Cour d'appel de Paris, 27 février 2013, n° 12/01050

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Chronologie de l’affaire

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Eurojuris France · 21 juin 2013

Parasitisme artistiqueEn matière de propriété intellectuelle, les auteurs le savent : il n'est pas aisé de faire condamner des contrefacteurs astucieux qui s'inspirent malicieusement d'une œuvre, se placent habilement dans le sillage de celle-ci, mais réussissent toutefois à s'en écarter suffisamment sur la forme. Pas simple de combattre ceux que Madame Hélène Maurel-Indart, professeur de littérature à l'Université de Tours, décrit férocement dans sa « Petite enquête sur le plagiaire sans scrupule » ( Car si la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances, un examen comparé des œuvres, …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 févr. 2013, n° 12/01050
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/01050
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 1er décembre 2011, N° 10/01022

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/01050

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/01022

APPELANTES

Madame H I L

XXX

XXX

Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Véronique DE LA TAILLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

assistée de Me Igall MARCIANO, avocat au barreau de PARIS, toque : R076

pl p Me Henri LATSCHA

SA E-Y

exerçant sous l’enseigne ENVIE D’ART

prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Véronique DE LA TAILLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

assistée de Me Charles BOUFFIER, avocat au barreau de PARIS, Toque : P438

(SCP AUGUST et DEBOUZY)

INTIMES

Monsieur B Z

XXX

XXX

Représenté par la SELARL CABINET PIERRAT (Me Emmanuel PIERRAT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0166)

assisté de Me Mathilde VITTORI, avocat au barreau de PARIS, Toque : L166

substituant Me Emmanuel PIERRAT

SARL ERIC W A PRODUCTION

exerçant sous l’enseigne GALERIE W

prise en la personne de son gérant

XXX

XXX

Représenté par la SELARL CABINET PIERRAT (Me Emmanuel PIERRAT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0166)

assisté de Me Mathilde VITTORI, avocat au barreau de PARIS, Toque : L166

substituant Me Emmanuel PIERRAT

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Mme F G, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

— contradictoire

— rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Vu le jugement contradictoire du 2 décembre 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 18 janvier 2012 par H I L,

Vu l’appel interjeté le 3 février 2012 par la SA E-Y, exerçant sous l’enseigne ENVIE D’ART,

Vu l’ordonnance de jonction des deux procédures d’appel du 22 mai 2012,

Vu les dernières conclusions au fond du 12 décembre 2012, et les conclusions de rejet des débats du 8 janvier 2013, de H I L, appelante,

Vu les dernières conclusions du 18 décembre 2012 de la société E-Y, appelante,

Vu les dernières conclusions du 11 janvier 2013 de B Z et de la SARL ERIC W.A PRODUCTION (ci-après dite ERIC.W A) exerçant sous l’enseigne GALERIE W, intimés et incidemment appelants,

Vu l’ordonnance de clôture du 15 janvier 2013,

SUR CE, LA COUR,

Considérant que H I L sollicite le rejet des pièces 64, 65 et 66 adverses visées dans le bordereau des intimés du 2 janvier 2013, qui auraient en réalité été communiquées le 7 janvier 2013 ; que le s intimés soutiennent que ces pièces auraient bien été communiquées le 2 janvier 2013 et réunies pour répondre aux dernières conclusions des appelantes ;

Que la clôture prévue le 8 janvier 2013 a été reportée au 15 janvier 2013 permettant, en tout état de cause, à H I L de prendre connaissance de ces pièces nouvelles, comportant notamment une attestation récente, du 28 décembre 2012, et de formuler, si nécessaire, des observations en réponse, et ce, même si la pièce 66 a simplement été mise à disposition au cabinet du conseil de intimés, s’agissant d’un tableau en original présenté contradictoirement à la cour lors de l’audience de plaidoiries ;

Qu’il n’y a donc pas lieu à rejet des débats pour non respect du principe du contradictoire ;

Considérant que les intimés demandent en dernier lieu d’écarter des débats 'l’ensemble des pièces rédigées en langue arabe et anglaise produites’ par H I L, sans autrement s’en expliquer ; que la langue du procès étant le français, seules les traductions de pièces rédigées en langue étrangère peuvent effectivement être prises en compte ; que, toutefois, des pièces non traduites ne sauraient être écartés dès lors qu’elles ont été régulièrement produites, qu il a pu être contradictoirement débattu de leur portée probatoire, et qu’elles contiennent des éléments n’imposant pas de traduction (telles des images ou dates chiffrées) susceptibles de pouvoir être appréciés par la cour ;

