Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 13 avril 2018, n° 16/22458

  • Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Imitation de la dénomination·
  • Différence intellectuelle·
  • Contrefaçon de marque·
  • Différence phonétique·
  • Concurrence déloyale·
  • Pneu et clé anglaise·
  • Relations d'affaires·
  • Secteur géographique·
  • Risque de confusion

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’enseigne ReparAuto ne constitue pas la contrefaçon de la marque complexe REPARECO. Le terme « répar » est extrêmement banal et d’un usage commun à l’occasion d’activités ayant pour objet la réparation, notamment de véhicules automobiles. Conceptuellement, le terme ECO de la marque antérieure met en valeur l’aspect économique alors que l’enseigne comporte la mention Auto qui n’est pas distinctive de l’activité d’un garage ayant une activité de réparation. En conséquence, le consommateur d’attention moyenne ne sera pas amené à opérer une confusion avec un autre garage exerçant sous la marque REPARECO. De plus, si les deux entités exercent leurs activités dans un secteur géographique proche, à savoir dans le même département et à une distance de 30 kilomètres l’une de l’autre, il n’en demeure pas moins qu’elles sont situées sur deux communes distinctes et qu’elles ne se situent pas sur un axe de passage obligé. Ainsi, malgré la faible distance les séparant, le consommateur ne fera pas le rapprochement entre elles, d’autant que, dans un rayon proche il existe d’autres garages ayant une activité de réparation.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 13 avril 2018

Pôle 5 – Chambre 2

(n°71, 6 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 16/22458 Décision déférée à la Cour : jugement du 28 octobre 2016 – Tribunal de grande instance de PARIS -3e chambre 3e section – RG n°13/14186

APPELANTE S.A.R.L. REPARECO, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé […] 77240 VERT-SAINT-DENIS Immatriculée au rcs de Melun sous le numéro 498 035 955 Représentée par Me Anne-Claire LE JEUNE, avocat au barreau de PARIS, toque E 394

INTIMEE S.A.R.L. ESTEVES AUTO, prise en la personne de ses mandataires sociaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] 77720 LA CHAPELLE-GAUTHIER Immatriculée au rcs de Melun sous le numéro 788 845 758 Représentée par Me Philippe CHEVALIER de la SELAS LES CONSEILS AVOCATS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque PC 8

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 mars 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Colette PERRIN, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Colette PERRIN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Colette PERRIN, Présidente Mme Véronique RENARD, Conseillère Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole T

ARRET : Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Réparéco, créée en 2007, immatriculée au RCS de Melun (Seine-et-Marne), qui a pour objet, d’une part, la réparation de véhicules automobiles, d’autre part, la location de matériels notamment de ponts, exerce son activité à Vert St Denis et à Melun (Seine-et-Marne).

Elle a mis au point un nouveau concept dit de « self-garage » permettant au client de d’effectuer lui-même, sous le contrôle d’un technicien, des petites réparations de véhicules. Elle a déposé la marque française semi-figurative 'Réparéco’ n°12/3920286 auprès de l’INPI le 14 mai 2012 ; celle-ci a été enregistrée le 7 septembre 2012 dans les classes suivantes :

12 : Véhicules : moteurs pour véhicules terrestres ; amortisseurs de suspensions pour véhicules ; carrosseries ; chaînes antidérapantes ; châssis ou pare-chocs de véhicules ; stores (pare-soleil) pour automobiles,

37 : Nettoyage ou entretien de véhicules ; assistance en cas de pannes de véhicules (réparation) ; rechapage ou vulcanisation (réparation) de pneus ;

41 : Formation ; recyclage professionnel.

Elle avait pour perspective le développement de son activité dans le cadre d’une franchise.

La société Estèves Auto, immatriculéee le 18 octobre 2012, exerce à la Chapelle Gonthier en Seine-et-Marne une activité de réparation et l’entretien de véhicules automobiles sous l’enseigne REPARAUTO.

