Cour d'appel d'Angers, 24 novembre 2015, 13/02436

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. soc., 24 nov. 2015, n° 13/02436
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 13/02436
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Angers, 27 août 2013, N° 12/00949
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000031548190
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Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 24 Novembre 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/ 02436.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes-Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 28 Août 2013, enregistrée sous le no 12/ 00949

APPELANT :

Monsieur David X…

49610 MURS ERIGNE

comparant-assisté de Maître SULTAN de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE LOGIVIERE, avocats au barreau d’ANGERS-No du dossier 120579

INTIMEE :

LA SAS RESTORIA

12 rue Georges Mendel-Parc de l’Angevinière-CS 50955

49009 ANGERS CEDEX 01

représentée par Maître Stéphanie CHOUQUET-MAISONNEUVE de la SCP AGIR AVOCATS, avocats au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Octobre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller

Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT :

prononcé le 24 Novembre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS et PROCÉDURE,

La société Restoria dont le siège social est situé à Angers applique la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration des collectivités. Elle emploie un effectif de plus de 10 salariés.

M. David X… a été recruté à compter du 4 septembre 2010 en qualité de Directeur de cuisine par la société Restoria dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Son contrat de travail précise que :

— en son article 3 Temps de travail-Statut « le salarié est engagé à temps complet. Cependant, la nature des fonctions et des responsabilités exercées par le salarié reste indépendante du temps qu’il consacrera à l’exercice de sa fonction. L’emploi proposé est un emploi de statut Cadre »,

— en son article 11 Rémunération « il se verra attribuer une rémunération brute fixe de 3 300. 13 euros par mois qui présente un caractère forfaitaire et qui est indépendante du temps réellement consacré à l’exécution de sa fonction, ainsi qu’un complément de rémunération calculé en fonction d’objectifs qualitatif et/ ou quantitatifs ».

La période d’essai de 4 mois est venue à échéance normale le 6 janvier 2011.

Le 18 janvier 2011, l’employeur a notifié à M. X… un avertissement au motif qu’il n’avait pas veillé à la signature du contrat d’embauche d’une intérimaire Mme Y….

Par courrier en date du 28 février 2012, M. X… a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 9 mars suivant.

Le 14 mars 2012, le salarié a reçu notification de son licenciement pour cause réelle et sérieuse selon courrier libellé comme suit :

«  Nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants : vous exercez au sein de notre société les fonctions de Directeur de la Cuisine de la Romanerie. A ce titre vous avez la responsabilité d’assurer la gestion administrative de cette Cuisine ce qui implique notamment de gérer et transmettre les éléments relatifs à la gestion des ressources humaines (recrutement, contrats de travail, paye…).

Il vous est reproché de ne pas respecter les dispositions légales et réglementaires applicables lors de l’embauche d’un nouveau collaborateur (article L 1221-13 du code du travail notamment) et plus globalement un grand manque de rigueur dans la réalisation des tâches administratives liées aux ressources humaines.

Ainsi le 17 février 2012, nous avons constaté qu’aucune nouvelle entrée n’avait pas été indiquée sur le registre unique du personnel depuis le 5 décembre 2012, soit depuis plus de deux mois et demi.

Après reprise des contrats de travail établis en interne et demande auprès de la société d’intérim ADECCO, nous constatons qu’une douzaine de personnes n’a pas été inscrite sur le registre.

Nous constatons également que de nombreuses sorties de salariés n’ont également pas été enregistrées.

Nous vous rappelons que les infractions aux dispositions prévues sur la tenue du registre unique du personnel sont sanctionnées par des peines contraventionnelles de 4ème classe (3 750 euros pour une personne morale) appliquées autant de fois qu’il y a de salariés concernés (article R 1227-7 du code du travail).

Nous avons prolongé nos investigations et nous avons constaté qu’au moins deux salariés en contrat à durée déterminée pour remplacement de salariés absents ont travaillé sans contrat de travail sur les mois de décembre 2011 et janvier 2012.

Ainsi vous avez été alerté le mercredi 21 décembre 2011 sur le fait qu’aucune demande de nouveau contrat n’avait été établie pour M. Damien Z… alors que l’absence du salarié remplacé était prolongée et que vous aviez maintenu en poste son remplaçant. Le contrat précédent prenait fin le vendredi 16 décembre 2012.

De même, le mardi 17 janvier 2012, vous êtes alerté sur le fait que M. Kévin F… continuait à pointer alors que son contrat avait pris fin la veille.

En ce qui concerne l’emploi de salariés sans contrat à durée déterminée, nous avions déjà eu l’occasion de vous en rappeler les règles lors d’un courrier d’avertissement en date du 18 janvier 2011. La salariée concernée à l’époque avait d’ailleurs demandé à bénéficier d’un contrat à durée indéterminée ce que nous n’avions pu lui refuser.

De plus, nous constatons que notre service paye est obligé de vous relancer une ou plusieurs fois pratiquement tous les mois pour vous demander d’envoyer les tableaux de prime ou de vérifier les informations saisies sur le logiciel de gestion des temps.

Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement…. nous vous notifions votre licenciement pour fautes. "

M. X… a poursuivi son activité jusqu’au 20 mars 2012 et a été dispensé d’effectuer le surplus de la période de préavis de trois mois, qui a été rémunérée.

