Cour d'appel de Papeete, Chambre commerciale, 13 février 2020, n° 16/00085

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

61

GR

-------------

Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Quinquis,

le 14.02.2020

Copie authentique délivrée à :

— Me Mikou,

le 14.02.2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 13 février 2020

RG 16/00085 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 582, rg n° 2011 00006 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 27 novembre 2015 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 17 mai 2016 ;

Appelants :

M. A X, né le […] à […], de nationalité française, demeurant à […], […] ;

La Société Pacific Auto Service, société immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 1077 B dont le siège social est […] ;

Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;

Intimées :

La Société Civile Mape Nui, société civile immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 0636 C dont le siège social est sis à […], prise en la personne de son représentant légal ;

La Sas Oceanie Pneus Auto Service, société immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 1096 B dont le siège social est sis […], […] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me B QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 21 juin 2019 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 24 octobre 2019, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, Mmes SZKLARZ, et DEGORCE, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme OPUTU-TERAIMATEATA, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Faits, procédure et demande des parties :

Les Sociétés Mape Nui et Océanie Pneus Auto Service ont assigné A X et la Société Pacific Auto Service aux fins de :

Par application des articles 1101 et suivants du Code Civil :

Constater que M. X a violé les obligations de non-concurrence contractuelles dont il est débiteur au profit de la Sc Mape Nui ;

En conséquence et conformément aux dispositions de ladite clause, condamner M. X:

— à cesser de commercialiser soit directement, soit indirectement, au travers de la Sarl Pacific Auto Service, ou par tout autre moyen, des pneumatiques pour tous types de véhicules et autres produits ou accessoires automobiles, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de cent mille francs par jour de retard ;

— à justifier, dans le même délai et sous une seconde astreinte de même montant journalier, qu’il a démissionné de tout mandat social, de tout contrat de travail et cédé l’ensemble des parts qu’il pourrait détenir directement ou indirectement dans la Sarl Pacific Auto Service à un tiers dont il devra être justifié, devant notaire, qu’il n’a aucun lien d’intérêt quel qu’il soit avec M. X ;

— à payer à la Sc Mape Nui la somme de cinquante millions de francs à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire ;

Par applications des articles 1382 et suivants du Code Civil :

Constater que la Sarl Pacific Auto Service et M. X sont solidairement les auteurs des actes de concurrence déloyale qui leur sont reprochés ;

En conséquence, condamner solidairement la Sarl Pacific Auto Service et M. X à verser à la Sas Océanie Pneus Auto Service, à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente à la marge brute (prix de vente moins prix d’achat des pneumatiques et autres produits ou accessoires automobiles) réalisée par la Sarl Pacific Auto Service entre la date de sa création et la date à laquelle le jugement à intervenir sera pleinement exécuté ;

Aux fins de détermination de ladite marge brute, ordonner à la Sarl Pacific Auto Service de produire, l’ensemble de ses factures d’achat et de factures de ventes sur la période allant de la création de ladite société, à la cessation effective des actes de concurrence déloyale ;

Aux fins de détermination de ladite marge brute, ordonner à la Sarl Pacific Auto Service de produire, l’ensemble de ses factures d’achat et de factures de ventes sur la période allant de la création de ladite société, à la cessation effective des actes de concurrence déloyale, et ce avant la clôture, étant précisé qu’en cas de difficulté cette communication pourra être sollicitée auprès du juge de la mise en état;

Constater que la Sarl Pacific Auto Service, est l’auteur de faits de parasitisme sur la dénomination sociale et de détournement de clientèle par imitation de dénomination sociale et d’enseigne ;

En conséquence, condamner la Sarl Pacific Auto Service à payer à la Sas Océanie Pneus Auto Service la somme de dix millions de francs à titre de dommages et intérêts ;

A titre de mesure complémentaire de réparation, le tribunal ordonnera la publication de l’intégralité du dispositif du jugement à intervenir, dans les 8 jours de sa signification, aux frais de Sarl Pacific Auto Service et de M. X, solidairement, ce dans les deux quotidiens «Nouvelles de Tahiti» et «La Dépêche de Tahiti» et durant 8 jours consécutifs, dans chaque quotidien ;

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Condamner M. X à payer à la Sc Mape Nnui, la somme de 1.500.0000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie ;

Le condamner aux dépens.

