Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 14 janvier 2020, n° 17/01631

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 17/01631 – N° Portalis DBVH-V-B7B-GTPU

TLM/ID/JB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

21 mars 2017

RG:15/00593

X

C/

SA GRAND DELTA HABITAT ANCIENNEMENT VAUCLUSE LOGEMENT

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre sociale PH

ARRÊT DU 14 JANVIER 2020

APPELANT :

Monsieur J X

né le […] à […]

[…]

[…]

Assisté de Me Hélène BAU de la SELARL CABINET BAU VIVES, Plaidant, avocat au barreau de TOULON

Représenté par Me Barbara MICHEL, Postulant, avocat au barreau de NÎMES

INTIMÉE :

SA GRAND DELTA HABITAT ANCIENNEMENT VAUCLUSE LOGEMENT

[…]

[…]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NÎMES

Représentée par Me Denis ALLIAUME de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, Plaidant, avocat au barreau D’AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 18 Septembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président,

Monsieur Lionel MATHIEU, Conseiller,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 02 Octobre 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 03 Décembre 2019, prorogé à celle de ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président, publiquement, le 14 Janvier 2020, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS:

M. J X a été engagé à compter du 05 mars 2007 par la société anonyme d’habitation à loyer modéré Vaucluse Logement, filiale du CIL Provence, qui a changé de dénomination en octobre 2014 pour devenir Grand Delta Habitation, en qualité de responsable d’opération, statut cadre.

Durant l’été 2013, l’employeur et le salarié ont négocié la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Convoqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 26 septembre 2013, à un entretien préalable fixé au 15 octobre 2013, M. X était licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 8 novembre 2013.

Contestant cette décision, M. X a saisi le 28 juillet 2015 le conseil de prud’hommes d’Avignon aux fins d’entendre juger le licenciement prononcé dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire.

Par jugement du 21 mars 2017, le conseil a dit que M. X a été rempli de ses droits en matière d’indemnité de licenciement, dit que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse, débouté M. X de l’intégralité de ses demandes, et condamné M. X au paiement de la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Suivant déclaration en date du 24 avril 2017, M. X a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 27 mars précédent.

' Suivant ses conclusions n°2, en date du 17 septembre 2019, M. X demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

— Constater, dire et juger le non-respect par la société Grand Delta Habitat de son obligation de sécurité de résultat, les faits à lui reprochés prescrits, les motifs de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et les conditions vexatoires à la rupture du contrat de travail.

— Condamner en conséquence la société Grand Delta Habitat à lui payer, calcul établi selon une moyenne mensuelle de salaire de 3768,72€, les sommes suivantes:

' Dommages intérêts du fait de l’irrégularité de la procédure de licenciement: 3 768€ nets.

' Dommages intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat: 20 000€ nets de toutes charges et contributions sociales.

' Dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse: 68 000€ nets de toutes charges et contributions sociales.

' Indemnité de licenciement: 1 475,12€ nets.

' Dommages intérêts du fait des conditions vexatoires à la rupture: 38 000€ nets de toutes charges et contributions sociales.

— Condamner la société Grand Delta Habitat au paiement de la somme de 4 000€ au titre des frais irrépétibles de procédure et aux entiers dépens.

' Aux termes de ses conclusions n°3, notifiées le 18 septembre 2019, la société Grand Delta Habitat demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS

I – Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Il est constant que M. X, qui n’a pas bénéficié d’une visite médicale d’embauche a été placé continûment en arrêt maladie à compter du 23 octobre 2013, postérieurement à son entretien préalable à un éventuel licenciement organisé le 15 octobre précédent, les certificats communiqués mentionnant le 22 novembre 2013 'burn out', le 13 décembre 2013 'burn out qui serait lié aux conditions de travail actuelles', et enfin 'syndrome anxieux'.

Au soutien de sa demande tendant au paiement de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts à ce titre, M. X expose que le 'burn out’ dont il a été victime résulte 'du comportement de l’employeur lequel a manqué son obligation de sécurité de résultat'.