Par requête du 26 juin 2012, M. X… a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers en annulation de l’avertissement du 18 janvier 2011, en indemnisation pour insertion d’une clause de forfait illicite, en paiement de rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires pour la période de septembre 2010 au 21 mars 2012, en versement d’une indemnité pour travail dissimulé et en indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 28 août 2013, le conseil de prud’hommes d’Angers a :

— dit que l’avertissement du 18 janvier 2011 est fondé,

— débouté M. X… de sa demande de dommages-intérêts au titre de la clause de forfait illicite,

— condamné la société Restoria à verser au salarié la somme de 22 093. 81 euros au titre des heures supplémentaires et à la somme de 2 209. 38 euros pour les congés payés y afférents,

— rejeté la demande du salarié au titre du travail dissimulé,

— débouté M. X… de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— ordonné à l’employeur de délivrer le bulletin de paie concernant le rappel de salaire sous astreinte de 50 euros sous un mois après la notification du jugement,

— condamné la société Restoria au paiement de la somme de 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Les parties ont reçu notification de ce jugement le 30 août 2013.

M. X… en a régulièrement relevé appel général par courrier électronique de son conseil du 18 septembre 2013.

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,

Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 6 octobre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles M. X… demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— ordonner à la société Restoria de verser aux débats les contrats de travail du Directeur des Ressources Humaines, de l’assistante RH formation et de l’employé au service RH ainsi que tous les relevés de badgeages des intéressés durant sa période d’activité, et à défaut, en tirer les conséquences de droit,

— lui donner acte de ce qu’il n’a jamais badgé et de ce que les relevés de badgeages produits par la société Restoria par les services des ressources humaines sont sans valeur,

— annuler l’avertissement notifié le 18 janvier 2011,

— condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

-25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

-5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour insertion d’une clause de forfait illicite et violation des dispositions de l’article 7 de la convention collective des entreprises de restauration de collectivités,

-22 093. 18 euros au titre du rappel de salaires pour les heures supplémentaires,

-2 209. 31 euros pour les congés payés y afférents,

-20 400 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

-3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner la rectification de l’attestation Pole Emploi et des bulletins de paie.

Il fait valoir en substance que :

1- sur l’annulation de l’avertissement du 18 janvier 2011,

— confronté à une surcharge de travail et à des carences dans l’organisation des services, il a été placé dans l’impossibilité d’exécuter l’intégralité des tâches qui lui étaient dévolues en tant que Directeur de cuisine ;

— l’employeur, admettant que ce poste générait des contraintes sources de stress et de souffrance au travail, ne pouvait pas le sanctionner au regard de la multiplicité de ses tâches, de leur complexité et de l’absence de temps suffisant pour les mener à bien ;

— le salarié ayant pour fonction principale la responsabilité de la production de la Cuisine de la Romanerie, se plaint de l’opacité de l’organisation interne faute de délimitation claire des attributions avec celles du directeur adjoint de cuisine et du service des ressources humaines ;

— il dénonce à la fois une totale inorganisation du service des ressources humaines, l’instauration d’un management par le stress et la pression ainsi que la mise en place d’un système de badgeage automatique et frauduleux ;

— l’avertissement délivré le 18 janvier 2011 dans de telles conditions de travail doit être annulé.

2- sur le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— l’employeur a mentionné à tort dans la lettre de licenciement qu’il avait la responsabilité de la gestion administrative des ressources humaines de la Cuisine, impliquant le recrutement du personnel, les contrats de travail, la paie alors qu’il incombait au service des ressources humaines d’assumer de telles missions :

— sur le dossier de Mme Y… à l’origine de l’avertissement : il réfute toute faute de sa part dans la procédure de recrutement de Mme Y…, estimant que sa confiance a été abusée par cette salariée intérimaire qui n’avait pas apporté le 7 janvier 2011 les documents nécessaires à l’établissement de son contrat d’embauche puis a refusé le 12 janvier de signer son contrat de mission avant de revendiquer un contrat à durée indéterminée auprès de la société Restoria ;

— sur la tenue du registre des entrées du personnel entre le 5 décembre 2011 et le 17 février 2012 : le service des ressources humaines, doté de cinq personnes, était seul en charge de la bonne tenue du registre des entrées et sorties du personnel ;

— il ne peut donc pas être reproché au Directeur de cuisine d’avoir omis de mentionner les entrées et sorties du personnel de la cuisine alors qu’il n’était pas informé en temps réel des prolongations d’arrêts de travail des salariés de la cuisine, des demandes de renouvellement des contrats des agents remplaçants ;

— sur les autres manquements reprochés au salarié : ils ne lui sont pas imputables mais résultent d’une inorganisation dont la responsabilité incombe au seul employeur ;

— sur la demande indemnitaire :

— il a subi une longue période de chômage du 14 mars 2012 au 2 janvier 2014, date à laquelle il a retrouvé un emploi de responsable méthodes et maintenance ;

— sa demande de 25 000 euros nets de CSG et de CRDS est justifiée.

3- sur le harcèlement moral,

— il a été victime de méthodes de gestion fautives matérialisées par une clause contractuelle de forfait illicite, l’attribution de tâches multiples et complexes impossibles à réaliser dans les délais impartis, un dénigrement de son travail avec des réflexions blessantes, un avertissement non justifié, la mise en place consciente, délibérée et généralisée de méthodes de gestion par le stress ayant pour effet de dégrader les conditions de travail, la mise en oeuvre frauduleuse d’un système de badgeage fictif pour éluder le paiement des heures supplémentaires ;

— de telles méthodes instaurées par l’employeur sont constitutives d’un harcèlement moral au sens de l’article L 1152-1 du code du travail et justifiant 5 000 euros de dommages-intérêts.