Par jugement du 27 novembre 2015, le Tribunal Mixte de Commerce de Papeete a :

Constaté que A X, en commercialisant des pneus par le truchement de la Société Pacific Auto Service, a violé la clause de non-concurrence l’unissant à la Société Civile Mape Nui, propriétaire du fonds de commerce à l’enseigne Océanie Pneus Auto Service ;

Condamné A X à verser à la Société Civile Mape Nui, à titre de dommages-intérêts, la somme de 50.000.000 FCP ;

Constaté que la Société Pacific Auto Service s’est rendue complice de cette violation et a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la Société Océanie Pneus Auto Service ;

Condamné la société Pacific Auto Service à verser à la société Océanie Pneus Auto Service 10.000.000 FCP à titre de dommages- intérêts :

Condamné A X et la Société Pacific Auto Service à verser à la Société Civile Mape Nui et à la Société Océanie Pneus Auto Service 800 000 FCP par application de l’article 407 du code de procédure civile ;

Ordonné la publication du dispositif du jugement dans le journal La Dépêche de Tahiti aux frais de A X, lesdits frais ne devant pas être supérieurs à la somme de 300.000 FCP ;

Rejeté les autres demandes ;

Condamné A X et la Société Pacific Auto Service aux dépens.

A X et la Société Pacific Auto Service en ont relevé appel par requête enregistrée au greffe le 17 mars 2016.

Il est demandé :

1° par A X et la Société Pacific Auto Service, appelants, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 31 janvier 2019, de :

Déclarer la requête d’appel recevable ;

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté les autres demandes formulées par la Sc Mape Nui et par la Société Océanie Pneus Auto Service ;

Débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

Statuant à nouveau :

Sur la clause de non-concurrence :

A titre principal :

déclarer caduque la convention de cession du 7 mars 2006 ;

dire que M. X n’a pu violer la clause de non-concurrence ;

A titre subsidiaire :

déclarer nulle et de nul effet la clause de non-concurrence prévue dans la convention de cession du 7 mars 2006 ;

dire que M. X n’a pu violer la clause de non-concurrence ;

A titre infiniment subsidiaire :

constater que M. X n’a commis aucun acte interdit par la clause de non-concurrence ;

constater que la Société Océanie Pneus Auto Service ne rapporte pas la preuve d’un préjudice ;

En tout état de cause :

débouter la Société Océanie Pneus Auto Service de ses demandes de dommages et intérêts ou à défaut réduire l’indemnisation à de plus justes proportions ;

Sur la responsabilité délictuelle pour cause d’acte de parasitisme :

constater que la Société Pacific Auto Service n’a commis aucun acte de parasitisme susceptible d’engager sa responsabilité civile délictuelle ;

constater que la Société Océanie Pneus Auto Service ne rapporte pas la preuve d’un préjudice ;

débouter la société Océanie Pneus Auto Service de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de la Société Pacific Auto Service ou à défaut réduire l’indemnisation à de plus justes proportions ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Condamner solidairement la Sc Mape Nui et la Société Océanie Pneus Auto Service à verser à M. A X :

une somme de 600.000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance ;

une somme de 650.000 FCP au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamner solidairement la Sc Mape Nui et la Société Océanie Pneus Auto Service à verser à la Société Pacific Auto Service :

une somme de 350.000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance ;

une somme de 400.000 FCP au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamner solidairement la Sc Mape Nui et la Société Océanie Pneus Auto Service aux entiers dépens dont distraction ;

