Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mai 2018, 16-18.174, Publié au bulletin

  • Réseau de distribution sélective·
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  • Distribution sélective·
  • Exemption·
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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Viole les articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce la cour d’appel qui, pour déduire le caractère illicite d’un réseau de distribution sélective, retient que l’accord ne bénéficie pas d’une exemption par catégorie, alors que cette circonstance n’implique pas nécessairement que ce réseau contrevient aux dispositions précitées

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 16 mai 2018

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 495 FS-P+B

Pourvoi n° K 16-18.174

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Coty France – division prestige, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 25 mai 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est […] ,

2°/ à Mme Valentina X…, domiciliée […] (Royaume-Uni),

3°/ à la société Marvale LLC, société constituée selon les règles du Delaware, dont le siège est […] (États-Unis),

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 4 avril 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Laporte, M. Grass, Mmes Darbois, Orsini, MM. Sémériva, Cayrol, Mme Champalaune, conseillers, M. Contamine, Mmes Tréard, Le Bras, M. Guerlot, Mme de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Coty France – division prestige, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société France télévisions, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Coty France division prestige (la société Coty) exploite en France un réseau de distribution sélective de produits cosmétiques et de parfumerie de luxe de différentes marques dont sa société-mère est le licencié exclusif dans le monde ; que les 5 et 6 février 2010, des émissions diffusées par la société France télévisions ont fait la promotion d’un site internet présenté par Mme X…, en qualité de créatrice, et dont la société de droit américain Marvale était éditrice ; qu’ayant constaté la commercialisation sur ce site de certains des produits qu’elle distribue, la société Coty a assigné la société France télévisions, la société Marvale et Mme X… en cessation de ces pratiques et en réparation de ses préjudices ; que les sociétés France télévisions et Marvale ont opposé l’illicéité du réseau de distribution sélective ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Coty, l’arrêt retient que trois clauses contractuelles constituent des restrictions caractérisées au sens du règlement (CE) n° 2790/99 du 22 décembre 1999 concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3 du Traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées et en déduit que l’existence de ces clauses « noires » dans le contrat de distribution sélective exclut tout caractère licite du réseau ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la circonstance, à la supposer établie, que l’accord ne bénéficie pas d’une exemption par catégorie n’implique pas nécessairement que le réseau de distribution sélective contrevient aux dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 mai 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés France télévisions et Marvale LLC et Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés France télévisions et Marvale LLC à payer à la société Coty France la somme globale de 3 000 euros et rejette la demande de la société France télévisions ;

Vu l’article R. 490-5 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l’Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l’économie ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Coty France – division prestige

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté la société Coty France de ses demandes ;