4- sur l’insertion d’une clause de forfait illicite,

— la société Restoria n’a pas précisé dans le contrat la durée du travail de son salarié et lui a imposé une rémunération forfaitaire indépendante de son temps de travail en se retranchant derrière son statut Cadre ;

— cette convention de forfait, destinée à éluder les dispositions d’ordre public relatives à la durée légale du travail et celles de la convention collective (article 7), est illicite en ce qu’une telle clause doit être formalisée par écrit selon l’article L 3121-40 du code du travail et doit fixer le nombre de jours travaillés et préciser les modalités de décompte des journées travaillées et de repos ;

— la société Restoria a inséré une clause de forfait qu’elle savait illicite pour s’exonérer du paiement des heures supplémentaires : il ne s’agit nullement d’une clause de style de la part d’un employeur disposant d’un service juridique étoffé ;

— la convention individuelle de forfait n’étant pas conformes aux prescriptions légales, les clauses du contrat doivent être déclarées inopposables au salarié ;

— une indemnité de 5 000 euros est réclamée à titre de dommages-intérêts étant observé que le salarié n’y a pas renoncé dans le cadre de la conciliation partielle du 5 septembre 2012.

5- sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires pour la période du 6 septembre 2010 au 21 mars 2012,

— la demande d’heures supplémentaires est étayée par un décompte précis du salarié, répondant aux exigences de l’article L 3171-4 du code du travail ;

— l’employeur ne produit aucun élément fiable et probant, s’agissant de relevés de badgeages automatiques et pré enregistrés ;

6- sur l’indemnité pour travail dissimulé,

— l’élément intentionnel du travail dissimulé résulte du fait que l’employeur a pris soin de relever le caractère forfaitaire et indépendant du salaire et du temps réellement consacré par le salarié et qu’il a préétabli des documents de badgeage fictifs imposés aux cadres sur la base d’une entrée à 8 heures et d’une sortie à 16 heures, chaque jour de la semaine,

— le caractère frauduleux de ce badgeage est confirmé lorsque l’employeur demande au salarié de signer les documents pour la période de préavis non effectué.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 5 octobre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience selon lesquelles la SAS Restoria demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit que l’avertissement est fondé, a débouté M. X… de sa demande de dommages-intérêts pour insertion d’une clause de forfait illicite, de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— infirmer le jugement pour le surplus,

— débouter M. X… de toutes ses demandes y compris de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, et le condamner au paiement de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient essentiellement que :

1- sur l’avertissement du 18 janvier 2011

— sur les missions du Directeur de cuisine :

— M. X… avait notamment pour mission de servir d’interface entre la cuisine de la Romanerie situé à Saint Barthélémy d’Anjou et les services centraux notamment le service RH regroupés au siège social d’Angers : son rôle consistait à transmettre toutes les informations permettant la formalisation des embauches (déclaration préalable d’embauche, rédaction contrat travail) et celles des événements pouvant affecter l’exécution des contrats de travail (renouvellement période essai,..) ;

— il n’était donc pas le rédacteur des contrats de travail et autres documents relatifs à la relation de travail des salariés de la cuisine mais le correspondant entre le site dont il avait la charge et la direction des ressources humaines ;

— l’organisation en matière de recrutement était parfaitement claire au sein de l’entreprise avec la transmission des contrats et autres documents par mails ou par un système de navette courrier journalière entre la cuisine de la Romanerie et la direction RH ;

— il était charge de s’assurer de la bonne tenue du registre du personnel de la cuisine de la Romanerie comme dans chaque établissement de l’entreprise ;

— il était habilité à signer les contrats des sociétés de travail temporaire comme le confirme un douzaine de contrats d’intérim signés par lui.

— sur le grief :

— M. X… a laissé travailler Mme Y… intérimaire à partir du 7 janvier 2012 en omettant de transmettre au service RH les informations nécessaires à la formalisation du contrat dans les délais légaux et en tentant de dissimuler son manquement en contactant la société d’intérim Artus le 12 janvier 2012 ;

— il avait déjà reçu le 7 janvier 2012 une note d’information lui rappelant les risques encourus en cas de non-respect des formalités d’embauche, après l’incident survenu avec un intérimaire M. A… ;

— M. X… pouvait facilement rassembler les informations à transmettre au service RH, limitées à l’état civil du salarié embauché sans pièce d’identité.

2- sur la légitimité du licenciement,

— premier grief : l’employeur a constaté le 17 février 2012 que le registre unique du personnel n’était pas tenu sur le site de la cuisine de la Romanerie depuis le 5 décembre 2011 et qu’une douzaine de salariés n’y figurait pas alors que M. X… avait reçu la formation nécessaire ainsi qu’une note d’information le 7 janvier 2012 ;

— second grief : au moins deux salariés en contrat à durée déterminée pour remplacement de salariés absents ont travaillé sans contrat en décembre 2011 et en janvier 2012 (M. Z…, M. F…), alors que M. X… avait connaissance de la réglementation au travers de sa formation professionnelle, de la note d’information du 7 janvier 2012, ce dont il a convenu dans son mail du 10 janvier 2012 ;

— troisième grief : les salariées du service RH devaient relancer régulièrement M. X… pour obtenir la communication des informations en sa possession pour l’établissement des bulletins de salaire..

— subsidiairement, si le licenciement est considéré comme sans cause réelle et sérieuse,

— l’indemnité doit être fixée en fonction du préjudice subi par M. X… dont l’ancienneté est inférieure à deux ans selon les dispositions de l’article L 1235-5 du code du travail ;

— la demande équivalente à 7. 5 mois de salaire est excessive alors que M. X… ne justifie d’aucune recherche active d’emploi après le licenciement et qu’il a fait le choix d’une formation de plus d’un an dans un autre domaine professionnel.

