Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 2 juin 2015, n° 2014/03083

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 02 JUIN 2015

Pôle 5 – Chambre 1

(n°113/2015, 10 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 14/03083

Décisions déférées à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d Paris du 28 Février 2013 – RG n° 10/08508 Jugement du tribunal de grande instance de Paris – 3e chambre – 1re section – du 19 décembre 2013

APPELANTE SARL H & M HENNES & MAURITZ Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège. Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris 398 979 310 […] 75002 PARIS FRANCE Représentée et assistée de Me Julien F de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0390

INTIMÉE Société G-STAR RAW C.V. Société en commandite simple de droit néerlandais; venant aux droits de la société G-STAR INTERNATIONAL BV – prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social 100, Keienbergweg 1101 GH AMSTERDAM PAYS-BAS Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441 Assistée de Me Stéphane C de l’A VIVIEN & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R210

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 07 Avril 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Madame Anne-Marie GABER, Conseillère Mme Nathalie AUROY, Conseillère qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT : contradictoire • par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

Vu l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris le 28 février 2013,

Vu le jugement rendu le 19 décembre 2013 par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 11 février 2014 par la société H&M Hennes et Mauritz (société H&M) à l’encontre de ces deux décisions,

Vu les dernières conclusions numérotées 4 transmises le 20 février 2015 par la société H & M,

Vu les dernières conclusions transmises le 6 février 2015 par la société G-Star Raw C. V.,

Vu l’ordonnance de clôture du 24 février 2015,

MOTIFS DE L’ARRÊT Considérant que la société de droit néerlandais G-Star International B.V., ayant pour principale activité la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements, d’articles textiles et d’accessoires, a commercialisé un pantalon en jean dénommé 'Elwood’ ;

Qu’ayant découvert que la société H&M, filiale française du groupe suédois éponyme, spécialisé dans la fabrication et la commercialisation d’articles de mode, avait commercialisé en France un pantalon en jean sous la référence 'Jeans Young 386580" reproduisant selon elle les caractéristiques faisant l’originalité du jean 'Elwood', et ce, selon elle, en contrefaçon de ses droits d’auteur sur ce jean, la société G-Star International B.V. a fait l’acquisition de deux jeans litigieux dans des magasins à l’enseigne H&M, mis en demeure
- respectivement les 4 et 6 août 2009 - !a société mère H & M et sa filiale française de confirmer par écrit avant le 20 août 2009 avoir cessé toute reproduction illicite et fait procéder, le 11 août 2009, à un constat par huissier de justice dans deux magasins à l’enseigne H&M situés […] et Forum des Halles, Porte Lescot niveau -1, -2 et -3, 75001

Paris ; qu’un exemplaire du jean argué de contrefaçon était acheté dans chaque magasin au prix de 39,90 € ;

Que, par acte du 4 juin 2010, la société G-Star International B.V. a fait assigner la société H&M devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence déloyale et parasitaire ;

Que, sur autorisation du juge de la mise en état de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris, en date du 12 janvier 2011, elle a fait procéder, le 14 janvier 2011, à une saisie-contrefaçon dans les locaux du siège social de la société H&M ; qu’aux termes du procès-verbal, la société H&M indiquait avoir commercialisé le jean argué de contrefaçon sous la référence 36858, 'parfois ajouté d’un zéro devant ou derrière, mais n’être pas en mesure de communiquer de documents comptables ;