Promu au poste de 'responsable du pôle expertise immobilière' suite à l’obtention de son Master II en Construction et immobilier, suivi dans le cadre d’un plan de formation conclu en mai 2011, l’appelant expose n’avoir jamais obtenu de définition de ses nouvelles fonctions, des limites de ses missions et de ses responsabilités, et ce malgré des demandes réitérées. Il ajoute que ' manifestement il a été placé dans un placard doré qui ne lui convient pas, sa supérieure mettant fin à ses reporting hebdomadaire à compter du 24 mai 2013', le plaçant ' seul et définitivement abandonné'.

Ses allégations ne sont pas confortées par les copies de ses agendas qu’il verse lui même aux débats, lesquels font apparaître des points réguliers avec sa supérieure, Mme M F.

Il affirme en outre, sans en justifier avoir 'dénoncé son mal être' lors de l’entretien du 25 juin 2013 qu’il a eu avec M. Y, Directeur régional et Mme Z, responsable des ressources humaines, au cours duquel indique-il, il lui a été proposé une rupture négociée, ce dernier point n’étant pas contesté par l’employeur.

Il fait grief également à l’employeur d’avoir fait traîner la négociation sur la rupture conventionnelle et notamment de ne pas avoir respecté des rendez-vous qui avaient été fixés. S’il est constant que suite à l’entretien du 25 juin 2013, les parties se sont rencontrées à trois reprises durant l’été afin d’évoquer les conditions d’une rupture conventionnelle, à savoir les 19 et 24 juillet et le 16 septembre 2013, M. X ne fournit aucune précision sur des rendez-vous qui auraient été reportés à la demande de la direction.

L’appelant ajoute que cette situation l’a placée dans l’incertitude et l’angoisse, sans étayer ses affirmations. L’employeur lui objecte que les parties ne se mettaient pas d’accord en raison des prétentions financières excessives du salarié.

Il ressort des pièces communiquées par M. X, que dès le 25 juillet 2013, ce dernier s’était vu proposer par la société D’HLM ADIS, située à Aubenas, un nouvel emploi de responsabilité, assorti d’une rémunération annuelle de 50 000 euros, auprès de qui il s’était engagé de démissionner du poste qu’il occupait, société qui lui notifiera la fin de sa proposition d’embauche par lettre datée du 06 janvier 2014 au motif que 'les reports multiples de date d’entrée et l’absence d’informations préalables sur (sa) situation (l’a placée) dans une situation critique entraînant un fort préjudice'.

L’employeur souligne sans être utilement contredit sur ce point par l’appelant que jamais ce dernier ne fera état d’une difficulté de santé et objecte utilement que le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne sera pas davantage saisi par l’intéressé pour se plaindre d’une quelconque difficulté à ce titre.

Tenant compte néanmoins de l’absence de suivi médical du salarié par le médecin du travail depuis son embauche, le préjudice subi par M. X en lien avec le manquement de l’entreprise sur ce point sera justement indemnisé par l’octroi de la somme de 250 euros de dommages et intérêts.

Le jugement sera réformé en ce sens.

II – Sur la rupture du contrat de travail :

Convoquée par lettre du 26 septembre 2013, à un entretien préalable fixé au 15 octobre suivant, M. X a été licencié par lettre du 08 novembre 2013, énonçant les motifs suivants :

« Nous vous avons convoqué le 15 octobre 2013 à un entretien préalable en vue de votre éventuel licenciement. Au cours de cet entretien nous vous avons présenté les éléments que nous vous reprochons qui sont les suivants :

* Gendarmerie de Rochefort du Gard

Le 7 août 2013, vous avez été informé par votre directrice qu’un accord d’indemnisation avait été validé avec la société AXA (assureur dommage d’ouvrage) pour les travaux de réhabilitation de la gendarmerie de Rochefort du Gard. Le service juridique précisait que la procédure judiciaire étant terminée le dossier pouvait entrer en phase opérationnelle. Vous avez donc reçu à cette date la consigne de lancer la phase opérationnelle de la réhabilitation de la gendarmerie.

Vous avez eu également l’information dans ce même courrier électronique que notre service juridique avait informé la mairie de Rochefort du Gard de l’avancement de la procédure judiciaire et que des engagements avaient été pris par VAUCLUSE LOGEMENT pour que la mise en 'uvre opérationnelle de la réhabilitation débute en septembre.