3- sur l’absence de forfait,

— le contrat de travail ne fait référence à aucune clause de forfait mais prévoit un temps plein ce qui équivaut à 35 heures par semaine ou 151. 67 heures par mois ;

— le salaire minimum mensuel (SMM) mentionné dans le contrat correspond selon la convention collective applicable à 151. 67 heures par mois, ce qui confirment les horaires figurant sur les bulletins de salaire ainsi que les relevés d’heures ;

— la mention selon laquelle la rémunération est forfaitaire est une simple clause de style ;

— la demande d’indemnité doit être rejetée, M. X… ne justifiant ni l’existence d’un forfait illicite ni d’un préjudice quelconque.

4- sur l’absence d’heures supplémentaires,

— M. X… ne rapporte aucune élément probant à l’appui de sa demande en paiement d’heures supplémentaires ;

— il n’a formulé aucune demande en cours d’exécution de son contrat, lors de la réception du solde de tout compte ;

— il a établi successivement un décompte manuscrit de ses heures supplémentaires en première instance puis un tableau informatique en appel alors que ceux-ci sont incohérents entre eux et en contradiction avec les relevés informatiques de l’employeur ;

— des éléments permettent de démontrer l’absence d’heures supplémentaires accomplies par M. X…, tels que :

— les relevés informatiques signés par le salarié pour la période de septembre 2010 jusqu’en décembre 2011,

— des régularisations opérées les mois suivant les congés payés ;

— le salarié disposait d’un accès aux données informatiques pré-enregistrées pour les modifier (le 4 octobre, le 25 octobre, le 15 novembre 2010).

— l’employeur a demandé par erreur à son salarié de signer le relevé informatique du 21 mai au 15 juin 2012 durant la période de préavis non travaillées ;

— il conteste les allégations du salariée à propos de :

— son travail tous les lundis jusqu’à 22 heures en raison de dysfonctionnement informatique ;

— des heures supplémentaires du 25 juillet au 15 août 2011 (7h- 19h chaque jour) lors du transfert provisoire de la cuisine de la Godinière à Bournezeau (85) alors que le temps de trajet (1hX2 par jour) n’est pas du temps de travail effectif selon l’article L 3121-4 du code du travail ;

— des heures supplémentaires les 4 août 2011 (7h- 24h) et le 5 août 2011 (0h00 à 7h et 13h à 17h) alors que le salarié n’a pas travaillé la journée du 5 août ;

— il n’était pas soumis à des astreintes.

5- sur l’absence de travail dissimulé,

— en l’absence d’heures supplémentaires, la demande doit être rejetée ;

— subsidiairement, le salarié ne justifie ni d’un forfait en jours ni de la réalité d’heures supplémentaires.

6- sur la demande (nouvelle) au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité

— la demande est tardive et n’a jamais été soulevée au préalable (assistant social, commission diversité)

— les accusations ne caractérisent pas des faits de harcèlement :

— la clause de forfait n’existe pas ;

— M. X… ayant le plus haut niveau de classification de la convention collective assumait des responsabilités importantes ce qui correspond à des tâches multiples et complexes ;

— le terme mensonge utilisé dans le courrier d’avertissement du 18 janvier 2011 n’a rien de blessant dès lorsque le salarié a effectivement menti,

— l’avertissement était fondé ;

— le salarié, qui dénonce « des méthodes de gestion par le stress » de manière générale sans autre précision, fait une confusion entre le stress inhérent à l’activité professionnelle et le harcèlement moral.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Il ne fait pas débat que

— M. X… exerce les fonctions de Directeur de Cuisine, placé sous l’autorité du Directeur de l’Activité les Petits Plats (M. B…) et exerçant sur le site de la Romanerie à Saint Barthélémy d’Anjou avec l’assistance d’un Directeur adjoint de Cuisine, au vu de l’organigramme (pièce 70 intimé livret accueil page 23)

— il est « chargé d’assurer la gestion administrative et opérationnelle d’une grande cuisine… » dont l’effectif est d’environ 120 salariés,

— le siège social de la société Restoria situé dans des locaux distincts à Angers regroupe les services de la Direction Générale et notamment le service de la Direction des ressources humaines,

— les missions du Directeur de Cuisine sont définies par le profil de poste annexé à son contrat de travail :

— mission 1 : il assure le management, l’organisation de la production, de la saisie des commandes, de la préparation des commandes et de la livraison et la gestion budgétaire ;

— mission 2 : il est le garant de la qualité et de l’hygiène des produits fabriqués ;

— mission 3 : il pilote les actions de recherche et d’innovation des produits ;

— mission 4 : il doit prendre en charge la gestion des ressources humaines de la Cuisine

— dans le domaine des ressources humaines, il est plus spécialement " chargé d’organiser la gestion quotidienne des effectifs (absences, RTT, congés), informer son supérieur hiérarchique de tout comportement fautif du personnel de production, être associé au traitement des éventuelles sanctions, collecter, analyser les besoins exprimés par les salariés en matière de formation, prendre en charge l’intégration des nouveaux salariés de la Cuisine ; il est l’interlocuteur privilégié des responsables de services… et réalise les entretiens annuels d’évaluation des responsables de services "

— il est habilité à signer les contrats des sociétés de travail temporaire selon le profil de poste annexé à son contrat de travail.

Si l’examen des pièces révèle le rôle du Directeur de Cuisine dans l’organisation de son temps de travail et dans celle de ses collaborateurs, il n’en est pas de même en matière de ressources humaines dépendant principalement de la Direction Générale de la société Restoria.