Que, par ordonnance du 1er mars 2011, le juge de la mise en état a déclaré la société H&M irrecevable en sa demande de rétractation de l’ordonnance du 12 janvier 2011 ; que par arrêt du 20 juin 2012, la cour d’appel de Paris a déclaré irrecevable l’appel formé par la société H&M contre cette ordonnance ; que cet arrêt a été cassé (1re civ. 5 février 2014, n° 12-25.492) pour violation de l’article 776 du code de procédure civile, ensemble les principes qui gouvernent l’excès de pouvoir, l’ordonnance refusant de rapporter la mesure litigieuse, comme celle prescrivant celle-ci, ayant été rendue par le juge de la mise en état agissant en cette seule qualité, alors qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du juge de la mise en état de l’ordonner ; que par arrêt du 13 janvier 2015, la cour d’appel de Versailles statuant comme cour de renvoi, après avoir énoncé que la voie de recours ouverte contre l’ordonnance sur requête du 12 janvier 2011 n’était pas la rétractation mais l’appel nullité et constaté que la société H&M n’avait pas interjeté appel de l’ordonnance du 12 janvier 2011, mais de la seule décision du 1er mars 2011, a confirmé par substitution de motifs l’ordonnance déférée en qu’elle a déclaré la société H&M irrecevable en sa demande de rétractation ;

Que la société G-Star Raw CV, venant aux droits de la société G-Star International B.V, est intervenue volontairement à la procédure par conclusions du 29 juin 2011 ;

Que par ordonnance du 28 février 2013, le juge de la mise en état a débouté la société H&M de sa demande de production des originaux en version intégrale des actes suivants : • le contrat de cession et de transfert de droits d’auteur du 20 décembre1995 conclu entre la société Dépêche Hommes B.V. et M. M, d’une part, et la société G-Star International B.V., d’autre part, avec ses annexes A et B,

• le contrat de vente et d’achat d’activité du 31 mars 2011 conclu entre la société G-Star International B.V. et la fondation Stichting Bluebox Beher agissant en tant qu’associée unique commanditée de la société G-Star Raw C.V., avec ses annexes, • l’acte de cession des droits de propriété intellectuelle du 19 avril 2011 conclu entre la société G-Star International B.V et la société G-Star Raw C.V, avec son annexe 1, •et condamné la société H&M à verser à la société G Star Raw C.V. la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens étant réservés ;

Que dans son jugement du 19 décembre 2013, le tribunal a :

•déclaré la société G-Star Raw C.V. venant aux droits de la société G- Star International B.V. recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur sur le jean 'Elwood', • déclaré la société G-Star Raw C.V. irrecevable en ses demandes au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire, • rejeté la demande de nullité du procès-verbal de constat d’huissier du 11 août 2009, • prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 14 janvier 2011, • dit que le jean vendu et/ou proposé à la vente sous la référence « Jeans Young 386580 » par la société H&M contrefait le jean « Elwood » sur lequel la société G-Star Raw C.V. est titulaire de droits d’auteur, • condamné la société H&M à réparer le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis au préjudice de la société G-Star Raw C.V.,

en conséquence, • ordonné à la société H&M de cesser tout acte de contrefaçon du jean « Elwood » en France et de ne plus détenir, vendre ou offrir à la vente des produits contrefaisant le jean Elwood et ce, sous astreinte provisoire de 75 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement et courant pendant un délai de six mois, • ordonné avant dire droit sur le montant définitif du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon, à la société H&M de produire dans le mois de la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard passé ce délai et ce pendant un délai de trois mois : les quantités produites, commercialisées, reçues ou commandées sur le territoire français, le chiffre d’affaires résultant de la commercialisation du jean vendu sous la référence « Jeans Young 386580 », la durée de cette commercialisation ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments, la liquidation des astreintes provisoires ordonnées étant réservée, • ordonné le retrait de tous les magasins H&M des produits contrefaisants s’agissant du jean référencé 'Jeans Young 386580" et leur destruction, aux frais de la défenderesse et ce sous constat d’huissier dans le mois de la signification du jugement,

• dit que les parties une fois les documents produits évalueront le montant du préjudice subi et à défaut d’accord saisiront à nouveau le tribunal pour statuer sur son évaluation, • débouté la société G-Star Raw C.V. de sa demande d’expertise sur le préjudice subi, • débouté la société G-Star Raw C.V.de sa demande provisionnelle à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, • débouté la société G-Star Raw C.V.de sa demande de publication judiciaire, • déboute la société H&M de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, • condamné la société H&M à verser à la société G-Star Raw C.V. la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. • ordonne l’exécution provisoire, hormis en ce qui concerne la mesure de destruction des stocks, •condamné la société H&M au paiement des entiers dépens.