Aux motifs que se prévalant d’actes de concurrence déloyale commis à son encontre, la société Coty France doit justifier que le réseau sélectif qu’elle a mis en place est licite ; que tout d’abord la preuve de l’existence du réseau doit être faite ; qu’ensuite la preuve de sa licéité doit être établie ; qu’à cet égard, les différentes décisions intervenues entre Coty et des parties autres que celles présentes dans ce litige, qui ont pu reconnaître l’existence ou la validité du réseau, ne peuvent être invoquées pour faire la preuve, dans ce litige, de l’existence et de la licéité du réseau ; qu’il sera observé que la société Coty verse aux débats différents contrats de distribution sélective des produits en pièces 3a à 3g ; que la pièce 3a est un contrat de distribution « vierge », que les pièces 3b à 3g sont des photocopies plus ou moins complètes des contrats signés par Coty France et des distributeurs agréés ; qu’il est remarqué que le contrat vierge ne correspond aucunement aux contrats signés dont la photocopie est donnée, que sa présentation et son contenu sont totalement différents ; que la cour ne prendra pas le contrat «vierge » en référence, qui n’est pas celui qu’ont signé Coty et ses distributeurs, notamment avec Burdin ; que pour ce qui concerne l’existence du réseau de distribution sélective, Coty verse aux débats plusieurs contrats intitulés « contrat de distributeur agréé » dont seul le contrat signé avec Burdin le 26 août 2008 est antérieur aux faits, tous les autres contrats produits étant postérieurs (notamment celui signé avec Marionnaud du 3 janvier 2013), celui signé avec Sephora étant quant à lui sans date ; que néanmoins, Coty peut prétendre justifier de l’existence d’un réseau de distribution sélective pour les produits au moment des faits litigieux par la production du contrat Burdin ; que le contrat comporte en son article 3.4.3 une disposition destinée à assurer l’étanchéité juridique du réseau tout du moins sur le territoire français en interdisant la vente à des distributeurs non agréés ; que par ailleurs pour ce qui concerne la licéité du réseau, les faits à l’origine de la procédure ont eu lieu en février 2010 ; que pour déterminer la validité du réseau, il convient de se référer à l’article 81 §1 du traité de Rome alors en vigueur (désormais article 101 du TFUE) et au règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999 ainsi qu’ à l’article L 420-1 du code de commerce ; que d’une part, un système de distribution sélective peut être considéré licite au regard des termes de l’article 81 § 3 du Traité de Rome ou de l’article L. 420-1 du code de commerce si trois conditions sont réunies cumulativement soit : la nature du produit requiert un système de distribution sélective pour en préserver la qualité et en assurer l’usage, que les revendeurs soient choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères retenus ne soient pas au-delà de ce qui est nécessaire (proportionnalité) ; que la nature des produits en cause peut tout à fait justifier la mise en place d’un réseau de distribution sélective ; qu’à cette fin, l’annexe 1 du contrat de distributeur agréé signé avec Burdin donne les critères suffisamment précis pour la sélection du distributeur que ne remettent pas en doute sérieusement les sociétés France Télévisions et Marvale lorsque les exigences demandées au point de vente sont de « refléter le prestige des marques », d’être dans une « zone de standing et de notoriété élevée », avoir la réputation d’offrir des services de qualité et une assistance à la clientèle, et être dans un environnement où « les boutiques voisines (sont) de nature comparables » et avoir un « standing et aspect extérieur comparables », traduisant la nécessité de maintenir le prestige des marques et du luxe grâce à la qualification du distributeur, à la qualité du point de vente et à un environnement adapté ; que la clause imposant une vitrine extérieure (article 3.10 du contrat et article 7 alinéa 1 in fine de l’annexe 1) qui certes a pour effet d’exclure la commercialisation dans la grande distribution n’est pas une obligation disproportionnée avec la nécessaire protection de la distribution que ce réseau entend réaliser ; que d’autre part que le règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant l’application de l’article 81 du traité de Rome à des catégories d’accords verticaux et pratiques concertées applicable aux faits reprochés ayant eu lieu en février 2010 prévoit une exemption d’application du § 1 de l’article 81 aux accords de distribution dits « accords verticaux » conclus entre les distributeurs et le fournisseur lorsque notamment la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % et ce, sous réserve que les accords de distribution ne comportent pas de restrictions caractérisées précisées dans l’article 4 du règlement CE 2790/1999 ; que d’abord qu’il doit être observé que l’article 2 in fine du contrat de distribution Burdin précise que « le réseau de distribution sélective Coty bénéficie