Votre absence de prise en charge du dossier a eu pour conséquence que cet engagement n’a pas été respecté. Par conséquent, le Maire de Rochefort du Gard, locataire des lieux, a provoqué une deuxième réunion en urgence le 2 octobre 2013 en expliquant qu’il se réservait la possibilité de consigner le loyer du 4 ème trimestre d’un montant de 38 447 € si aucun calendrier de démarrage des travaux ne lui était fourni. Vous n’avez pas été en capacité de fournir des éléments à votre directrice lui permettant de communiquer au Maire de Rochefort ce calendrier de démarrage des travaux.

Dans la gestion de ce dossier, vous n’avez pas respecté les directives de votre hiérarchie ce qui fait courir à l’entreprise un risque de perte de loyer et de contentieux significatif. Par ailleurs, le non-respect de nos engagements vis-à-vis du Maire de Rochefort du Gard porte atteinte à l’image et au sérieux de notre entreprise.

* Bureau d’étude A

Le 24 mai dernier, vous avez eu une altercation avec votre directrice lorsqu’elle vous a fait part de son entretien avec la société BATYSS et le bureau d’étude A.

Ces derniers ont soumissionné à la consultation de maîtrise d''uvre pour l’opération située route de Boulbon à Barbentane, le groupement a été écarté pour offre irrégulière au stade de l’analyse des offres étant donné que l’offre transmise n’intégrait pas la mission complémentaire OPC.

La société BATYSS a sollicité un rendez-vous afin de s’assurer que son offre n’avait pas été écartée en raison de la présence du bureau d’étude A dans son groupement. Etant donné que deux autres groupements avaient été écartés pour la même raison, il a été possible de démontrer que le groupement de la SARL BATYSS avait été traité équitablement.

En revanche, Monsieur A a insisté sur les difficultés relationnelles qu’il rencontre avec vous et estime que les propos que vous tenez à l’encontre de son entreprise lui fait perdre des contrats. Il a pris en exemple le contrat que le promoteur M. B de C lui a résilié, suite à vos conseils, sur l’opération du clos Camille à Sarrians. Cette opération est réalisée en Vente en l’Etat Futur d’Achèvement pour le compte de Vaucluse Logement. Il estime que vos propos lui portent préjudice et il menace de porter plainte contre vous. Votre directrice a essayé de l’en dissuader en lui proposant une réunion de conciliation.

Après plusieurs propositions émises lors de la réunion du 24 mai, vous avez refusé qu’une rencontre soit organisée avec M. A en présence de votre hiérarchie et vous avez émis l’hypothèse de régler ce différend en contactant Monsieur A directement.

Suite à une relance de votre responsable le 8 juillet, vous répondez le 31 juillet par mail ne pas avoir donné de suite à ce dossier et vous ne tenez toujours pas compte d’une rencontre de conciliation proposée par votre responsable.

Le courrier du 29 juillet de la société A vient confirmer sa volonté de trouver un accord amiable et déplore qu’aucune réunion de conciliation n’ai pu se tenir.

Vos agissements envers la société A font courir à VAUCLUSE LOGEMENT un fort risque de contentieux. Votre attitude d’obstruction à la hiérarchie et votre obstination à ne pas vouloir résoudre le conflit avec la société A porte atteinte à l’image de l’entreprise.

L’ensemble de ces faits s’inscrit dans une attitude générale d’opposition à votre hiérarchie et de non adhésion à l’orientation générale de l’entreprise mettant en cause la bonne marche de l’entreprise et remettant en cause la relation contractuelle.

Les explications que vous nous avez données lors de l’entretien nous conduisent à procéder à votre licenciement pour motif réel et sérieux.

Votre préavis d’une durée de trois mois débute à la date de ce courrier.

Nous vous informons que vous bénéficiez […] ».

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L.1332-4 du même code prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

L’insuffisance professionnelle, qui se caractérise par une mauvaise qualité du travail due à une incompétence professionnelle ou une inadaptation à l’emploi, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. Sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, elle n’est pas fautive.

A condition de respecter les règles de procédures applicables à chaque cause de licenciement, l’employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié dès lors qu’ils procèdent de faits distincts.