— sur la recevabilité à agir de la société G-Star Raw C.V. : Considérant que la société G-Star Raw C.V., venant aux droits de la société G-Star International, se prévaut à titre principal en sa qualité d’exploitant d’une présomption de titularité du droit de propriété incorporelle d’auteur sur le jean 'Elwood', divulgué en 1996 sous le nom commercial de G-Star ; qu’elle ajoute qu’en tout état de cause, elle rapporte la preuve de la transmission des droits d’auteur à son bénéfice ;

Que la société H&M soutient que, puisque la société G-Star Raw C.V. les invoque comme confortant son droit d’agir, la production des originaux des actes des 20 décembre 1995, 31 mars 2011 et 19 avril 2011 produits en photocopie est une obligation qu’impose le principe du contradictoire et une mesure nécessaire à la solution du litige ; que, selon elle, la société intimée est irrecevable à invoquer cette présomption, dès lors qu’elle a tenté auparavant d’utiliser un faux (l’acte du 20 décembre 1995, pour lequel elle soulève un incident de faux) pour établir la titularité des droits qu’elle allègue et qu’elle n’établit pas venir aux droits de la société G-Star International ; qu’elle ajoute qu’en toute hypothèse les conditions de la présomption ne sont pas satisfaites ;

Considérant qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation non équivoque d’une œuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’œuvre du droit de propriété incorporelle d’auteur ;

Considérant que la société G-Star Raw C.V. est recevable à invoquer, en réplique, cette présomption de titularité des droits d’exploitation, sans qu’il y ait lieu au préalable de vérifier l’acte du 20 décembre 1995

qui n’entre pas en compte dans l’appréciation de l’existence d’actes d’exploitation, dont il appartient seulement à la société intimée de rapporter la preuve ; que toutefois, dès lors qu’immatriculée à la chambre de commerce d’Amsterdam depuis le 4 janvier 2011, elle indique avoir repris entièrement l’activité de la société G-Star International B.V. en avril 2011, à la suite de la cessation d’activité de cette dernière, il y a lieu, en présence d’une contestation de la société appelante, d’examiner si elle justifie venir valablement aux droits de cette société pour la défense de ses droits dans la présente instance ;

Considérant que l’acte de cession des droits de propriété intellectuelle du 19 avril 2011 conclu entre la société G-Star International B.V et la société G-Star Raw C.V, dont la copie et la traduction certifiée en français sont produites en pièce n°47 par la société intimée, prévoit expressément la cession par la première de ces sociétés à la seconde des droits de propriété intellectuelle non déposés, incluant, notamment, les droits d’auteur, qu’elle détient à la date de signature (paragraphe B du Préambule), ainsi que du droit de poursuivre toutes les procédures judiciaires impliquant les droits de propriété intellectuelle possédés (article 3) ;

Que, si les copies d’actes sous seing privé n’ont par elles-mêmes aucune valeur juridique et ne peuvent suppléer au défaut de production de l’original dont l’existence est déniée, en l’espèce, il est produit de surcroît par la société intimée, en pièce n°76 bis, un certificat notarié établi aux Pays Bas attestant sans ambiguïté que le document joint – correspondant à l’acte de cession produit en pièce n°47 – est la copie conforme du document original qui a été montré au notaire, dont l’authenticité n’est pas discutée, et rendant la production de l’original inutile ;