La Direction des ressources humaines, composée d’un directeur et de quatre salariés, est notamment chargée, en lien avec les Directeurs d’Activité, d’assurer le recrutement des salariés et de réaliser les contrats de travail : elle doit contrôler la gestion administrative des ressources humaines, assurer une partie de la communication interne de l’entreprise au travers de la mise à jour régulière des documents liés à l’accueil des nouveaux collaborateurs et de la mise à jour régulière sur le site intranet de la rubrique Ressources Humaines. (Pièce 65 intimé)

Sur l’avertissement du 18 janvier 2011,

Aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

A l’appui de cet avertissement, l’employeur verse aux débats :

— l’attestation de Mme Y… attestant qu’elle " s’est présentée à M. X… qui lui a confirmé qu’il recherchait quelqu’un, qu’elle a commencé à travailler le 7 janvier 2011 ; que sans contrat de travail, elle exigé sur les conseils d’un syndicat un contrat à durée indéterminée le 14 janvier 2011. "

— l’attestation de la société de travail intérimaire Artus Intérim confirmant avoir fait une déclaration préalable d’embauche le 13 janvier 2011 pour Mme Y… suite à une demande de mise à disposition de la société Restoria,

— une attestation de déclaration d’embauche en date du 14 janvier 2011,

— un certificat de travail de la salariée pour une période débutant le 7 janvier 2011,

— un courriel de M. C… directeur des RH du 7 janvier 2011 demandant à M. X… « une application rigoureuse et systématique des règles prévues en matière de recrutement au regard des graves conséquences pour l’employeur » à la suite du recrutement d’un salarié en CDD (M A…) effectué le 3 janvier précédent sans déclaration préalable à l’embauche et insuffisamment motivé.

M. X… conteste la gravité de la sanction en dénonçant une organisation opaque et défaillante, les interférences constantes et intempestives du service RH, l’instauration d’un management par le stress et la pression, la mise en place d’un badgeage frauduleux.

A l’appui de sa version, le salarié produit des courriels du service RH qui lui ont été adressés à propos de la transmission des tableaux d’activités mensuels nécessaires au calcul des primes et des heures supplémentaires (17 novembre 2010, 18 février 21 mars, 18 avril, 25 juillet, 22 septembre, 23 septembre, 18 octobre, 21 novembre 2011, 13 janvier 2012).

Toutefois, ni le nombre (10), la forme ou le contenu de ces messages adressés sur une période de 13 mois, ne permettent de caractériser la mise en place d’un management par le stress et la pression au détriment de M. X….

Contrairement aux allégations du salarié, les fiches de postes du directeur des ressources humaines, de l’assistant RH et l’employé administratif au service RH, versées aux débats par l’employeur, permettent de définir de manière suffisamment précise les domaines de compétences des salariés exerçant au sein de ce service.

Il résulte de son courriel de réponse du 10 janvier 2011 au directeur RH qu’il avait parfaitement conscience de son domaine de compétences lorsqu’il indique « Je modifierai mon organisation pour ne pas être dans l’illégalité constamment. Par contre, à partir du moment où on fait une demande, peut-on avoir le contrat dans un délai raisonnable. Le problème se pose principalement sur les renouvellements »

Il ne conteste, à aucun moment dans ce courrier, sa faute consécutivement à l’absence de déclaration de l’embauche de Mme Y… et n’en impute pas la responsabilité au service RH.

Au vu des clauses contractuelles, M. X…, en sa qualité de Directeur de Cuisine, disposait de la délégation de signature pour conclure les contrats de mise à disposition avec la société intérimaire en vue du recrutement de Mme Y… dès le 7 janvier 2012.

Les arguments de M. X… selon lesquels la salariée ne lui a pas fourni, de manière déloyale et mensongère, les documents d’état civil nécessaires à la déclaration préalable d’embauche ne sont pas opérants s’agissant d’une obligation légale pesant sur l’employeur alors qu’il aurait dû informer le service RH de la difficulté et que l’employeur avait déjà appelé à sa vigilance sur ce point.

L’avertissement apparaît au regard de ces faits justifié.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. X… de sa demande en annulation de la sanction.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement,

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement datée du 14 mars 2012 fait grief à M. X… des manquements suivants :

1- la non-tenue du registre unique du personnel entre le 5 décembre 2011 et le 17 février 2012,

2- un manque de diligences pour adresser au service paye les tableaux de prime ou pour vérifier les informations saisies sur le logiciel de gestion du temps.

3- le maintien de deux salariés intérimaires (M. Z… et M. F…) en poste sans contrat de travail en décembre 2011 et janvier 2012.

1- sur la tenue du registre du personnel :

L’article L 1221-13 du code du travail prévoit qu’un registre unique du personnel est tenu dans tout établissement où sont employés des salariés à charge pour l’employeur d’inscrire tous les salariés au moment et dans l’ordre de leur embauche.

L’employeur verse aux débats l’extrait (3 pages) d’un registre du personnel de la Cuisine de la Romanerie (pièce 43 intimée) selon lequel ne douzaine de salariés n’a pas été inscrite sur ce registre sur la période du 5 décembre 2011 au 17 février 2012.

Toutefois, il ne résulte ni de son contrat de travail ni de sa fiche de poste que M X… ait reçu délégation de sa hiérarchie directe, M. B…, Directeur d’Activité « Les Petits Plats », pour tenir ce registre au sens de l’article L1221-13 du code du travail et engager la responsabilité pénale de l’employeur à ce titre. Le fait que le salarié ait reçu une éventuelle formation au travers d’une note du service de la Direction des ressources humaines est indifférent en l’absence de toute habilitation du salarié à remplir le registre.

La matérialité du premier grief n’est donc pas établie.