Considérant, au fond, qu’il sera rappelé que B Z, artiste peintre américain installé à Paris, a découvert qu’une artiste peintre française, H I L vivant également à Paris, rencontrée en 2005 lors d’un salon professionnel d’art contemporain (Mac 2000) et qui a visité son atelier, aurait réalisé quatre tableaux qui reproduiraient, selon lui, les caractéristiques de ses oeuvres : 'World Class Building’ de 2001, 'South Chicago’ et 'Heart’ de 2003, et 'Pretty baby where are you’ de 2008, et aurait, en outre, repris ses thèmes 'coeurs’ de 2001, 'portraits’ de 2002, 'boxe’ de 2003 et 'fruits’ de 2005 ainsi que ses titres, couleurs, polices de caractère et techniques ;

Qu’il a, dans ces circonstances, avec la société ERIC W. A, galerie W, le représentant à titre exclusif et ayant obtenu un constat internet le 7 octobre 2009 en particulier sur le site 'www.enviedart.com', fait assigner, les 8 et 12 janvier 2010, devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de droits d’auteur et parasitisme, H I L et la société E-Y, galerie d’art contemporain diffusant, notamment en ligne à l’adresse précitée, les oeuvres litigieuses ; qu’un second constat a été établi par l’Agence pour la protection des programmes (APP) à la demande de la galerie W le 15 avril 2010, montrant des photographies de certaines des oeuvres incriminées ;

Que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont essentiellement :

— dit >, et dit > de B Z et de la société ERIC W. A (Galerie W),

— condamné in solidum H I L et la société E-Y à payer à B Z 20.000 euros pour son préjudice patrimonial, 20.000 euros pour son préjudice moral, outre 0.000 euros pour les actes de parasitisme, et à payer à la Galerie W également 30.000 euros pour ces actes de parasitisme ;

Sur les oeuvres 'Pretty Baby where are you'', 'South CHICAGO', et 'HEART'

Considérant que ne sont pas discutés les dates de réalisation des trois oeuvres actuellement revendiquées, 'Pretty Baby where are you'', 'South CHICAGO', et 'HEART', dont il est prétendu qu’elles auraient été contrefaites et, à titre subsidiaire, qu’elles auraient fait l’objet d’actes de parasitisme ;

Considérant que le principe général de la protection d’une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d’une forme originale n’est pas plus contesté mais H I L et la société E-Y, dont valoir, pour contester le grief principal de contrefaçon, que les similitudes pouvant exister entre les oeuvres en cause procéderaient de réminiscences résultant d’une source d’inspiration commune, et que le tribunal aurait retenu comme caractéristiques dans les oeuvres revendiquées des éléments préexistants dans le travail de H I L, ce qui exclurait leur protection au titre du droit d’auteur;

Considérant que les intimés soutiennent, au contraire, que les travaux de H I L seraient toujours postérieurs aux réalisations de B Z et reprochent à la décision entreprise de n’avoir pas reconnu la protection et, en conséquence, la contrefaçon de l’oeuvre intitulée 'Pretty baby where are you '' ;

Considérant, à cet égard, que les premiers juges ont retenu que cette oeuvre, quoique reproduite dans les écritures et communiquée en copie, ne faisait l’objet d’aucune description et qu’ils n’étaient donc pas en mesure d’apprécier son originalité ; qu’il est admis qu’elle est actuellement décrite et il n’y a pas lieu de l’écarter alors que les parties ont pu en débattre contradictoirement ;

Que pour conclure à l’originalité de cette oeuvre de 2008, qui relèverait d’une série dite des immeubles bleus, initiée en 2000, les intimés soutiennent qu’elle procède de la combinaison des éléments caractéristiques suivants :

— une bande noire en bas du tableau symbolisant la rue ;

— un ou plusieurs gratte-ciels ;

— des voitures au dessin naïf ;

— des tulipes en suspension dans le ciel ;

— des mots en anglais inscrits sur le tableau ;

— une typographie en majuscules >> ;

Que pour contester l’originalité prétendue de ce tableau, les appelantes font valoir que ces caractéristiques se retrouvent dans une oeuvre de H I L, qui selon attestation produite en cause d’appel daterait de 2000, intitulée 'Trash TV', composée de plusieurs petites toiles, la première comprenant :