d’une exemption par catégorie » ; qu’une telle affirmation n’est pas suffisante pour la rapporter ; qu’ensuite la part de marché détenue par Coty et ses acheteurs dans le domaine de la parfumerie de luxe à prendre en référence est celle de l’année précédant les faits litigieux, en l’espèce, l’année 2009 ; qu’en faisant état des parts de marché de 2012, Coty n’établit pas avec certitude, par la production du courrier émanant de NPD Group du 8 mars 2013, que sa part du marché était inférieure à 30 % au moment des faits litigieux ; qu’encore diverses clauses du contrat de distributeur agréé peuvent révéler des dispositions restrictives (« clauses noires ») ; que s’il ne peut être soutenu que la disposition insérée dans le point 3.4.1 du contrat de distributeur agréé selon lequel les ventes par correspondance sont interdites est en contravention de l’article 4c) du règlement dans la mesure où elle ne restreint que très faiblement les ventes aux utilisateurs finaux, et se trouve de ce fait d’une faible portée économique, en revanche, il apparaît : que le point 3.4.2 du contrat en ce qu’il prévoit expressément la possibilité de vendre aux membres des comités d’entreprises ou des collectivités dès lors qu’ils se déplacent individuellement en tant que consommateurs directs dans les magasins pour effectuer les achats, exclut par cette disposition la vente aux agents d’achats (comités d’entreprise, collectivités) agissant pour le compte des utilisateurs finaux, ce qui est une restriction caractérisée prévue par l’article 4c du règlement : que le point 3.4.3 édicte une interdiction de vendre à des revendeurs non agréés ; que si cette disposition est licite en ce qu’elle a pour objectif de protéger le réseau et d’en assurer l’étanchéité, en revanche, elle révèle son caractère restrictif prohibé lorsque le marché sur lequel évolue le distributeur non agréé n’est pas organisé en réseau de distribution sélective ; qu’en l’espèce, comme le soutient justement France Télévision, Coty ne justifie pas que le système de distribution sélective couvre tous les territoires ; que la clause crée une restriction illicite à la concurrence (l’article 4b) ; que le point 3.4.3.3 interdit au distributeur agréé de réaliser une vente active d’un nouveau produit contractuel vers un Etat membre de l’Union européenne où la société Coty France ou une société du même groupe ne l’aurait pas mis en vente, pendant un délai d’un an à compter de la date du premier lancement du produit dans un Etat membre ; que cette clause, comme le fait valoir justement la société France Télévision, restreint le territoire sur lequel l’acheteur peut vendre les biens contractuels, les ventes actives aux utilisateurs finaux ; qu’elle constitue une restriction caractérisée au sens de l’article 4.b), 4.c) et 4.d) prohibée, qu’il apparaît ainsi que le contrat de distribution sélective comporte des dispositions qui excluent le bénéfice d’une exemption catégorielle pour le système de distribution mis en place par Coty ; qu’enfin Coty ne peut justifier du bénéfice d’une exemption individuelle, en faisant état de deux courriers de la Commission Européenne datant de 1997 précisant que l'« Accord de distribution au détail » pouvait bénéficier de l’exemption, alors que ces courriers sont adressés à Coty GmbH et à Unilever Cosmetic International et en aucun cas à Coty France, que l'« accord de distribution au détail » dont il est fait état n’est pas versé aux débats, étant enfin observé que ces courriers révèlent l’expression d’une opinion qui ne lie ni les autorités nationales ni le juge national ; que pour tous ces motifs, il apparaît que la preuve n’est pas faite par Coty que le réseau de distribution sélective qu’elle entend protéger par cette procédure est licite ; que la société Coty ne peut (donc) soutenir que n’ayant aucune autorisation, Marvale se rend coupable d’actes de concurrence déloyale et de publicité trompeuse en commercialisant des parfums litigieux sur le site, qu’elle porte atteinte à son image de marque et à son prestige en bradant les produits litigieux par l’intermédiaire d’un site Internet ; que Coty ne peut non plus soutenir que la société France Télévisions s’est rendue coupable de négligence en ne s’assurant pas que son activité ne génère pas d’actes illicites, alors que ceux-ci ne le sont pas, ou encore en ne s’assurant pas de « l’existence et de la fiabilité de la société dont elle vantait les mérites » alors que France Télévision n’a pas communiqué d’informations inexactes sur ce point (

) ;