Que, n’étant pas contesté que l’acte de cession du 19 avril 2011 a été conclu aux Pays Bas, la société H&M n’est pas fondée à invoquer l’article 1328 du code civil pour soutenir que celui-ci lui serait inopposable, faute d’enregistrement, dès lors que c’est la loi du lieu de conclusion du contrat, soit la loi néerlandaise, qui s’applique à la force probante de sa date, et que la société appelante n’établit pas que la disposition française susvisée est, comme elle l’affirme, une loi de police, alors que son observation n’apparaît pas pouvoir être jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique de l’Etat français ; qu’elle n’invoque par ailleurs aucune violation de la loi néerlandaise ;

Qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, et sans qu’il soit non plus nécessaire de se prononcer sur la force probante de l’extrait du contrat de vente et d’achat d’activité du 31 mars 2011 conclu entre la société G-Star International B.V. et la fondation Stichting Bluebox Beher agissant en tant qu’associée unique commanditée de la société G-Star Raw C.V., produit en pièce n°60 par la société intimée, que cette dernière justifie venir valablement aux droits de la société G-Star

International B. V. dans la présente instance et est donc recevable à invoquer la présomption de titularité ;

Considérant qu’il convient à présent de vérifier si les conditions de cette présomption sont satisfaites ;

Considérant que dans trois attestations, dont une produite par la société H&M, M. Pierre M, designer, indique avoir créé pour la société G Star International B. V. le jean de base 'Elwood', précisant dans l’une sa référence, soit 5620, et la date de création, en août 1995 ; que, nonobstant leur forme dactylographiée, ces attestations, concordantes, signées par l’intéressé et accompagnées – pour celles produites par la société intimée – d’une photocopie de sa carte d’identité, présentent des garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour sur la véracité des déclarations qu’elles contiennent ; qu’elles sont en outre confirmées et confortées par les différents articles de presse versés aux débats par la société G-Star Raw C.V., faisant état de ce que le jean 'Elwood’ (parfois accompagné de la référence 5620), créé par M. M, a été lancé en 1996 par G-Star, nom commercial de la société néerlandaise, dont il a été le premier grand succès – plus de six millions d’exemplaires ayant été commercialisés en 2006, date de son dixième anniversaire - ; qu’enfin, la société intimée produit des factures de février 2006, mai 2007, février 2008 et mars 2008, émanant de sa filiale en France, la société G-Star France, ainsi que, pour répondre aux objections de la société appelante, de multiples factures datant de 2004 entre ces deux sociétés justifiant de l’existence de transactions entre elles pour l’importation de ce même jean, démontrant la commercialisation paisible et sous son nom depuis cette date du jean 'Elwood’ référencé 5620 ; qu’il importe peu que la marque 'G-Star’ appartienne, non pas à la société mère néerlandaise, mais à l’une ou l’autre de ses filiales à l’étranger ;

Qu’il est suffisamment justifié par l’ensemble de ces éléments d’une exploitation non équivoque du jean 'Elwood’ par la société G-Star Raw C. V., venant aux droits de la société G-Star International C.V., faisant présumer, à l’égard de la société H&M, recherchée pour contrefaçon, qu’elle est titulaire sur ce jean du droit de propriété incorporelle d’auteur ; qu’il convient donc de confirmer le jugement déféré qui la déclare recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur sur le jean 'Elwood’ ;

Considérant qu’il y a lieu par ailleurs de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée qui déboute la société H&M de sa demande de production des originaux en version intégrale des actes des 20 décembre 1995, 31 mars 2011et 19 avril 2011 et de rejeter toutes les demandes de la société H&M relatives à ces actes ;

— sur l’originalité du jean Elwood :

Considérant que la société G Star Raw C.V. revendique pour son jean 'Elwood’ la combinaison originale des caractéristiques suivantes : • un empiècement en jean de forme arrondie situé au niveau de chaque genou, contenant des surpiqûres placées au centre, à l’avant du jean ; • une couture en diagonale située sous les poches avant du jean ; • une surpiqûre apposée au niveau de chaque genou, à l’arrière du jean; • une bande horizontale située au bas de chaque jambe, à l’arrière du jean ;