Il résulte de cette lettre de licenciement que l’employeur s’est placé sur le terrain de l’insuffisance professionnelle relativement au premier grief et sur le terrain disciplinaire concernant le second.

À titre liminaire, il convient de relever que la convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement est intervenue ensuite du dernier entretien organisé par les parties en vue de conclure une rupture conventionnelle, laquelle avait été proposée à M. D le 25 juin 2013, quelques jours après que le comité d’entreprise ait été consulté sur la réorganisation du service du développement au sein duquel l’appelant travaillait, et ce dans

un contexte de prochaine dissolution de l’association de gestion VILOGIA et de réintégration des salariés dans leur structure d’origine.

Sur les relations avec le bureau d’étude A, l’employeur évoque une altercation avec la directrice en date du 24 mai 2013, après qu’elle ait reçu les responsables des sociétés A et Battys. Faute pour l’employeur de justifier de la date à laquelle cet incident a été porté à sa connaissance, il convient de considérer que le salarié invoque à juste titre la prescription de cet incident, sur lequel, de surcroît, aucun élément de nature à l’établir n’est fourni.

Il suit de la lecture de la lettre de licenciement que la consultation de cette société au titre de l’opération de Barbentane a été justement écartée pour irrégularité et que la société Grand Delta Habitat a pu justifier du traitement équitable de la société Batyss.

Au jour de la convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement, à savoir le 26 septembre, plus de deux mois s’étaient écoulés depuis l’information portée à la connaissance de l’employeur quant à la réclamation formulée par cette société au titre d’une dégradation des relations vis-à-vis de son collaborateur. À la supposer imputable à un comportement fautif de M. X, la dégradation des relations entre ce dernier et les sociétés BET A et BATTYS, était prescrite au jour de l’engagement de la procédure de licenciement.

Aux termes du courrier que M. A, gérant de la société Bet A, a adressé le 29 juillet 2013 à la société Grand Delta Habitat, à l’attention de Mme F, ce partenaire de l’entreprise ne faisait que confirmer son accord à la proposition faite par la responsable du service de rencontrer M. X en sa présence afin d’aplanir leurs relations.

La société intimée soutient dans ses conclusions que le salarié a 'persisté à refuser toute réunion de conciliation et n’a pas effectué les engagements qu’il avait pris, à savoir de contacter personnellement et directement M. A afin de permettre de régler ce différend'. Aucun élément ne permet d’étayer une telle affirmation qui est contestée par l’appelant lequel avait indiqué à sa supérieure dans un message de mai 2013 rester à sa disposition. Si l’employeur reproche au salarié d’avoir refusé un entretien de conciliation que sa directrice lui aurait proposé, manquement dont on peut considérer qu’il se soit prolongé dans les deux mois précédent la convocation du salarié à l’entretien préalable à un éventuel licenciement et qu’il n’est donc pas prescrit, il n’est en aucune façon justifié une quelconque réticence fautive de sa part.

Les griefs formulés par l’employeur de ce chef sont pour partie prescrits pour partie non établis.

En ce qui concerne la non prise en compte des instructions relatives au chantier de rénovation de la gendarmerie de Rochefort du Gard, l’employeur établit simplement:

— d’une part, que le salarié a été destinataire du courriel en date du 07 août 2019 par lequel Mme F lui transmettait le message de Mme G, responsable juridique, qui l’informait de ce que le 1er août 2013, la société avait validé la proposition d’indemnisation faite par AXA relativement au sinistre de la gendarmerie, ainsi rédigée: 'bonjour, l’opération de réhabilitation rentre en phase opérationnelle. En plus des recommandations données par H, il ne faut pas oublier d’assurer le chantier en DO, et il faut reprendre AXA comme assureur DO'.

— d’autre part, que M. X, sollicité le 02 octobre 2013 à 9h50 par sa supérieure hiérarchique pour communiquer un phasage du chantier qu’elle souhaitait présenter l’après-midi même au maire de la commune, locataire des bâtiments, a répondu le jour même à 10h50, qu’il pensait ne plus être en charge de ce chantier, exposant notamment qu’il n’avait

été associé à aucune réunion à ce sujet bien qu’il lui semblait que des réunions avaient eu lieu, en ajoutant que conformément à la demande figurant dans le message du 7 août l’assurance DO avait bien été souscrite.