Alors que 1°) un système de distribution sélective constitue un élément de concurrence conforme à l’article 101 §1 du TFUE, sans même qu’il soit besoin de se demander si les conditions d’une exemption peuvent être réunies, à condition que la nature du produit requière un système de distribution sélective pour en préserver la qualité et en assurer l’usage, que les revendeurs soient choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères retenus ne soient pas au-delà de ce qui est nécessaire ; que seules des clauses ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel tombent sous le coup de l’article 101 § 1 du TFUE et peuvent bénéficier, le cas échéant, d’une exemption ; que pour apprécier si une clause contractuelle constitue une restriction de concurrence par objet, il doit être procédé à un examen individuel et concret de sa teneur et de son objectif et du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit ; qu’en retenant, pour considérer que la preuve de la licéité du réseau de distribution n’était pas rapportée, que si le réseau de distribution mis en place par la société Coty répondait aux conditions susvisées tenant à la nature des produits en cause, aux critères de sélection retenus et à la proportionnalité des exigences formulées, trois clauses contractuelles, aménageant les conditions de vente aux comités d’entreprise, interdisant la vente des produits contractuels à des revendeurs non agréés et limitant temporairement la vente active d’un produit nouveau, constituaient des restrictions caractérisées de concurrence ne pouvant pas être exemptées au titre du règlement CE n°2790/99 du 21 décembre 1999 applicable en la cause, sans analyser, fût-ce sommairement, le contexte économique et juridique dans lequel chacune de ces clauses s’insérait, la cour d’appel, qui n’a caractérisé ni l’objet ni l’effet anticoncurrentiel de chacune de ces clauses a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

Alors que 2°) la preuve de la licéité d’un réseau de distribution sélective peut être rapportée par tous moyens et spécialement par la production de décisions antérieures ayant déjà admis cette licéité ; qu’en considérant que la société Coty ne pouvait pas se prévaloir des décisions ayant admis antérieurement la licéité de son réseau de distribution sélective, la cour d’appel, qui a limité les modes de preuve admissibles de la licéité du réseau, a violé les articles 1315 et 1382 du code civil, ensemble l’article L.442-6 I 6° du code de commerce ;

Alors que 3°) l’article 3.4.2 du contrat de distribution sélective prévoit que «les dispositions qui précèdent (interdisant la vente par correspondance) ne font pas obstacle à la vente assortie éventuellement de réduction de prix décidée par le distributeur agréé à des membres de collectivités ou de comités d’entreprises justifiant leur appartenance, sous réserve que lesdits membres se déplacent pour effectuer personnellement et individuellement, en tant que consommateurs directs, leurs achats dans le (les) magasin(s) faisant l’objet du contrat et que les produits ne soient pas exposés en dehors des points de vente agréés » ; qu’en affirmant que cette disposition restreignant la portée de l’interdiction de la vente par correspondance constituait une restriction caractérisée prévue par l’article 4c du règlement CE n° 2790/99, après avoir estimé « qu’il ne peut être soutenu que la disposition insérée dans le point 3.4.1 du contrat de distributeur agréé selon lequel les ventes par correspondance sont interdites est en contravention de l’article 4c) du règlement dans la mesure où elle ne restreint que très faiblement les ventes aux utilisateurs finaux, et se trouve de ce fait d’une faible portée économique », ce dont il résultait que si l’interdiction des ventes par correspondance était licite, la clause limitant la portée d’une telle interdiction l’était aussi nécessairement, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 4c) du règlement 2790/99 de la Commission du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;

Alors que 4°) l’article 3.4.2 du contrat de distribution sélective prévoit que «les dispositions qui précèdent (interdisant la vente par correspondance) ne font pas obstacle à la vente assortie éventuellement de réduction de prix décidée par le distributeur agréé à des membres de collectivités ou de comités d’entreprises justifiant leur appartenance, sous réserve que lesdits membres se déplacent pour effectuer personnellement et individuellement, en tant que consommateurs directs, leurs achats dans le (les) magasin(s) faisant l’objet du contrat et que les produits ne soient pas exposés en dehors des points de vente agréés » ; qu’en affirmant que cette clause excluait la vente aux agents d’achats (comités d’entreprise et collectivités), quand cette clause organisait au contraire précisément les modalités de telles ventes, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes du contrat de distribution sur lequel elle s’est fondée, a violé l’article 1134 du code civil ;