2- sur le manque de diligences du salarié dans l’envoi des tableaux,

L’employeur verse aux débats :

— divers courriels établis par Mme D… et Mme E…, salariées du service des ressources humaines, réclamant à M. X… de manière habituelle la communication des tableaux d’activité mensuels nécessaires à l’établissement des bulletins de salaire,

— l’attestation de Mme E… confirmant que « M. X… tardait toujours à fournir les fichiers ce qui la contraignait à le relancer par mail ou téléphone ».

Toutefois, ces messages, formulés sur un ton courtois, s’analysent comme de simples rappels du service ressources humaines de transmission des tableaux nécessaires au calcul des heures supplémentaires et des primes sans qu’ils puissent à eux seuls caractériser des négligences graves de M. X… dans la gestion administrative de son service.

La preuve du second grief n’est pas rapportée.

3- sur le maintien de deux salariés en contrat à durée déterminée au-delà du terme :

Il ne fait pas débat que M. Z… recruté dans le cadre d’un contrat à durée déterminée en remplacement d’un salarié au sein de la Cuisine a continué à travailler au-delà du terme du contrat du 16 décembre 2011 sans qu’aucune demande de renouvellement de son contrat n’ait été présentée au service des ressources humaines par M. X…. Il en est de même pour M. F…, salarié qui a continué à travailler alors que son contrat à durée déterminée avait pris fin la veille le 16 décembre 2011.

M. X…, sans contester la matérialité des faits, explique qu’il n’a pas été en capacité de transmettre une demande de renouvellement des contrats litigieux faute d’avoir été informé de la prolongation des arrêts de travail des salariés remplacés.

Toutefois, le salarié en sa qualité de Directeur de Cuisine disposait nécessairement les informations relatives aux absences et aux remplacements des salariés de la Cuisine lui permettant « d’organiser la gestion quotidienne des effectifs (absences, RTT, congés) » selon sa fiche de poste.

Il résulte des pièces produites que M. X… avait connaissance de la réglementation et des risques encourus par son employeur en cas de maintien d’un salarié à un poste de travail au-delà du terme du contrat comme le confirment :

— la mise en garde de M. C… directeur des ressources humaines, par courriel du 7 janvier 2011, à propos de l’absence de déclaration préalable à l’embauche d’un salarié en CDD recruté le 3 janvier 2011, lui demandant d’appliquer avec rigueur et systématisme les règles prévues en matière de recrutement ;

— la réponse de M. X… datée du 10 janvier 2011 : " à partir du moment où on fait une demande de contrat en temps et en heure, peut-on avoir le contrat dans un délai raisonnable ? Le problème se pose principalement sur les renouvellements. " (pièce no3 appelant).

Il apparaît au surplus que malgré une formation spécifique dispensée le 4 février 2011 sur les formalités de recrutement du personnel temporaire (pièces 42-48 à 53 intimée), M. X… tardait à contacter le service RH et à lui adresser des demandes de contrat (CDD) en vue des démarches auprès de l’URSSAF (déclaration unique d’embauche) comme en atteste Mme D… du service RH (attestation 55 intimée).

Le fait pour M. X… de maintenir en poste deux salariés au-delà du terme de leurs contrats à durée déterminée sans avoir sollicité le renouvellement auprès du service des ressources humaines constitue un manquement fautif dans la gestion des ressources humaines de la Cuisine, s’agissant de faits répétés en décembre 2011 puis en janvier 2012, de nature à justifier un licenciement.

La charge de travail invoquée par M. X…, qui n’est pas étayée en dehors de ses seules allégations, ne peut pas justifier les carences renouvelées d’un salarié cadre alors qu’il est chargé de veiller au respect des dispositions légales et réglementaires en matière de recrutement dans son service.

Si l’appréciation portée par l’employeur sur l’activité de M. X…, à l’issue de l’entretien professionnel du 30 septembre 2011 (pièce 8) est globalement bonne avec des objectifs atteints (5/ 8), elle révèle aussi des insuffisances du salarié à communiquer des éléments importants auprès des services transverses.

Au vu de ces éléments et de la répétition des faits dans le temps, le troisième grief justifie à lui seul le prononcé du licenciement pour faute.

En conséquence, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, le licenciement de M. X… est fondé sur une cause réelle et sérieuse. La demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée par voie de confirmation du jugement.

Sur l’insertion d’une clause de forfait illicite,

M. X…, soutenant que son employeur lui a imposé de fait une convention de forfait en violation des dispositions légales et conventionnelles, fait valoir que :

— la durée de travail ne figure pas dans son contrat de travail selon lequel « la nature des fonctions et des responsabilités exercées restent indépendantes du temps qu’il consacrera à l’exercice de sa fonction » s’agissant d’un emploi de statut cadre (article 3).

— sa rémunération fixe mensuelle présente un caractère forfaitaire et est indépendante du temps que le salarié aura réellement consacré à l’exécution de sa fonction (article 11 du contrat)

— le courrier du 31 juillet 2012 de son employeur (pièce 19 appelant) fait référence de manière expresse à « un forfait de 215 jours de travail annuels. »

Lorsque la convention ou un accord collectif préalable le permet, la durée de travail d’un cadre autonome peut être fixée par une convention individuelle de forfait sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle mais cette convention est nécessairement passée par écrit avec l’accord exprès du salarié, en application des article L 3121-38 et suivants du code du travail.

Il convient de ne pas confondre la convention de « forfait salaire » par laquelle les parties conviennent d’une rémunération forfaitaire incluant dans la rémunération mensuelle un nombre déterminé d’heures supplémentaires régulièrement accomplies et qui constitue un outil de calcul de la rémunération, avec la convention de forfait en heures, au mois ou à l’année en cause au titre de l’accord d’entreprise, et qui constitue un mode de décompte du temps de travail par fixation d’un cadre d’appréciation de la durée du travail (semaine, mois, année) et de l’unité de mesure utilisable (heure ou jour).