Que la société H&M lui oppose qu’il n’existe aucune garantie de conformité entre la pièce adverse n°15 et l’œuvre revendiquée, laquelle serait en réalité une forme tridimensionnelle de pantalon, selon une déclaration attribuée à M. M, inspirée 'd’un pantalon de motard qui se serait déformé après de longues heures passées sur une bécane', aux termes mêmes des écritures de la société intimée, que trois des caractéristiques décrites, purement techniques, auraient pour fonction de produire, et qui serait dépourvue d’originalité comme déjà connue, la quatrième, soit la couture en diagonale située sous les poches avant, étant banale et déjà connue dans l’art antérieur ;

Considérant, ceci exposé, qu’il est suffisamment justifié de ce que le jean produit en pièce n°15 par la société G Star Raw C.V. , qui porte non seulement une étiquette extérieure cartonnée agrafée mais aussi une étiquette blanche intérieure cousue portant la mention 'Elwood’ 'Style 5620" et correspond à la description graphique qui en est faite sur la fiche technique reconnue comme étant celle du jean 'Elwood’ par son créateur, correspond à l’œuvre revendiquée ;

Considérant que l’effet recherché par l’agencement des caractéristiques invoquées par la société intimée, consistant à rappeler la forme d’un pantalon de motard, est purement esthétique et ornemental ; que, de fait, ces caractéristiques, qui rappellent celles d’un pantalon de motard, ne répondent ici à aucune nécessité fonctionnelle, le jean 'Elwood’ ayant vocation à être porté dans la vie quotidienne ; qu’elles ne présentent d’ailleurs pas les éléments techniques et de sécurité nécessaires à la conduite d’une moto (matière, protections renforcées au niveau des genoux), à la différence des pantalons de motard mentionnés par la société H&M ; que, certes, la couture en diagonale située sous les poches avant du jean litigieux figure déjà sur des pantalons en jean préexistants, mais sa combinaison avec les autres caractéristiques d’apparence utilitaire procède de choix esthétiques arbitraires et confère au jean litigieux une physionomie propre portant l’empreinte de la personnalité de son auteur ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il retient l’originalité du jean 'Elwood’ ;

— sur les actes de contrefaçon :

* sur la demande en nullité, ou en Irrecevabilité comme preuve, du procès-verbal de constat du 11 août 2009 :

Considérant que la société H&M conteste la validité de ce procès-verbal, aux motifs que 'le clerc habilité aux constats’ qui a mené les opérations n’a assisté personnellement à aucun acte d’achat et que la personne qui est entrée et sortie des magasins H&M et qui aurait prétendument procédé à l’achat de deux pantalons est un membre d’un cabinet d’avocats conseil de la société requérante ; qu’elle invoque une violation du principe d’égalité des armes, élément essentiel du droit à un procès équitable garanti par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et une atteinte aux droits de la défense ;

Que la société G Star Raw répond que le procès-verbal ne fait que décrire les simples constatations objectives de l’huissier de justice, lequel n’a procédé à aucun acte contraignant ni émis d’avis subjectif et que le fait que celui-ci soit assisté par une stagiaire du cabinet d’avocats représentant ses intérêts ne porte atteinte ni aux exigences d’un procès équitable, ni aux droits de la défense ;

Considérant, ceci exposé, que la contrefaçon de droits d’auteur, en tant que fait juridique, peut être prouvée par tous moyens, et donc par un simple constat d’huissier – et spécialement un constat d’achat, dont l’objet est de rapporter la preuve de la présence dans un magasin de marchandises arguées de contrefaçon – dès lors que celui-ci, une fois dressé, est régulièrement soumis au débat contradictoire ;