Alors que 5°) il résulte de l’article 4c du règlement (CE) n°2790/1999 du 22 décembre 1999 que l’exemption de l’interdiction de restreindre la concurrence ne s’applique pas aux accords qui ont pour objet la restriction des ventes actives ou des ventes passives aux utilisateurs finaux par les membres d’un système de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité d’interdire à un membre du système d’opérer à partir d’un lieu d’établissement non autorisé ; qu’en se bornant à affirmer que l’article 3.4.2 du contrat en cause, en ce qu’il prévoit expressément la possibilité de vendre aux membres des comités d’entreprises ou des collectivités dès lors qu’ils se déplacent individuellement en tant que consommateurs directs dans les magasins pour effectuer les achats, exclut par cette disposition la vente aux agents d’achats (comités d’entreprise, collectivités) agissant pour le compte des utilisateurs finaux, ce qui est une restriction caractérisée prévue par l’article 4c du règlement, la cour d’appel, qui a statué par des motifs insuffisants à établir que ladite clause avait effectivement pour objet de restreindre les ventes passives ou actives aux utilisateurs finaux par les membres du système de distribution sélective, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Alors que 6°) en considérant que la clause de l’article 3.4.2 du contrat en cause est prohibée dans la mesure où elle exclut la vente aux agents d’achats (comités d’entreprise, collectivités) agissant pour le compte des utilisateurs finaux, après avoir admis que certaines clauses du contrat d’agrément pouvaient être justifiées et proportionnées au but poursuivi, même lorsqu’elles avaient pour effet d’exclure certaines formes de commercialisation ou de vente, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

Alors que 7°) lorsqu’il est saisi d’une contestation portant sur validité d’une clause d’un contrat de distribution au regard d’un règlement communautaire d’exemption par catégorie et spécialement du règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999, le juge est tenu de préciser les raisons pour lesquelles cette clause lui paraît conforme ou contraire aux dispositions du règlement invoqué ; qu’en se bornant à affirmer « que le point 3.4.3 édicte une interdiction de vendre à des revendeurs non agréés, que cette disposition (

) révèle son caractère restrictif prohibé lorsque le marché sur lequel évolue le distributeur non agréé n’est pas organisé en réseau de distribution sélective (et) qu’en l’espèce (

) Coty ne justifie pas que le système de distribution sélective couvre tous les territoires », si bien que « la clause crée une restriction illicite à la concurrence (l’article 4b) », sans procéder à la moindre analyse des dispositions de l’article 4b qu’elle a appliqué, la cour d’appel, qui a statué par des motifs insuffisants à établir que cette clause excluait que le système de distribution mis en place par la société Coty puisse bénéficier d’une exemption catégorielle, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Alors que 8°) la circonstance qu’un produit ait été commercialisé en dehors d’un réseau de distribution sélective et continue à être ainsi distribué dans certaines zones géographiques n’est pas de nature en elle-même à rendre illicite la commercialisation du produit en cause sous une telle forme de distribution dans d’autres zones géographiques ; que l’étanchéité absolue du réseau n’est pas une condition de sa validité mais la conséquence juridique nécessaire que son promoteur doit s’efforcer de faire respecter ; qu’en considérant que si l’interdiction de revente des produits contractuels à des revendeurs non agréés est licite en ce qu’elle a pour objectif d’assurer l’étanchéité du réseau, celle-ci révèle en revanche son caractère restrictif prohibé lorsque le marché sur lequel évolue le distributeur non agréé n’est pas organisé en réseau de distribution sélective, la cour d’appel a violé les articles 101 du TFUE et L.420-1 du code de commerce, ensemble les articles 1d et 4b du règlement (CE) nº2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, § 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;