Contrairement à ce que soutient M. X…, son contrat de travail mentionne qu’il travaille « à temps complet » ce qui correspond ainsi à la durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires conformément aux mentions de 151. 67 heures mensuelles figurant dans ses bulletins de salaire.

La clause contractuelle selon laquelle sa rémunération fixe de 3 300. 13 euros par mois « est forfaitaire et indépendante du temps consacré à l’exécution de sa fonction » ne prévoit aucun forfait en heures ou en jours de travail et ne répond pas à l’exigence d’une convention individuelle de forfait. Il s’agit en réalité d’une clause qui fixe une rémunération forfaitaire en contrepartie d’un nombre d’heures de travail accomplies au cours du mois.

Le fait que l’employeur ait pu évoquer dans un courrier du 31 juillet 2012 « 215 jours de travail prévus dans votre contrat » résulte d’une erreur manifeste en l’absence de cette mention dans le contrat de M. X….

En tout état de cause, il ne suffit pas à démontrer l’application d’un forfait annuel en jours qui n’est corroboré par aucun autre élément du dossier.

Il s’ensuit que M. X… ne justifiant d’aucune convention individuelle de forfait de travail n’est pas fondé dans sa demande de dommages-intérêts pour insertion illicite d’une clause de forfait.

Sur les heures supplémentaires,

Si aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salariés, il appartient toutefois au salarié, en cas de litige, d’étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.

M. X… sollicite le paiement de la somme de 22 093. 81 euros au titre du rappel de salaires pour 788 heures supplémentaires accomplies sur la période du 6 septembre 2010 au 21 mars 2012.

Il ne fait pas débat que :

— M. X…, en tant que cadre, n’était pas soumis à une obligation de contrôle de ses horaires de travail par badgeage ;

— les relevés informatiques concernant ses horaires de travail étaient édités de manière invariable sur la base d’horaires administratifs de 35 heures hebdomadaires et selon le rythme quotidien de 8 heures à 16 heures du lundi au vendredi après déduction d’une heure de repas ;

— ces documents étaient soumis ultérieurement à la signature de M. X… qui les signés pour la plupart (14) (pièces 20-1 à 20-20 intimée).

A l’appui de sa demande, le salarié produit les éléments suivants

— un tableau détaillé récapitulatif (pièce no3 appelant) de ses horaires de travail (8h- 12h et 13h- 18h sauf le vendredi 17h) sur une base moyenne de 8 à 9 heures par jour et du nombre total des heures de travail effectuées en moyenne de 44 heures chaque semaine voire de manière exceptionnelle, 71 heures au cours de la semaine du 1er août 2011 (Transfert site Bournezeau),

— un courrier du 5 août 2011 de la société Restoria réclamant à l’entreprise de transports TFE une indemnisation des dégâts subis lors d’un transport sur la base de la perte des heures de travail de ses salariés, évaluée pour ce qui concerne M. X… à 9. 25 heures supplémentaires (272. 91 euros),

— un courrier du 31 juillet 2012 de l’employeur évoquant « un compteur de 12 jours de RTT par an » (pièce 13 intimée),

— les relevés informatiques de l’employeur (pièces 20-1 à 20-20) selon lesquels M. X… a acquis des jours RTT (12 jours au 1er septembre 2011).

M. X… étaye ainsi sa demande par ces éléments suffisamment précis auxquels l’employeur peut répondre et dont il résulte que :

— il était rémunéré de manière forfaitaire pour un temps complet de 151. 37 heures

— il a bénéficié de jours RTT sur les relevés informatiques ce qui implique nécessairement l’accomplissement effectif d’heures supplémentaires.

L’employeur conteste le tableau du salarié en ce qu’il est incompatible avec les relevés informatiques édités automatiquement et signés par M. X… sur la base de 35 heures de travail hebdomadaires. Il en dénonce également les contradictions avec les évaluations manuscrites fournies devant la juridiction prud’homale (pièces 73-2 à 73-18 de l’intimée).

Le fait que le salarié ait apposé sa signature sur la plupart des relevés informatiques de ses horaires de travail (14 sur 20) ne lui interdit pas de rapporter la preuve contraire des données dont l’employeur n’a pas contesté qu’elles étaient pré-enregistrées.

La preuve du caractère théorique des relevés informatiques est établie en ce que :

— ils ne correspondent manifestement pas à la réalité des heures de travail accomplies par M. X… les 4 et 5 août 2011 à la suite d’un sinistre affectant la production de la Cuisine, l’employeur ayant évalué à 9 heures 25 les heures supplémentaires effectuées par son Directeur de Cuisine dans son courrier du 5 août 2011 adressé au responsable du sinistre (Pièces 5 et 6 appelant) ;

— la société Restoria a édité, pour la période du 19 mars 2012 au 22 avril 2012, un relevé informatique des horaires de travail de M. X… sur la base de 35 heures hebdomadaires alors que ce dernier était dispensé de travail depuis le 21 mars 2012 (pièce 20-20 intimée).

S’agissant du décompte fourni par le salarié, inférieur à celui fourni devant la juridiction prud’homale, il apparaît que :

— M. X… n’a opéré aucune déduction des jours RTT dont il a bénéficié en contrepartie des heures supplémentaires effectuées au cours de la période litigieuse de 18 mois ;

— le salarié invoque une amplitude de travail manifestement irréaliste de 23 heures pour la journée du 4 août 2011 et de 8 heures pour le lendemain du 5 août 2011 tout en se fondant de manière contradictoire sur l’évaluation de 9 heures 25 faite par l’employeur à la suite du sinistre ;

— il soutient, sans apporter d’élément précis sur les circonstances des dépassements, avoir effectué des journées de travail de 13 à 14 heures, excédant la durée maximale quotidienne de 10 heures prévue à l’article L 3121-34 du code du travail, le lundi de chaque semaine et au cours du mois d’aôut 2011 (1/ 08/ au 12/ 08/ 2011). Il ne déduit aucune pause repas.

