Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mai 2021, 20-11.121, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 377 F-D

Pourvoi n° B 20-11.121

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2021

M. [Q] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-11.121 contre l’arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Azilis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à Mme [E] [L], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur amiable de la société Conseil développement édition BDDirect (CDE4),

3°/ à Mme [C] [S], veuve [A], domiciliée [Adresse 4], prise en qualité d’ayant droit de [K] [A],

4°/ à M. [A] [U], domicilié [Adresse 5],

5°/ à M. [T] [Y], domicilié [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [P], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Azilis, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [S], prise en qualité d’ayant droit de [K] [A], après débats en l’audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2019), M. [P] et [K] [A], scénaristes et dessinateurs de nombreuses bandes dessinées, ont été respectivement scénariste et dessinateur de celles intitulées « Le vagabond des Limbes » et « Chroniques du temps de la vallée des Ghosmes ».

2. Ayant découvert l’offre à la vente, sur les sites des sociétés Azilis et CDE4, de planches originales de ces bandes dessinées, M. [P], après avoir sollicité un partage des bénéfices tirés des ventes, a fait assigner la société Azilis et [K] [A] pour que soit constaté qu’avec ce dernier, il est copropriétaire des planches, en tant que support matériel des oeuvres, et retenu, qu’en consentant, sans son autorisation, à la vente de ces planches, il a commis des actes de contrefaçon.

3. A la suite du décès de [K] [A] au cours de la procédure, Mme [S] est intervenue volontairement à l’instance en sa qualité d’héritière de celui-ci.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [P] fait grief à l’arrêt de dire que Mme [S], agissant aux droits de [K] [A], est, en application de l’article 2276 du code civil, propriétaire des planches litigieuses, de dire n’y avoir lieu à mesure sous astreinte d’interdiction ni de communication, et en conséquence à condamnation pour défaut de rémunération au titre de ventes ni à liquidation d’astreinte, et de rejeter sa demande tendant à ce que la société Azilis et Mme [L] soient condamnées in solidum à lui verser une certaine somme, alors « que les juges du fond ont retenu que M. [P] donnait à [K] [A] des instructions précises et détaillées sur la composition des planches, le contenu et la forme des cases, les expressions et positions des personnages et les décors ; qu’il en résultait que les objets matériels que constituaient les planches originales n’étaient pas l’expression de la création personnelle de [K] [A], qui ne les avaient pas créées seul avec les moyens de son art mais avec M. [P], qui dirigeait sa main, de sorte que lesdites planches originales étaient la copropriété de M. [P] et [K] [A] ; qu’en décidant qu’elles étaient la propriété exclusive de [K] [A] pour les avoir possédées en tant que propriétaire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle et 2276 du code civil, qu’elle a ainsi violés. »

Réponse de la Cour

6. En application de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 du même code est indépendante de celle du support matériel de l’oeuvre.

7. L’arrêt retient que c’est [K] [A] qui a dessiné les planches litigieuses, M. [P] lui donnant des instructions détaillées sur leur composition, le contenu et la forme des cases, et que ces planches sont des oeuvres de collaboration dont M. [P] et [K] [A] sont les coauteurs. Il constate aussi qu’il n’est produit aucun contrat réglant le sort de la propriété des planches en tant qu’objets matériels et que [K] [A] en est le détenteur.

8. De ces énonciations et constatations, la cour d’appel a justement déduit que [K] [A] avait seul la propriété des planches en cause.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. [P]

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que madame [S] veuve [A], agissant aux droits de monsieur [A], est, en application de l’article 2276 du code civil, propriétaire des planches litigieuses, d’avoir dit n’y avoir lieu à mesure sous astreinte d’interdiction ni de communication, et en conséquence à condamnation pour défaut de rémunération au titre de ventes ni à liquidation d’astreinte, et d’avoir rejeté la demande de monsieur [P] tendant à ce que la société Azilis et madame [L] soient condamnées in solidum à lui verser une provision de 1 200 000 ? ;