2° par la Société Civile Mape Nui et la Sas Océanie Pneus Auto Service, intimées, appelantes à titre incident, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 16 novembre 2018, de :

Débouter M. X et la Sarl Pacific Auto Service de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamner M. X à payer à la Sc Mape Nui la somme complémentaire de 100 000 000 FCP à titre de dommages et intérêts, afin de porter la totalité de la condamnation à dommages et intérêts de M. X à la somme de 150 000 000 FCP ;

A titre infiniment subsidiaire, si la cour ne s’estimait pas en état de confirmer le jugement quant au quantum des préjudices subis par les intimées, ainsi que de l’actualiser, suivant la démonstration opérée par la Sc Mape Nui et la Sas Océanie Pneus Auto Service, elle pourra ordonner toute mesure d’instruction qu’elle jugera utile, la confiant à un expert-comptable inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Papeete, en vue de chiffrer les dits préjudices ;

Condamner M. X à payer à la Sc Mape Nui et la Sas Océanie Pneus Auto Service, la somme de 500.0000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie ;

Le condamner aux dépens, au titre des articles 405, 406, 409 et suivants du code de procédure civile de Polynésie dont distraction.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2019.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

Motifs de la décision :

L’appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n’est pas discutée.

Par acte sous seing privé signé le 7 mars 2006, A X a cédé la totalité des actions de la Sas Océanie Pneus Auto Service (OPAS) à B Z et à D E pour le prix de 200 000 000 FCP payable au moment de la remise des ordres de mouvement des actions, au plus tard le 31 mai 2006. Dans le même acte le cédant s’est interdit expressément de créer, diriger ou faire valoir aucun établissement commercial de la nature de celui qui est exploité par société telle que définie par l’article des statuts, à jour au 31 décembre 2005, relatif à l’objet social ou susceptible de lui faire concurrence ou de s’y intéresser, directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, le tout dans l’étendue géographique actuellement couverte par la société et pendant une durée de cinq années à compter de la signature des ordres de mouvements, à peine de tous dommages-intérêts et sans préjudice du droit qu’auraient les cessionnaires de faire cesser toute infraction à cette clause: exception faite pour la Sarl Moorea Auto Service et exception faite pour la Sarl Taravao Auto Service qui ont des accords d’exclusivité avec Océanie Pneus Auto Service pour l’achat de toutes leurs fournitures et notamment les produits distribués par OPAS.

Par avenant du 2 juin 2006, la date de cession a été reportée au 15 août 2006 et les cessionnaires se sont engagés à régler au cédant, au plus tard le 31 décembre 2008, la somme de 28.000.000 FCP payable par mensualités d’un montant de 1.167.000 FCP chacune, pour l’achat de 14 % du capital social résiduel (la totalité des actions n’ayant pu être achetée immédiatement). Les droits des cessionnaires ont été ensuite transférés à la Société Civile Mape Nui.

Par jugement du 16 juillet 2010, le Tribunal Mixte de Commerce de Papeete, saisi par la Société Civile Mape Nui, a constaté que l’ordre de transfert des actions représentant 14 % du capital social de la Société Océanie Pneus Auto Service a été signé le 21 juillet 2009 par A X.

Pour soutenir que la clause de non-concurrence serait caduque, A X et la société Pacific Auto Service font valoir que la convention de cession d’actions du 7 mars 2006 dans laquelle elle a été stipulée est elle-même caduque, faute pour une condition suspensive tenant à l’obtention d’un prêt par le cessionnaire d’avoir été satisfaite à son échéance du 31 mai 2006 ; que la cession a été ensuite réalisée à de nouvelles conditions par une convention du 2 juin 2006, laquelle ne contient pas de clause de non-concurrence ; et que cette seconde convention a été qualifiée à tort par les parties d’avenant à la première.