Dans le contexte singulier des négociations existant entre M. X et la société Grand Delta Logement en vue de conclure la rupture conventionnelle, ayant donné lieu à trois rendez-vous durant l’été dont le dernier le 16 septembre 2013, et alors, d’une part, qu’il n’est pas justifié d’une quelconque instruction adressée au salarié postérieurement à l’information donnée le 07 août 2013 de l’option amiable retenue par la direction et de son acceptation de l’offre faite par la compagnie d’assurance AXA relativement au sinistre affectant cet immeuble, hormis celle de souscrire une assurance DO dont le salarié indique qu’il l’a satisfaite ce qui n’est pas réfuté par l’intimé, et, d’autre part, que M. X établit par la communication de mails en date du 24 septembre 2013, au sujet de la réunion sollicitée par le maire de Rochefort du Gard, pour le 02 octobre, portant sur la mise en opérationnel de ce chantier, qu’il n’était pas destinataire de ces messages, à l’inverse de Mme F et de M. Y, il en ressort que l’incapacité dans laquelle le salarié s’est trouvé de répondre à la demande tardive présentée par sa supérieure le matin pour l’après-midi même ne caractérise pas un motif réel et sérieux justifiant le licenciement de l’intéressé.

Pour le surplus, le grief formulé en termes généraux selon lequel M. X aurait adopté une attitude d’obstruction à l’égard de la hiérarchie, nullement étayé pas même par une attestation de Mme F, n’est pas objectivé.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

III – Sur l’indemnité de licenciement :

M. X invoque au soutien de sa demande de rappel d’indemnité, le bénéfice de l’accord d’entreprise qui prévoit une indemnité calculée sur la base d’un tiers par année d’ancienneté et se prévaut d’une ancienneté de 6 ans et 11 mois dans l’entreprise à la date de son départ et d’un salaire de référence de 3 768 euros tel que mentionné dans le projet de rupture conventionnelle, ce qui donne le calcul suivant : Il pouvait donc prétendre à la somme de (3768,72€ /3 x 6) + (3768,72€ /3 x 11/12) = 7537,44€ + 1151,55€ = 8689€.

Il a été réglé la somme de 7213,88€. Il reste donc dû à ce titre la somme de 8689€ – 7213,88€ = 1475,12€ nets.

La société intimée lui objecte avoir bien appliqué les dispositions de la Convention Collective ESH, à savoir 1/3 de mois, mais en avoir limité les effets à six ans, considérant que la convention en limitait le bénéfice par année révolue, en retenant comme salaire de référence le 1/12 ème des rémunérations des 12 mois précédant le licenciement. La société Grand Delta Habitation critique en outre le calcul effectué par l’appelant du salaire de référence.

La convention ne stipule pas que l’indemnité est limitée au nombre d’année révolue.

En ce qui concerne le salaire de référence, il ressort des bulletins de salaire communiqués et de l’historique des salaires perçus en octobre et novembre 2012, que M. X a bien perçu d’octobre 2012 à septembre 2013 la somme de 45 224.64 euros, déterminant ainsi un salaire de référence de 3768.72 euros.

Il s’ensuit que c’est par des motifs erronés que les premiers juges ont écarté la réclamation justifiée présentée par le salarié.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Tenant compte de la suspension de son contrat de travail à compter du 23 octobre 2013, il lui sera alloué un rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement de 1 108,71 euros nets, conformément au calcul suivant: (3768,72€/3 x 6) + (3768,72€/3 x 7,5/12) = 7537,44€ + 785,15€ = 8322.59€.

La somme de 7213,88€ lui ayant été réglée, il reste dû 1 108.71€ nets.

IV – Sur l’indemnisation du licenciement injustifié :

Au jour de la rupture, M. X âgé de 40 ans bénéficiait d’une ancienneté de 7 ans et 8 mois au sein de la société Grand Delta Habitat qui employait au moins onze salariés.

Il avait perçu au cours des six derniers mois précédant la rupture (avril/octobre 2013) une rémunération globale de 20 606.86 euros.