aux motifs que « le jugement doit être approuvé en ce qu’il a rappelé que la vente des planches originales s’analyse en une cession du support des oeuvres, de l’objet matériel dans lequel elles s’incarnent, et non des droits incorporels des auteurs et qu’il convient de rechercher qui est propriétaire du support, c’est-à-dire des planches elles-mêmes, sans référence à la qualification d’oeuvre de collaboration retenue pour les droits de propriété intellectuelle des auteurs. L’article 2276 du code civil dispose que : « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. ». Il n’est pas contesté que M. [A] est le détenteur des planches litigieuses qu’il a décidé de vendre par l’intermédiaire des sociétés Azilis et CDEA. M. [P] n’argue d’aucune perte, ni vol de ces planches tels que prévus à l’alinéa 2 dudit article. II fait état de correspondances qu’il aurait adressées à M. [A] à compter de 2015 quand il indique s’être aperçu de la mise en vente litigieuse par celui-ci des planches qu’il détenait. Il ne produit aucun contrat conclu avec les éditeurs ou entre eux réglant le sort de la propriété des planches en tant qu’objets matériels. La mention dans un contrat unique conclu en 1990 entre les auteurs, à savoir MM. [P] et [A], et M. [U], en qualité d’assistant qui précise seulement que « l’assistant (M. [U]) s’engage à remettre à l’auteur (MM. [P] et [A]), au fur et à mesure des besoins exprimés par lui, ses illustrations définitives et complètes. Les planches originales conçues par l 'auteur resteront sa propriété pleine et entière » ne permet pas de retenir un accord des auteurs sur une copropriété entre eux des planches litigieuses. Pas plus que la mention dans un contrat unique que ces derniers ont conclu en 1991 avec la société Dargaud stipulant qu’ils déclarent être pleinement propriétaires des films de photogravure correspondant aux planches de chacun des titres de chacune des séries ne permet pas de conclure à leur accord sur une co-propriété matérielle des dites planches. La possession des planches par M. [A] a bien dès lors été exercée en qualité de propriétaire. M. [P] avait d’ailleurs demandé expressément à M. [A] le 13 juin 2015 de lui offrir entre trois et cinq planches par album, car il était, selon lui, d’usage qu’un dessinateur offre une telle quantité de planches à son scénariste. M. [A] a, ensuite de ce courrier, par l’intermédiaire de la société Azilis, cédé deux planches originales à M. [P]. Ainsi, c’est à tort que le tribunal a écarté l’application de l’article 2276 du code civil, alors que la possession paisible en qualité de propriétaire n’était contredite par aucune des pièces communiquées aux débats par les parties. Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu’il a jugé MM. [A] et [P] copropriétaires indivis de ces planches à hauteur de la moitié chacun et en ce qu’il a enjoint à la société Azilis de communiquer à M. [P], sous astreinte, un document certifié d’un expert- comptable indépendant précisant le nombre de planches originales acquises auprès de M. [A], vendues et conservées en dépôt ainsi que pour chaque planche son prix de vente. Dès lors, la demande additionnelle présentée par M. [P] de voir évoquer en cause d’appel la liquidation de l’astreinte qui avait été prononcée par le tribunal à hauteur de 200 euros par jour de retard pendant un délai de 3 mois courant à compter de l’expiration d’un délai de 21 jours courant dès la signification du jugement, devient sans objet du fait de L’infirmation du jugement de ce chef » ;

alors 1°/ que les juges du fond ont retenu que monsieur [P] donnait à monsieur [A] des instructions précises et détaillées sur la composition des planches, le contenu et la forme des cases, les expressions et positions des personnages et les décors ; qu’il en résultait que les objets matériels que constituaient les planches originales n’étaient pas l’expression de la création personnelle de monsieur [A], qui ne les avaient pas créées seul avec les moyens de son art mais avec monsieur [P], qui dirigeait sa main, de sorte que lesdites planches originales étaient la copropriété de messieurs [P] et [A] ; qu’en décidant qu’elles étaient la propriété exclusive de monsieur [A] pour les avoir possédées en tant que propriétaire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle et 2276 du code civil, qu’elle a ainsi violés :

alors 2°/ que l’arrêt attaqué a relevé que le contrat conclu entre messieurs [P] et [A] d’un côté et monsieur [U] de l’autre, stipulait que « l’assistant [monsieur [U]] s’engage à remettre à l’auteur (messieurs [P] et [A]), au fur et à mesure des besoins exprimés par lui, ses illustrations définitives et complètes. Les planches originales conçues par l’auteur resteront sa propriété pleine et entière » ; qu’en jugeant que cette stipulation était impropre à établir la copropriété de messieurs [P] et [A] sur les planches originales, la cour d’appel l’a dénaturée, en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

alors 3°/ que pour considérer que monsieur [A] était seul propriétaire des planches originales, les juges du fond ont retenu que monsieur [P] lui avait demandé de lui offrir entre trois et cinq planches par album parce qu’il était d’usage qu’un dessinateur offre une telle quantité de planches à son scénariste, et que suite à cette demande monsieur [A] avait cédé deux planches originales à l’exposant ; qu’en statuant par ce motif, impropre à établir que monsieur [P] aurait reconnu sans équivoque la propriété exclusive de monsieur [A] sur les planches originales, la cour d’appel a violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil.

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