L’article 4 de la convention de cession d’actions du 7 mars 2006 stipulait qu’à défaut de réalisation de la condition suspensive le 31 mai 2006 à minuit au plus tard, la convention deviendrait caduque et de nul effet si bien que ni le cédant ni le cessionnaire ne pourra en exiger l’exécution.

Mais, dès le 2 juin 2006, les parties ont convenu d’autres conditions de paiement du prix, en indiquant que : «Du fait des retards dans l’obtention des prêts bancaires et l’absence de M. A X du territoire jusqu’au 29 juillet 2006, la cession définitive est reportée du 31 mai 2006 au 15 août 2006, M. X restant président de la Sas Océanie Pneus jusqu’à cette date avec tous les avantages et prérogatives habituels».

Il résulte de ces stipulations claires et précises, que corrobore la qualification d’avenant à la convention du 7 mars 2006 qui a été expressément donnée par les parties à cet acte, que les conventions des 7 mars et 2 juin 2006 constituent un ensemble indivisible et qu’il a été convenu que la condition suspensive dans les termes initiaux était abandonnée. L’accord sur la chose et sur le prix résulte des énonciations de l’acte du 7 mars 2006 et non de celles du 2 juin 2006. Au demeurant, A X n’a jamais prétendu qu’il serait toujours propriétaire des actions cédées, qu’il a au contraire plaidé avoir transférées de lui-même lorsque les cessionnaires l’ont assigné à cet effet (jugement TMC Papeete du 16 juillet 2010).

La clause de non-concurrence qui fait l’objet de l’article 5 de la convention de cession d’actions du 7 mars 2006 n’est donc pas caduque.

Pour soutenir que cette clause serait nulle, A X et la Société Pacific Auto Service font valoir qu’elle ne définit pas la zone géographique concernée, qu’elle n’a pas de contrepartie financière, qu’elle n’est pas limitée dans le temps, que son point de départ n’est pas précisé, et qu’elle est disproportionnée.

La clause de non-concurrence définit son périmètre comme étant l’étendue géographique actuellement couverte par la Société Océanie Pneus Auto Service, dont A X était l’unique actionnaire. Aux termes de ses statuts, cette société a pour objet la commercialisation de pneus et accessoires automobiles et les activités connexes « tant en Polynésie, en France, qu’à l’étranger.» La seule restriction consiste dans l’exclusion des relations commerciales avec les Sociétés Moorea Auto Service (île de Moorea) et Taravao Auto Service (presqu’île de Tahiti).

Le jugement entrepris a exactement et à bon droit retenu que l’étendue géographique correspond au territoire de la Polynésie française en considération de l’attribution à cette société dans cette même zone d’un monopole de vente des produits de la marque Hankook, exclusivité qui constitue un élément essentiel du fonds de commerce et de la fixation du prix de cession à 200 MF FCP. Au demeurant, A X, qui plaidait en premier ressort que la zone de protection géographique n’aurait pas excédé 2 km autour de l’atelier de la société, ne peut sans contradiction soutenir en cause d’appel qu’il n’aurait existé aucun périmètre géographique d’application de la clause de non-concurrence.

Les appelants ne sont pas non plus bien fondés à soutenir que la clause de non-concurrence serait nulle pour n’avoir pas rémunéré A X de l’abandon de ses fonctions d’administrateur, de président et de directeur général de la société OPAS. Il n’est pas justifié qu’il en était salarié. Il en était l’unique actionnaire. Le prix de cession, dont l’évaluation n’est pas contestée, a constitué la contrepartie de l’obligation de reconversion que lui imposait la clause de non- concurrence. Il était au demeurant âgé de 65 ans au moment de la cession. Il a d’ailleurs qualifié celle-ci dans ses écritures de « belle opportunité ».

La clause de non-concurrence a permis à A X de poursuivre l’exploitation de ses autres entreprises dans le même secteur d’activité (Moorea Auto Service et Taravao Auto Service). Elle n’est donc pas disproportionnée eu égard à l’intérêt légitime des cessionnaires quant à la pérennité du fonds de commerce de la Société Océanie Pneus Auto Service, dont les établissements étaient dans l’agglomération de Papeete, au regard de surcroît de l’importance du prix de cession et de l’âge de A X qui correspondait à celui de la retraite.