La société Réparéco soutient que les dirigeants de la société Estèves Auto avaient pris son attache pour obtenir des renseignements sur le contrat de franchise qu’elle proposait, sans y avoir donné suite.

Considérant que l’exercice par la société Estèves Auto d’une activité identique dans le même département, et l’homophonie de son enseigne avec la marque dont elle est titulaire, constituait une contrefaçon, la société Réparéco a mis en demeure, par lettre de son

avocat en date du 7 juin 2013, la société Estèves Auto de cesser d’utiliser l’appellation REPARAUTO.

C’est dans ces conditions que la société Réparéco a assigné, par acte d’huissier de justice délivré le 25 septembre 2013, la société Estèves Auto devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et à titre subsidiaire pour « acte de parasitisme dans le cadre d’une concurrence déloyale ».

La société Reparauto a déposé la marque verbale française Reparauto Garage le 2 octobre 2014. Par un jugement contradictoire en date du 28 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Paris :

— rejeté les demandes présentées par la société Réparéco ;

— rejeté la demande reconventionnelle pour procédure abusive ;

- condamné la société Réparéco à payer à la société Estèves Auto une somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Réparéco a interjeté appel du jugement le 10 novembre 2016.

Par dernières conclusions électroniques notifiées le 31 janvier 2017, la société Réparéco demande à la Cour de :

— infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau : à titre principal :

- constater et dire que la SARL Estèves Auto s’est rendue coupable du délit de contrefaçon de marque ;

en conséquence :

- faire interdiction à la SARL Estèves Auto d’utiliser le nom « REPARAUTO» à titre d’enseigne sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir
- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de la société Estèves Auto dans deux journaux au choix de la société Réparéco.

à titre subsidiaire :

- constater et dire la société Estèves Auto s’est livrée à un acte de parasitisme dans le cadre d’une concurrence déloyale à l’égard de la société Réparéco


- déclarer la société Estèves Auto responsable sur le fondement de l’article 1382 du Code civil

en tout état de cause :

- condamner la société Estèves Auto au paiement de 18 321,80€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice économique,
- condamner la société Estèves Auto au paiement de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- condamner la société Estèves Auto au paiement de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions électroniques notifiées le 28 mars 2017, la société Estèves Auto demande à la cour de :

— confirmant le jugement entrepris ;

— débouter la société Réparéco de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant
- condamner la société Réparéco au paiement de la somme de 25.000 euros pour procédure abusive à l’encontre de la société Estèves Auto ;

- condamner la société Réparéco au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Réparéco aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Philippe Chevalier, avocat au barreau du Val-de- Marne, membre de la SELAS LCA, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2018.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la contrefaçon

La société Réparéco fait valoir qu’elle a engagé une action en contrefaçon et concurrence déloyale à l’encontre de la société Estèves Auto sur la base de l’enseigne que celle-ci utilisait et qui était alors Reparauto et non Reparauto Garage, la mention garage n’ayant été apposée qu’en cours de procédure.

Elle produit les conclusions déposées le 27 janvier 2014 par la partie adverse devant le juge de la mise en état dans lesquelles il n’est pas fait mention du terme garage; au demeurant la société Reparauto n’a déposé la marque Reparauto Garage que le 2 octobre 2014.

Le kbis de la société Estèves Auto mentionne qu’elle exerce sous l’enseigne REPARAUTO ; toutefois, si son enseigne telle que figurant en photocopie aux pièces qu’elle a produites, comporte la mention garage positionnée en dessous du signe Reparauto et en lettres deux fois plus petites, le terme de garage ne fait que signaler la nature de l’activité effectivement exercée et n’a pas de caractère distinctif.

En toute hypothèse la cour n’est saisie que d’une demande de contrefaçon de la marque Réparéco par le signe REPARAUTO.