— Plusieurs gratte-ciels ;

— Des voitures au dessin naïf >>, cette oeuvre comportant dans sa globalité des mots en anglais en majuscules ; qu’ils ajoutent que la tulipe rose était peinte par H I L dès 2001 ;

Considérant qu’il ressort de ces éléments d’appréciation, et de l’examen auquel la Cour s’est livrée des reproductions des tableaux en cause, que manifestement les oeuvres préexistantes ainsi opposées ne présentent que l’un ou l’autre des éléments du tableau revendiqué et non pas tous les éléments dans une combinaison identique à celle invoquée, aucune ne comportant en particulier de fond bleu ;

Que si certains des éléments qui composent le tableau 'Pretty baby where are you '' revendiqué sont effectivement connus et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun de l’univers de l’art contemporain, en revanche, leur combinaison, dès lors que l’appréciation de la Cour doit s’effectuer de manière globale, en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement, confère à ce tableau une physionomie propre qui le distingue des autres tableaux du même genre et qui traduit incontestablement un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur ;

Que, par voie de conséquence, ce tableau est digne d’accéder à la protection instituée au titre du droit d’auteur et la décision entreprise ne peut qu’être infirmée sur ce point ;

Considérant que s’agissant du tableau 'South CHICAGO', les intimés revendiquent les caractéristiques suivantes :

— une bande noire en bas du tableau symbolisant la rue ;

— un ou plusieurs gratte-ciel.

— des mots en anglais inscrits sur le tableau;

— une typographie en majuscules ;

— des voitures au dessin naïf ;

· un trait horizontal en partie supérieure>> ;

Que les appelantes opposent à ce tableau l’oeuvre 'Trash TV’ de H I L qui présente sur fond noir avec des inscriptions en lettres majuscules, plusieurs petites toiles à la manière de vignettes ou écrans de télévision, dont la première montre sur fond rouge des immeubles avec une bande noire en bas symbolisant la rue et deux voitures au dessin naïf ; qu’à supposer que cette oeuvre ait préexisté et que H I L n’ait pu savoir que B Z avait initié dès 1999, comme tend à le démontrer un tableau intitulé 'BETTER DAYS OF JUDGEMENT’ portant la mention ' B 99", la série de ses tableaux d’immeuble (s) sur fond rouge avec en bas une bande noire figurant la rue et le dessin naïf de voitures, force est de relever que la petite toile ainsi opposée ne comporte aucun mot ou inscription ni trait noir horizontal, alors qu’il souligne le nom de la ville représentée dans le tableau revendiqué ;

Qu’il ressort de l’examen des copies produites que l’oeuvre opposée ne présente ainsi pas tous les éléments revendiqués dans la même combinaison ; que le tableau de 2003 'South CHICAGO’ traduit en réalité des choix arbitraires purement esthétiques reflétant la personnalité de son auteur et présente une apparence qui le distingue manifestement d’autres tableaux du même genre, y compris au demeurant de ceux réalisés par cet auteur sur le même thème notamment en 2001 et 2002 reproduits dans un ouvrage édité en 2008, confirmant que de nombreuses combinaisons graphiques et représentations sont possibles, chaque tableau conférant une impression d’ensemble propre ; que c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que 'South CHICAGO’ bénéficiait de la protection au titre du droit d’auteur ;

Considérant que pour l’oeuvre intitulée 'HEART’ la combinaison suivante est revendiquée :

— une façon bien particulière de dessiner le c’ur : en rouge et bordé d’un trait noir ;

— la technique utilisée pour le fond du tableau : du collage de papiers journaux ;

— des inscriptions manuscrites apposées sur l’ensemble de l’oeuvre>> ;

Que les appelantes ne contestent pas en fait l’originalité de cette combinaison, pertinemment admise en première instance, même si elles rappellent que certains de ses éléments pris séparément, tels la technique du collage de papiers ou la présence d’un coeur, relèvent du patrimoine commun des artistes appartenant au courant de l’expressionisme abstrait, de la figuration libre ou néo expressionnisme, du pop art ou du street art, que le choix de la représentation d’un coeur rouge est banal, ou que celui d’un coeur rouge bordé de noir préexistait ; que le jugement entrepris sera également approuvé de ce chef ;