Que l’impossibilité pour un huissier ne disposant pas d’autorisation judiciaire préalable de pénétrer et d’opérer dans un lieu privé justifie la pratique consistant pour lui, comme en l’espèce – où les opérations ont été menées par un clerc habilité aux constats – à demeurer à l’extérieur du magasin, à constater que la personne qui l’assiste est entrée dans les lieux les mains vides et en est ressortie avec le produit litigieux et le ticket de caisse, qu’elle lui a remis, à procéder à un cliché numérique du produit et à l’annexer, avec le ticket de caisse, au procès-verbal, le produit lui-même étant placé sous scellés ;

Que la circonstance que la personne assistant l’huissier ait été, non pas membre, mais simple stagiaire du cabinet d’avocat de la société requérante, est sans incidence, dès lors qu’il n’est argué d’aucun stratagème déloyal qui lui aurait permis de procéder à l’achat, dans chacun des deux magasins visités, d’un exemplaire du jean argué de contrefaçon ; qu’il n’est justifié d’aucune atteinte aux grands principes directeurs du procès, invoqués ici par la société H&M de façon purement théorique ;

Qu’il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il déboute la société H&M de sa demande en nullité du procès-verbal de

constat du 14 août 2009 et, y ajoutant, de rejeter sa demande subsidiaire tendant à voir déclarer ce procès-verbal irrecevable en tant que preuve et à le voir écarté des débats ;

* sur la demande en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 janvier 2011 :

Considérant que la société H&M fonde en premier lieu sa demande sur le fait que la saisie a été ordonnée par le juge de la mise en état qui n’en a pas le pouvoir ;

Que la société G-Star Raw C. V. lui répond que la requête était présentée au président de la chambre à laquelle était distribuée, conformément à l’article 812, alinéa 3, du code de procédure civile, et que c’est à la suite d’une erreur purement matérielle qu’il a été fait mention dans l’ordonnance de ce qu’elle était rendue par le juge de la mise en état ;

Considérant qu’il n’est pas contesté qu’en application de l’article 812, alinéa 3, du code de procédure civile, dès lors que la juridiction est saisie au fond, la requête en saisie-contrefaçon doit être présentée au président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ;

Qu’en l’espèce, force est de constater que si la requête présentée le 12 janvier 2011 en cours d’instance par la société G-Star International B.V. était adressée à 'Madame le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris 3e chambre 1re section, l’ordonnance autorisant la saisie contrefaçon rendue le même jour porte la mention manuscrite de ce qu’elle a été rendue par 'Th. A(… ) agissant en sa qualité de JME', et ce, nonobstant la présence des pré-inscriptions 'Président’ et 'Fait en notre cabinet' portées sur le projet d’ordonnance annexé à la requête par la société requérante, de sorte qu’il ne saurait être valablement soutenu que cette mention procède d’une simple erreur matérielle, peu important qu’elle ait été portée par le magistrat en dehors de toute audience de mise en état ; que cette ordonnance ayant ainsi été rendue par un juge dont il n’entrait pas dans les pouvoirs d’autoriser la saisie contrefaçon, cette dernière ne peut qu’être annulée ;

Qu’il convient donc, par ces motifs substitués à ceux des premiers juges, de confirmer le jugement en ce qu’il prononce la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 14 janvier 2011 ;

* sur la matérialité des actes de contrefaçon :

Considérant que la société G-Star Raw C.V. soutient que la société H&M a commis des actes de contrefaçon en commercialisant le jean référencé 'Jeans Young 386580" reproduisant les caractéristiques essentielles précitées de son jean 'Elwood';

Que la société H&M lui objecte que la comparaison doit être effectuée entre les deux objets tels qu’ils se présentent dans toutes leurs caractéristiques, et non en sélectionnant de façon artificielle celles qui, selon la société intimée, leur seraient communes, et s’attache donc à exposer les différences dont il résulte, selon elle, une impression visuelle d’ensemble radicalement différente ;

Considérant, ceci exposé, qu’il suit des dispositions de l’article L122- 4 du code de la propriété intellectuelle que la contrefaçon d’une œuvre de l’esprit est réalisée à raison de la reprise des caractéristiques essentielles qui sont au fondement de l’originalité de l’œuvre ;