La marque antérieure est une marque verbale figurative, qui se présente sous forme de 'pneus en position horizontale associé à une clé anglaise en position diagonale en couleur noir et blanc, jaune et argent', comportant le terme Réparéco en lettres majuscules toutes identiques. Elle porte sur les classes 12, 37 et 41, cette dernière classe visant les activités 'éducation; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles’qui se rapportent à l’activité spécifique précitée de la société Réparéco et qui ne sont pas similaires à celles exercées par la société Estèves Auto, en revanche les activités en classe 12 et 37 étant identiques, il y a lieu de rechercher s’il existe un risque de confusion résultant de l’enseigne de la société Estèves Auto.

L’appelante fait valoir que les signes Réparéco et REPARAUTO présentent une ressemblance auditive certaine du fait de leur consonnance identique.

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il existe entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Les deux signes présentent le même phénomène labial d’attaque 'REPAR’ suivie du même nombre de syllabes (2) et se terminent par le même son 'O'; toutefois les sons ECO et AUTO sont deux sons ayant une résonnance distincte.

Conceptuellement le terme 'Repar’ a trait à une activité identique de réparation,' étant en cela extrêmement banal et d’un usage commun à l’occasion d’activités ayant pour objet la réparation notamment de véhicules automobiles ; la marque antérieure a ajouté le terme ECO mettant en valeur l’aspect économique ; en revanche l’enseigne de la société Estèves Auto comporte la mention Auto qui n’est pas distinctive de l’activité d’un garage ayant une activité de réparation de sorte que le consommateur d’attention moyenne ne sera pas amené à opérer une confusion avec un autre garage exerçant sous la marque Réparéco.

De plus, si les deux entités exercent leurs activités dans un secteur géographique proche à savoir dans le même département et à une distance de 30 kilomètres l’une de l’autre, il n’en demeure pas moins qu’elles sont situées sur deux communes distinctes et qu’elles ne se situent pas sur un axe de passage obligé pour le consommateur de sorte que celui-ci malgré la faible distance les séparant ne fera pas le rapprochement entre elles, d’autant que, dans un rayon proche il existe d’autres garages ayant une activité de réparation.

En conséquence, c’est à bon droit que les premiers juges ont dit qu’il n’y avait pas de risque de confusion et le jugement sera confirmé en ce qui concerne le chef de contrefaçon.

Sur la concurrence déloyale

La société Réparéco soutient que la société Estèves Auto a commis des actes de parasitisme pour avoir tiré profit de sa notoriété dans le département de la Seine-et- Marne.

Toutefois, elle fonde cette demande sur l’utilisation du signe REPARAUTO et sur le fait que la société Estèves Auto s’est placée dans le sillage du modèle économique qu’elle lui avait proposé sous la forme d’une franchise et qu’elle en était parfaitement consciente puisqu’en cours de procédure elle a ajouté la dénomination 'garage’ à son enseigne initiale ; elle indique qu’elle a aussi utilisé son code chromatique.

La mention garage, quand bien même a-t-elle été ajoutée par la société Estèves Auto en cours de procédure ne saurait être qualifiée de fautive dès lors qu’elle correspond exactement à son activité. Quant aux couleurs, la société Réparéco ne les précise pas et à fortiori ne caractérise aucune utilisation de couleurs qui auraient créé une quelconque confusion.

Par ailleurs, si la société Estèves Auto a pu recueillir des informations sur le modèle proposé par la société Repaeco, pour autant elle était libre de créer sa propre activité de réparation de voitures en dehors de toute franchise sans qu’il en résulte la démonstration d’actes de parasitisme.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges. Sur la demande de dommages et intérêts de la société Estèves pour procédure abusive

La société Estèves Auto fait valoir qu’elle a été victime d’une procédure abusive de la part de la société Réparéco alors même que la société Réparéco n’a formé aucune opposition au dépôt de sa marque qui reprenait son enseigne.

Toutefois elle ne saurait tirer argument de ce fait, la société Réparéco ayant le libre choix de la procédure à’engager et ayant pu se méprendre sans aucune mauvaise foi sur ses droits. En conséquence il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Estèves Auto de sa demande.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

La société Estèves Auto ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré, Y ajoutant, CONDAMNE la société Réparéco à payer à la société Estèves Auto la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société Réparéco aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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