Alors que 9°) après avoir relevé que la vente de produits protégés par des distributeurs non agréés au mépris d’un réseau de distribution sélective constitue un fait de concurrence déloyale et avoir constaté que le contrat de distribution en cause comportait en son article 3.4.3 une disposition destinée à assurer l’étanchéité du réseau sur le territoire français puis que le site internet de vente non agréé proposant à la vente des produits protégés avait bénéficié en février 2010 d’une promotion sur l’antenne et le site de France 2, ce dont il résultait que le message s’adressait principalement aux consommateurs domiciliés en France, territoire sur lequel la société Coty France était fondée à assurer l’étanchéité de son réseau de distribution sélective, la cour d’appel, qui a néanmoins débouté cette dernière de ses demandes, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, ensemble les articles 1d et 4b du règlement (CE) nº2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, § 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que l’article L. 442-6 I 6° du code de commerce ;

Alors que 10°) lorsqu’il s’agit de tester un nouveau produit sur un territoire limité ou auprès d’une clientèle limitée ou en cas d’introduction échelonnée d’un nouveau produit, le fournisseur peut, dans un accord, obliger les distributeurs désignés pour vendre le nouveau produit sur le marché testé ou participer aux premières étapes de l’introduction échelonnée, à limiter leurs ventes actives en dehors du marché testé ou des marchés où le produit est d’abord introduit sans que cette exigence ne relève de l’article 101, § 1, le temps nécessaire à l’essai ou à l’introduction du produit ; qu’ainsi la clause par laquelle un fournisseur interdit au distributeur agréé de réaliser une vente active d’un nouveau produit contractuel vers un Etat membre de l’Union européenne où la société Coty France ou une société du même groupe ne l’aurait pas mis en vente, pendant un délai d’un an à compter de la date du premier lancement du produit dans un Etat membre, ne relève pas de l’article 101 §1 du TFUE et n’a donc pas à bénéficier d’une quelconque exemption au titre du §3 du même texte ; qu’en décidant que cette clause ne pouvait pas bénéficier d’une exemption catégorielle, quand cette clause était licite par elle-même, la cour d’appel a violé l’article 101 du TFUE, ensemble les articles 4b, 4c et 4d du règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, § 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;

Alors que 11°) lorsqu’il est saisi d’une contestation portant sur la validité d’une clause d’un contrat de distribution au regard d’un règlement communautaire d’exemption par catégorie et spécialement du règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999, le juge est tenu de préciser les raisons pour lesquelles cette clause lui paraît conforme ou contraire aux dispositions du règlement invoqué ; qu’en se bornant à affirmer que « le point 3.4.3.3 interdit au distributeur agréé de réaliser une vente active d’un nouveau produit contractuel vers un Etat membre de l’Union européenne où la société Coty France ou une société du même groupe ne l’aurait pas mis en vente, pendant un délai d’un an à compter de la date du premier lancement du produit dans un Etat membre et que cette clause (

) qui restreint le territoire sur lequel l’acheteur peut vendre les biens contractuels, les ventes actives aux utilisateurs finaux, constitue une restriction caractérisée prohibée au sens de l’article 4.b), 4.c) et 4.d) du règlement », sans analyser même sommairement chacune des dispositions réglementaires prétendument méconnues, la cour d’appel, qui a statué par des motifs qui ne permettent pas d’établir en quoi ladite clause serait contraire à chacune des dispositions réglementaires invoquées, a privé sa décision de base légale au regard des articles 4b, 4c, et 4d du règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, § 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;

Alors, en toute hypothèse, que 12°) ni l’article 101 TFUE ni le règlement n°2790/1999 ne se réfèrent à la notion de restriction caractérisée de la concurrence ; qu’en affirmant, pour considérer que « le contrat de distribution sélective comporte des dispositions qui excluent le bénéfice d’une exemption catégorielle pour le système de distribution mis en place par Coty », que «le point 3.4.2 du contrat (

