retenue à la source lorsque ces personnes morales relèvent de l’impôt sur les sociétés, sans qu’il y ait lieu de rechercher si elles y ont été effectivement soumises. En outre, ne sont au nombre des sommes mentionnées au c) de l’article 182 B du code général des impôts que celles qui ne relèvent pas des autres catégories de revenus mentionnés à cet article.

4. Il est constant que la SARL Planet a versé aux sociétés Les Mills Belgium SPRL et Les Mills Euromed Limited, établies respectivement en Belgique et à Malte, des redevances au titre des exercices clos de 2011 à 2014 en contrepartie de la sous-distribution de programmes collectifs de fitness élaborés par la société installée en Nouvelle-Zélande Les Mills International LTD et proportionnelles (25 % ou 30 %) aux redevances versées par les clubs licenciés. Ces sommes constituent des produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés au sens du b du I de l’article 182 B du code général des impôts passibles, dès lors, de la retenue à la source prévue par ce texte.


Sur l’application de conventions bilatérales :

5. Aux termes de l’article 7 de la convention fiscale du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande : « Bénéfices des entreprises / 1. Les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (…) ». Aux termes de l’article 12 de cette même convention : « Redevances / 1. Les redevances provenant d’un État contractant et payées à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État. / 2. Toutefois, ces redevances peuvent être imposées dans l’État contractant d’où elles proviennent et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les redevances en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. cent du montant brut des redevances. / 3. Le terme « redevances » employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique, y compris les films cinématographiques et les œuvres enregistrées pour la radiodiffusion ou la télévision, d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un dessin ou d’un modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé secrets, ainsi que pour l’usage ou la concession de l’usage d’un équipement industriel, commercial ou scientifique et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique. (…) ».

6. L’administration a procédé à des retenues à la source, au taux de 10 % du montant brut des sommes en litige regardées comme des redevances au sens de l’article 12 de la convention précitée, sur les rémunérations versées en 2011 par la SARL Planet à la société Les Mills Belgium SPRL, installée en Belgique, ainsi que sur les rémunérations versées en 2012, 2013 et 2014 à la société Les Mills Euromed Limited installée à Malte. Elle a estimé, en se fondant sur les stipulations du contrat d’agence du 2 décembre 1998 signé entre la SARL Planet et la société Les Mills Aerobics International LTD, dont entendait en dernier lieu seul se prévaloir la société requérante ainsi que cela ressort de la proposition de rectification du 4 décembre 2014 non utilement contredite sur ce point, qui conduisaient à regarder la société Les Mills Aerobics International LTD comme bénéficiaire réelle des sommes en litige, que ces sommes n’étaient pas uniquement la contrepartie de l’exclusivité de distribution des programmes de cours collectifs de fitness sous la marque « Les Mills », conçus et élaborés par la société Les Mills International LTD, mais rémunéraient également l’utilisation de la marque « Les Mills » dans la mesure où la société Les Mills International LTD transférait son savoir-faire à la SARL Planet qui s’engageait à respecter la réputation de la marque et du logo de chaque programme « Les Mills » dont elle déposait le nom auprès de l’INPI, que la SARL Planet utilisait sur le territoire français la marque « Les Mills » sur ses publicités et celles des clubs clients et assurait la formation des animateurs. Il ressort en outre des contrats signés en 2011 et 2012, dont se prévaut désormais la société requérante, que si ces actes prévoient effectivement que la SARL Planet a la qualité de sous-distributeur disposant du droit exclusif de facturer les clubs utilisant les programmes et ressources Les Mills, ils indiquent également qu’elle peut utiliser ces ressources pour démonstration ou formation et utiliser le logiciel et les ressources du logiciel fourni pour administrer les clubs affiliés. Contrairement à ce que soutient la SARL Planet, ces stipulations ont également pour objet de lui transférer, pour son usage, un savoir-faire ou des informations qui demeurent la propriété de la société Les Mills. Il s’ensuit que les rémunérations qu’elle a versées, en contrepartie de cet usage, constituent des redevances au sens de l’article 12 de la convention fiscale du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande.


7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par la SARL Planet devant le tribunal administratif de Marseille et devant elle.

8. Aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (…) ».

9. A l’appui du moyen tiré de ce que la procédure d’imposition aurait méconnu les garanties légales attachées aux dispositions précitées, la société requérante fait valoir que l’administration, en écartant les contrats postérieurs à celui signé le 2 décembre 1998, a invoqué implicitement mais nécessairement un abus de droit. Il résulte toutefois, ainsi qu’il a été dit précédemment, de la proposition de rectification du 4 décembre 2014 que la société n’a plus entendu se prévaloir de ces contrats en se rangeant aux arguments du service selon lesquels ils étaient dénués de portée juridique. Dans ces conditions, la SARL Planet n’est pas fondée à soutenir que l’administration aurait entendu, implicitement mais nécessairement, réprimer un abus de droit. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d’imposition aurait été irrégulière en raison de ce qu’il n’a pas été fait application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut qu’être écarté.

10. Il résulte de ce tout ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a déchargé, en droits et pénalités, la SARL Planet des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2011 à 2014. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de la SARL Planet présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :

Article 1er : L’article 1er du jugement n° 1605447, 1605448, 1705980 du 18 mai 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les retenues à la source et les majorations dont le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge sont remises à la charge de la SARL Planet.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SARL Planet devant le tribunal administratif de Marseille et en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité à limitée Planet et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l’audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Y, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

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