Compte-tenu de ces mêmes éléments, la clause de non-concurrence n’est pas excessive en ce qu’elle a prévu une durée d’application de cinq années à compter de la signature des ordres de mouvement des actions cédées. Dans son jugement du 16 juillet 2010, le tribunal mixte de commerce a retenu qu’en refusant pendant plusieurs mois, au mépris de son engagement et alors qu’il avait perçu dès la fin du mois d’octobre 2008 la totalité du prix, de signer le transfert de propriété sur une partie des actions et en ne mettant en oeuvre son obligation qu’après la délivrance d’une assignation, A X avait résisté abusivement à la légitime demande de la société MAPE NUI. Et le jugement déféré a exactement retenu que le point de départ du délai d’application de la clause de non-concurrence était la signature le 29 juillet 2009, comme jugé par la décision du 16 juillet 2010, des derniers ordres de mouvement des actions. C’est vainement que A X discute cette date du 29 juillet 2009 alors que celle-ci a été fixée dans le jugement du 16 juillet 2010 qui est définitif. Et la clause de non-concurrence est claire et précise quant à sa durée en faisant partir son délai d’application de l’exécution de la vente par le transfert de toutes les actions.

Il résulte de projets annotés de la clause de non-concurrence produits par les intimées, dont la

matérialité n’est pas contestée, que celle-ci a été effectivement négociée par les parties.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a fait application de ladite clause qui est valide et régulière.

Au vu des pièces produites :

La Sarl Pacific Auto Service a été inscrite au répertoire des entreprises le 17 mars 2010 pour exercer une activité de commerce de détail d’équipements automobiles. Son gérant était F Y. G H a attesté : «M. Y est très proche de M. X, car l’épouse de M. Y est la s’ur de l’épouse de M. X. Même si M. Y était gérant, il ne faisait rien sans demander à M. X qui était le vrai patron. Je connais très bien ces relations car j’ai été salarié de M. X depuis le 18 mars 1993 et même son associé.»

A X a écrit à trois stations-service aux Marquises, à Tahaa et à Bora-Bora : «Vous vous rappelez sans doute de moi ! Je m’occupais des pneus Hankook à Océanie Pneus (Tipaerui) jusqu’en 2006. Je vous avoue ne pas été capable de prendre ma retraite et me voilà à nouveau dans les pneus/batteries/lubrifiants Castolin etc. au sein de la société nouvellement créée Pacific Auto Service (ex Intermat à Paofai). Je serais heureux de renouer nos vieilles relations qui je pense furent toujours amicales et correctes, en attendant de vous rencontrer. Si donc vous avez quelques besoins n’hésitez pas à m’en informer.»

Le 15 mars 2010, la Société Intermat a écrit à la commune de Paea, à I J à Papeete, au Chantier Naval du Pacifique Sud à Papeete : «Dans le cadre d’une réorganisation de nos activités, nous avons décidé que nos ventes de pneumatiques et accessoires autos à Paofai seraient dorénavant assurées par la Sarl Pacific Auto Service dont le directeur général est M. A X (') Vous continuerez à honorer la Société Pacific Auto Service de vos commandes ».

Pacific Auto Service a diffusé en juillet 2010 dans la presse un encart publicitaire proposant «grand choix tous pneus, batteries, huiles, mécanique rapide ' prix modérés».

Par exploit du 21 juillet 2010, la Société Mape Nui a mis en demeure A X de cesser toute activité de vente de pneumatiques ou matériel de garage et batteries directement ou au travers de sa Société ou de toute autre. Aucune réponse n’a été donnée.

Pacific Auto Service a relancé une station-service aux Marquises en octobre 2010.