En l’état des éléments soumis à l’appréciation de la cour, en considération des heures effectivement accomplies et des déductions à opérer au titre des congés pris sous forme de RTT et des pauses, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer la créance de rappel de salaires pour heures supplémentaires au cours de la période en cause, au regard du taux horaire majoré et du nombre d’heures retenu, à la somme de 10 140 euros outre 1014 euros de congés payés y afférents.

Sur le travail dissimulé,

L’article L 8221-5 du code du travail dispose :

«  Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

… 2o- de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. "

Selon l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 du même code a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire.

Il n’est pas établi par les documents produits et les circonstances de fait que l’employeur ait dissimulé de manière intentionnelle une partie du temps de travail de M. X…, qui a apposé sa signature sur la majeure partie des relevés informatiques servant de décompte du temps de travail, par l’inscription sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué.

En conséquence, la demande de M. X… au titre de l’indemnité pour travail dissimulé en application de l’article L 8223-1 du code du travail doit être rejetée, par voie de confirmation du jugement.

Sur le harcèlement moral,

Selon l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, le salarié invoque les faits suivants à l’appui du harcèlement moral dont il estime avoir été victime, s’agissant de méthodes de gestion fautives :

— une clause contractuelle de forfait illicite,

— l’attribution de tâches multiples et complexes impossibles à réaliser dans les délais impartis,

— un dénigrement de son travail avec des réflexions blessantes,

— un avertissement non justifié,

— la mise en place consciente, délibérée et généralisée de méthodes de gestion par le stress ayant pour effet de dégrader les conditions de travail,

— la mise en oeuvre frauduleuse d’un système de badgeage fictif pour éluder le paiement des heures supplémentaires.

Sur la clause de forfait illicite : le caractère illicite de la clause de forfait n’ayant pas été admis, M. X… ne n’établit pas la matérialité de ce grief.

Sur l’attribution de tâches multiples et complexes impossibles à réaliser dans les délais

M. X…, qui se borne à rappeler la liste des tâches figurant sur sa fiche de poste, n’articule aucun moyen précis et ne fournit aucun élément probant permettant d’établir la matérialité de ce grief.

Sur le dénigrement :

Le salarié se plaint du dénigrement de son travail au travers de réflexions blessantes évoquant les termes employés dans le courrier d’avertissement du 18 janvier 2011 « au-delà de votre mensonge ».

L’employeur a exprimé dans ce courrier mon mécontentement à l’égard de M. X… pour avoir dissimulé le 11 janvier 2011 à son supérieur hiérarchique M. B… l’absence de déclaration préalable d’embauche de Mme Y… et pour avoir tenté de régulariser la situation dès le lendemain le 12 janvier en contactant la société d’intérim (pièce 9 intimée).

L’utilisation isolée du mot « mensonge » n’étant pas inadaptée dans de telles circonstances, l’existence d’une attitude de dénigrement de l’employeur à l’égard du salarié n’est pas établie.

Sur l’avertissement non justifié :

L’avertissement du 18 janvier 2011 a été considéré comme bien fondé et proportionné au manquement reproché à M. X… qui ne peut donc s’en prévaloir comme grief.

Sur les méthodes de gestion et le système de badgeage fictif :

M. X… soutient que la société Restoria a instauré de manière délibérée un management par le stress et la pression et a mis en place un système de badgeage frauduleux.

Il dénonce la précipitation, l’imprévision et la gestion des difficultés au coup par coup.

En l’absence de tout élément permettant d’étayer ses allégations, l’existence d’une attitude de l’employeur caractérisant un acharnement ou un simple manquement destiné à nuire au salarié n’est pas établie.

Rien ne permettant de présumer une situation de harcèlement moral à l’égard de M. X…, le salarié doit être débouté de sa demande, nouvelle en appel, de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les autres demandes,

Aux termes de l’article R 1234-9 du code du travail, l’employeur doit délivrer au salarié au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d’exercer son droit aux prestations sociales.

Il convient en conséquence d’ordonner à l’employeur de délivrer à M. X… les bulletins de salaires rectificatifs conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans les deux mois de la notification du présent arrêt.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. X… les frais non compris dans les dépens. L’employeur sera condamné à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Restoria, qui sera débouté de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

— condamné la société Restoria à verser au salarié la somme de 22 093. 81 euros au titre des heures supplémentaires et à la somme de 2 209. 38 euros pour les congés payés y afférents,

— ordonné à l’employeur de délivrer le bulletin de paie concernant le rappel de salaire sous astreinte de 50 euros sous un mois après la notification du jugement,

Statuant de nouveau du ou des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société Restoria à payer à M. X… :

— la somme de 10 140 euros au titre du rappel de salaires pour les heures supplémentaires,

— la somme de 1 014 euros au titre des congés payés y afférents,

CONFIRME le surplus des dispositions du jugement.

DÉBOUTE M. X… de sa demande indemnitaire pour harcèlement moral.

ORDONNE à la société Restoria de délivrer à M. X… les bulletins de salaires rectificatifs conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans les deux mois de la notification du présent arrêt.

CONDAMNE la société Restoria à payer à M. X… la somme de 1 500 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la société Restoria de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Restoria aux dépens de l’appel.

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Cour d'appel d'Angers, 24 novembre 2015, 13/02436