M. X n’a pu finaliser son embauche auprès de la société ADIS, qui lui avait adressé une promesse d’embauche dès le mois de juillet 2013, l’entreprise s’étant lassée des tergiversations du salarié, lequel s’était engagé à démissionner de son précédent poste.

Inscrit à Pôle-emploi et indemnisable à compter du 11 mai 2014, il est établi que M. X a travaillé en qualité de responsable du pôle maîtrise d’ouvrage pour la société Domitia Habitat de Narbonne du 26 mai 2014 au 05 mars 2015, pour une rémunération de base équivalente à celle qu’il percevait auprès de la société Grand Delta Habitat, puis à compter du 15 octobre 2015 auprès de la SEM de Grenoble.

Compte tenu de l’ensemble des éléments de la cause, son préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi sera réparé par une somme de 23 000 euros sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Compte tenu de l’ancienneté et de l’effectif de la société, il sera fait application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail dans la limite de quinze jours (11/26 mai 2014).

V – Sur la demande de dommages et intérêts complémentaire :

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts complémentaire, M. X expose que, alors que dès le mois d’août 2013, un accord 'parfait’ avait été conclu tel que le démontrerait le projet de convention de rupture que l’employeur lui a présenté, ce dernier l’a convoqué à un entretien préalable, qu’ayant fait part de son incompréhension, il lui sera 'confirmé qu’il s’agissait d’une erreur', avant finalement de se voir indiquer à quelques heures de l’entretien, de manière verbale que 'cet entretien était maintenu', que Mme I qui va l’assister atteste que si les griefs lui ont bien été présentés, il n’était pas question pour le directeur régionale d’écouter ses explications, au prétexte qu’elles devaient donner lieu à un nouvel entretien ayant cet objet qui ne sera jamais tenu.

Il est de droit que le salarié qui justifie, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture, d’un préjudice distinct du licenciement lui-même, que celui-ci soit justifié ou sans cause réelle et sérieuse, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice, et il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d’une faute et d’un préjudice spécifique résultant de cette faute.

Il ressort du compte-rendu de l’entretien préalable que la négociation sur la rupture

conventionnelle envisagée par les parties n’était pas achevée et qu’aucun accord parfait n’avait été conclu, M. X sollicitant lors de cet entretien la portabilité de la mutuelle de santé.

Si Mme I, déléguée du personnel, qui l’a assisté, a compris, ainsi qu’elle en atteste, que le directeur régional a évoqué que l’entretien préalable se déroulerait en trois entretiens distincts donnant chacun à un compte-rendu écrit, le premier étant destiné à porter à la connaissance du salarié les griefs qui lui étaient faits et le second à entendre les observations du salarié, Mme Z, qui a également assisté à cet entretien conteste cette présentation et expose qu’il a simplement été indique que l’entretien préalable se déroulerait en trois temps distincts, le premier destiné à présenter au salarié les faits reprochés, le second à permettre au salarié de présenter ses observations et le dernier à clôturer la procédure.

Il résulte du compte-rendu rédigé par Mme I que M. X a eu la possibilité de s’expliquer sur les griefs qui lui ont été présentés, mais que très vite le débat s’est poursuivi sur la finalisation de la négociation relative aux conditions de la rupture conventionnelle envisagée et la question de la portabilité de la mutuelle santé.

Les parties ne s’accordant pas sur toutes les modalités de la rupture conventionnelle, M. X n’est pas fondé à reprocher à l’employeur d’avoir engagé une procédure de licenciement, laquelle ne caractérise pas des circonstances vexatoires ou abusive.

La demande présentée de ce chef sera écartée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant de nouveau sur le tout,

Condamne la société Grand Delta Habitat à verser à M. X les sommes suivantes :

* 250 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

* 23 000 euros nets de toutes charges et contributions sociales à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.

* 1 108,71 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Déboute M. X du surplus de ses demandes et la société Grand Delta Habitat de sa demande reconventionnelle.

Vu les dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail,

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de 15 jours d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes,

Condamne la société Grand Delta Habitat à payer à M. X la somme de 2 500 euros par

application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Grand Delta Habitat aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 14 janvier 2020, n° 17/01631