Le 31 mai 2011, la Société Océanie Pneus a écrit à une station-service d’Uturoa (Raiatea) : «Entre 2010 et 2011 sur la même période, vous avez divisé vos achats de pneumatiques Hankook par plus de 3,5, ce qui va bien au-delà des effets de la crise.»

En novembre 2011, Pacific Auto Service a annoncé l’ouverture d’un second site à Titioro (Tahiti).

Par exploit du 8 décembre 2011, la Société Mape Nui a fait sommation interpellative à A X d’indiquer quelle était l’activité de Pacific Auto Service en matière de vente de pneumatiques. A X a répondu : «Je conseille à M. Z de se faire examiner par un psychiatre.»

En mars 2012 et en juillet 2013, Pacific Auto Service a fait paraître des encarts publicitaires dans la presse relatifs à l’offre à la vente de pneumatiques.

En mars 2012, la Société Aremiti a envoyé une demande de devis pour la fourniture de pneumatiques à plusieurs fournisseurs dont Océanie Pneus et Pacific Auto Service.

L’évolution du total de la balance clients dans les comptes de la société Océanie Pneus Auto Service

a été la suivante (en F CFP TTC arrondis) :

2005 : 552 M

2006 : 581 M

2007 : 657 M

2008 : 551 M

2009 : 478 M

2010 : 430 M

2011 : 380 M

2012 : 363 M

2013 : 370 M

2014 : 323 M.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, qui sont concordants, que le jugement entrepris a exactement retenu que :

— D’une part, dès juillet 2010, A X a pris personnellement contact avec les clients de la Société Océanie Pneus Auto Service, connus de lui en sa qualité d’ancien gérant de cette société, pour leur annoncer la reprise de son activité au travers de la Société Pacific Auto Service et pour leur proposer de renouer à son profit des relations commerciales alors pourtant que l’activité de cette société (le commerce de pneus) est directement concurrente de celle de la Société Océanie Pneus Auto Service.

— D’autre part, notamment dans un courriel du 26 octobre 2006 adressé à un client de la Société Océanie Pneus Auto Service , il n’a pas hésité à utiliser la menace pour obtenir que l’achat de pneus de la marque Hankook – dont la société Océanie Pneus Auto Service est le concessionnaire exclusif en Polynésie – soit limité au profit de la marque Nexen dont la Société Pacific Auto Service est le représentant dans la même zone géographique .

— Enfin, il a assuré la direction commerciale et la gestion de fait de la Société Pacific Auto Service, notamment par le moyen d’une prise de participation majoritaire dans le capital de cette société par la Société Moorea Auto Service, société qu’il contrôle entièrement, alors pourtant que la Société Pacific Auto Service a une activité similaire à celle de la Société Océanie Pneus Auto Service.

— A supposer même que la date du 2 juin 2006 puisse être retenue comme étant celle d’application de la clause de non-concurrence, il n’en demeure pas moins établi que des actes de concurrence déloyale ont été accomplis au cours de l’année 2010, soit avant le 2 juin 2011 date retenue par A X lui-même au titre de la fin de la période de non-concurrence.

Les appelants ne sont pas bien fondés à soutenir que les stations-services démarchées par A X n’étaient pas dans le périmètre géographique défini par la clause de non-concurrence, alors que celle-ci comprenait toutes les îles de Polynésie française à l’exception de Moorea et de la presque île de Tahiti, ni qu’il n’est pas établi qu’il s’agissait de clients de la Société Océanie Pneus Auto Service, alors que les courriers de A X ont pour objet la reprise de relations antérieures à la cession.

Ils ne sont pas non plus bien fondés à soutenir que ces démarchages ou d’autres actions ne suffisent pas à caractériser une activité de concurrence, alors que la clause de non-concurrence interdisait à A X de créer, gérer, diriger ou faire valoir aucun établissement commercial de la nature de celui qui est exploitée par la société dont les actions ont été cédées. La création et l’exploitation directe par A X de la société Pacific Auto Service suffisent en effet à caractériser la violation de la clause de non-concurrence.