Considérant que les premiers juges ont, par contre, estimé, au vu des procès verbaux de constat sur internet des 7 octobre 2010 et 15 avril 2010 et de l’examen visuel des reproductions en cause, que les deux tableaux 'American Dream’ et 'I Love Paris’ de 2007 et 2009 réalisés par H I L reproduisent, dans une combinaison identique, l’ensemble des caractéristiques des peintures susvisées 'South CHICAGO’ et 'Heart’ de B Z ; que les appelantes contestent cette appréciation ;

Qu’il s’infère de la comparaison à laquelle la Cour a procédé des reproductions des oeuvres en cause, que les deux tableaux incriminés commercialisés par la société E-CANOPI donnent à voir, à l’instar des deux créations originales opposées :

— s’agissant de 'AMERICAN DREAM', comme 'South CHICAGO', un fond rouge, une bande noire en bas du tableau symbolisant la rue, plusieurs gratte-ciel, des mots en anglais en majuscules et des voitures au dessin naïf avec un trait horizontal en partie supérieure,

— s’agissant de 'I LOVE PARIS', comme 'Heart', un slogan débutant par « Love is », un rouge bordé d’un trait noir, un fond de tableau constitué de collage de papiers journaux et

des inscriptions manuscrites apposées sur l’ensemble de l’oeuvre ;

Que, cependant, l’impression de proximité qui se dégage de la reprise de ces éléments ne permet pas pour autant de retenir une reproduction au sens du droit d’auteur alors qu''AMERICAN DREAM’ présente des collages en papiers journaux, inexistants dans le tableau 'South CHICAGO', et qu''I LOVE PARIS’ représente un unique grand coeur rouge sans inscription sur un fond de collage de journaux de sens différent avec une bande noire en bas, inexistante dans le tableau 'Heart’ figurant un grand coeur aux nuances rouge et rose portant des inscriptions, accompagné de l’ébauche de coeurs plus petits, sur un fond représentant la double page d’un même journal ;

Qu’il s’infère de ces observations que la contrefaçon, définie à l’article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, par la représentation, la reproduction ou l’exploitation de l’oeuvre faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit n’est pas suffisamment caractérisée en l’espèce, et la décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a retenu et sanctionné des actes de contrefaçon ;

Considérant, de même, que si la comparaison des reproductions de 'MANHATTAN’ et de 'Pretty Baby where are you’ montre la reprise d’un fond bleu, d’une bande noire en bas du tableau symbolisant la rue, de plusieurs gratte-ciels, de voitures au dessin naïf , de tulipes en suspension dans le ciel, de mots en anglais inscrits en majuscules, l’impression d’ensemble demeure nettement distincte ;

Qu’en effet le tableau de Roy Z traduit le parti pris esthétique d’aligner les inscriptions en majuscules, en blanc, sur tout son fond bleu et d’apposer en haut un trait rouge soulignant la première ligne des inscriptions, incluant t le titre du tableau, alors que H I L ne souligne pas le titre de son oeuvre et mentionne des groupes de mots épars en utilisant trois couleurs en sus du blanc (rouge, bleu foncé et jaune), sur un fond d’un bleu manifestement moins soutenu, conférant à l’ensemble une atmosphère propre ;

Que le tableau revendiqué montre, par ailleurs, des immeubles dépourvus de pointes et présentant des fenêtres à quatre carreaux, quasiment sur toutes les faces visibles, semblant former deux groupes solidaires et une circulation dense figurée avec des véhicules , apparaissant comme tracés à la craie seule leur partie centrale étant colorée, tandis que le tableau incriminé montre trois grattes ciels isolés avec chacun une flèche au sommet, des fenêtres à carreau unique sur partie de leur façade et une circulation plus dispersée avec des véhicules entièrement colorés;

Que si la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances, celles-ci s’avèrent en l’espèce totalement occultées par ces différences de choix arbitraires donnant à voir une impression globale distincte, d’univers reflétant la personnalité d’auteurs différents ; que la contrefaçon du tableau 'Pretty Baby where are you'' ne s’avère, en conséquence, pas caractérisée, et les demandes de ce chef ne sauraient prospérer ;

Considérant qu’il ne saurait pas plus être retenu que le tableau 'MANHATTAN’ s’inscrit dans le sillage du tableau de B Z, alors que manifestement il est l’aboutissement d’un travail personnel qui, nonobstant la reprise de certains éléments, en donne une interprétation étrangère à celle voulue par B Z dans son tableau 'Pretty Baby where are you '' ;