) est une restriction caractérisée prévue par l’article 4c du règlement, que le point 3.4.3 (

) crée une restriction illicite à la concurrence – article 4b » et que la clause figurant au point 3.4.3.3 du contrat « constitue une restriction caractérisée au sens de l’article 4.b), 4.c) et 4.d) prohibée », la cour d’appel, qui s’est fondée sur des notions étrangères au règlement communautaire qu’elle a prétendu appliquer, a violé les textes susvisés ;

Alors que 13°) dans ses conclusions d’appel la société Coty avait expressément invoqué et régulièrement produit, pour établir sa faible part de marché, trois courriers de la société NPD (pièce n°14), spécialisée dans les études marketing, qui démontraient qu’elle détenait en France, dans le domaine de la parfumerie de luxe, 3,7 % de parts de marché pour l’année 2010, 3,9 % pour l’année 2011 et 3,7 % pour l’année 2012 ; qu’en se bornant à affirmer « qu’en faisant état des parts de marché de 2012, Coty n’établit pas avec certitude, par la production du courrier émanant de NPD Group du 8 mars 2013 que sa part du marché était inférieure à 30 % au moment des faits litigieux », sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la société Coty n’avait pas également justifié de ses parts de marchés pour les années antérieures, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 9 du règlement du 22 décembre 1999 applicable en la cause ;

Alors que 14°) si, pour l’application du règlement du 22 décembre 1999, la part de marché est en principe calculée sur la base de données relatives à l’année civile précédente, la détermination de la part de marché de l’entreprise concernée peut s’effectuer sur la base d’autres estimations pourvu qu’elles soient fiables ; qu’en considérant que la part de marché détenue par Coty et ses acheteurs dans le domaine de la parfumerie de luxe à prendre en référence était celle de l’année précédant les faits litigieux, quand le règlement susvisé permet aussi aux opérateurs de fournir d’autres informations pourvu qu’elles soient fiables et contemporaines des faits litigieux, la cour d’appel a violé les articles 3 et 9 du règlement du 22 décembre 1999 applicable en la cause ;

Alors en toute hypothèse que 15°) les accords verticaux qui ne sont pas couverts par le règlement d’exemption par catégorie du 22 décembre 1999 ne sont pas pour autant présumés illégaux ; qu’en affirmant, pour considérer que la preuve de la licéité du réseau de distribution n’était pas rapportée, que la société Coty n’établissait pas avec certitude, par la production du courrier émanant de la société NPD Group du 8 mars 2013, que sa part du marché était inférieure à 30 % au moment des faits litigieux, la cour d’appel a violé les articles 101 du TFUE et L 420-1 du code de commerce, ensemble le règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, § 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;

Alors enfin et en toute hypothèse que 16°) le juge qui constate qu’un contrat de distribution ne peut pas bénéficier de l’exemption par catégorie prévue à l’article 2 du règlement n°2790/1999 du 22 décembre 1999 ne peut pas priver, par principe, le titulaire du réseau de la possibilité de bénéficier d’une exemption individuelle et doit examiner si les conditions du paragraphe 3 de l’article 101 du TFUE sont réunies ; qu’en retenant que le contrat de distribution sélective en cause comporte des dispositions qui excluent le bénéfice d’une exemption catégorielle pour le système de distribution mis en place par la société Coty et que celle-ci ne peut pas non plus justifier du bénéfice d’une exemption individuelle, en faisant état de deux courriers de la Commission Européenne datant de 1997, ces courriers ne liant pas le juge national, la cour d’appel qui a refusé par principe toute possibilité d’exemption individuelle du contrat en cause, sans même en examiner les conditions, a violé l’article 101 § 3 du TFUE.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mai 2018, 16-18.174, Publié au bulletin