Tribunal administratif de Nice, 26 juillet 2022, n° 2203391

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
TA Nice, 26 juill. 2022, n° 2203391
Juridiction : Tribunal administratif de Nice
Numéro : 2203391
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2022, l’université Côte d’Azur, représentée par son président, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 14 avril 2022 par laquelle la commission de discipline de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Côte d’Azur a prononcé la sanction de l’exclusion avec sursis de l’université pour une durée de deux ans à l’encontre de M. D C, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) d’enjoindre à la présidente de la section disciplinaire du conseil académique de l’Université Côte d’Azur de reprendre la procédure disciplinaire au stade de la désignation des membres de la commission de discipline au plus tard le 8 septembre 2022.

Elle soutient que :

— l’urgence est établie, dès lors que la décision implique que l’intéressé puisse être en contact avec les personnes victimes de ses agissements ; ainsi, la décision a des conséquences préjudiciables sur le bon fonctionnement de l’établissement ;

— la commission de discipline était irrégulièrement composée, dès lors qu’il manquait un professeur des universités, qu’il manquait trois usagers et qu’il y avait un maitre de conférences de trop ;

— il y a une inadéquation entre la gravité des faits retenus et la sanction prononcée, dès lors que la commission de discipline a assorti la sanction d’un sursis intégral ;

— il y a lieu d’enjoindre à la section disciplinaire du conseil académique de l’université de reprendre la procédure au stade de la désignation des membres de la commission de discipline au plus tard le 8 septembre 2022.

Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2022, M. D C, représenté par Me Schreckenberg, conclut à la suspension de la décision en litige et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

— la sanction est insuffisamment motivée ;

— la sanction est fondée sur des faits matériellement inexacts ;

— il a été sanctionné au mépris du principe fondamental et constitutionnel de la présomption d’innocence ; ainsi, la décision méconnait l’article 11 de la déclaration universelle des droits de l’Homme et l’article 14.2 du Pacte international des droits civils et politiques ;

— la décision est entachée de détournement de pouvoir ;

— Mme B a manqué au principe d’impartialité ;

— la décision en litige est illégale dès lors qu’elle découle d’arrêtés d’interdiction temporaire d’accès entachés d’illégalité ;

— aucune nouvelle procédure disciplinaire ne peut être diligentée avant qu’une décision au fond soit rendue par la juridiction.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 10 juillet 2022 sous le numéro 2203392 par laquelle l’université Côte d’Azur demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

— le code de l’éducation ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Herold, premier conseiller, en application du premier alinéa de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 20 juillet 2022 :

— le rapport de M. Herold, juge des référés ;

— et les observations de Mme E, représentant l’université Côte d’Azur,

A l’issue de laquelle l’instruction a été close.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 14 avril 2022, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Côte d’Azur, réunie en commission de discipline, a prononcé à l’encontre de l’étudiant Loris-William C la sanction de l’exclusion temporaire avec sursis de l’université Côte d’Azur d’une durée de deux ans. L’université Côte d’Azur demande au juge des référés la suspension de l’exécution de cette décision et qu’il soit enjoint la présidente de la section disciplinaire de l’Université de Nice Côte d’Azur de reprendre la procédure disciplinaire au stade de la désignation des membres de la commission de discipline.

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

En ce qui concerne l’urgence :

3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d’un acte administratif, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire.

4. Il résulte de l’instruction que pour prononcer la sanction d’exclusion temporaire de l’établissement pour une durée de deux ans assortie d’un sursis total la commission de discipline issue de la section disciplinaire de l’université Côte d’Azur s’est fondée sur le comportement inapproprié de M. C à l’égard de deux étudiantes. En particulier, l’intéressé a tenu des propos à caractère sexuel et a eu des comportements déplacés malgré les refus explicites que lui avaient opposés les intéressées. Compte tenu des témoignages des deux étudiantes, qui n’ont pas été sérieusement contestés, et de la reconnaissance des faits par l’intéressé lui-même au cours d’une audition, la sanction en cause repose, en l’état de l’instruction, sur des faits matériellement établis. Eu égard à la gravité des fautes reprochées à M. C et à la circonstance que cette sanction entraine le retour de l’étudiant au sein de l’établissement, ce qui est susceptible d’avoir un retentissement sur la situation et la scolarité des victimes, la décision dont la suspension est sollicitée est de nature à porter atteinte au bon fonctionnement de l’université. Par suite, dans les circonstances de l’espèce, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

5. En premier lieu, aux termes de l’article R. 811-20 du code de l’éducation : « Les affaires sont examinées par une commission de discipline. Le président de la section disciplinaire désigne les membres de la commission de discipline selon un rôle qu’il établit. La commission comprend huit membres, dont deux membres appartenant à chacun des collèges définis aux 1° et 2° de l’article R. 811-14 et quatre membres appartenant au collège défini au 3° du même article. / Les membres désignés au titre des collèges définis aux 1° et 2° de l’article R. 811-14 incluent le président ou l’un des vice-présidents de la section disciplinaire, qui préside la commission de discipline ». Aux termes de l’article R. 811-14 du même code : " La section disciplinaire du conseil académique compétente à l’égard des usagers comprend : / 1° Quatre professeurs des universités ou personnels assimilés au sens du collège A du I de l’article D. 719-4 ; / 2° Quatre maîtres de conférences ou personnels assimilés au sens du collège B du I du même article ; / 3° Huit usagers () ".

6. Il résulte de l’instruction que la commission de discipline issue de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Côte d’Azur compétente à l’égard des usagers était notamment composée de trois maîtres de conférences. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la commission de discipline était irrégulièrement composée est de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la sanction.

7. En second lieu, compte tenu de la gravité des faits en cause mentionnés au point 4, le moyen tiré de ce que la sanction qui a été infligée n’est pas proportionnée à la gravité des faits reprochés est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

8. Il résulte de ce qui précède que l’université Côte d’Azur est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision du 14 avril 2022 de la section disciplinaire de l’université Côte d’Azur.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

9. Aux termes de l’article R. 811-25 du code de l’éducation : « Les poursuites sont engagées devant la section disciplinaire par le président de l’université dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article R. 811-11 ».

10. La suspension de l’exécution de la décision du 14 avril 2022 implique nécessairement que la section disciplinaire du conseil académique de l’université Côte d’Azur se trouve ressaisie des poursuites engagées par le président de l’université Côte d’Azur à l’encontre de M. C et que, par conséquent, elle se prononce à nouveau, en reprenant la procédure au stade de la désignation des membres de la commission de discipline par la présidente de la section disciplinaire et sans qu’y fasse obstacle la règle non bis in idem ni le caractère provisoire des décisions prises par le juge des référés. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la section disciplinaire de l’université Côte d’Azur de reprendre la procédure disciplinaire au stade de la désignation des membres de la commission de discipline dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Côte d’Azur en date du 14 avril 2022 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à la section disciplinaire du conseil académique de l’université Côte d’Azur de reprendre la procédure disciplinaire au stade de la désignation des membres de la commission de discipline dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’université Côte d’Azur, à la section disciplinaire du conseil académique de l’université Côte d’Azur et à M. D C.

Fait à Nice, le 26 juillet 2022.

Le juge des référés,

Signé

M. A

La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation le greffier.

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