Considérant, en revanche que le tableau 'I LOVE PARIS’ de 2007 traduit une proximité de réalisation telle qu’il évoque nécessairement l’oeuvre de B Z par le choix d’un fond similaire, de la mise en valeur d’un coeur rouge souligné de noir, d’apposition d’inscriptions dans un graphisme essentiellement noir et la reprise d’un début de slogan 'Love Is’ pouvant laisser supposer, nonobstant la mention du nom de l’auteur, qu’il s’agit d’une déclinaison d’un tableau préexistant de B Z, d’autant que celui-ci est alors connu, comme d’autres artistes, pour réaliser des séries sur un même thème, ce que ne pouvait ignorer H I L qui connaissait son travail ainsi qu’il résulte notamment d’une attestation qu’elle produit en pièce 18 ;

Que ces faits susceptibles de générer un risque de d’assimilation avec l’oeuvre de B Z, fruit d’un travail de création propre, ayant une valeur économique mise en valeur par la société ERIC W. A, de nature à procurer indûment un avantage aux appelantes ne sauraient résulter d’une simple inspiration commune, mais caractérisent suffisamment des actes parasitaires ;

Que le tableau 'AMERICAN DREAM’ de 2009 s’inspire également trop largement de 'South CHICAGO', étant observé qu’il est très différent de la petite toile, dépourvue de tout inscription, incorporée dans le tableau précité 'Trash TV’ de H I L ; que l’oeuvre ultérieure de cette dernière représentant 'New York City’ reprend en effet des inscriptions en anglais en lettres majuscules, tant sur le fond rouge que sur la bande noire figurant la rue, et souligne comme 'South CHICAGO’ le nom en lettres blanches de la ville représentée, associe une publicité aux immeubles, et montre des voilures aux traits carrés caractérisant la volonté de se servir de l’oeuvre d’autrui dans un but qui ne peut être que lucratif, B Z étant alors incontestablement connu, ainsi qu’en justifient les pièces produites aux débats, ce qui constitue un acte de parasitisme ;

Considérant, en définitive, que les intimés sont fondés à reprocher aux appelantes des actes de parasitisme des oeuvres 'South CHICAGO’ et 'HEART’ de B Z ;

Sur les thèmes, titres, couleurs, polices de caractères et techniques

Considérant que les premiers juges ont retenu que H I L :

' aurait peint :

— en 2003, un portrait de Frida Kahlo, alors que B Z aurait réalisé en 2002 un portrait d’D E avec une palette de couleur identique et une inscription similaire, la reproduction de fleurs évoquant une autre série de tableaux de ce peintre,

— en 2007, un tableau intitulé 'Strawberry’ qui comporterait les mêmes caractéristiques titre et fond) qu’un tableau peint en 2005 par B Z, et différents coeurs similaires à ceux de ce dernier de 2001,

— en 2008, un tableau 'Boxing’ représentant deux gants de boxe, alors que B Z avait peint en 2003 une scène de boxe intitulée 'Boxe’ ;

' aurait repris, sans nécessité, en 2008, le titre 'Hair Cut’ d’un tableau de B Z de 2006 et peint une déclinaison de ce tableau

' aurait à compter de 2008, indiqué le titre de ses oeuvres sur ses toiles, recouvert ses tableaux d’inscriptions dans une calligraphie très similaire à celle utilisée par B Z et repris sa technique du collage ;

Que les appelantes dénient les agissements parasitaires ainsi retenus à leur encontre, faisant valoir que les éléments utilisés sont de libre parcours et communs à de nombreux artistes ;

Considérant qu’effectivement le seul fait de reprendre l’idée de thèmes, pour réaliser des séries, telles celle de fruits, de boxe, de portraits, ou de coeurs ne saurait suffire à caractériser une volonté fautive de se placer dans le sillage du travail d’autrui, dès lors qu’il s’agit de thèmes du domaine public et qu’ils sont traités de manière propre ;

Qu’il en est ainsi des représentations incriminées :

— le portrait de personnalités distinctes (pièces 18 et 19 des intimés) n’étant pas fautif, même si les tableaux ont en commun un fond rouge et des inscriptions alignées en lettres majuscules blanches, le choix de H I L d’entourer à la manière d’un cadre son portrait de fleurs et de faire apparaître le visage et le cou dans une couleur distincte, lui permettant de se démarquer nettement du travail de B Z, étant ajouté que le fait de reprendre l’idée d’imprimer son propre visage sur un tableau ne saurait pas plus caractériser une action parasitaire alors que l’examen des pièces 20 et 21 des intimés montrent un traitement radicalement différent des autoportraits en cause,

