Tribunal administratif de Marseille, 20 janvier 2016, n° 1305510

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Sur la décision

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MARSEILLE

N° 1305510

___________

Association Comité radicalement anti-corrida

___________

Mme Gaspard-Truc

Rapporteur

___________

Mme Rouland-Boyer

Rapporteur public

___________

Audience du 6 janvier 2016

Lecture du 20 janvier 2016

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Marseille

(7e chambre)

49-04-02-02

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2013, l’association Comité radicalement anti-corrida (CRAC), demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 7 juin 2013 par laquelle le maire de la commune d’Arles a rejeté sa demande du 24 mai 2013 tendant à ce qu’il fasse usage de ses pouvoirs de police, afin d’interdire les corridas et « novilladas » devant se dérouler les 6, 7 et 8 septembre 2013 dans la commune d’Arles ;

2°) d’annuler la décision du 11 juillet 2013 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande du 24 mai 2013 tendant à ce qu’il fasse usage de son pouvoir de substitution en raison de la carence du maire de la commune d’Arles dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

Elle soutient que :

— les décisions litigieuses violent les stipulations de la charte de l’environnement, ainsi que les dispositions des articles L. 110-1, L. 110-2 et L. 411-5 du code de l’environnement ;

— l’organisation de corridas porte atteinte à la dignité de la personne humaine ;

— les corridas sont contraires aux articles 3-1 et 19 de la convention internationale des droits de l’enfant qui prohibent toute forme de violence à l’égard des enfants ;

— les décisions attaquées ne peuvent trouver un fondement légal dans l’article 521-1 du code pénal ;

— les décisions litigieuses ont été prises sur le fondement des articles R. 214-63 et R. 214-85 du code rural et maritime eux-mêmes entachés d’illégalité ;

— ces articles ne permettent pas de donner une base légale aux décisions attaquées ;

— la corrida méconnait les prescriptions de l’article R. 214-36 du code rural et maritime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2013, la commune d’Arles, représentée par Me Para, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l’association Comité radicalement anti-corrida sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable, en l’absence d’habilitation du président de l’association à agir au nom de l’association ;

— les moyens soulevés par l’association Comité radicalement anti-corrida ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 ;

— la Charte de l’environnement ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de l’environnement ;

— le code rural et de la pêche maritime ;

— le code pénal ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Gaspard-Truc,

— les conclusions de Mme Rouland-Boyer, rapporteur public,

— et les observations de Me Para, représentant la commune d’Arles .

1. Considérant que l’association Comité radicalement anti-corrida demande au tribunal d’annuler, d’une part, la décision du 7 juin 2013 par laquelle le maire de la commune d’Arles a rejeté sa demande du 24 mai 2013 tendant à ce qu’il fasse usage de ses pouvoirs de police, afin d’interdire les corridas et « novilladas » devant se dérouler les 6, 7 et 8 septembre 2013 dans la commune d’Arles et, d’autre part, la décision du 11 juillet 2013 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande du 24 mai 2013 tendant à ce qu’il fasse usage de son pouvoir de substitution en raison de la carence du maire de la commune d’Arles dans l’exercice de ses pouvoirs de police ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 7 juin 2013 du maire de la commune d’Arles :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les (…) spectacles (…) » ; que les dispositions législatives du 7e alinéa de l’article 521-1 du code pénal exclut l’application des dispositions relatives à la punition des sévices graves et des actes de cruauté envers les animaux domestiques ou tenus en captivité aux courses de taureaux dont l’organisation répond à une tradition locale ininterrompue ; que l’article R. 654-1 du même code prévoit une même exclusion pour l’application des dispositions relatives à la punition des mauvais traitements envers un animal ;

3. Considérant qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l’ordre public ; que le refus opposé par un maire à une demande tendant à ce qu’il fasse usage des pouvoirs de police qui lui sont conférés par les dispositions du code général des collectivités territoriales n’est entaché d’illégalité que dans le cas ou, à raison de la gravité du péril résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sûreté, la sécurité, et la salubrité publique, cette autorité en n’ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit aux points 2 et 3 qu’une course de taureaux, qui est un spectacle au sens de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, peut être regardée, qu’elle se conclue ou pas par une mise à mort du ou des taureaux, comme constituant un mauvais traitement volontaire, voire un sévice grave ou un acte de cruauté envers des animaux, sauf lorsqu’existe une tradition locale ininterrompue de courses taurines ; qu’il appartient au maire, lorsque cette tradition n’est pas établie, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble à l’ordre public que représente l’organisation de ce type de manifestations sur le territoire de sa commune ;