Qu’au regard de ces règles, et compte tenu des caractéristiques essentielles dont la combinaison a été précédemment revendiquée et reconnue comme étant au fondement de l’originalité du jean 'Elwood', sans nécessité d’y inclure la forme tridimensionnelle, c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu l’existence d’actes de contrefaçon ; qu’il y a seulement lieu d’ajouter que les différences signalées par la société H&M directement liées à ces caractéristiques dans le pantalon 'Jeans Young 386580" (empiècements de forme arrondie au niveau des genoux légèrement plus oblongues, forme en triangle allongé des surpiqûres placées au centre au lieu d’une ligne horizontale, coutures en diagonale situées sous les poches n’allant pas jusqu’au bord intérieur du pantalon, du fait de la présence d’une surpiqûre longitudinale, bande horizontale située au bas de chaque jambe à l’arrière du jean se prolongeant à l’avant) n’affectent pas leur substance même telle que retenue pour asseoir l’originalité du jean 'Elwood’ et, de même que les autres différences signalées entre les deux pantalons par la société H&M (telles que la forme tridimensionnelle, l’absence de rivet à l’extrémité des poches avant, la présence d’une troisième poche à l’avant, le nombre et la configuration des passants de ceinture, la forme et l’ornement des poches arrières, l’absence de surpiqûre en forme de selle à l’arrière), sont trop minimes pour entamer l’impression d’ensemble de ressemblance qui s’en dégage ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il dit que le jean vendu et/ou proposé à la vente sous la référence « Jeans Young 386580 » par la société H&M contrefait le jean « Elwood » sur lequel la société G-Star Raw C.V. est titulaire de droits d’auteur ;

— sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire :

Considérant que contrairement à ce que prétend la société G-Star Raw C.V. les circonstances tenant à la situation dans les mêmes zones géographiques de points de vente des deux sociétés concurrentes, l’utilisation pour les jeans contrefaisants d’un tissus de moindre qualité et la vente de ces derniers à prix moindre (39,90 € au lieu de 109 €) – et non à perte -, de même que l’identification auprès

du public des jeans 'Elwood’ comme un de ses produits phares ne constituent pas des actes distincts de concurrence déloyale ou de parasitisme, mais des facteurs aggravant de la contrefaçon, susceptibles d’être pris en compte au titre des mesures réparatrices, étant observé au demeurant que la société intimée ne précise pas la part des investissements spécifiquement consacrée à ces jeans ;

Que le jugement doit donc encore être confirmé en ce qu’il déclare la société G-Star Raw C.V. irrecevable en ses demandes au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

* sur les mesures de réparation :

Considérant que si les actes de contrefaçon sont établis, la cour ne dispose d’aucun élément permettant d’apprécier la masse contrefaisante ; qu’à cet égard, le tribunal à justement ordonné une mesure d’interdiction, avec une astreinte correctement évaluée et une mesure de retrait et de destruction, sans astreinte ; qu’une mesure de publication ne s’avère pas justifiée eu égard aux circonstances de l’espèce ; que le jugement doit être confirmé de ces chefs ;

Considérant que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a ordonné une mesure avant dire droit sur l’évaluation du préjudice, renvoyé les parties à défaut d’accord à saisir à nouveau le tribunal et rejeté la demande d’expertise ; qu’il y a lieu de le confirmer de ces chefs et, eu égard à ces dispositions et en l’absence de production devant la cour de tout élément permettant d’amorcer une évaluation de ce préjudice, de le confirmer également du chef du rejet de la demande de provision ;

— sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive :

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté cette demande de la société H&M ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance et le jugement en toutes leurs dispositions,

Y ajoutant,

Rejette toutes autres demandes, Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société H&M et la condamne à payer à la société G-Star Raw C.V. la somme de 5 000 €,

Condamne la société H&M aux dépens.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 2 juin 2015, n° 2014/03083