— le tableau 'STRAWBERRY’ de H I L (pièce 15) présente une fraise, comme apposée sur un fond de journal, alors que le tableau de B Z (pièces 14, 57, 58 et 64) ne montre qu’une fraise isolée, représentée de manière plus réaliste, sur un fond noir, et il ne peut être retenu que la présence en bas du tableau d’une bande noire, évoquerait nécessairement la bande claire, plus fine et régulière, du tableau de B Z, ni que la technique de collage de papier journal utilisée dans le tableau incriminé, ou la traduction anglaise du fruit représenté, mentionnée en haut du tableau, seraient forcément associées au travail de B Z,

— le fait que le tableau 'Boxing’ (pièce 17) représente deux gants de boxe rouges, alors que celui de B Z 'Boxe’ (pièce 16) montre deux boxeurs munis de gants de couleur rouge, couleur n’apparaissant pas présenter de caractère inhabituel dans le domaine de la boxe, ne saurait pas plus suffire à caractériser une volonté fautive de bénéficier d’une oeuvre antérieure, qui n’a aucun autre point commun qu’un thème, la boxe, que tout artiste doit pouvoir figurer, comme déjà traité par H I L dans une des 'vignettes’ du tableau 'Trash TV’ précité ;

Que le thème du coeur associé à un message est universel et à cet égard l’usage du rouge, du noir ou du blanc n’est pas l’apanage exclusif d’un artiste ; qu’il n’existe aucune réelle similitude permettant de retenir une évocation fautive du fait des reproductions de 2007 incriminées par les intimés (pièces 23 et 25), dont 'COEURS’ représentant quatre coeurs inclinés entourés d’inscription sur fond rouge ou noir, alors que les coeurs représentés par B Z en 2001 sont visiblement plus graphiques (pièces 22 et 24) y compris 'BIG HEART’ représentant un coeur noir isolé, comme en suspension, sur fond rouge, et ce, même si les coeurs de I L sont aussi délimités par un trait et si ses tableaux présentent aussi des inscriptions en fines lettres blanches, étant observé qu’il n’est pas contesté (pièce 59 : interview de B Z) que d’autres peintres, tel X, utilisaient déjà le langage dan s leurs oeuvres, et qu’il s’agissait visiblement de majuscules de taille variable ;

Considérant, enfin, que l’adoption d’un titre anglais 'Strawberry’ correspondant manifestement à l’objet représenté ne saurait être fautif, pas plus que l’utilisation du titre 'HAIR CUT’ en lettres blanches d’imprimerie en haut d’un tableau, alors que ce titre, facilement compréhensible en France par 'coupe de cheveux', conforte l’apposition de la mention 'salon coiffure’ sur le tableau de H I L représentant un visage de femme blonde (pièce 27 des intimés), étant observé que si B Z avait utilisé ce titre (pièce 26) en le positionnant de façon similaire sur son tableau, celui-ci montre le visage d’un garçon dans une toute autre composition et dans un tout autre univers de couleur et de représentation, excluant tout rapprochement entre ces oeuvres nonobstant un intitulé commun, et que d’autres artistes, tel M-N X précité, plaçaient déjà leurs titres sur leurs toiles ;

Qu’il ne saurait donc être admis que des agissements déloyaux ou fautifs sont caractérisés de ces chefs ; que les premiers juges ont, par ailleurs, exactement relevé que B Z ne pouvait valablement revendiquer l’utilisation de la couleur verte (ou d’un fond vert) du tableau 'Salon de coiffure’ de H I L (pièce 31 des intimés) comme présent dans son tableau 'The Underground Man’ (pièce 30), ni de la couleur ocre (ou brun-ocre) du tableau 'New York’ de H I L (pièce 33) qui ne présente aucune autre similitude avec son tableau ' Behin you Saten’ (pièce 32) ;

Qu’il sera jouté que la reprise dans le tableau 'Salon de coiffure’ précité d’une bande noire en haut du tableau ou l’utilisation de fleurs roses isolées en suspension, n’évoque pas forcément la série de tableaux d’immeubles rouges (pièce 5 des intimés), portant sur un tout autre thème, de B Z où les fleurs en suspension des tableaux de 2001 s’avèrent mêlées à d’autres éléments graphiques, et le fait pour H I L d’intituler un tableau 'Salon de coiffure’ en montrant le visage de trois femmes ne saurait présenter de caractère fautif ;