Il est établi que A X était dirigeant de fait de la Société Pacific Auto Service. Les appelants ne sont par conséquent pas bien fondés à tirer argument de ce que celle-ci a été créée par la société Moorea Auto Service qui n’était pas liée par la clause de non-concurrence. En effet, A X n’est pas recevable à se prévaloir de sa propre turpitude en ayant recouru à une société écran de son activité personnelle dans le périmètre géographique et temporel de son obligation de non-concurrence.

A X est tenu de réparer l’entier préjudice qu’il a ainsi causé aux cessionnaires qui étaient B Z et D K. Aux termes d’une assemblée générale extraordinaire du 9 mars 2006, ceux-ci sont associés dans la Société Civile Mape Nui, laquelle a approuvé l’acquisition des actions de la Société Océanie Pneus Auto Service au prix de 200 MF FCP. La Société Mape Nui a donc qualité et intérêt pour demander des dommages et intérêts compensatoires. La société cédée Océanie Pneus Auto Service ne l’a pas, car elle n’était pas partie à la stipulation de la clause de non-concurrence insérée dans la convention de cession de ses actions.

Les actions de démarchage et de publicité réalisées par A X entre 2006 et 2011, la baisse du montant de la balance clients dans les comptes de la Société Océanie Pneus Auto Service, et les informations produites par les appelants sur la crise conjoncturelle du secteur économique concerné et en Polynésie durant cette période, constituent des éléments d’appréciation suffisants pour confirmer la juste évaluation du préjudice directement causé par A X à la Société Mape Nui du fait du non-respect de la clause de non-concurrence, soit un montant de 50 MF FCP, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une mesure d’instruction.

Les appelants ne sont pas bien fondés à critiquer cette évaluation sur le fondement d’une perte de clientèle selon eux inexistante ou limitée car, comme il a été dit, la clause de non-concurrence a été violée par la création et l’exploitation d’une entreprise concurrente, et non par un détournement de clientèle.

Le jugement entrepris a aussi retenu que :

— La Société Pacific Auto Service, contrôlée par A X par le biais de la participation majoritaire de la Société Moorea Auto Service, a permis juridiquement et économiquement à celui-ci de violer la clause de non-concurrence consentie au profil de la Société Mape Nui.

— Non seulement, en violation de cette clause, la Société Pacific Auto Service a vendu des produits directement concurrents de ceux de la Société Océanie Pneus Auto Service mais encore elle a commis des actes de parasitisme à l’égard de cette société en utilisant le carnet d’adresse de son ancien gérant, en démarchant abusivement les clients de la marque Hankook représentée par la Société Océanie Pneus Auto Service et en utilisant l’enseigne Auto Service pour tenter de mieux capter la clientèle de son concurrent.

— Ces actes de concurrence déloyale justifient la condamnation de la société Pacific Auto Service à verser à la société Société Océanie Pneus Auto Service une indemnité d’un montant de 10.000.000 FCP.

— La demande complémentaire tendant à l’organisation d’une expertise aux fins de déterminer la marge brute est rejetée, le préjudice étant suffisamment indemnisé par l’octroi de l’indemnité

susvisée.

Il résulte des pièces de la procédure que la Société Mape Nui et la Société Océanie Pneus Auto Service justifient de leurs prétentions selon lesquelles :

— La Société Pacific Auto Service a volontairement adopté une dénomination sociale et des visuels destinés à créer un lien direct entre ces éléments et les éléments distinctifs de la Sas Océanie Pneus Auto Service.

— S’agissant de la dénomination, le choix de Pacific Auto Service, en abrégé PAS est évidemment destiné à rappeler aux clients normalement diligents Océanie Pneus Auto Service, soit en abrégé OPAS. La seule lettre divergente étant la première, non discriminante, alors que les 3 exactement similaires «P-A-S» ne pouvaient manquer de générer une confusion auprès de la plus large clientèle, de plus habituée à dénommer Océanie Pneus Auto Service, par ses initiales OPAS.