5. Considérant qu’il est constant qu’une tradition locale ininterrompue de courses taurines existe en Arles ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les corridas et « novilladas » devant se dérouler les 6, 7 et 8 septembre 2013 sur le territoire de la commune d’Arles ait exposé le bon ordre, la tranquillité ou la salubrité publique à un péril grave ; que le respect de la dignité de la personne humaine, qui est une des composantes de l’ordre public, ne saurait être utilement invoqué à l’encontre d’une décision refusant d’interdire une course de taureaux, manifestation, qui par son objet même et en tant que telle, ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine ;

6. Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » ; qu’aux termes de l’article 19 de la même convention : « Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. » ; qu’il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu’elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d’enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d’affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

7. Considérant que le refus litigieux d’interdire l’organisation de courses de taureaux n’a pas pour objet de régler la situation personnelle d’enfants mineurs et n’est pas de nature à affecter de manière suffisamment directe et certaine leur situation ; qu’il ne s’agit pas davantage d’une mesure contraire à la protection de l’enfant telle que visée à l’article 19 précité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

8. Considérant que la décision litigieuse du 7 juin 2013 du maire de la commune d’Arles ayant été prise dans le cadre des pouvoirs de police qui sont conférés au maire par les dispositions du code général des collectivités territoriales, l’illégalité des articles R. 214-63 et R. 214-85 du code rural et maritime, qui n’en constituent pas la base légale, ne saurait utilement être invoquée par la voie de l’exception à l’appui des conclusions dirigées contre la décision attaquée, qui n’a pas été prise pour leur application ;

9. Considérant que les dispositions des articles 521-1 du code pénal et R. 214- 36 du code rural et de la pêche maritime ne s’appliquent pas aux animaux mis à mort lors de manifestations culturelles ou sportives traditionnelles, en particulier lors de courses de taureaux dont l’organisation répond à une tradition locale ininterrompue ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut dès lors qu’être écarté ;

10. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance par la décision litigieuse des dispositions de la Charte de l’environnement et des articles L. 110-1, L. 110-2 et L. 411-5 du code de l’environnement ne peut en tout état de cause qu’être écarté, dès lors que la protection des animaux domestiques ne relève pas de ces dispositions ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en refusant de faire usage de ses pouvoirs de police pour interdire les corridas et « novilladas » des 6, 7 et 8 septembre 2013, le maire de la commune d’Arles n’a pas excédé ses pouvoirs ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du 11 juillet 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône :

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2215-1 code général des collectivités territoriales : « La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’Etat dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat (…) » ;

13. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le refus du maire de la commune d’Arles de faire usage de ses pouvoirs de police pour interdire les corridas et « novilladas » des 6, 7 et 8 septembre 2013 n’est pas entaché d’illégalité ; qu’en l’absence de carence du maire de la commune d’Arles dans l’exercice de ses pouvoirs de police, le préfet des Bouches-du-Rhône était tenu de rejeter la demande de l’association Comité radicalement anti-corrida tendant à ce qu’il fasse usage des pouvoirs de substitution qu’il tient des dispositions précitées du 1° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ; qu’il en résulte que les moyens articulés à l’encontre de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 juillet 2013 sont en tout état de cause inopérants ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d’Arles, que les conclusions à fin d’annulation de la requête de l’association Comité radicalement anti-corrida doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’association Comité radicalement anti-corrida le versement à la commune d’Arles de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’association Comité radicalement anti-corrida est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d’Arles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’association Comité radicalement anti-corrida, à la commune d’Arles et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur.

Délibéré après l’audience du 6 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

M. Ciréfice, président,

Mme Gaspard-Truc, première conseillère,

M. Claudé-Mougel, conseiller.

Lu en audience publique le 20 janvier 2016.

Le rapporteur, Le président,

signé signé

F. GASPARD-TRUC C. CIREFICE

Le greffier,

signé

C. PEYRE

La République mande et ordonne au Préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Le greffier,

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Tribunal administratif de Marseille, 20 janvier 2016, n° 1305510