Considérant, plus généralement, que l’utilisation de bandes noires, de fleurs roses en suspension, de lettres majuscules espacées blanches, de nombreuses inscriptions, de présentation du titre, de collages de journaux ou d’autres petits éléments ( pièces 34 et 35 des intimés montrant des oeuvres par ailleurs différentes) ne suffit pas à caractériser une appropriation fautive d’éléments essentiels du travail et des réalisations de B Z qui seraient utilisés afin 'de gagner du temps et réussir à >' ni une volonté de ne pas permettre une identification facile de l’auteur des oeuvres par un amateur moyennement attentif, étant précisé que dans le domaine de l’art l’auteur ou le signataire d’une oeuvre constituent des éléments non négligeables de l’acte d’achat pour un public normalement avisé, même si plusieurs personnes ont pu se déclarer interpellées par la proximité du travail des deux artistes en cause, aucune d’elles n’apparaissant avoir été réellement trompée sur ce point ;

Qu’il ressort de l’examen auquel la cour a procédé des différentes reproductions en cause que celles-ci demeurent propres, même si elles relèvent d’un genre contemporain et comportent des éléments similaires ou communs, H I L apportant une empreinte personnelle ; qu’il ne s’avère ainsi pas suffisamment établi que les oeuvres incriminées renvoient nécessairement par le choix de leur thème (fruits, boxe, portraits et autoportraits, coeurs), titres, couleurs, polices de caractères ou techniques, au travail de B Z et ne seraient que très difficilement identifiables ;

Considérant que la décision entreprise sera, en conséquence, infirmée en ce qu’elle a retenu à la charge des appelants des agissements parasitaires de ces chefs ;

Sur la réparation du préjudice et la garantie

Considérant qu’il est suffisamment établi que B Z est connu du public en France à raison d’expositions et d’articles de presses au moins depuis 2005-2006 et que H I L s’intéressait alors à son travail ;

Que, selon les pièces produites par les appelantes, les oeuvres parasitaires 'AMERICAN DREAM’ (format 100X80 cm) et 'LOVE’ (format 30X30 cm) auraient été respectivement vendues, les 3 octobre 2009 et 8 février 2007, moyennant le prix de 2.000 euros TTC et de 350 euros TTC ;

Que le préjudice subi, tant par l’auteur des oeuvres 'South CHICAGO’ et 'HEART’ que par la galerie qui le représente, du fait des agissements parasitaires admis en cause d’appel, ne saurait se limiter au prix de vente des oeuvres incriminées alors que celles-ci ont manifestement porté atteinte au travail de B Z et qu’un risque de confusion avec ses oeuvres a pu naître du fait de ces agissements, même si la baisse de sa cote et les frais supplémentaires y afférents tels qu’allégués pour les petits formats (2005 et 2006) et pour les grands formats (2006 et 2007) ne sauraient en tout état de cause leur être imputés, s’agissant de circonstances antérieures aux fautes retenues ;

Considérant qu’en l’état de ces éléments d’appréciation, le préjudice subi par chacun des deux intimés sera entièrement réparé par l’allocation, à chacun, d’une indemnité de 5.000 euros ;

Considérant que H I L ne conteste pas plus en cause d’appel qu’en première instance devoir garantir la société E-Y, s’étant engagée aux termes de l’article 7 du mandat de vente par elle consenti en 2007 à la garantir de toute action en responsabilité au titre de la violation du droit quelconque d’un tiers imputable à une oeuvre, ainsi qu’exactement retenu par les premiers juges ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

PAR CES MOTIFS,

Dit n’y avoir lieu à rejet des débats ;

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a reconnu que les tableaux intitulés 'South Chicago’ et 'Heart’ doivent bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, et en ses dispositions relatives à la garantie due par H I L à la société E-Y, à l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne in solidum H I L et la société E-Y à payer à B Z et à la société ERIC W.A PRODUCTION, à chacun d’eux, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme des oeuvres 'South CHICAGO’ et 'Heart', de B Z ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne in solidum H I L et la société E-Y, cette dernière devant être garantie par H I L, aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, et dit n’y avoir lieu à nouvelle application de l’article 700 du dit Code au titre des frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Paris, 27 février 2013, n° 12/01050