— Pour parfaire ce parasitisme, Pacific Auto Service renforce la confusion en utilisant l’image d’un pneumatique, tant dans son en-tête de lettre que dans son visuel de publicité, ce exactement comme le fait Océanie Pneus Auto Service depuis de très nombreuses années. C’est simultanément le fait que les deux logos sont de nature à créer la confusion, le fait que M. X a repris 3 des lettres composant le signe de la société et ait par ses démarches personnelles, en direction de la clientèle, tout fait pour générer la confusion, ainsi qu’il est établi par les pièces communiquées, qui montre l’existence de ce parasitisme.

— La Sarl Pacific Auto Service tente ainsi de s’approprier, à son profit et au détriment de sa concurrente, la notoriété de la Sas Océanie Pneus Auto Service, qui est l’un des leaders du commerce de pneumatiques en Polynésie depuis 1979, date de sa création.

— Il s’ajoute ainsi, aux atteintes portées par la Sarl Pacific Auto Service, à la Sas Océanie Pneus Auto Service, des faits de parasitisme sur la dénomination sociale.

Les appelants ne sont pas bien fondés à contester les démarchages dont il est justifié au motif que ces stations-service ne sont pas sur l’île de Tahiti, alors que l’activité de la société Océanie Pneus Auto Service s’exerce sur tous les archipels de la Polynésie française, et qu’il ne s’agit pas d’actes de parasitisme, alors que leur objet est clairement l’amalgame par Pacific Auto Service de la clientèle d’Océanie Pneus Auto Service, amalgame développé par la confusion des sigles, les publicités dans la presse, l’ouverture de sites dans l’agglomération de Papeete et le positionnement auprès de la clientèle professionnelle.

Ils ne sont pas non plus bien fondés à invoquer l’absence de protection de l’élément d’enseigne Auto Service, alors que celui-ci a été, en l’espèce, utilisé intentionnellement par Pacific Auto Service pour violer l’obligation de non concurrence à laquelle était tenu son dirigeant A X.

Le jugement déféré a exactement retenu que la Société Pacific Auto Service s’est rendue complice de la violation par A X de son obligation de non-concurrence. Elle a personnellement et directement causé à la Société Océanie Pneus Auto Service un préjudice d’image en entretenant dans la clientèle et dans le public, ainsi qu’il résulte des publicités et des correspondances produites (station Keatuua, station de Bora Bora, courriers d’Intermat précités), une confusion entre son activité et celle de A X poursuivie à travers la création de Pacific Auto Service.

Au vu des éléments précités, la réparation complète de ce préjudice d’image a été exactement évaluée par le jugement entrepris, sans qu’une mesure d’instruction soit nécessaire, au montant de 10 000 000 FCP, qui est distinct d’une perte de chiffre d’affaires.

L’absence de suite donnée aux mise en demeure et sommation interpellative signifiées par les intimés

a traduit ce que le jugement entrepris a, pour motiver la publicité de la décision, exactement qualifié de manquement patent à la parole donnée et à la foi commerciale. A défaut pour les appelants d’avoir régularisé d’eux-mêmes ces manquements graves quand ils en ont été sommés, le jugement doit aussi être confirmé de ce chef.

Il sera fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice des intimées. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 27 novembre 2015 par le Tribunal Mixte de Commerce de Papeete ;

Condamne in solidum la Sarl Pacific Auto Service et A X à payer à la Sc Mape Nui et à la Sas Océanie Pneus Auto Service la somme globale supplémentaire de 500 000 FCP en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;

Met à la charge de la Sarl Pacific Auto Service et de A X les dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 13 février 2020.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. OPUTU-TERAIMATEATA signé : G. RIPOLL

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Papeete, Chambre commerciale, 13 février 2020, n° 16/00085